Lizzie Crowdagger's Blog, page 5
May 9, 2020
Mes deux cents sur Streets of Rage 4 et sa narration
À la base, je n’avais pas spécialement prévu de publier de « critiques » sur ce blog, parce que j’ai rarement des choses très pertinentes à dire, mais là il se trouvait que j’avais quelques idées que j’avais envie de coucher sur papier à propos d’une œuvre qu’on pourrait qualifier de relevant des domaines de l’imaginaire, puisqu’il s’agit de… Streets of Rage 4. Oui, c’est un jeu vidéo. De bagarre.
Alors, il ne s’agira en fait pas d’une vraie critique à proprement parler, parce qu’une vraie critique doit savoir éviter de partir dans « comment j’aurais fait moi », et c’est à peu près exactement ce que je vais faire en me consacrant sur le scénario de ce jeu, pas pour donner des leçons mais juste pour poser quelques idées, au cas où ça intéresserait des gens et parce que moi en tout cas je m’intéresse en ce moment à l’écriture de/dans les jeux vidéos.
Streets of Rage 4Streets of Rage est à la base une série de trois jeux vidéo sortis sur Megadrive (ou Genesis) au début des années 1990. Il s’agit d’un beat’em all, c’est-à-dire d’un jeu où, seul ou à deux, on va parcourir les rues, bateaux, bars et autres grattes-ciels en tabassant tous les ennemis sur notre chemins, à mains nues (le nom du jeu au Japon est d’ailleurs Bare Knuckles). Considérée comme une des meilleures séries dans ce genre, il n’y a pourtant pas eu de nouveau jeu de cette licence en 25 ans, jusqu’à ce que ce que les studios français et canadiens de DotEmu, LizardCube et GuardCrush s’unissent pour nous proposer un nouvel épisode avec la bénédiction de Sega.
Sur l’aspect gameplay, je ne me prononcerai pas parce que je ne suis pas experte dans ce domaine. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai acheté le jeu parce qu’il ne coûtait que 25€ en pensant faire deux ou trois parties et le ressortir éventuellement si j’avais des potes, et qu’au lieu de ça j’ai passé vraiment beaucoup trop de temps ces derniers jours à faire et à refaire tous les niveaux de ce jeu que je trouve beaucoup trop addictif.
Le scénario d’un beat’em all ?
Mais ce dont je voulais parler, c’est à mon avis la seule chose que je considère un peu faible dans ce jeu, c’est-à-dire le scénario, et plus spécifiquement la narration à proprement parler via les cinématiques et les dialogues. Entendons-nous bien : dans ce genre de jeu, ce n’est pas le plus important. On peut même dire que c’est assez anecdotique, et à l’époque des années 1990 il y avait juste un peu de texte sur l’écran titre ou dans la notice et ça suffisait très bien. Je ne veux pas dire qu’il faudrait plein de scènes cinématiques en plus, cent mille lignes de dialogues ou un mode RPG.
Un aspect intéressant de ce genre de jeu, c’est d’ailleurs que l’histoire passe aussi par d’autres biais, que ce soit le design et l’animation des personnages, l’évolution des décors qu’on parcourt et des ennemis qu’on affronte, de la musique (qui s’adapte ici en fonction de ce qui se passe à l’écran), etc. Donc la partie sur laquelle je me concentre ici est finalement assez accessoire.
Cela dit la question, c’est à quoi peut servir la narration (au sens défini avant : cinématiques, textes et dialogues uniquement) dans ce genre de jeu. Et je vois quand même plusieurs choses :
Servir de prétexte pour justifier qu’on va se balader dans toute la ville en tabassant à peu près tout les gens qu’on croise avec tout ce qui nous tombe sous la main.
Renforcer le lien avec les personnages. Dans ce type de jeu, les personnages sont super importants, il y a un sentiment jouissif à les incarner, il y a un style différent qui passe assez peu par le scénario et beaucoup plus par le gameplay et le le design, mais ça ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire à ce niveau.
Donner le ton du jeu (pour l’intro). En l’occurrence je trouve que Streets of Rage c’est de la « violence bon enfant » : il n’y a pas de sang, encore moins d’éviscérations à la Mortal Kombat, on devient potes avec un certain nombre d’adeversaires qu’on affronte, on est plus dans un truc limite cartoon ou manga et ce n’est pas un jeu qui se prend forcément très au sérieux.
Donner une récompense au joueur (pour la fin). Quand t’as galéré à enfin finir le jeu, ça peut être cool d’être récompensée par un truc un peu sympa et marquant. Par exemple, le scénario de Street Fighter 2 est à peu près inexistant mais je conserve des souvenir de la première fois où j’ai réussi à finir le jeu (avec un certain niveau de difficulté il me semble ?) et à voir deux lignes de texte et une image de Zangief dansant avec Gorbatchev.
Mes idées
Pour ce qui est de ce que j’en pense, ce que le jeu arrive bien à faire ou pas et ce que je pourrais envisager pour un jeu de ce genre :
Sur le premier point, le jeu donne un prétexte pour l’affrontement, mais pas vraiment pour le fait qu’a peu près tous les gens qu’on va croiser seront des ennemis. Ce n’est pas très grave parce que c’est le présupposé de ce genre de jeux, mais je pense qu’en partant sur quelque chose à la John Wick 2, où le protagoniste a sa tête mise à prix maximum et tout le milieu de l’underworld qui veut sa peau, ça pourrait justifier intradiégétiquement que les personnages ne puissent pas faire trois pas dans la rue sans tomber sur quelqu’un qui veut les taper. On pourrait envisager un « stage zéro », qui pourrait aussi servir de tutoriel (un autre point sur lequel ce jeu pêche peut-être un peu) avec quelques adversaires de base qui admettraient ensuite travailler pour les méchants (Mr et Ms Y), éventuellement une menace par téléphone « je viens te chercher / je vais mettre ta tête à prix » et qui pourrait présenter les choses de manière un peu plus dynamique.
