Lizzie Crowdagger's Blog, page 19

April 5, 2014

À propos d'auto-édition, #2 : les moins bons côtés

Dans l'article précédent, je parlais de pourquoi je m'auto-éditais, et j'évoquais notamment la philosophie D.I.Y. (Do It Yourself). Dans cet article je voulais revenir un peu là-dessus, pour voir que si l'idée est belle, en pratique ce n'est pas forcément aussi simple.




En effet, si on parle beaucoup d'auto-édition en ce moment, c'est notamment grâce à des acteurs tels qu'Amazon, qui ont a pas mal misé là-dessus avec son offre numérique (le Kindle Directory Project), et dans une moindre mesure son offre papier (via CreateSpace, qui propose de l'impression à la demande). Or, on ne peut pas franchement dire qu'Amazon s'inscrive dans l'esprit DIY...




Bien entendu, il reste toujours possible de faire autrement. On peut se contenter de continuer à diffuser des textes sur son site Web, de façon gratuite ou payante, en proposant aussi éventuellement des livres papier. Malheureusement, à l'heure où la lecture numérique commence à se faire beaucoup sur liseuse (ce qui est compréhensible, ça fait quand même vraiment moins mal aux yeux que l'écran d'ordinateur), et où la liseuse en question a en général des outils super simple d'accès pour acheter des livres en un clic à condition de passer par le store lié au constructeur (Amazon, Kobo, ou encore la boutique Apple pour ce qui concerne les tablettes et smartphones), il devient difficile de faire concurrence à ces plate-formes quand on est simple auteur auto-édité (ce n'est déjà pas évident pour les librairies en ligne alternatives).




Ce n'est du reste pas quelque chose qui se limite à l'auto-édition de livres, mais qui s'inscrit tout à fait dans la logique du soi-disant « Web 2.0 », qui consiste à vendre une démocratisation de l'accès à la création. Tu voudrais avoir un site Web, mais tu n'as pas les compétences pour ? Pas de souci, voici un blog clé en main gratuit avec juste un peu de publicité dessus. Tu voudrais mettre des vidéos en ligne, mais tu n'as pas un serveur suffisant pour stocker des vidéos ? Pas de problème, tu n'as qu'à les mettre sur Youtube, et ils sont tellement sympas que si tu leur apportes beaucoup de trafic ils te donneront peut-être quelques euros. Au final le Web, censé être un grand espace de liberté, est surtout devenu trusté par quelques multinationales : YouTube et Blogspot (qui appartiennent à Google), Tumblr (acheté par Yahoo!), Facebook, Twitter, etc. Toutes ont en commun leur business-model, qui consiste à faire de l'argent grâce au contenu apporté par leurs utilisateurs.




Alors, certes, c'est toujours possible d'avoir ton propre site à toi et de ne pas dépendre de ces groupes-là, mais j'ai l'impression que c'est de plus en plus difficile. Si t'es pas un minimum sur Amazon, Twitter, Facebook, etc., il y a des chances que ton site soit complètement invisible. Alors, certes, ça touche un sujet plus large que l'auto-édition, mais je pense que cette évolution d'Internet n'est pas franchement une bonne chose. Je n'ai pas de stats globale sur l'évolution d'Internet, alors c'est peut-être juste que je suis une quiche à la gestion de site web (il n'y a qu'à voir le design de celui-ci), mais il y a quelques années il y avait beaucoup plus de gens qui tombaient sur mon site via un moteur de recherche, et qui j'imagine devaient chercher des livres et les télécharger. À l'heure actuelle, la plupart des gens qui viennent sur ce site arrivent par Facebook ou Twitter, et à côté de ça j'ai peut-être plus de téléchargements de livres sur Amazon que via le site même (c'est dur à évoluer, je reviendrai là-dessus plus bas).




C'est pour ça que je ne suis pas persuadée que l'auto-édtion en tant que telle soit forcément garante d'indépendance par rapport à l'édtion classique. Si tu te contentes de vendre tes bouquins sur Amazon, tu dépends complètement d'eux. Certes, tu ne signes pas de contrat d'exclusivité (et encore, pour bénéficier de certaines possibilités de la boutique Kindle, comme accorder des promotions pendant des périodes de temps spécifiques, tu dois t'engager à ne pas diffuser le bouquin sur d'autres plate-formes numériques) mais tu dépends quand même dans la pratique du bon vouloir d'Amazon, d'un changement d'algorithme qui ferait que ton bouquin n'aurait plus la même visibilité, d'une suppression de ton livre si ça leur plaît pas, d'un revirement de leur politique sur les livres auto-édités, etc.




Évidemment, tout ça ne veut pas dire qu'il est impossible de se contenter de diffuser ses livres sur son propre site web, ou, pour le papier (là, j'avoue que je parle surtout du numérique), en ayant une présence dans des petites librairies, des évènements, etc. Personnellement, j'ai le cul un peu entre deux chaises : dun côté je trouve important que mes textes soient disponibles avant tout sur un site qui est « à moi », hébergé par un hébergeur coopératif ; et d'un autre côté, comme ce site ne fait pas du tout un buzz phénoménal, si je veux que mes textes soient un peu diffusés je suis bien obligée de les mettre sur d'autres plate-formes, en l'occurrence notamment Amazon et Kobo. Du coup il y a une situation un peu ironique où c'est l'argent des ventes sur Amazon qui paie l'hébergement du site pour que je puisse proposer mes textes gratuitement.




Ce qui m'amène à un autre problème, à mon avis, de l'auto-édition, c'est qu'en gros, tant que tu ne cherches pas spécialement à être lu, je trouve ça plutôt chouette, mais dès que tu veux soit être lu soit toucher de l'argent (et a priori en tant qu'auteur c'est lié) il faut être prêt à avoir un rôle de vendeur, de commercial finalement. Je conçois tout à fait que ça puisse intéresser des gens, mais j'avoue que c'est la partie des tâches incombant à l'auteur auto-édité qui me branche le moins, et c'est un peu pour ça d'ailleurs que je n'en fais pas énormément là-dessus. Le plus gênant à mon avis c'est que ça induit parfois des méthodes un peu douteuses, comme payer pour manipuler le classement Amazon (en gros tu payes des gens pour qu'ils achètent tes bouquins — tu récupères une partie des sous grâce aux royalties — pour monter dans le nombre de ventes) ou débarquer sur un forum en mode « hé, regardez, j'ai adoré ce bouquin, achetez-le » sans mentionner que c'est toi qui l'a écrit, etc. Certes, ces méthodes ne sont pas propres à l'auto-édition, c'est plutôt le problème du marketing de façon générale, mais quand tu as plutôt mis le pied dans l'auto-édition parce que t'aimais le DIY et l'esprt de partage libre, ça pose un dilemne : est-ce que tu tires sur une croix sur le fait de « vendre » et d'être lu au nom de tes idéaux, ce qui n'est pas forcément évident quand tu consacres beaucoup de temps à l'écriture et que tu aurais peut-être envie, sinon de devenir riche, au moins d'un peu de reconnaissance ? J'avoue que je ne suis pas, ou plus, prête à faire ça, et du coup par exemple je suis sur Amazon même si dans l'absolu, j'aurais plutôt envie de les boycotter.




Bref, tout ça pour nuancer mon article précédent et dire que l'auto-édition ce n'est pas tout rose non plus. Surtout depuis que c'est mis sous les projecteurs et que c'est vraiment devenu un business. Après, je continue à trouver que l'auto-édition est une expérience chouette, tout en sachant qu'elle le serait beaucoup moins pour moi si je voulais vraiment en tirer de l'argent. Simplement, je pense que la vague actuelle concernant l'auto-édition n'est pas uniquement dûe au fait que « chouette, avec le numérique c'est la démocratisation et n'importe qui peut réussir » (une sorte de rêve américain 2.0). Ça apporte des choses chouettes, mais ça reste un business pour beaucoup de gens, il ne faut pas se leurrer. Et, si l'ère du numérique risque de bouleverser un peu le monde de l'édition et de la vente de livres, je laisserai le mot de la fin à Snake Plissken qui déclarait à Los Angeles en 2013 : « plus les choses changent et plus elles restent les mêmes ».










Bonus : quelques chiffres


Ah, et dans l'article précédent j'avais dit que je parlerais peut-être de chiffres. Je ne sais pas si ça intéresse grand monde, mais allons-y, comme ça vous pourrez vous dire que vu le peu que je vends, c'est bien la peine que je fasse deux articles pour parler d'auto-édition :




Sur mon site, il y a en général autour de la dizaine de téléchargements gratuits par texte (c'est un ordre de grandeur : ça peut aller de cinq à trente) et par mois. Le problème, c'est que je n'ai aucune idée desquels correspondent à des vrais lectures, lesquels sont téléchargés par des robots (genre ceux des moteurs de recherche, pas des cyborgs), ou si une personne le télécharge cinq fois pour le lire parce qu'elle l'enregistre pas (moi je fais souvent ça). Donc, c'est cool, j'ai des jolies stats, mais je n'ai aucune idée de leur valeur. Mystère et boule de gomme.
Au moins, les téléchargements payants ont l'avantage (en dehors de rapporter un peu d'argent) qu'ils veulent un peu plus dire quelque chose : pas forcément que la personne a lu le bouquin, mais au moins qu'il y a une vraie personne derrière prête à mettre un euro symbolique dedans. En terme de vente, je n'en fais pas beaucoup : une dizaine les bons mois. C'est pas énorme, mais par rapport au peu de téléchargements sur le site c'est quand même vraiment pas négligeable.
Mon bouquin qui s'est le plus vendu, c'est Pas tout à fait des hommes, avec 80 ventes en 18 mois sur Amazon. Bizarrement, le livre est aussi disponible sur Kobo, mais n'a pas connu une seule vente. Pourquoi ? Bon, c'est peut-être que Kobo fait moins de ventes qu'Amazon, sauf que...
Sorcières & Zombies, de son côté, s'est vendu à 21 exemplaires chez Kobo en 8 mois, alors qu'il n'y a eu que 8 ventes sur Amazon.
Les autres bouquins ne font pratiquement aucune vente.
Il y a aussi quelques nouvelles qui sont disponibles gratuitement (juste deux, pour des raisons techniques que je ne détaillerai pas) via Smashwords, qui distribue également sur les autres plate-formes : Amazon, Kobo, Sony, Apple, etc. Étrangement, Créatures de rêve, malgré une couverture absolument hideuse dont j'ai honte à chaque fois que je la vois, aurait été téléchargée plus de mille fois sur la boutique Apple. Et... heu, par contre, reste à zéro sur Kobo. Il y a peut-être une erreur quelque part, dans un sens ou dans l'autre, parce que c'est quand même vraiment chelou.


Tout ça pour dire quoi ? Pas pour pour me vanter de mes ventes (il n'y a pas vraiment de quoi...), mais je trouve intéressant de constater deux choses :




Paser au final beaucoup de temps pour maintenir un site n'apporte pas énormément de visibilité par rapport au fait d'être sur Amazon ou Kobo, parce que c'est LES plate-formes par lesquelles les gens passent « par défaut » pour choper des livres, et je pense qu'à moins d'être vraiment très connu c'est très dur de contre-carrer cette forme de « centralisation » d'Internet. Je trouve ça dommage, mais c'est comme ça.
il y a des écarts assez bizarres entre ce qui se « vend » ou pas sur différentes plate-formes. J'imagine que ça peut s'expliquer par le fait que plus un titre se vend, plus il a de la visiblité, et donc plus il se vend (et à l'inverse pour un titre qui ne se vend pas, c'est d'ailleurs toute la logique dans la manipulation de classement, le but c'est de faire des fausses ventes qui vont t'en apporter des vraies) ; j'imagine aussi qu'il y a des algorithmes différents pour choisir les bouquins à montrer, plus qu'une vraie différence dans le public. En tout cas ça me fait un peu relativiser l'importance à accorder au nombre de ventes.
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Published on April 05, 2014 09:41

À propos d'auto-édition, #2 : les moins bons côtés

Dans l'article précédent, je parlais de pourquoi je m'auto-éditais, et j'évoquais notamment la philosophie D.I.Y. (Do It Yourself). Dans cet article je voulais revenir un peu là-dessus, pour voir que si l'idée est belle, en pratique ce n'est pas forcément aussi simple.




En effet, si on parle beaucoup d'auto-édition en ce moment, c'est notamment grâce à des acteurs tels qu'Amazon, qui ont a pas mal misé là-dessus avec son offre numérique (le Kindle Directory Project), et dans une moindre mesure son offre papier (via CreateSpace, qui propose de l'impression à la demande). Or, on ne peut pas franchement dire qu'Amazon s'inscrive dans l'esprit DIY...




Bien entendu, il reste toujours possible de faire autrement. On peut se contenter de continuer à diffuser des textes sur son site Web, de façon gratuite ou payante, en proposant aussi éventuellement des livres papier. Malheureusement, à l'heure où la lecture numérique commence à se faire beaucoup sur liseuse (ce qui est compréhensible, ça fait quand même vraiment moins mal aux yeux que l'écran d'ordinateur), et où la liseuse en question a en général des outils super simple d'accès pour acheter des livres en un clic à condition de passer par le store lié au constructeur (Amazon, Kobo, ou encore la boutique Apple pour ce qui concerne les tablettes et smartphones), il devient difficile de faire concurrence à ces plate-formes quand on est simple auteur auto-édité (ce n'est déjà pas évident pour les librairies en ligne alternatives).




Ce n'est du reste pas quelque chose qui se limite à l'auto-édition de livres, mais qui s'inscrit tout à fait dans la logique du soi-disant « Web 2.0 », qui consiste à vendre une démocratisation de l'accès à la création. Tu voudrais avoir un site Web, mais tu n'as pas les compétences pour ? Pas de souci, voici un blog clé en main gratuit avec juste un peu de publicité dessus. Tu voudrais mettre des vidéos en ligne, mais tu n'as pas un serveur suffisant pour stocker des vidéos ? Pas de problème, tu n'as qu'à les mettre sur Youtube, et ils sont tellement sympas que si tu leur apportes beaucoup de trafic ils te donneront peut-être quelques euros. Au final le Web, censé être un grand espace de liberté, est surtout devenu trusté par quelques multinationales : YouTube et Blogspot (qui appartiennent à Google), Tumblr (acheté par Yahoo!), Facebook, Twitter, etc. Toutes ont en commun leur business-model, qui consiste à faire de l'argent grâce au contenu apporté par leurs utilisateurs.




Alors, certes, c'est toujours possible d'avoir ton propre site à toi et de ne pas dépendre de ces groupes-là, mais j'ai l'impression que c'est de plus en plus difficile. Si t'es pas un minimum sur Amazon, Twitter, Facebook, etc., il y a des chances que ton site soit complètement invisible. Alors, certes, ça touche un sujet plus large que l'auto-édition, mais je pense que cette évolution d'Internet n'est pas franchement une bonne chose. Je n'ai pas de stats globale sur l'évolution d'Internet, alors c'est peut-être juste que je suis une quiche à la gestion de site web (il n'y a qu'à voir le design de celui-ci), mais il y a quelques années il y avait beaucoup plus de gens qui tombaient sur mon site via un moteur de recherche, et qui j'imagine devaient chercher des livres et les télécharger. À l'heure actuelle, la plupart des gens qui viennent sur ce site arrivent par Facebook ou Twitter, et à côté de ça j'ai peut-être plus de téléchargements de livres sur Amazon que via le site même (c'est dur à évoluer, je reviendrai là-dessus plus bas).




C'est pour ça que je ne suis pas persuadée que l'auto-édtion en tant que telle soit forcément garante d'indépendance par rapport à l'édtion classique. Si tu te contentes de vendre tes bouquins sur Amazon, tu dépends complètement d'eux. Certes, tu ne signes pas de contrat d'exclusivité (et encore, pour bénéficier de certaines possibilités de la boutique Kindle, comme accorder des promotions pendant des périodes de temps spécifiques, tu dois t'engager à ne pas diffuser le bouquin sur d'autres plate-formes numériques) mais tu dépends quand même dans la pratique du bon vouloir d'Amazon, d'un changement d'algorithme qui ferait que ton bouquin n'aurait plus la même visibilité, d'une suppression de ton livre si ça leur plaît pas, d'un revirement de leur politique sur les livres auto-édités, etc.




Évidemment, tout ça ne veut pas dire qu'il est impossible de se contenter de diffuser ses livres sur son propre site web, ou, pour le papier (là, j'avoue que je parle surtout du numérique), en ayant une présence dans des petites librairies, des évènements, etc. Personnellement, j'ai le cul un peu entre deux chaises : dun côté je trouve important que mes textes soient disponibles avant tout sur un site qui est « à moi », hébergé par un hébergeur coopératif ; et d'un autre côté, comme ce site ne fait pas du tout un buzz phénoménal, si je veux que mes textes soient un peu diffusés je suis bien obligée de les mettre sur d'autres plate-formes, en l'occurrence notamment Amazon et Kobo. Du coup il y a une situation un peu ironique où c'est l'argent des ventes sur Amazon qui paie l'hébergement du site pour que je puisse proposer mes textes gratuitement.




Ce qui m'amène à un autre problème, à mon avis, de l'auto-édition, c'est qu'en gros, tant que tu ne cherches pas spécialement à être lu, je trouve ça plutôt chouette, mais dès que tu veux soit être lu soit toucher de l'argent (et a priori en tant qu'auteur c'est lié) il faut être prêt à avoir un rôle de vendeur, de commercial finalement. Je conçois tout à fait que ça puisse intéresser des gens, mais j'avoue que c'est la partie des tâches incombant à l'auteur auto-édité qui me branche le moins, et c'est un peu pour ça d'ailleurs que je n'en fais pas énormément là-dessus. Le plus gênant à mon avis c'est que ça induit parfois des méthodes un peu douteuses, comme payer pour manipuler le classement Amazon (en gros tu payes des gens pour qu'ils achètent tes bouquins — tu récupères une partie des sous grâce aux royalties — pour monter dans le nombre de ventes) ou débarquer sur un forum en mode « hé, regardez, j'ai adoré ce bouquin, achetez-le » sans mentionner que c'est toi qui l'a écrit, etc. Certes, ces méthodes ne sont pas propres à l'auto-édition, c'est plutôt le problème du marketing de façon générale, mais quand tu as plutôt mis le pied dans l'auto-édition parce que t'aimais le DIY et l'esprt de partage libre, ça pose un dilemne : est-ce que tu tires sur une croix sur le fait de « vendre » et d'être lu au nom de tes idéaux, ce qui n'est pas forcément évident quand tu consacres beaucoup de temps à l'écriture et que tu aurais peut-être envie, sinon de devenir riche, au moins d'un peu de reconnaissance ? J'avoue que je ne suis pas, ou plus, prête à faire ça, et du coup par exemple je suis sur Amazon même si dans l'absolu, j'aurais plutôt envie de les boycotter.




Bref, tout ça pour nuancer mon article précédent et dire que l'auto-édition ce n'est pas tout rose non plus. Surtout depuis que c'est mis sous les projecteurs et que c'est vraiment devenu un business. Après, je continue à trouver que l'auto-édition est une expérience chouette, tout en sachant qu'elle le serait beaucoup moins pour moi si je voulais vraiment en tirer de l'argent. Simplement, je pense que la vague actuelle concernant l'auto-édition n'est pas uniquement dûe au fait que « chouette, avec le numérique c'est la démocratisation et n'importe qui peut réussir » (une sorte de rêve américain 2.0). Ça apporte des choses chouettes, mais ça reste un business pour beaucoup de gens, il ne faut pas se leurrer. Et, si l'ère du numérique risque de bouleverser un peu le monde de l'édition et de la vente de livres, je laisserai le mot de la fin à Snake Plissken qui déclarait à Los Angeles en 2013 : « plus les choses changent et plus elles restent les mêmes ».