Pour le lien avec les personnages, je trouve vraiment dommage que le scénario soit exactement le même quelque soit le personnage qu’on joue. Je comprends évidemment les contraintes en termes de budgets et de temps (il s’agit de petites équipes), mais il me semble que juste quelques lignes à certains endroits qui dépendraient du personnage, avec quelques répliques cools qui permettent de renforcer le caractère de chacun, ça ne coûterait pas forcément grand chose en plus et ça pourrait être sympathique.
Une autre approche qui demanderait plus de temps et qui est faite dans pas mal de jeux c’est l’insertion de répliques contextuelles dans le jeu, prononcées par les personnages. Cela dit, si je trouve que ça peut être très sympathique, ça peut aussi être casse-gueule quand tu as l’impression d’entendre les mêmes deux ou trois phrases en boucle.
Pour l’intro, je trouve qu’elle réussit pour le coup à très bien donner le ton du jeu, à la fois par le design graphique, par le fait que ça reprenne les codes des anciens Streets of Rage et que ça s’inscrit vraiment dans une suite presque directe. (Même si, comme dit au-dessus, l’allonger d’un stage tutoriel qu’on peut passer ne me semblerait pas indigeste).
En revanche, je trouve la fin un peu frustrante, parce qu’une fois le dernier boss vaincu, on arrive directement sur les crédits, qui incluent certes quelques images (mais là encore, toujours les mêmes). Il ne s’agit évidemment pas d’avoir une heure de cinématique, mais juste un petit texte de fin et une image adaptée au personnage qui peut revenir chez lui, je trouve que ça donne un côté un peu sympa. Par exemple, depuis le premier Streets of Rage il est spécifié qu’Adam a pour hobby les bonzais, est-ce que ça ne serait pas trop bien de le voir s’occuper de ses bonzais à la fin du jeu ? Après, dans les faits, il y a d’autres mécanismes de récompense : débloquer certains vieux personnages, obtenir un certain rang, débloquer un trophée, etc., mais ce petit truc en plus ne ferait pas de mal.
Évidemment, les quelques points de critique que j’ai pu faire sont très mineures, d’autant plus que cet aspect reste vraiment un point peu important pour ce genre de jeu et qu’on finit toujours par passer au bout de quelques parties parce que, soyons honnête, on est là pour jouer, pas pour niaiser. Mais c’est justement ça que je trouve intéressant : au départ j’avais prévu un billet du genre à propos de Final Fantasy 7 Remake, mais ça n’avait pas grand intérêt parce qu’au final c’est très proche d’un scénario de roman de fantasy et des questions que je peux me poser en écrivant des romans. En revanche, je trouve raffraichissant de me demander ce que je pourrais faire en termes d’écriture si je travaillais sur un jeu où justement le scénario en lui-même est plutôt périphérique.
Et sinon…
Vous pouvez retrouver mes textes de fiction sur mon site. Pour être au courant de mes dernières parutions, n’hésitez pas à vous abonner à ma newsletter (faible trafic, pas plus d’un message par mois). Pour me permettre de pouvoir continuer à diffuser des textes et éventuellement pourquoi pas de m’aventurer un jour vers l’aspect vidéoludique, vous pouvez me soutenir sur Tipeee à partir d’1€ par mois, ce qui vous donnera accès à mes prochaines œuvres de fiction en avant-première.
Post-scriptum
Au cas où des développeurs liraient ce billet (puisqu’ils sont francophones et ont l’air de regarder un peu les retours sur leur jeu) : vous pouvez ignorer à peu près tout mon avis sur la narration (dont on se fiche assez) mais, par contre, Estel jouable ce serait vraiment cool.
March 23, 2020
Police des courses — Journal de confinement (avec une vampire), jour 7
Aujourd’hui, je suis retournée faire quelques courses. Ouais, désolée, j’y vais trop souvent, mais le voisin a décidé de se remettre à la guitare sèche alors c’était ça ou avoir un contact physique, fortement rapproché et de grosse intensité.
Au supermarché, on nous laissait rentrer au compte-gouttes. Résultat, il a fallu faire la queue pendant près d’une heure. Je ne me plains pas, notez, quitte à faire une sortie du jour, ça m’a permis de profité un peu du soleil en fumant des clopes. D’habitude, je n’assume pas trop de fumer des clopes en faisant la queue, même dehors, rapport aux gens qui supportent pas la fumée, mais avec les nouvelles normes de distanciation sociale on peut le faire, alors c’est cool.
Après, j’ai fait les courses, rien de transcendant à raconter. Passée à la caisse. Le caissier était censé être protégé par du cellophane étendu à l’arrache. Je suis restée sceptique devant l’efficacité de la chose, mais bon, être sceptique, ça désinfecte, je suppose, donc c’est toujours ça de pris. Au moins, il disait à la cliente précédente qu’il avait reçu un masque aujourd’hui. Je ne sais pas pourquoi il tient à en avoir un, vu que le gouvernement nous répète que ça ne sert à rien si on est pas médecin.
Bref, j’ai pris mes courses et je me suis dirigée vers ma moto pour rentrer. Alors que je passais le coin du supermarché, oh oh, problème, il y avait des flics qui vérifiaient les attestations. J’avais mon attestation, hein, notez, je suis une fille sérieuse. Mais j’ai jeté un coup d’œil à mon cabas, et je me suis dit que la police des courses n’allait pas apprécier d’y voir un pack de Coca et deux paquets de chips.
Merde, merde, merde.