Bonus : quelques chiffres


Ah, et dans l'article précédent j'avais dit que je parlerais peut-être de chiffres. Je ne sais pas si ça intéresse grand monde, mais allons-y, comme ça vous pourrez vous dire que vu le peu que je vends, c'est bien la peine que je fasse deux articles pour parler d'auto-édition :




Sur mon site, il y a en général autour de la dizaine de téléchargements gratuits par texte (c'est un ordre de grandeur : ça peut aller de cinq à trente) et par mois. Le problème, c'est que je n'ai aucune idée desquels correspondent à des vrais lectures, lesquels sont téléchargés par des robots (genre ceux des moteurs de recherche, pas des cyborgs), ou si une personne le télécharge cinq fois pour le lire parce qu'elle l'enregistre pas (moi je fais souvent ça). Donc, c'est cool, j'ai des jolies stats, mais je n'ai aucune idée de leur valeur. Mystère et boule de gomme.
Au moins, les téléchargements payants ont l'avantage (en dehors de rapporter un peu d'argent) qu'ils veulent un peu plus dire quelque chose : pas forcément que la personne a lu le bouquin, mais au moins qu'il y a une vraie personne derrière prête à mettre un euro symbolique dedans. En terme de vente, je n'en fais pas beaucoup : une dizaine les bons mois. C'est pas énorme, mais par rapport au peu de téléchargements sur le site c'est quand même vraiment pas négligeable.
Mon bouquin qui s'est le plus vendu, c'est Pas tout à fait des hommes, avec 80 ventes en 18 mois sur Amazon. Bizarrement, le livre est aussi disponible sur Kobo, mais n'a pas connu une seule vente. Pourquoi ? Bon, c'est peut-être que Kobo fait moins de ventes qu'Amazon, sauf que...
Sorcières & Zombies, de son côté, s'est vendu à 21 exemplaires chez Kobo en 8 mois, alors qu'il n'y a eu que 8 ventes sur Amazon.
Les autres bouquins ne font pratiquement aucune vente.
Il y a aussi quelques nouvelles qui sont disponibles gratuitement (juste deux, pour des raisons techniques que je ne détaillerai pas) via Smashwords, qui distribue également sur les autres plate-formes : Amazon, Kobo, Sony, Apple, etc. Étrangement, Créatures de rêve, malgré une couverture absolument hideuse dont j'ai honte à chaque fois que je la vois, aurait été téléchargée plus de mille fois sur la boutique Apple. Et... heu, par contre, reste à zéro sur Kobo. Il y a peut-être une erreur quelque part, dans un sens ou dans l'autre, parce que c'est quand même vraiment chelou.


Tout ça pour dire quoi ? Pas pour pour me vanter de mes ventes (il n'y a pas vraiment de quoi...), mais je trouve intéressant de constater deux choses :




Paser au final beaucoup de temps pour maintenir un site n'apporte pas énormément de visibilité par rapport au fait d'être sur Amazon ou Kobo, parce que c'est LES plate-formes par lesquelles les gens passent « par défaut » pour choper des livres, et je pense qu'à moins d'être vraiment très connu c'est très dur de contre-carrer cette forme de « centralisation » d'Internet. Je trouve ça dommage, mais c'est comme ça.
il y a des écarts assez bizarres entre ce qui se « vend » ou pas sur différentes plate-formes. J'imagine que ça peut s'expliquer par le fait que plus un titre se vend, plus il a de la visiblité, et donc plus il se vend (et à l'inverse pour un titre qui ne se vend pas, c'est d'ailleurs toute la logique dans la manipulation de classement, le but c'est de faire des fausses ventes qui vont t'en apporter des vraies) ; j'imagine aussi qu'il y a des algorithmes différents pour choisir les bouquins à montrer, plus qu'une vraie différence dans le public. En tout cas ça me fait un peu relativiser l'importance à accorder au nombre de ventes.
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Published on April 05, 2014 09:41

April 4, 2014

À propos d'auto-édition

La plupart de mes textes étant, à l'heure actuelle, auto-édités, je me suis dit qu'il était peut-être temps de répondre à la question : mais pourquoi l'auto-édition ? Je pense que je ferai une deuxième partie à cet article, pour parler un peu de comment ça se passe en pratique (peut-être donner quelques chiffes, même si je ne suis pas sûre que ça intéresse des gens), et revenir de façon un peu plus critique sur la forme que prend l'auto-édition actuellement.




L'auto-édition, c'est quoi ?


Un petit mot pour définir précisément ce que j'entends par auto-édition. Là, je parle au sens large, c'est-à-dire le fait de diffuser des textes sans passer par un éditeur, donc y compris le fait de mettre des textes en ligne plutôt que de vouloir passé par un éditeur. Cela dit j'ai longtemps diffusé des textes gratuitement par Internet sans me dire que c'était de l'auto-édition, ce qui paraissait un mot bien pompeux pour dire « avoir un site web ».




Quand je lis des trucs sur l'auto-édition, j'ai l'impression que les deux points de vue opposés pourraient être caricaturés comme suit :




D'un côté, celui qui voit les auteurs qui s'auto-éditent comme en gros des écrivains ratés, qui font de la merde, qui se sont fait jeter de toutes les maisons d'édition et qui du coup sont prêts à mettre de l'argent pour avoir la vanité de voir leur nom sur un livre. Selon ce point de vue, la montée de l'auto-édition est une grosse calamité qui ne fait que plomber la littérature.
De l'autre côté, l'idée que les éditeurs ne sont jamais, en tant que tel et de manière homogène, que de gros parasites et que du coup l'auto-édition permet de nourrir Amazon à la place s'en débarrasser et ouvre la voie vers un eldorado pour les auteurs.



Un éditeur c'est quoi ?


Ce qui m'emmène par dérivation à parler de ce qu'est un éditeur. Il y a des critiques que je peux partager sur lezéditeurs mais qui à mon avis ont le défaut de les présenter comme un truc homogène, souvent réduits aux grands éditeurs qui cherchent en bonne partie à faire de l'argent. Cela dit, le rôle d'éditeur n'est pas réservé à une (grande) entreprise : ça peut aussi être une association, un collectif, ou une personne qui fait ça à titre individuel.




Le rôle d'éditeur, c'est celui qui consiste à choisir des textes et à les diffuser. Ça implique un certain nombre de tâches supplémentaires (la correction, le maquettage, éventuellement s'occuper de trouver un imprimeur, un distributeur, etc.) mais à mon avis l'activité qui définit l'éditeur c'est de chosir des textes à diffuser. Partant de là, la notion d'éditeur couvre un étentail assez large[1] qui va des éditions Gallimard à la personne qui fait un zine ou un blog à partir de textes qu'on peut lui envoyer.




Si je n'ai pas d'aigreur particulière vis à vis des éditeurs, c'est peut-être parce que je n'ai jamais eu l'occasion de travailler avec un grand éditeur commercial. J'ai eu l'occasion une fois de travailler avec une petite entreprise (un petit éditeur), sinon c'était soit des associations, des collectifs, ou des individus, donc des cadres où il n'y a pas le même rapport d'exploitation qui peut sans doute exister ailleurs.




Bref, tout ça pour dire que l'auto-édition ne veut pas dire pour moi un rejet du rôle de l'éditeur en tant que tel, ne serait-ce que parce qu'en tant que lectrice, il y a plein de textes et d'auteurs que j'ai découvert grâce à des éditeurs : en dehors du fait évidemment d'avoir la possiblité physique de se procurer le livre ou qu'il soit traduit, le fait de voir un auteur inconnu dans la même collection que deux auteurs plus connus que j'aime bien, ça fait que je vais me dire « il y a des chances que j'aime bien aussi ».




 Mais alors, pourquoi tu t'auto-édites ?


Donc, si je n'ai pas de rancœur particulière vis à vis des éditeurs, pourquoi m'auto-éditer ?




D'abord, comme je l'ai mentionné plus tôt, je me suis longtemps « auto-éditée » sans mettre ce mot dessus, c'est-à-dire que pour moi mettre en ligne mes textes, de manière gratuite, c'était la façon la plus simple et la plus efficace pour les partager, et pour tout dire la seule à laquelle je pensais. Pendant des années, je ne me suis même pas posée la question de l'édition. J'écrivais des textes, j'avais un site, c'était logique de les mettre sur le site. Il faut dire que j'avais franchi le cap de me mettre à écrire parce que jJ'avais lu d'autres textes d'autres gens sur Internet, qui je pense pourraient être qualifiés pour certains de fan-fictions, et je m'étais dit « ah ouais, c'est cool, moi aussi je peux en faire ».




J'ai mis des années à me considérer comme écrivaine, et même maintenant, j'ai un peu du mal. J'écris, ouais, mais « écrivaine », dans ma tête, ça fait tout de suite intello et prétentieuse, un truc pour lequel je n'ai pas le niveau parce que c'est un peu réservé à une élite. Je veux dire, je ne m'auto-flagelle pas, je ne dis pas que je fais de la grosse merde : les textes que je diffuse sur ce site, je les aime bien, quand je les relis je ne les trouve pas moisis (ceux que je ne diffuse pas, c'est autre chose...), mais je n'ai pas l'impression d'avoir un talent spécial d'écrivaine ou quoi. En fait, je crois que lire des textes amateurs sur Internet, ça m'a permis de me décoincer de l'objet « livre », que je voyais un peu comme un truc sacré, forcément pondu par des gens super intelligents et cultivés. Là, je me disais juste : ouais, avec un peu de boulot, je peux le faire aussi. Ça ne fera pas un truc révolutionnaire, ça ne changera pas la face de la littérature, mais si je bosse assez ce sera un truc à peu près correct où j'aurai mis quelque chose de personnel qui peut-être plaira à d'autres gens.




Là où je veux en venir, c'est que si j'ai osé me mettre à écrire, c'est parce qu'à un moment dans ma tête il y a eu une désacralisation du roman, rendue possible par des choses qu'on peut je pense rapprocher de la culture D.I.Y. (Do It Yourself). Et si j'envoie aussi peu de manuscrits à des éditeurs, c'est peut-être en partie parce que j'ai peur qu'on me dise que je n'ai pas le niveau, mais c'est aussi que je n'ai pas spécialement la culture de l'envoi de manuscrits pour espérer décrocher un sésame permettant une publication. J'ai plus d'affinités avec la culture punk ou encore hacker qui consiste en gros à dire que si tu veux faire un truc, tu le fais ; s'il y a des choses que tu ne sais pas faire, t'apprends à les faire ou tu les fais avec des potes, et t'as pas besoin qu'il y ait un professionnel qui te mette un tampon « qualité approuvée ».




S'il y a un truc que je trouve chouette avec l'auto-édition, c'est que ça m'a permis d'apprendre plein de trucs : la mise en page, essayer de faire des couvertures, convertir au format Epub. Alors sans doute que la qualité est pas super professionnelle® mais il y a la satisfaction de l'avoir fait soi-même.




Éditeur et auto-édition, c'est incompatible ?


Pour conclure je voudrais revenir au rôle des éditeurs. Comme je l'ai dit, je trouve que c'est un rôle qui est important, utile, et que je ne pense pas que l'auto-édition vise à faire disparaître. Ce que je trouve dommage, c'est qu'à l'heure actuelle, c'est souvent présenté comme un truc opposé : si tu choisis d'auto-éditer un bouquin (ou même une nouvelle), tu peux tirer une croix sur la possibilité que ce soit choisi par un éditeur, parce que non seulement il faut accorder l'exclusivité mais en plus que ce soit inédit, donc que ça n'ait jamais été publié, même juste sur ton site Web qui a trois visiteurs par jour (les bons jours).