J’ai repensé à la vidéo que j’avais vue sur Internet de la nana qui se faisait admonester parce qu’elle avait le même genre de courses que moi. Est-ce qu’elle avait fini par se bouffer une amende de 135 € pour ça ? Je ne savais plus, mais j’étais sure de n’avoir aucune envie de m’en prendre une.
Heureusement, pour l’instant, les policiers me tournaient le dos. Je suis donc passée en faisant le moins de bruit possible et je me suis planquée en m’agenouillant derrière une voiture. J’ai pu, comme ça, passer à côté d’eux en passant furtivement de voiture en voiture, mais j’ai rapidement arrêté de pouvoir avancer comme cela.
Les trois flics en uniforme étaient placés juste à côté de ma moto.
Que faire ? J’ai réfléchi rapidement, et j’en ai conclu à la solution logique que j’avais déjà pratiquée un certain nombre de fois. J’ai repéré un gros caillou et je l’ai saisi dans ma main. Le plan était simple : le lancer suffisamment loin mais pas trop pour que ça fasse du bruit et qu’ils aillent examiner le coin, me laissant monter sur ma bécane et décarrer d’ici.
Ça a bien marché. Trop bien, même. La caillasse a atterri sur le pare-brise d’une bagnole, le fracassant à moitié et déclenchant l’alarme. Oups. Au moins, ça a marché. Les policiers se sont tournés vers l’origine du bruit, et deux d’entre eux se sont dirigés vers la voiture pour voir ce qu’il se passait.
Malheureusement, le troisième était moins discipliné et était en train de s’allumer une cigarette, l’air vaguement amusé de la scène, et toujours à deux pas de ma moto. Damn it. Il allait falloir passer à l’étape supérieure.
Je me suis approché à pas de loup derrière le policier fumeur, tandis que ses collègues arrivaient près de la voiture.
— Hein ? a-t-il fait alors que j’arrivais derrière lui.
C’était trop tard. J’avais placé mon bras droit de façon à serrer son cou avec mon coude (dans lequel j’avais toussé, vraiment désolée), et je tirais sur mon bras droit avec mon gauche, de façon à accentuer la pression.
— Ne résiste pas, ai-je dit d’une voix douce alors qu’il s’affaissait.
Alors qu’il gisait par terre et que ses collègues examinaient la voiture dont l’alarme sonnait, j’ai démarré ma moto sans prendre le temps de mettre les courses dans la sacoche, me contentant de garder le cabas à mon coude. Ensuite, j’ai démarré et fui aussi vite que je pouvais.
Ouf. Misison accomplie.
***
Quelques minutes plus tard, je m’installais sur le canapé à côté de Rouge, un verre de Coca à la main et des chips sur la table basse.
— Ça s’est bien passé, les courses ? a-t-elle demandé.
— Un peu de queue, mais rien à signaler.
March 22, 2020
Journal de confinement (avec une vampire) — Sixième jour
Wesh journal. Quelques petites nouvelles du jour, pour la postérité.
La situation interne de notre couple s’est stabilisée. Animal Crossing a vraiment fait du bien à Rouge, et on est repassées sur une situation comme ça devrait l’être, d’entraide et de soutien mutuel plutôt que d’énervement réciproque.
On s’est même fait un peu des câlins hier soir. J’ai quand même porté un masque et des gants, au cas où. D’accord, ce n’était pas pour réduire le risque de contamination au sein de notre couple, mais plutôt le signe que cette pandémie a au moins eu le mérite de réveiller quelques fétiches.
Sinon, on pourrait croire que tout va bien, mais un nouveau problème a surgi. Les putains de piafs. Sérieusement, je n’en peux plus. On n’entend qu’eux. Piou piou piou et gnagnagna. L’angoisse.
Et le pire, c’est que sur les réseaux sociaux, tous les connards de hippies sont en mode « c’est fabuleux, on entend les petits zozios et plus de bruits de moteurs ». Allez mourir, je veux pouvoir réentendre la douce symphonie de moteurs à grosse cylindrée qui se tirent la bourre dans les rues. En plus, les rues sont vides, ce serait le bon moment pour se tirer la bourre sans mettre personne en danger.
Et je ne parle même pas des connards malthusianistes à tendance eugéniste qui trouvent que cette pandémie est géniale parce que la nature reprend ces droits et tant pis si quelques centaines de milliers de « faibles » meurent dans le processus. Purée, même moi qui suis misanthrope j’arrive à ne pas être autant une trouduc, canalisez-vous.
Quand on pourra ressortir, il y aura des coups de tondeuse à passer, mais pour l’instant, je ronge mon frein. En attendant, j’essaie au moins de prévoir une stratégie pour les piafs. Je me disais que je pourrais leur tirer dessus au pistolet à billes, mais je n’ai pas de pistolet à billes, juste du 9mm qui parait tout de même un peu excessif. Aux prochaines courses, je prendrai peut-être du gros sel pour faire des munitions custom mais raisonnablement non létales pour les faire dégager.
Mais je devrais peut-être garder ma poudre pour les cas plus dangereux. Comme on nous le répète, ce n’est que le début, et la situation va s’aggraver. J’ai déjà vu des images de canards qui se promenaient dans Paris, j’espère qu’ils ne vont pas s’approcher de chez nous. Je peux pas blairer les canards, c’est vraiment des saloperies.
March 21, 2020
Journal de confinement (avec une vampire) — Cinquième jour
Bonjour cher journal. Je ne sais pas comment je dois m’adresser à toi, ça fait ridicule, non, de dire « bonjour cher journal » ? Bref.
À la maison, la situation s’est améliorée depuis hier et la sortie d’Animal Crossing. Rouge arrive à ne plus faire les quatre cents pas dans l’appartement et est partie explorer son île. Elle me bassine avec les pommes et sa canne à pêche, mais c’est plus habituel et tout à fait supportable. Moi, je suis allée buter des démons à Doom Eternal pour passer un peu le temps.