Il y a des exceptions (je peux en témoigner : Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires) a été auto-édité, ce qui n'a pas empêché Dans nos histoires de me contacter pour le publier), certes, mais en général et particulièrement pour les éditeurs les plus mainstream, à moins de faire un super carton (coucou Fifty Shades of Grey), c'est mort. Je trouve ça dommage de voir des éditeurs râler sur la montée en puissance de l'auto-édition à base de « ça fait plein de mauvais bouquins qui font de l'ombre à nos bons bouquns », alors que justement le rôle d'un éditeur pourrait aussi être de repérer et de faire découvrir le bouquin qui s'est vendu à deux exemplaires sur Amazon, qui est bourré de fautes d'orthographe, mais qui pourrait être édité dans une version révisée et qui plairait à fond au public de cette maison d'édition. Après, je ne me fais pas trop d'illusions, et j'imagine que les éditeurs qui veulent faire du pognon vont surtout se contenter de repérer les bouquins auto-édités qui se vendent le mieux, mais en tout cas dans l'idée je ne vois pas pourquoi les deux s'opposeraient.




En ce qui me concerne, j'aime bien aussi bosser avec des éditeurs (avec la définition assez large d'« éditeur » que j'ai donné plus tôt, encore une fois ça peut être une copine qui fait un fanzine) , mais quand je trouve que le projet est chouette, que le courant passe. Je n'ai pas spécialement envie de me coltiner des envois massifs de manuscrits en espérant que j'aurais une réponse positive. Après évidemment il n'y a pas que l'« envie » qui compte dans la vie, et par exemple le fait d'être chômeuse longue durée au RSA fait qu'à un moment il y a des chances que j'essaie de proposer des manuscrits au plus d'éditeurs possible pour espérer avoir un peu de thune, mais dans l'idée « l'auto-édition sauf quand c'est des projets d'édition qui me parlent » correspond plus à ma façon de voir l'écriture et la création de manière générale.




Bref, tout ça pour dire que non, l'auto-édition n'est pas juste une solution par dépit, de dernier recours. Et si je reconnais l'utilité du rôle d'éditeur, il y a un discours avec lequel j'ai un peu de mal qui consiste à en faire les gardiens permettant de différencier ce qui est digne d'être lu de ce qui ne l'est pas. J'ai conscience que les bouquins que j'auto-édite sont imparfaits, qu'il reste sans doute trop de fautes, que des fois il y a des soucis sur la mise en page, et j'essaie de m'améliorer, de traquer les coquilles, de régler les problèmes de césure au mauvais endroit, ou de faire des couverture moins moches. Mais surtout, je n'ai pas envie de voir l'écriture, et la création de façon générale, comme quelque chose de sacré, réservé à une élite[2], et qui doit forcément être parfait au niveau de la forme.


Notes

[1] Qui, cela dit, ne couvre pas les « éditeurs à compte d'auteur », qui ne sont pas des réels éditeurs mais des publieurs, qui vendent une prestation mais ne font pas de choix éditorial en tant que tel


[2] Même si je ne me fais pas d'illusions sur le fait que, oui, c'est plus facile d'écrire quand t'as pu faire des études, que t'as eu accès à des livres, que t'as un minimum de sentiment de légitimité pour ne pas trouver tout ce que tu fais comme une merde infâme, et accessoirement, tout à fait accessoirement, que t'as un petit peu de temps libre.

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Published on April 04, 2014 19:10

À propos d'auto-édition

La plupart de mes textes étant, à l'heure actuelle, auto-édités, je me suis dit qu'il était peut-être temps de répondre à la question : mais pourquoi l'auto-édition ? Je pense que je ferai une deuxième partie à cet article, pour parler un peu de comment ça se passe en pratique (peut-être donner quelques chiffes, même si je ne suis pas sûre que ça intéresse des gens), et revenir de façon un peu plus critique sur la forme que prend l'auto-édition actuellement.




L'auto-édition, c'est quoi ?


Un petit mot pour définir précisément ce que j'entends par auto-édition. Là, je parle au sens large, c'est-à-dire le fait de diffuser des textes sans passer par un éditeur, donc y compris le fait de mettre des textes en ligne plutôt que de vouloir passé par un éditeur. Cela dit j'ai longtemps diffusé des textes gratuitement par Internet sans me dire que c'était de l'auto-édition, ce qui paraissait un mot bien pompeux pour dire « avoir un site web ».




Quand je lis des trucs sur l'auto-édition, j'ai l'impression que les deux points de vue opposés pourraient être caricaturés comme suit :




D'un côté, celui qui voit les auteurs qui s'auto-éditent comme en gros des écrivains ratés, qui font de la merde, qui se sont fait jeter de toutes les maisons d'édition et qui du coup sont prêts à mettre de l'argent pour avoir la vanité de voir leur nom sur un livre. Selon ce point de vue, la montée de l'auto-édition est une grosse calamité qui ne fait que plomber la littérature.
De l'autre côté, l'idée que les éditeurs ne sont jamais, en tant que tel et de manière homogène, que de gros parasites et que du coup l'auto-édition permet de nourrir Amazon à la place s'en débarrasser et ouvre la voie vers un eldorado pour les auteurs.



Un éditeur c'est quoi ?


Ce qui m'emmène par dérivation à parler de ce qu'est un éditeur. Il y a des critiques que je peux partager sur lezéditeurs mais qui à mon avis ont le défaut de les présenter comme un truc homogène, souvent réduits aux grands éditeurs qui cherchent en bonne partie à faire de l'argent. Cela dit, le rôle d'éditeur n'est pas réservé à une (grande) entreprise : ça peut aussi être une association, un collectif, ou une personne qui fait ça à titre individuel.




Le rôle d'éditeur, c'est celui qui consiste à choisir des textes et à les diffuser. Ça implique un certain nombre de tâches supplémentaires (la correction, le maquettage, éventuellement s'occuper de trouver un imprimeur, un distributeur, etc.) mais à mon avis l'activité qui définit l'éditeur c'est de chosir des textes à diffuser. Partant de là, la notion d'éditeur couvre un étentail assez large[1] qui va des éditions Gallimard à la personne qui fait un zine ou un blog à partir de textes qu'on peut lui envoyer.




Si je n'ai pas d'aigreur particulière vis à vis des éditeurs, c'est peut-être parce que je n'ai jamais eu l'occasion de travailler avec un grand éditeur commercial. J'ai eu l'occasion une fois de travailler avec une petite entreprise (un petit éditeur), sinon c'était soit des associations, des collectifs, ou des individus, donc des cadres où il n'y a pas le même rapport d'exploitation qui peut sans doute exister ailleurs.




Bref, tout ça pour dire que l'auto-édition ne veut pas dire pour moi un rejet du rôle de l'éditeur en tant que tel, ne serait-ce que parce qu'en tant que lectrice, il y a plein de textes et d'auteurs que j'ai découvert grâce à des éditeurs : en dehors du fait évidemment d'avoir la possiblité physique de se procurer le livre ou qu'il soit traduit, le fait de voir un auteur inconnu dans la même collection que deux auteurs plus connus que j'aime bien, ça fait que je vais me dire « il y a des chances que j'aime bien aussi ».




 Mais alors, pourquoi tu t'auto-édites ?


Donc, si je n'ai pas de rancœur particulière vis à vis des éditeurs, pourquoi m'auto-éditer ?




D'abord, comme je l'ai mentionné plus tôt, je me suis longtemps « auto-éditée » sans mettre ce mot dessus, c'est-à-dire que pour moi mettre en ligne mes textes, de manière gratuite, c'était la façon la plus simple et la plus efficace pour les partager, et pour tout dire la seule à laquelle je pensais. Pendant des années, je ne me suis même pas posée la question de l'édition. J'écrivais des textes, j'avais un site, c'était logique de les mettre sur le site. Il faut dire que j'avais franchi le cap de me mettre à écrire parce que jJ'avais lu d'autres textes d'autres gens sur Internet, qui je pense pourraient être qualifiés pour certains de fan-fictions, et je m'étais dit « ah ouais, c'est cool, moi aussi je peux en faire ».




J'ai mis des années à me considérer comme écrivaine, et même maintenant, j'ai un peu du mal. J'écris, ouais, mais « écrivaine », dans ma tête, ça fait tout de suite intello et prétentieuse, un truc pour lequel je n'ai pas le niveau parce que c'est un peu réservé à une élite. Je veux dire, je ne m'auto-flagelle pas, je ne dis pas que je fais de la grosse merde : les textes que je diffuse sur ce site, je les aime bien, quand je les relis je ne les trouve pas moisis (ceux que je ne diffuse pas, c'est autre chose...), mais je n'ai pas l'impression d'avoir un talent spécial d'écrivaine ou quoi. En fait, je crois que lire des textes amateurs sur Internet, ça m'a permis de me décoincer de l'objet « livre », que je voyais un peu comme un truc sacré, forcément pondu par des gens super intelligents et cultivés. Là, je me disais juste : ouais, avec un peu de boulot, je peux le faire aussi. Ça ne fera pas un truc révolutionnaire, ça ne changera pas la face de la littérature, mais si je bosse assez ce sera un truc à peu près correct où j'aurai mis quelque chose de personnel qui peut-être plaira à d'autres gens.




Là où je veux en venir, c'est que si j'ai osé me mettre à écrire, c'est parce qu'à un moment dans ma tête il y a eu une désacralisation du roman, rendue possible par des choses qu'on peut je pense rapprocher de la culture D.I.Y. (Do It Yourself). Et si j'envoie aussi peu de manuscrits à des éditeurs, c'est peut-être en partie parce que j'ai peur qu'on me dise que je n'ai pas le niveau, mais c'est aussi que je n'ai pas spécialement la culture de l'envoi de manuscrits pour espérer décrocher un sésame permettant une publication. J'ai plus d'affinités avec la culture punk ou encore hacker qui consiste en gros à dire que si tu veux faire un truc, tu le fais ; s'il y a des choses que tu ne sais pas faire, t'apprends à les faire ou tu les fais avec des potes, et t'as pas besoin qu'il y ait un professionnel qui te mette un tampon « qualité approuvée ».