J’ai même tenté de faire comme les jeunes et de streamer un peu. Je ne sais pas comment on mate le chat en jouant et comment on fait pour voir combien de gens nous regardent jouer, mais il devait y en avoir un certain nombre, parce qu’hier soir, à ma grande surprise, quand j’ai fait un glory kill stylé sur un baron de l’Enfer tous les voisins se sont mis à applaudir. Pour un début je suppose que ce n’est pas trop mal.
Sinon, je suis allée faire quelques petites courses ce matin, enfin à onze heures, il ne faut pas déconner. J’ai été très surprise de voir les regards que les gens continuent à porter à mon masque et à mes gants. Ça me parait pourtant la base pour éviter les contaminations, non ?
D’accord, c’est peut être aussi parce que j’avais ressorti mon masque avec une tête de mort sur le bas de visage et mes gants coqués, mais bon, il faut bien que je fasse prendre un peu l’air à mon attirail de manif, parce que c’est mal parti pour qu’il y en ait une autre avant un moment.
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Je vais retourner buter des démons, ce n’est pas comme si j’avais grand chose d’autre à faire.
March 19, 2020
Journal de confinement (avec une vampire) — Troisième jour
Salut tout le monde, ou les gens qui liront ça un jour. Je m’appelle Bull, et ceci est le témoignage poignant que je veux offrir aux générations futures sur la situation que nous vivons en ce moment. Bon, d’accord, c’est surtout que je m’ennuie à mourir.
Aujourd’hui, c’est le troisième jour que nous sommes confinées, et je commence à me demander si je vais survivre à cette épidémie. Oh, je ne pense pas mourir de la maladie. D’accord, j’ai quelques critères de risques : fumer, obésité, hypertension. Mais c’est surtout que j’ai peur de finir par me défenestrer.
Il y a trois jours, après les annonces de notre président, j’ai eu un échange téléphonique avec ma daronne. Elle m’a proposé de prendre ma moto, quitter Lille, et aller la rejoindre à la campagne. J’ai refusé, évidemment. Trop bonne, trop conne. Pas envie de la mettre en danger. Pas envie de faire comme ces parigots tête de veau partis dans leur résidence secondaire.
Résultat, je vis maintenant cloitrée avec Rouge. Rouge, c’est ma meuf, et c’est aussi une vampire, ce qui pourrait laisser supposer qu’elle n’est pas obligée de rester confinée. Mais elle reste quand même dans l’appartement, à faire des allers-retours dans le salon pendant que j’essaie désespérément de faire autre chose. On a fini par un peu s’engueuler.
— Bordel, lui ai-je dit, tu ne veux pas t’arrêter ?
— Non, il faut faire un peu d’activité physique.
J’ai tenté de lui expliquer que, moi, oui, je devrais faire de l’activité physique, mon médecin n’arrête pas de me le répéter. Ce coup-ci, au moins, j’aurais une bonne excuse pour ne pas être sortie faire du vélo. Mais ça, c’est parce que je suis une humaine, et par ailleurs avec de certains problèmes de poids. Les vampires, eux, peuvent rester à faire la sieste pendant des putains de siècles et se réveiller frais et dispos, sans la moindre perte de masse musculaire. Enfin, quelque chose comme c’est.
— D’accord, a admis Rouge. C’est pour me calmer les nerfs.
— Tu ne calmes pas les miens !
— Désolée, a-t-elle dit.
Ensuite, elle s’est assise cinq minutes en pianotant sur son ordinateur portable. Après quoi, elle s’est relevée et s’est mise à faire des allers-retours.
— Nom de Dieu ! ai-je râlé. Tu ne veux pas aller marcher dehors ?
— On est en confinement.
— Tu es une putain de vampire ! Tu crois quoi, que tu vas tomber malade ?
Elle a haussé les épaules.
— On ne connait rien de ce virus. Et puis, les vampires peuvent parfois être porteurs sains. Ils ont été un grand vecteur de contagion pendant la peste noire.
— N’importe quoi, c’est des trucs de complotistes ! Ça a été débunké un milliard de fois, ces conneries.
J’avais appris ça au début de notre relation. Je voulais être sure de ne pas faire de conneries avec mon amante et je m’étais renseignée un peu sur les vampires. J’avais fini par regarder beaucoup trop de vidéos sur le sujet, notamment celles de vulgarisateurs qui pouvaient montrer qu’ils avaient un gros cerveau en montrant à quel point la théorie pondue par un survivaliste lunatique fréquentant 4chan était infondée. Ce qui, je suppose, était mieux que de ne regarder que les vidéos de survivalistes lunatiques fréquentant 4chan comme ma copine.
— Dans tous les cas, a-t-elle dit, il vaut mieux appliquer le principe de précaution. Je ne veux pas prendre le risque de propager la maladie.
— Tu ne la propages pas non plus si tu restes immobile, ai-je répliqué.
Elle a entendu le message, et est retournée sur son ordinateur portable. Cette fois-ci, elle a tenu un bon quart d’heure avant de se relever et de se remettre à faire les quatre cents pas dans le salon. Je ne sais pas cette fille angoisse tellement. Si j’étais une vampire, je ne me soucierais pas d’une épidémie qui touche les pathétiques mortels.
Mais, pour l’heure, je ne suis qu’une pathétique mortelle qui se dit que, si ce confinement dure, elle risque de péter une durite.