S'il y a un truc que je trouve chouette avec l'auto-édition, c'est que ça m'a permis d'apprendre plein de trucs : la mise en page, essayer de faire des couvertures, convertir au format Epub. Alors sans doute que la qualité est pas super professionnelle® mais il y a la satisfaction de l'avoir fait soi-même.




Éditeur et auto-édition, c'est incompatible ?


Pour conclure je voudrais revenir au rôle des éditeurs. Comme je l'ai dit, je trouve que c'est un rôle qui est important, utile, et que je ne pense pas que l'auto-édition vise à faire disparaître. Ce que je trouve dommage, c'est qu'à l'heure actuelle, c'est souvent présenté comme un truc opposé : si tu choisis d'auto-éditer un bouquin (ou même une nouvelle), tu peux tirer une croix sur la possibilité que ce soit choisi par un éditeur, parce que non seulement il faut accorder l'exclusivité mais en plus que ce soit inédit, donc que ça n'ait jamais été publié, même juste sur ton site Web qui a trois visiteurs par jour (les bons jours).




Il y a des exceptions (je peux en témoigner : Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires) a été auto-édité, ce qui n'a pas empêché Dans nos histoires de me contacter pour le publier), certes, mais en général et particulièrement pour les éditeurs les plus mainstream, à moins de faire un super carton (coucou Fifty Shades of Grey), c'est mort. Je trouve ça dommage de voir des éditeurs râler sur la montée en puissance de l'auto-édition à base de « ça fait plein de mauvais bouquins qui font de l'ombre à nos bons bouquns », alors que justement le rôle d'un éditeur pourrait aussi être de repérer et de faire découvrir le bouquin qui s'est vendu à deux exemplaires sur Amazon, qui est bourré de fautes d'orthographe, mais qui pourrait être édité dans une version révisée et qui plairait à fond au public de cette maison d'édition. Après, je ne me fais pas trop d'illusions, et j'imagine que les éditeurs qui veulent faire du pognon vont surtout se contenter de repérer les bouquins auto-édités qui se vendent le mieux, mais en tout cas dans l'idée je ne vois pas pourquoi les deux s'opposeraient.




En ce qui me concerne, j'aime bien aussi bosser avec des éditeurs (avec la définition assez large d'« éditeur » que j'ai donné plus tôt, encore une fois ça peut être une copine qui fait un fanzine) , mais quand je trouve que le projet est chouette, que le courant passe. Je n'ai pas spécialement envie de me coltiner des envois massifs de manuscrits en espérant que j'aurais une réponse positive. Après évidemment il n'y a pas que l'« envie » qui compte dans la vie, et par exemple le fait d'être chômeuse longue durée au RSA fait qu'à un moment il y a des chances que j'essaie de proposer des manuscrits au plus d'éditeurs possible pour espérer avoir un peu de thune, mais dans l'idée « l'auto-édition sauf quand c'est des projets d'édition qui me parlent » correspond plus à ma façon de voir l'écriture et la création de manière générale.




Bref, tout ça pour dire que non, l'auto-édition n'est pas juste une solution par dépit, de dernier recours. Et si je reconnais l'utilité du rôle d'éditeur, il y a un discours avec lequel j'ai un peu de mal qui consiste à en faire les gardiens permettant de différencier ce qui est digne d'être lu de ce qui ne l'est pas. J'ai conscience que les bouquins que j'auto-édite sont imparfaits, qu'il reste sans doute trop de fautes, que des fois il y a des soucis sur la mise en page, et j'essaie de m'améliorer, de traquer les coquilles, de régler les problèmes de césure au mauvais endroit, ou de faire des couverture moins moches. Mais surtout, je n'ai pas envie de voir l'écriture, et la création de façon générale, comme quelque chose de sacré, réservé à une élite[2], et qui doit forcément être parfait au niveau de la forme.


Notes

[1] Qui, cela dit, ne couvre pas les « éditeurs à compte d'auteur », qui ne sont pas des réels éditeurs mais des publieurs, qui vendent une prestation mais ne font pas de choix éditorial en tant que tel


[2] Même si je ne me fais pas d'illusions sur le fait que, oui, c'est plus facile d'écrire quand t'as pu faire des études, que t'as eu accès à des livres, que t'as un minimum de sentiment de légitimité pour ne pas trouver tout ce que tu fais comme une merde infâme, et accessoirement, tout à fait accessoirement, que t'as un petit peu de temps libre.

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Published on April 04, 2014 19:10

March 22, 2014

Noir & Blanc maintenant disponible au format papier

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Depuis quelques temps, Noir & Blanc, un des premiers textes que j'ai écrits et qui est une sorte d'intrigue policière avec des éléments d'urban-fantasy, est disponible au format papier, pour environ cinq euros.




Il est également toujours possible de télécharger ce court roman sur ici-même.







Pour sa première enquête sur un meurtre, Mélanie est servie.
Non seulement son amie (ou était-ce ennemie ?) d'enfance est apparemment impliquée dans cette sombre histoire, mais en plus il ne s'agit jpas d'un évènement isolé.




Mais le plus gênant, c'est que «Lumière Blanche», secte vouée à l'élimination des démons et autres créatures maudites, a décidé de reprendre l'affaire en main pour faire le ménage.




Son enquête va mener Mélanie plus loin qu'elle ne l'aurait pensé et qu'elle ne l'aurait voulu.

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Published on March 22, 2014 09:32

January 22, 2014

Un début de roman

Cela fait quelques semaines que j'ai terminé le premier jet de mon dernier roman, et du coup je commençais à me dire qu'il était temps que je me remette à autre chose. J'avais dans ma tête des projets assez précis, avec un début de plan relativement détaillé et tout cela. Assez logiquement, l'autre jour, je me suis donc mise à écrire... sur complètement autre chose, sans avoir la moindre idée d'où j'allais.


Ne me demandez pas pourquoi.


Bref, voilà un début de roman écrit d'un trait et sans grande relecture. Je ne suis pas persuadée que je continuerai là-dessus, j'avais surtout besoin d'écrire pour me changer les idées et, comme je l'ai dit, je n'ai pas la moindre idée de ce qui pourrait se passer ensuite. Comme ça faisait longtemps que je n'avais rien posté ici, j'avais tout de même envie de le faire partager, sachant que ce n'est vraiment pas la chose la plus littéraire que j'ai écrite et que j'ai plutôt l'impression en relisant ce que j'ai commis que c'est de pire en pire.


Bref, si ça intéresse des gens, le texte est après la coupure.

Il y a une chose que je n'aime pas

Il y a une chose que je n'aime pas dans la vie, une putain de chose, et c'est courir.


D'accord, il y a d'autres choses que je n'aime pas, des tas d'autres, quand j'y réfléchis, mais à ce moment-là, alors que je courais dans cette putain de forêt, je ne les avais pas trop en tête, et je me disais surtout que je détestais courir.


J'entendais les boum boum boum de mon cœur marteler à mes tempes, mes jambes hurlaient de douleur, j'avais envie de dégobiller. C'est dans ces moments-là que je maudissais le fait d'être grosse. Je n'en était déjà pas bien fan en temps normal, notez, mais là, alors que je devais courir entre ces arbres, à échapper à des poursuivants beaucoup plus sportifs que moi, je maudissais vraiment cette graisse qui me ralentissait.


Ça, et la clope. J'avais l'impression que j'allais cracher mes poumons. Ah, et puis mes rangers, aussi. Je veux dire, que je maudissais, pas que j'allais cracher. C'était de belles rangers toutes neuves, que je n'avais pas eu le temps de faire correctement. Je m'étais dit que ce n'était pas grave, parce que je n'avais pas prévu de marcher beaucoup. Je n'avais pas prévu que j'aurais à courir. Je devais avoir l'arrière des pieds en sang.


Je me suis arrêtée un instant contre un arbre, essayant de reprendre mon souffle. Foutues clopes. Je n'avais plus le courage de continuer, plus le courage de fuir, mais il fallait que je reparte. Sinon, ils me rattraperaient.


Sauf que je n'avais aucune chance de m'échapper. Ils étaient beaucoup plus rapides que moi, et ils ne faisaient que jouer avec moi, attendant que je sois complètement épuisée avant de passer à l'attaque. Je n'avais aucune chance.


Quel choix j'avais ?


Je me suis élancée à nouveau, ignorant toutes les alarmes que m'envoyaient différentes parties de mon corps. J'ai couru encore, à travers cette putain de forêt uniquement éclairée par la pleine lune. Une dizaine de mètres plus tard, je me suis écroulée.


Alors que j'essayais péniblement de me relever, encore à quatre pattes, j'ai entendu les bruits de pas dans mon dos. Voilà, ils avaient assez joué, c'était le moment de la mise à mort.


« Déjà fatiguée, bébé ? » a fait mon poursuivant.


Je ne pouvais pas le voir, mais j'ai reconnu sa voix. Colonel George Fontenoy, un type d'une cinquantaine d'années dans l'armée de terre. Il était beaucoup plus vieux que moi, mais ce connard n'était même pas essoufflé.


Je l'ai entendu approcher, j'ai imaginé le sourire qu'il devait arborer sur sa sale gueule en me voyant à bout de forces, et je me suis dit que c'était le moment, ma seule chance.


Parce que je n'étais pas vraiment à bout de forces. Je n'étais pas en très grande forme, d'accord, mais je pouvais en fait encore tenir debout. J'avais juste décidé de m'écrouler maintenant, plutôt qu'un kilomètre ou deux plus loin, quand je n'en aurais plus pu. Et en tombant par terre, je m'étais arrangée pour ne pas être trop loin d'une grosse caillasse, que j'avais saisi lorsque je m'étais mise à quatre pattes.


Je me suis retournée vivement et lui ai envoyé le gadin à la tête. Évidemment, il ne s'attendait pas à ça, et il l'a pris en pleine poire. Le temps qu'il réagisse, je lui avais déjà sauté dessus. Ou plus exactement sur ses jambes, parce que je n'avais pas le temps de me relever.


Il est tombé par terre, en arrière. Je me suis mise à genou au-dessus de lui, et j'ai commencé à lui tataner la tête, histoire de finir ce que ma pierre avait commencé.


L'adrénaline me boostait et me hurlait : « tue-le, tue-le, tue-le ! », et j'étais bien déterminée à l'écouter jusqu'au bout, ne faisant pas attention à la douleur à mes phalanges.


Il y avait autre chose à laquelle je ne prêtais pas suffisamment attention, c'était la main gauche du colonel. Sa main droite, je l'avais dans la face, qui essayait de me repousser, et je ne pouvais voir qu'elle, mais c'était la gauche dont j'aurais dû me méfier.


J'ai réalisé ça trop tard, évidemment, quand j'ai senti la lame de couteau s'enfoncer dans mon ventre. J'ai hurlé de douleur et je me suis arrêtée de taper. Le colonel en a profité pour faire un mouvement de jambes qu'il avait dû apprendre à l'armée et il m'a envoyée rouler par terre à côté de lui, remuant au passage le couteau dans la plaie. Marrant, hein, quand j'y pense, remuer le couteau dans la plaie, c'est une expression que j'avais souvent utilisée, mais c'était la première fois que je sentais ce que ça donnait réellement. Hé bien, croyez-moi sur parole, ça fait putain de mal.


Alors que le sang coulait de mon bide, et que ma vision commençait à se troubler légèrement, j'ai mis la main sur la poignée du couteau. Un moment, j'ai pensé à essayer de le retirer, puis je me suis dit que ce n'était sans doute pas une bonne idée.


« Jolie tentative, a admis le colonel. Je ne m'attendais pas à ça. »


Il était maintenant debout, me toisant comme un connard. Son visage était en sang, mais il n'avait pas l'air de s'en préoccuper.


Il a ensuite posé son pied juste sur le couteau, m'écrasant la main au passage, même si ce n'était pas ce qui me faisait le plus mal. Il s'est mis à appuyer, de plus en plus fort.


« Quand tu y réfléchis bien, la douleur n'est qu'une information sensorielle », m'a alors dit Jayne.


Sauf qu'elle ne me l'a pas vraiment dit, vu que Jayne était morte depuis dix ans. En ce moment elle était beaucoup dans ma tête, sans que je ne sache trop pourquoi. Elle était bien gentille, Jayne, mais ce n'était pas elle qui avait un couteau dans le bide. Elle était morte d'une balle dans la caboche, Jayne. Au moins, ça avait été rapide.


« Le truc, c'est de ne pas essayer de rejeter la douleur, continuait-elle. Bien au contraire. Il faut l'embrasser, l'accueillir. La douleur n'est pas ton ennemie, tu sais ?


— C'est vraiment des putain de conneries de putain de masochistes, ce que tu racontes. »


Jayne a fait sa moue, la petite moue qu'elle avait à chaque fois que je disais une idiotie alors qu'elle essayait de m'expliquer des trucs super philosophiques. Jayne avait tendance à se prendre au sérieux, des fois.


« Tu n'avais pas dit que tu essaierais de réduire ton utilisation de ce mot ? a-t-elle demandé.


— Quoi ?


Putain. D'accord, ce n'est qu'une interjection, mais ça reste un reliquat de la culture patriarcale que tu m'avais promis d'essayer d'employer moins souvent. »


J'ai secoué la tête, atterrée.


« C'est vraiment le bon moment pour me faire chier sur mon putain de vocabulaire ? Je suis en train de crever, au cas où tu n'aurais pas remarqué.


— Non, tu n'es pas en train de crever », a-t-elle répliqué.


Ben voyons. L'obscurité totale autour de nous, la disparition du colonel et de la forêt, le fait que Jayne était en train de me causer, ça ne pouvait vouloir dire qu'une chose : j'étais inconsciente. Et quand on perd connaissance alors qu'on a un couteau dans le bide, on a des chances d'être en train de crever.


« Oh, si, ai-je répondu. Attends un peu, il va y avoir la lumière blanche et je vais te rejoindre dans l'au-delà.


— Je ne suis pas dans l'au-delà. Je suis dans ta tête. Et tu as oublié un détail.


— Quel détail ? ai-je demandé.


— La seule lumière blanche à laquelle tu es exposée, c'est celle de la pleine lune. »


J'ai mis quelques secondes à comprendre où elle voulait en venir.


« Oh, putain ! ai-je juré.


Tssss, a-t-elle fait avec sa moue de réprobation.


Purée, ai-je repris, pas une nouvelle fois ! Ça fait tellement mal, je n'ai pas envie de vivre ça à nouveau. Je ne peux pas plutôt mourir et te rejoindre ?


Non », a-t-elle soupiré, puis elle m'a regardée comme si j'étais une enfant de quatre ans. « Tu ne peux pas me rejoindre. Je suis dans ta tête. Je ne suis pas la Jayne que tu as connue et qui est morte il y dix ans, je suis une projection de ton subconscient. Tu sais cela, hein ?


— Ouais, ouais.


— Alors il est temps de te réveiller, maintenant. »


J'ai levé les yeux au ciel. Vous l'aurez comprist, quand je dis qu'il y a une chose que je n'aime pas dans la vie, c'est une façon de parler, parce qu'il y en a des tas. Mais à ce moment-là, il y avait une chose que je n'aimais pas, et c'était être une louve putain de garou.

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Published on January 22, 2014 12:28

Un début de roman

Cela fait quelques semaines que j'ai terminé le premier jet de mon dernier roman, et du coup je commençais à me dire qu'il était temps que je me remette à autre chose. J'avais dans ma tête des projets assez précis, avec un début de plan relativement détaillé et tout cela. Assez logiquement, l'autre jour, je me suis donc mise à écrire... sur complètement autre chose, sans avoir la moindre idée d'où j'allais.


Ne me demandez pas pourquoi.


Bref, voilà un début de roman écrit d'un trait et sans grande relecture. Je ne suis pas persuadée que je continuerai là-dessus, j'avais surtout besoin d'écrire pour me changer les idées et, comme je l'ai dit, je n'ai pas la moindre idée de ce qui pourrait se passer ensuite. Comme ça faisait longtemps que je n'avais rien posté ici, j'avais tout de même envie de le faire partager, sachant que ce n'est vraiment pas la chose la plus littéraire que j'ai écrite et que j'ai plutôt l'impression en relisant ce que j'ai commis que c'est de pire en pire.


Bref, si ça intéresse des gens, le texte est après la coupure.

Il y a une chose que je n'aime pas

Il y a une chose que je n'aime pas dans la vie, une putain de chose, et c'est courir.


D'accord, il y a d'autres choses que je n'aime pas, des tas d'autres, quand j'y réfléchis, mais à ce moment-là, alors que je courais dans cette putain de forêt, je ne les avais pas trop en tête, et je me disais surtout que je détestais courir.


J'entendais les boum boum boum de mon cœur marteler à mes tempes, mes jambes hurlaient de douleur, j'avais envie de dégobiller. C'est dans ces moments-là que je maudissais le fait d'être grosse. Je n'en était déjà pas bien fan en temps normal, notez, mais là, alors que je devais courir entre ces arbres, à échapper à des poursuivants beaucoup plus sportifs que moi, je maudissais vraiment cette graisse qui me ralentissait.


Ça, et la clope. J'avais l'impression que j'allais cracher mes poumons. Ah, et puis mes rangers, aussi. Je veux dire, que je maudissais, pas que j'allais cracher. C'était de belles rangers toutes neuves, que je n'avais pas eu le temps de faire correctement. Je m'étais dit que ce n'était pas grave, parce que je n'avais pas prévu de marcher beaucoup. Je n'avais pas prévu que j'aurais à courir. Je devais avoir l'arrière des pieds en sang.


Je me suis arrêtée un instant contre un arbre, essayant de reprendre mon souffle. Foutues clopes. Je n'avais plus le courage de continuer, plus le courage de fuir, mais il fallait que je reparte. Sinon, ils me rattraperaient.


Sauf que je n'avais aucune chance de m'échapper. Ils étaient beaucoup plus rapides que moi, et ils ne faisaient que jouer avec moi, attendant que je sois complètement épuisée avant de passer à l'attaque. Je n'avais aucune chance.


Quel choix j'avais ?


Je me suis élancée à nouveau, ignorant toutes les alarmes que m'envoyaient différentes parties de mon corps. J'ai couru encore, à travers cette putain de forêt uniquement éclairée par la pleine lune. Une dizaine de mètres plus tard, je me suis écroulée.


Alors que j'essayais péniblement de me relever, encore à quatre pattes, j'ai entendu les bruits de pas dans mon dos. Voilà, ils avaient assez joué, c'était le moment de la mise à mort.


« Déjà fatiguée, bébé ? » a fait mon poursuivant.


Je ne pouvais pas le voir, mais j'ai reconnu sa voix. Colonel George Fontenoy, un type d'une cinquantaine d'années dans l'armée de terre. Il était beaucoup plus vieux que moi, mais ce connard n'était même pas essoufflé.


Je l'ai entendu approcher, j'ai imaginé le sourire qu'il devait arborer sur sa sale gueule en me voyant à bout de forces, et je me suis dit que c'était le moment, ma seule chance.


Parce que je n'étais pas vraiment à bout de forces. Je n'étais pas en très grande forme, d'accord, mais je pouvais en fait encore tenir debout. J'avais juste décidé de m'écrouler maintenant, plutôt qu'un kilomètre ou deux plus loin, quand je n'en aurais plus pu. Et en tombant par terre, je m'étais arrangée pour ne pas être trop loin d'une grosse caillasse, que j'avais saisi lorsque je m'étais mise à quatre pattes.


Je me suis retournée vivement et lui ai envoyé le gadin à la tête. Évidemment, il ne s'attendait pas à ça, et il l'a pris en pleine poire. Le temps qu'il réagisse, je lui avais déjà sauté dessus. Ou plus exactement sur ses jambes, parce que je n'avais pas le temps de me relever.


Il est tombé par terre, en arrière. Je me suis mise à genou au-dessus de lui, et j'ai commencé à lui tataner la tête, histoire de finir ce que ma pierre avait commencé.


L'adrénaline me boostait et me hurlait : « tue-le, tue-le, tue-le ! », et j'étais bien déterminée à l'écouter jusqu'au bout, ne faisant pas attention à la douleur à mes phalanges.


Il y avait autre chose à laquelle je ne prêtais pas suffisamment attention, c'était la main gauche du colonel. Sa main droite, je l'avais dans la face, qui essayait de me repousser, et je ne pouvais voir qu'elle, mais c'était la gauche dont j'aurais dû me méfier.


J'ai réalisé ça trop tard, évidemment, quand j'ai senti la lame de couteau s'enfoncer dans mon ventre. J'ai hurlé de douleur et je me suis arrêtée de taper. Le colonel en a profité pour faire un mouvement de jambes qu'il avait dû apprendre à l'armée et il m'a envoyée rouler par terre à côté de lui, remuant au passage le couteau dans la plaie. Marrant, hein, quand j'y pense, remuer le couteau dans la plaie, c'est une expression que j'avais souvent utilisée, mais c'était la première fois que je sentais ce que ça donnait réellement. Hé bien, croyez-moi sur parole, ça fait putain de mal.