March 1, 2020
Sortie de La sorcellerie est un sport de combat
La sorcellerie est un sport de combat est sorti ! Ce roman est disponible en version numérique (ebook) à prix libre sur mon site, et à 2,99€ sur la plupart des plate-formes comme Amazon, Kobo, etc. Une version papier (livre broché) est également disponible pour 19€ et peut être commandée sur Amazon ou dans la librairie de votre choix.
Plongez dès maintenant dans ces tribulations de lesbiennes hooligans face à un sorcier nazi !
Quatrième de couverture
Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à émerger et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Elles sont prêtes à les recevoir.
À une époque, Razor était une sorcière, mais elle se tient maintenant aussi loin que possible de tout ce qui relève du surnaturel. Elle n’aspire qu’à boire des coups avec ses copines lesbiennes en écoutant de la musique et en tâchant de vivre avec ses problèmes d’anxiété.
Lorsqu’une nana qu’elle a rencontrée en soirée a non seulement le mauvais gout de se faire sauvagement trucider, mais aussi celui de se relever d’entre les morts sans le moindre souvenir, Razor, embêtée, se retrouve bien obligée de lui proposer son aide.
Devoir baby-sitter une toute nouvelle vampire n’est pas ce qu’elle avait prévu mais reste dans ses cordes. Ce qui l’inquiète plus, c’est que les assassins risquent bien de vouloir finir leur travail.
Razor va devoir, à nouveau, faire appel à ses connaissances occultes et enfiler ses bottes de combat. Elle est, cependant, loin de se douter que l’ennemi auquel elle devra faire face, en plus de sortir des heures les plus sombres de l’histoire, a des comptes touts personnels à régler avec elle.
Heureusement, Razor n’est pas seule, et elle pourra compter sur le soutien de ses amies qui, à défaut d’avoir beaucoup d’expertise en tueurs surnaturels, sauront au moins faire preuve d’enthousiasme face à l’adversité.
« Au pire, il n’y aura qu’à se rabattre sur des vieux slogans : mieux vaut une seconde debout que toute une vie à genoux, vivre libre ou mourir, et autres conneries dans le genre. »
Pour vous faire un avisPour vous faire une idée d’à quoi ça ressemble, un extrait (contenant les deux premiers chapitres) est disponible gratuitement,
Sinon, certain·e·s blogueuses et blogueurs ont eu l’amabilité de faire des critiques de ce livre, vous pouvez en consulter certaines sur :
Blog à part
Le monde de K6
February 17, 2020
Infos diverses
Bon, ça y est, j’ai déjà un peu raté ma bonne résolution 2020 de tenir ce blog un peu plus à jour…
Voici cependant, pour compenser un peu les billets que je n’ai pas écrits, quelques infos diverses :
Interview sur le site Plumes au vent
J’ai eu le plaisir de répondre à quelques questions pour le site Plumes au vent. Vous pouvez retrouver toute l’interview ici.
Celsius 1312
Comme vous l’aviez peut-être remarqué dans un précédent billet de blog, les commentaires de gens qui sacralisent le livre pour dénoncer les enseignants qui jetaient des manuels scolaires m’avaient un poil soulée. Ça m’a donné l’inspiration pour écrire une courte nouvelle de science-fiction, Celsius 1312.
La sorcellerie est un sport de combat
Je devrais normalement faire un autre billet plus détaillé dans les prochains jours, mais La sorcellerie est un sport de combat (pré-publié sur Tipeee comme saison 1 de Lacets rouges & magie noire, même si le format saison a un peu disparu) sortira enfin officiellement début mars. Vous pouvez retrouver toutes les informations sur la page dédiée sur mon site.
January 28, 2020
Cinq astuces pour avoir une langue fictive dans votre roman sans vous embêter à créer une langue fictive

Le saviez-vous ? JRR Tolkien lui-même
a commencé en griffonant des lettres
au pif et en faisant des blagues pour
inventer des mots, avant de créer des
justifications à postériori pour faire
sérieux et se la péter[réf. nécessaire].
Imaginons que vous écriviez un roman de fantasy ou de science-fiction, et qu’à un moment vos protagonistes rencontrent une peuplade étrangère. Quoi de mieux que de mettre une langue fictive pour augmenter le sentiment d’immersion ? Oui, mais voilà, vous avez autre chose à faire que de vous enquiquiner à inventer une nouvelle langue à partir de rien.
Ça tombe bien, dans cet article, je vais vous donner mes meilleures astuces pour faire croire que vous avez fait ce boulot !
Astuce #1 : ne pas mettre de langue fictive
Commençons par la méthode la plus simple : vous raviser, et ne tout simplement pas mettre de langue fictive. Pas de mots inventés, rien. Certes, ça peut être compliqué dans certains cas, mais pour le roman, en général on peut toujours se débrouiller dans mettre le moindre mot étranger (fictif ou pas) dans son texte. Après tout, soit les personnages parlent et comprennent la langue, et ça n’a donc pas forcément de sens de rendre un passage incompréhensible pour le lecteur ; soit ils ne la parlent pas, et il suffit de dire qu’ils ne comprennent pas ce qui est dit, qu’un autre personnage prononce un mot inconnu, etc.
Certes, on perd peut-être un peu d’immersion, et surtout vous perdez beaucoup de street-cred de vrai écrivain de fantasy si vous faites ça (pour peu que vous n’ayez pas mis de carte au début du livre, c’est la cata), mais ça reste une possibliité.
Astuce #2 : le rot13
Le principe du rot13 est de décaler toutes les lettres de l’alphabet de treize positions : A devient donc N, B devient O, etc. Vous pouvez coder/décoder en ligne sur beaucoup de sites, dont rot13.com. Ça ne marche pas forcément bien pour tous les types de langues, mais typiquement pour une incantation démoniaque ou ce genre de choses, ça donne un résultat qui ne marche pas trop mal. Par exemple, si vous tapez « Je mangerais bien des frites », vous obtiendrez :
Wr znatrenvf ovra qrf sevgrf
Bon, si on laisse tel quel, ce n’est pas forcément génial, mais vous pouvez toujours arranger un peu manuellement pour que ce soit un peu plus convaincant. Par exemple :
War znatrenv’f ovra qu’rf sevgrf!
Astuce #3 : écrire les mots à l’envers
Une autre astuce, si vous voulez simplement avoir quelques mots d’une langue étrangère fictive, c’est juste de prendre des mots et de les écrire à l’envers. Par exemple, pelleteuse deviendra esuetellep. Là encore, on peut faire un peu d’arrangement à la main pour qu ça rende un peu mieux.
DISCLAIMER : LES DEUX CONSEILS PRÉCÉDENTS SONT BIEN ÉVIDEMMENT IRONIQUES. N’IMPORTE QUEL ÉCRIVAIN QUI SE RESPECTE UN MINIMUM N’UTILISERAIT JAMAIS DES PROCÉDÉS AUSSI CHEAPS. EN PARTICULIER, LES PHRASES ET MOTS DE LANGUES ÉTRANGÈRES FICTIVES APPARAISSANT DANS PAS TOUT À FAIT DES HOMMES ONT ÉTÉ CONSTRUITES À PARTIR D’ANALYSES LINGUISTIQUES RIGOUREUSES ET CERTAINEMENT PAS EN UTIILISANT DE MÉTHODES AUSSI FEIGNANTES.
Astuce #4 : utiliser une langue réelle
Une autre méthode assez simple est, bien évidemment, d’utiliser une langue réelle. Pour des incantations ésotériques, le latin reste par exemple une valeur sûre. Un petit coup de Google Translate, et c’est marre. Ça peut aussi marcher pour des langues vivantes, d’autant plus quand vous vous inspirez déjà un peu d’un pays existant. Par exemple, dans Discworld de Terry Pratchett, les gens de Quirm parlent français. Évidemment, si vous avez un ton plus sérieux, il y a des chances que les gens viennent un peu pinailler et vous risquez, là-aussi, de perdre de la street-cred de vrai écrivain de fantasy, donc c’est à manier avec précaution. Oh, et aussi parce qu’on peut assez vite tomber dans des clichés racistes que vous allez avoir plus de mal à passer sous le tapis en disant « ah ah, non, mon peuple très clairement inspiré d’une culture existante est purement fictif et n’a rien à voir avec celle-ci, je ne sais pas ce que vous vous imaginez ! ».
Sinon, vous aussi pouvez aussi utiliser une langue construite, comme cette bande dessinée dont je ne me rappelle plus le nom qui a des démons qui parlent en espéranto.
Astuce #5 : utiliser une autre langue fictive
Mais quitte à utiliser une langue construite, pourquoi ne pas partir sur une langue fictive existante, comme l’elfique de Tolkien, le klingon de Star Trek, le dothraki de Game of Thrones, ou encore le créole belter de The Expanse ?
Ah, oui, il y a peut-être les soucis de copyright. Ce qui pose la question : est-ce qu’on peut copyrighter une langue, même si elle est fictive ? Si ça vous intéresse, il y a une interview en anglais de David J Peterson (qui a notamment travaillé sur les langues de Game of Thrones) qui parle un peu de ce sujet, et évoque la position de la Language Creation Society. En gros : ça devrait (idéalement) pas être soumis à copyright, mais si t’as du succès et que t’attires l’attention des potentiels ayants droits tu risque quand même d’avoir des soucis.
Et sinon…
Vous pouvez retrouver mes textes de fiction (qui, bien sûr, sont travaillés avec beaucoup plus de sérieux) sur mon site. Pour être au courant de mes dernières parutions, n’hésitez pas à vous abonner à ma newsletter (faible trafic, pas plus d’un message par mois). Pour me permettre de pouvoir continuer à diffuser des textes et de très bons conseils d’écriture, vous pouvez me soutenir sur Tipeee à partir d’1€ par mois, ce qui vous donnera accès à mes prochains textes de fiction en avant-première.
January 17, 2020
Elle est choquée par les enseignants qui jettent leurs livres ; ses raisons vont vous surprendre !
Pour protester contre la réforme des retraites, des enseignants ont jeté des manuels scolaire, dans la foulée d’autres professions, comme les avocats qui avaient jeté leur robe. Si l’action a été contesté par un certain nombre d’internautes et d’intellectuels dénonçant l’affront et la désacralisation faite aux livres, c’est pour de toutes autres raisons que Lizzie C. s’offusque :
« Je ne comprends pas l’intérêt de faire grève si c’est pour faire du travail gratuit. Est-ce que moi je fais grève en donnant des cours gratuitement ? ».
Lizzie est en effet stress-testeuse de livres. Une profession nouvelle, mais auxquels les éditeurs recourent de plus en plus pour évaluer en amont la solidité de leurs ouvrages.
« On commence par brûler des livres, explique-t-elle, et ensuite on fait un rapport détaillé sur la manière dont le feu s’est propagé, les odeurs émises, si cela a émis des fumées toxiques. »
Ses prestation dépendent cependant des éditeurs : certains ne prennent que le forfait de base, qui n’assure que le minimum vital en terme de solidité.
« Le jet de livres, c’est nécessaire, mais ce n’est pas suffisant. Déjà, il faut le jeter correctement, éviter de l’envoyer à l’horizontal et fermé, mais s’assurer qu’il s’ouvre et que les pages volent dans tous les sens. Mais, honnêtement, à part ceux qui ont une reliure vraiment minable, ce n’est pas là qu’on détecte soucis de solidité. »
Lizzie ne travaille pas seule : elle est épaulée par son chat.