Alors que le sang coulait de mon bide, et que ma vision commençait à se troubler légèrement, j'ai mis la main sur la poignée du couteau. Un moment, j'ai pensé à essayer de le retirer, puis je me suis dit que ce n'était sans doute pas une bonne idée.


« Jolie tentative, a admis le colonel. Je ne m'attendais pas à ça. »


Il était maintenant debout, me toisant comme un connard. Son visage était en sang, mais il n'avait pas l'air de s'en préoccuper.


Il a ensuite posé son pied juste sur le couteau, m'écrasant la main au passage, même si ce n'était pas ce qui me faisait le plus mal. Il s'est mis à appuyer, de plus en plus fort.


« Quand tu y réfléchis bien, la douleur n'est qu'une information sensorielle », m'a alors dit Jayne.


Sauf qu'elle ne me l'a pas vraiment dit, vu que Jayne était morte depuis dix ans. En ce moment elle était beaucoup dans ma tête, sans que je ne sache trop pourquoi. Elle était bien gentille, Jayne, mais ce n'était pas elle qui avait un couteau dans le bide. Elle était morte d'une balle dans la caboche, Jayne. Au moins, ça avait été rapide.


« Le truc, c'est de ne pas essayer de rejeter la douleur, continuait-elle. Bien au contraire. Il faut l'embrasser, l'accueillir. La douleur n'est pas ton ennemie, tu sais ?


— C'est vraiment des putain de conneries de putain de masochistes, ce que tu racontes. »


Jayne a fait sa moue, la petite moue qu'elle avait à chaque fois que je disais une idiotie alors qu'elle essayait de m'expliquer des trucs super philosophiques. Jayne avait tendance à se prendre au sérieux, des fois.


« Tu n'avais pas dit que tu essaierais de réduire ton utilisation de ce mot ? a-t-elle demandé.


— Quoi ?


— Putain. D'accord, ce n'est qu'une interjection, mais ça reste un reliquat de la culture patriarcale que tu m'avais promis d'essayer d'employer moins souvent. »


J'ai secoué la tête, atterrée.


« C'est vraiment le bon moment pour me faire chier sur mon putain de vocabulaire ? Je suis en train de crever, au cas où tu n'aurais pas remarqué.


— Non, tu n'es pas en train de crever », a-t-elle répliqué.


Ben voyons. L'obscurité totale autour de nous, la disparition du colonel et de la forêt, le fait que Jayne était en train de me causer, ça ne pouvait vouloir dire qu'une chose : j'étais inconsciente. Et quand on perd connaissance alors qu'on a un couteau dans le bide, on a des chances d'être en train de crever.


« Oh, si, ai-je répondu. Attends un peu, il va y avoir la lumière blanche et je vais te rejoindre dans l'au-delà.


— Je ne suis pas dans l'au-delà. Je suis dans ta tête. Et tu as oublié un détail.


— Quel détail ? ai-je demandé.


— La seule lumière blanche à laquelle tu es exposée, c'est celle de la pleine lune. »


J'ai mis quelques secondes à comprendre où elle voulait en venir.


« Oh, putain ! ai-je juré.


— Tssss, a-t-elle fait avec sa moue de réprobation.


— Purée, ai-je repris, pas une nouvelle fois ! Ça fait tellement mal, je n'ai pas envie de vivre ça à nouveau. Je ne peux pas plutôt mourir et te rejoindre ?


— Non », a-t-elle soupiré, puis elle m'a regardée comme si j'étais une enfant de quatre ans. « Tu ne peux pas me rejoindre. Je suis dans ta tête. Je ne suis pas la Jayne que tu as connue et qui est morte il y dix ans, je suis une projection de ton subconscient. Tu sais cela, hein ?


— Ouais, ouais.


— Alors il est temps de te réveiller, maintenant. »


J'ai levé les yeux au ciel. Vous l'aurez comprist, quand je dis qu'il y a une chose que je n'aime pas dans la vie, c'est une façon de parler, parce qu'il y en a des tas. Mais à ce moment-là, il y avait une chose que je n'aimais pas, et c'était être une louve putain de garou.

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Published on January 22, 2014 12:28

November 23, 2013

Bilan NaNoWriMo 2013

Cette année, j'avais décidé d'essayé de faire le NaNoWriMo, alias National Novel Writing Month.




Le NaNoWriMo, c'est quoi ?


Comme son nom l'indique vaguement, le but du NaNoWriMo est d'écrire un roman en un mois, et ça a lieu depuis un certain temps tous les mois de novembre. J'avoue que je ne suis pas une grande spécialiste de l'évènement, par exemple je ne sais même pas pourquoi il y a national dans le nom alors que des gens de plein de pays participent ; j'imagine qu'à la base ça devait être un truc américain, ou peut-être un autre pays qui parle anglais, je ne sais pas trop.




Bref, l'idée, c'est d'écrire un roman dans le mois de novembre. Enfin, plus exactement, d'écrire cinquante mille mots, ce qui correspond en terme de taille à un petit roman.




Ce que j'ai fait


Il se trouve qu'à la fin du mois d'octobre, j'avais déjà un projet de roman en cours. Ça s'appelle La sorcellerie est un sport de combat, et en gros c'est une sorte de suite à Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires), sauf que ce n'est pas vraiment une suite. D'accord, ça ne dit pas grand chose sur ce qu'il se passe dans le roman, mais ce n'est pas vraiment le but de l'article.




À la fin du mois d'octobre, donc, ce roman était déjà entamé, et comptait un peu plus de 30000 mots. Mon objectif était de réussir à faire le NaNoWrimo en le finissant, et comme j'avais peur de le finir avant d'avoir atteint les 50000 mots requis, je me disais que je commencerais peut-être autre chose. Je crois que j'étais un peu naïve.




Je réalise en écrivant cet article que je n'ai, du coup, pas réellement participé au NaNoWrimo, puisque cela consiste à commencer un nouveau projet. Mince. Je suis donc plutôt une NaNoReBelle. En même temps, je me serais pas vue commencer un nouveau roman alors que j'en avais en cours : à chaque fois que je l'ai fait, il y en a un des deux qui finissaient à la poubelle.




Bilan


La bonne nouvelle (pour moi, vous vous en fichez peut-être), c'est que j'ai réussi à écrire les 50000 mots. Victoire ! Par contre, je n'ai pas encore fini mon roman, qui est parti pour être un peu plus long que prévu.




Alors, quel bilan je tire de tout ça ?




Des chiffres


Le principe du NaNoWriMo, c'est quand même d'écrire un certain nombre de mots dans une période de temps limitée. Ça a des conséquences, et notamment que je me suis retrouvée à regarder en permanence où j'en étais en terme de nombre de mots, si j'avais bien fait le quota de ma journée, ou pas, si j'étais en avance ou en retard, etc. J'ai même des graphiques très moches à montrer.




D'abord le nombre de mots par jour, avec en bleu le nombre effectif de mots tapés et en rouge la barre pour être dans le quota moyen (1666 mots) pour réussir le NaNoWriMo :




mots-jour.png




Et le nombre total de mots, avec, de la même façon, la courbe bleue qui représente ce que j'ai tapé et la courbe rouge qui représente ce qu'il fallait avoir tapé à ce moment là pour être « dans les clous » :




mots-total.png




Si je mets ces images, ce n'est pas juste pour me la péter en montrant mon « score » (d'accord, peut-être un peu), mais aussi pour dire que le NaNoWrimo ça m'a rendue complètement accro aux chiffres. Je tapais un passage, je regardais combien j'avais de mots et si la courbe avait bougé. D'habitude, je regarde le nombre de mots (ou de caractères, qui sont plus mon indicateur habituel de taille) de temps en temps pour voir si j'ai bien avancé et voir si ça va donner un roman tout petit ou un pavé, mais là, c'était tout le temps, tout le temps, tout le temps.




Alors, ça a un côté motivant, je ne vais pas le nier, mais j'avais l'impression d'avoir vraiment les yeux tout le temps sur le compteur, et parfois au final que mon but était de faire du chiffre plus que de raconter une histoire.




De la productivité


Spontanément, dans les phases où je suis inspirée, j'écris vite. En général je passe des nuits sur mon roman à me coucher à quatre, cinq, ou six heures du matin. Je ne m'en faisais donc pas trop pour le NaNoWriMo, parce que je savais que c'était des cadences que je pouvais tenir.




Par contre, j'écris vite, mais seulement quand je suis inspirée. Il y a des moments où je n'ai pas envie d'écrire, et où je ne le fais pas. Ça peut durer des mois, comme ça. Si je bloque sur un passage, je vais souvent faire une pause de quelques jours dans l'écriture.




Avec le NaNoWriMo, c'était pas tout à fait possible. Ce qui voulait dire qu'à des moments, clairement, je me mettais devant l'ordi pour écrire alors que je n'avais pas foncièrement envie d'écrire. Le truc dont je suis le plus fière, ce n'est pas d'avoir écrit beaucoup de mots, mais d'avoir écrit tous les jours pendant un mois (22 jours, en tout cas), une régularité qui n'est pas mon point fort habituel.




Dans pas mal de conseils d'écriture que j'ai lus, il y avait ce truc de régularité, d'écrire un peu tous les jours, même si n'est pas forcément 1666 mots tout le temps (je pense qu'il y a peu d'auteurs qui écrivent douze romans par an). Je pense que c'est un bon conseil pour réussir à terminer ce qu'on commence et à ne pas laisser ses débuts de textes moisir dans un placard, mais je dois avouer que je ne suis pas sûre à 100% que ça me convienne. D'habitude, je passe beaucoup de temps à répéter une scène dans ma tête avant de l'écrire, ou à débloquer une situation. Là, je ne pouvais pas autant faire ça, et j'avais parfois l'impression de me retrouver à coucher sur papier des choses qui n'avaient pas forcément très bien muri avant. Je ne sais pas si ça a un impact négatif sur ce que j'ai écrit — il faudra que je prenne le temps de tout relire, et de faire lire à quelques personnes pour le savoir — mais en tout cas je trouvais ça un peu inconfortable.