« Les pages d’un livre ne résistent jamais aux griffes d’un chat qui s’enthousiasme dessus, mais il y a d’autres facteurs. Il y a des odeurs qui sont plus ou moins attirantes, des couvertures qui résistent mieux à un chat qui se détartre les dents dessus. Et après, il y a les tests liquides. On pourrait croire que tous les livres sont égaux face à l’urine de félins, mais certains ont les pages qui collent plus, ou l’encre qui s’efface. D’autres ont les pages déjà jaunies de base et s’en tirent presque sans égratignure. À part l’odeur, pour laquelle on ne peut pas faire grand chose. »
Malheureusement, avec la multiplication du nombre de sorties et la diminution des ventes par titre, de plus en plus d’éditeurs rechignent à avancer l’argent pour s’assurer que leur livre passe les tests les plus poussés.
« Vous savez, l’image du type qui se fait tirer dessus et s’en sort parce qu’il avait une bible dans la poche ? Bon, déjà, la plupart des livres que j’ai eu l’occcasion de tester ne permettent pas d’arrêter un calibre comme le 9mm, même s’il y a des exceptions. Mais maintenant, les éditeurs ne s’embêtent même plus à vérifier ce genre de choses, au détriment de la sécurité de leurs lecteurs. »
La sécurité, c’est ce qui l’a poussée à quitter son ancien métier. Avant, Lizzie testait la sécurité des voitures, mais elle a eu des problèmes pendant la loi travail après l’incendie du véhicule d’un ouvrier au SMIC qui avait travaillé toute sa vie pour se payer une Porsche.
« Je trouve abusé qu’on dise que c’était de ma faute. Je n’ai fait que jeter un cocktail Molotov, pour tester. Je n’y suis pour rien si les flammes ont aussi bien pris. En vérité, ce type aurait dû me remercier de lui avoir montré que sa voiture était aussi peu ignifugée. »
Interrogée sur ce qu’elle pense des réactions hostiles à sa profession qui détruit des livres, Lizzie balaye les critiques d’un revers de la la main.
« Je ne comprends pas ces reproches. Pour moi aussi, le livre est sacré, une fois que je l’ai sacrifié. C’est la putain d’étymologie. »
À méditer…
January 13, 2020
Croasseries #2 : Une vampire peut-elle regarder Buffy contre les vampires ?
Dans ce deuxième épisode de Croasseries, mon podcast dédié à mes élucubrations sur la fiction, on va se poser la question de savoir si une vampire a le droit de regarder la série télé Buffy contre les vampires. Pour écouter ce podcast, vous pouvez soit :
aller sur la page du podcast Croasseries ;
télécharger le fichier MP3 ;
ou l’écouter directement ici :
Lecteur audio intégré
Si vous n’aimez pas le format audio, ou ma voix, ou que vous trouvez le son mauvais, vous pouvez aussi simplement lire les notes rédigées ci-dessous.
Prenons un monde où les vampires existent et où tout le monde est au courant de leur existence. Imaginons maintenant qu’une de ces vampires fasse référence à (ou, au hasard, ait une sonnerie de téléphone avec le générique de) Buffy contre les vampires. Que se passe-t-il ? Est-ce que cela ne pose pas des problèmes de cohérence, créant ainsi un paradoxe dont l’issue engendrerait une réaction en chaîne qui pourrait déchirer le tissu même du continuum espace-temps, provoquant la destruction totale de l’Univers ?
C’est, en résumé, la question que j’ai eu à me poser quelques fois. J’ai déjà vu des personnes très hostiles à ce genre de procédé. Dans une vidéo qui était une critique du film Bright, et qui parlait donc plutôt d’orcs que de vampires (mais le fond du problème est sensiblement le même), la personne trouvait ça absolument scandaleux qu’il puisse y avoir une référence au film Shrek dans cet univers parce que, à partir du moment où ce genre de créatures existent vraiment, un tel film n’aurait pas pu exister. Je ne retrouve malheureusement pas la vidéo en question, mais j’ai vu plusieurs fois des personnes tenir ce même genre de positions à ce sujet.
Ayant moi-même été coupable de ce genre de choses, je me sentais donc obligée de me justifier, et de donner rien moins que trois très bonnes raisons qui rendent ce genre de choses plausibles.
Raison 1 : Buffy n’est peut-être pas notre Buffy
Le premier argument qu’on peut utiliser pour défendre qu’une telle référence ne pose pas forcément de problème de cohérence, c’est que peut-être que Bufffy n’est pas notre Buffy, et que Shrek n’est pas notre Shrek, et par conséquent peut-être que si ces œuvres existent sous ce nom dans l’univers de fiction où les vampires ou les orcs existent, elles sont peut-être tout de même substantiellement différentes dans l’univers à nous.
Si cet argument est tentant, il pose tout de même un problème fondamental qui peut donner envie de pousser un cri d’angoisse : à quel point ces œuvres sont-elles différentes ? Cela peut avoir des conséquences funestes. Par exemple, dans Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires), Morgue a le générique de Buffy en sonnerie de téléphone, mais peut-être que le générique de Buffy telle que la série existe dans cet univers ne ressemble pas du tout à ce que l’on connaît dans notre univers. Peut-être même que dans cet univers le générique de Buffy est chanté par Patrick Sébastien ! On voit ainsi les problèmes que cela pose pour des lectrices et lecteurs qui pensaient connaître un personnage et ses goûts, et se voient en fait complètement trahi·e·s, au moins en potentialité à un niveau quantique d’un point de vue d’univers parallèles.
Raison 2 : La plupart des créateurs de fictions se fichent bien de représenter correctement des minorités existantes
Heureusement, il reste possible de défendre la cohérence de notre univers de fiction sans avoir à recourir à des arguments aussi dangereux qui laisseraient la porte ouverte à toutes les fenêtres et au-delà.
L’argument des gens qui pensent que ce genre de référence pose problème est en effet le suivant : à partir du moment où des auteurs sont au courant qu’un groupe existe réellement dans la société et n’est pas juste le fruit de leur fantasme et de leur imagination, ils n’iraient jamais continuer à représenter ce groupe de la même manière.
Ça ne tient évidemment pas la route une seule seconde.
Il suffit de voir la quantité d’œuvres qui continuent à représenter le changement de genre ou de sexe comme quelque chose relevant du surnaturel ou de la science-fiction alors que les personnes trans existent, la représentation des musulman·e·s dans des séries comme 24 heures chrono, ou comment les trois quarts des films représentent un pays dès que celui-ci n’est pas occidental.
À la rigueur, si le Buffy existant dans un univers de fiction où l’existence des vampires est connue est strictement le même que celui qui existe dans notre univers, le seul problème de cohérence que ça poserait c’est uniquement qu’il y aurait eu quelques tweets pour dénoncer la représentation des vampires et une tribune de Joss Whedon dans Libé pour pleurer qu’on ne peut plus rien dire à cause des Social Justice Warriors.
On pourrait même envisager un truc un peu plus tordu, ce serait que, dans notre univers de fiction, les auteurs de fantasy sortent l’argument : « non, mais on parle de Vampires, on a mis une majuscule, mais ce sont des créatures mythologiques qui n’existent pas et n’ont rien à voir avec les individus qui sont des vampires et qui existent vraiment, surtout que la plupart trouvent que le terme vampire est insultant ». Bon, d’accord, je pense que ça devient assez tordu et plus très plausible, à ce compte-là on pourrait aussi imaginer des auteurs de fantasy de cet univers fictif qui écriraient des histoires avec des Nains mythologiques en refusant complètement d’examiner le rapport entre cette construction et la diabolisation ou fétichisation de personnes qui ont un physique différent. Si on était vraiment tordu·e, on pourrait même imaginer que ces écrivains fictifs se sentiraient enjaillés de préciser que « chez ce peuple, les femmes ont de la barbe ! » pour pouvoir remplir leur cabinet de curiosités.
Raison 3 : en vrai on s’en balek
Mais soyons honnête : la raison principale pour ne pas prendre en compte ce genre d’objection, c’est que, fondamentalement, on s’en fout. En tout cas, moi, je m’en fous. Oui, on peut dire que ça pose un légère problème de cohérence et de chevauchement diégétiques si on a envie de pinailler, mais c’est drôle.
(D’ailleurs, je ne comprends pas trop pourquoi ce genre de choses pose plus problème que lorsque des personnages de Sons of Anarchy regardent un épisode de The Shield, alors que non seulement il y a des acteurs de The Shield qui sont aussi dans Sons of Anarchy, mais aussi qui les deux séries partagent des noms de gangs fictifs en commun, ce qui laisse penser qu’il s’agit en fait du même univers au même niveau diégétique, et donc que le continuum spatio-temporel vient de se prendre trois balles dans le crâne après s’être fait traîner par une moto. Mais, à ce stade, j’en viens à avoir envie de faire un schéma pour montrer ce qui pose vraiment problème, ce qui montre sans doute que ça n’en pose que si on a envie de se prendre la tête à voir les problèmes que ça pose.)
Après, je peux comprendre que, parfois, ce genre de choses puisse sortir d’une œuvre, mais je ne pense pas que ce soit un problème de règle absolue qu’il faudrait respecter au nom de la sacro-sainte cohérence, mais que le problème principal est souvent plus la cohérence du ton au sein d’une œuvre : une blague un peu cheap peut moins bien passer dans une œuvre qui se veut très sérieuse, alors qu’à l’inverse des séries comme Doctor Who peuvent souvent se permettre d’être plus légère sur la cohérence scénaristique parce qu’il y a un rythme qui fait qu’on ne se pose pas la question. Sans compter évidemment la qualité générale et le fait qu’on va apprécier ou pas une œuvre, et à partir du moment où on n’accroche pas on a plus tendance à pointer tout ce qui ne va pas, y compris si ce n’est pas vraiment le cœur du problème.
Après, si vous trouvez toujours ce genre de procédé absolument scandaleux, on n’a qu’à dire qu’il s’agit de briser le quatrième mur, ce qui permet de se donner un air plus cool et sérieux que « moi, je m’en fous un peu de la cohérence du continuum spatio-temporel ». Parce qu’en vrai, fondamentalement, ce n’est pas très différent que, disons, lorsque dans Fight Club, le narrateur dit « je n’ai rien à dire » avant que ça parte en flash-back, puis, lorsque le film revient à cette scène du début « je n’ai toujours rien à dire », ce à quoi Tyler Durden répond « humour flash-back, très malin ».
La conclusion de tout ça, c’est peut-être que la différence entre l’incohérence et la casse du quatrième mur, c’est que dans le second cas on pointe d’un air un peu pédant qu’on l’a fait volontairement et qu’on est très malin. Par conséquent, étant donné que ce petit billet utilise trois fois le mot « diégétique » pour se la raconter, je pense qu’on peut en conclure que Morgue peut continuer à avoir le générique de Buffy en sonnerie de téléphone sans mettre en danger la cohérence de l’univers plus que de raison.
Crédits :
Son : intro : retro_digital_punk_madcool_loop.mp3 par envirOmaniac2, plus les croassements de corbeaux Crows.wav par ken788 ; outro : 8-bit ElectroHouse.wav par RutgerMuller ; le tout venant de Freesound.org et étant sous licence CC-0.
Image : modification d’images de Capri23auto et de Marc Pascual sur Pixabay
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