 De la relecture


Alors c'est très simple : avec le NaNoWriMo, on peut laisser tomber la relecture. Le but c'est vraiment d'écrire, d'écrire, et encore d'écrire. Là encore, ça ne correspond pas à mon fonctionnement habituel, où, en général, avant d'écrire un passage je relis ce que j'ai écrit avant, ce qui en plus de faire un peu de correction me permet de me remettre dans le bain. Là, il n'y avait pas ça du tout. Alors, je n'avais pas forcément besoin de me remettre dans le bain vu que j'étais dedans à peu près en permanence, mais j'ai peur que les relectures et éventuelles réécritures à venir soient plus douloureuses que d'habitude.




Il faut dire que ces derniers temps, je ne réécrivais pas beaucoup. Pour mes deux derniers romans, le premier jet correspondait à peu près au résultat final (modulo des corrections mineures, sans compter l'orthographe et les répétitions, évidemment). Je ne suis pas sûre que ce soit aussi simple sur ce coup.




De la longueur


Comme je le disais plus haut, je n'ai pas terminé mon roman, qui s'est relevé plus long que prévu. D'habitude, j'écris des choses plutôt courtes : Une autobiographie transsexuelle (avec des vampires) fait 51 mille mots (313 mille caractères) ; mon dernier roman terminé, ''Rude girls don't cry", 47 mille (280 mille caractères). Là, j'en suis à 83 mille mots (513 mille caractères), et ce n'est pas fini.




Je pense que c'est en partie dû au roman lui-même : il y a beaucoup de personnages, donc pour passer un minimum de temps sur chacun, il est nécessaire de faire quelque chose de plus long que lorsqu'il y a deux héroïnes et trois personnages secondaires. Cela dit, je me demande s'il n'y a pas un peu l'effet NaNoWriMo qui joue aussi : le but étant de faire le plus de mots possible en une journée, histoire de pouvoir être en avance ou rattraper son retard, j'avoue que je me posais beaucoup moins la question « cette scène est-elle vraiment nécessaire ?» avant de l'écrire, en ayant un peu une logique comptable : « hé hé hé, ça fera monter mon score ».




Là encore, je ne suis pas pour l'instant en mesure de dire si cela a un impact négatif sur le roman. Peut-être que ça m'a poussé à faire des choses un peu moins minimalistes, et à moins abuser des ellipses que d'habitude. Ou peut-être qu'il y a des tas de scènes que je vais couper à la relecture, je ne sais pas trop.




 Conclusion


Participer au NaNoWriMo était une expérience intéressante, et ça m'a sans doute permis d'avancer plus vite sur mon projet. Il y a une certaine logique productiviste qui n'est pas sans inconvénients, mais qui permet aussi de se motiver à ouvrir son fichier texte et à écrire plutôt que de glander à regarder des vidéos de chatons sur Youtube.




Bon, d'accord, je n'ai pas fait une participation dans les règles étant donné que j'ai poursuivi quelque chose qui existait déjà et que je n'ai pas commencé un nouveau projet. L'année prochaine, je ferai peut-être un vrai NaNoWriMo, mais en attendant je me dis que les bilans à tirer de tout ça sont à peu près les mêmes, qu'il s'agisse des cinquante mille premierts mots d'un roman ou de ceux du milieu.




Il y a quand même tout un aspect que je ne traite pas, c'est l'échange entre écrivains. Le NaNoWriMo, c'est aussi l'occasion de s'inscrire sur des forums pour partager ses avancées, ses difficultés, etc. Il y a aussi des rencontres IRL (dans la « vraie vie »), des chats, et tout un tas de choses. Si je n'en parle pas, c'est tout bonnement parce que, de mon côté, j'ai fait ma solitaire habituelle et n'ai pas franchement participé à cette dynamique là (même si je le fais un peu avec cet article). Ce n'est pas que je pense que c'est naze et inutile, juste que ça ne me convenait pas vraiment et que j'avais uniquement envie de me consacrer sur ce que j'écrivais.




Pour conclure : je pense que c'est quelque chose d'intéressant pour se motiver à écrire, qu'on passe la barre des cinquante mille mots ou pas. Par contre, c'est quand même assez contraignant, et je n'appliquerai pas ces méthodes de travail tout le reste de l'année :)

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Published on November 23, 2013 07:35

October 31, 2013

Une mine de déterrés, #3

Voici la troisième et dernière partie de Une mine de déterrés, une nouvelle un peu longue qui mélange fantasy et enquête policière et qui fait partie du recueil Sorcières & Zombies. La première partiest est disponible ici et la seconde est là.



Vous pouvez aussi télécharger le texte intégral :



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au format ODT (OpenOffice)

Lorsque Sylvie se leva à six heures du matin et descendit dans la salle à manger de l'auberge, elle eut la surprise d'y trouver Anya, plongée dans les archives et notes qu'André avait fournies.


« Bonjour, lança l'aubergiste.


— Salut.


— Vous voulez déjeuner ?


— Du café. Je veux bien du café. »


Anya continua à plancher sur les documents concernant la mine pendant que Sylvie s'activait derrière le comptoir. Elle haussa les épaules et retourna à son problème.


Elle voulait un moyen de pénétrer dans la mine, mais André avait certifié à Ray que tous les puits avaient été fermés. D'après les rapports qu'elle voyait, la mine avait effectivement été entièrement condamnée après l'explosion.


« Voilà, fit Sylvie en lui apportant sa tasse de café.


— Merci. »


Anya avala une gorgée en regardant la liste des différents puits. Elle réalisa alors que le puits numéro 2 avait été fermé cinq ans plus tôt. Il avait, comme les autres, été condamné, mais seul son accès avait été muré pour éviter que des promeneurs ne s'enfoncent dans la mine.


La jeune femme eut un petit sourire. Avec une bonne pioche, elle ne doutait pas que Ray serait capable de lui ouvrir le passage.


Elle termina son café en regardant Sylvie, qui s'était assise seule à une table et semblait lugubre.


Anya se leva, tira sa chaise et se laissa tomber en face de l'aubergiste.


« Ça n'a pas l'air d'aller. »


La jeune femme haussa les épaules.


« Tu veux en parler ?


— C'est juste... cette enquête. Ça remue des choses, vous savez ?


— Je suis désolée.


— Oh, non, mademoiselle Volk. J'espère que vous trouverez la vérité. »


Anya hocha la tête.


« On va essayer.


— Et je me demandais... vu que vous êtes une sorcière, vous n'avez pas une potion magique contre le chagrin ?


— J'aimerais bien. J'ai peur de ne pas avoir aussi souvent recours aux potions magiques et aux boules de feu que ce que les gens imaginent. »


Sylvie eut un petit sourire,


« Pas non plus de potion pour être plus courageuse ?


— Comment ça ?


— J'aimerais oser quitter cette ville, expliqua l'aubergiste. Seulement, c'est tout ce que je connais. J'aimerais être aussi courageuse que vous ?


— Que moi ? s'étonna Anya.


— Vous voyagez, vous faites un métier dangereux, vous n'avez pas peur de ce que les gens disent sur vous. J'aimerais avoir votre courage.


— C'est parce que tu ne m'as jamais vu face à une araignée, plaisanta la sorcière. Non, je n'ai pas de potion, mais... »


Anya se maudit intérieurement pour le côté gnan-gnan de ce qu'elle s'apprêtait à dire, mais la fin justifiait les moyens.


« ... je suis sûre que tu trouveras tout le courage dont tu as besoin dans ton cœur. »



Pour le repas de midi, André vint rejoindre les deux enquêteurs dans l'auberge. Ils étaient les uniques clients à rester pour le déjeuner. Anya se sentait un peu désolée pour Sylvie qu'il n'y ait pas plus de monde.


« Donc, fit André en se découpant un morceau de viande, vous voulez vraiment aller dans cette mine ?


— On pourrait passer par le puits 2, expliqua la jeune femme. Il n'a été que muré.


— Le puits 2, répéta André. C'est un conduit vertical avec un ascenseur. S'il ne marche plus, vous comptez descendre avec des cordes ? Ça fait plus de cent mètres.


— Ça nous fera de l'exercice, répliqua Ray.


— Vous êtes inconscients. C'est dangereux. Ça pourrait s'effondrer à tout moment...


— Anya pense qu'il n'y a pas que des risques d'effondrements.


— Vous pensez à quoi ? »


La jeune femme parut soudainement passionnée par ses ongles. Elle n'avait manifestement aucune envie de répondre.


« Bon sang, soupira André, soyez clairs !


— Des morts-vivants, lâcha Ray.


— Quoi ? C'est ridicule !


— Il y a deux jours, expliqua Anya, un cadavre a été retrouvé avec des traces de morsures près de la rivière. Cette rivière passe sous la mine, qui est actuellement remplie de cadavres.


— Je suis pas convaincu, tempéra son équipier. Enfin, on va prendre nos précautions. On aurait besoin d'un coup de main. La mine, c'est votre truc. »


André se passa la main dans la barbiche d'un air songeur, puis haussa les épaules.


« D'accord. S'il faut ça pour découvrir la vérité...


— Je viens aussi. »


Les regards se tournèrent vers Sylvie, debout à côté de la table, une corbeille de pain à la main.


« C'est pas une bonne idée, protesta Ray.


— Mon père est là-bas. Si c'est un mort-vivant...


— Tu feras quoi ? Il te reconnaîtra pas.


— Je veux au moins connaître la vérité. »


Le colosse interrogea sa coéquipière du regard. Celle-ci eut un petit sourire.


« Tu sais couper la viande, nota-t-elle à destination de l'aubergiste. Tu devrais pouvoir te débrouiller face à un zombie. »



« Putain, râla Anya tandis qu'ils parcouraient le chemin qui montaient à la mine. Ça grimpe.


— Toi, au moins, répliqua Ray, t'as pas à trimballer de pioche. Et puis, t'étais pas obligée de mettre des talons.


— Va te faire foutre.


— C'est vrai que c'est loin, admit le colosse. Les mineurs se tapaient ça tous les jours ?


— Non, expliqua André. Il y a des entrées plus bas, la plupart pour des conduits horizontaux. La mine est en dessous de nous.


— On marche sur du gruyère, ajouta Anya en grimaçant. Pas rassurant.


— Vous verrez vite que vous préférez avoir la terre sous vous plutôt qu'au-dessus. L'entrée du puits 2 est là. »


André montra du doigt un trou sombre dans la façade de la montagne et s'avança vers l'entrée. Sylvie et Ray le suivirent tandis qu'Anya restait un moment dehors.


Elle resta deux minutes seule avant que son ami ne finisse par ressortir, une lampe de mineur à la main.


« Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il.


— J'ai... mal aux pieds ?


— Juste ça ? Qu'est-ce qu'il y a ? T'as peur de descendre ? »


Anya se tourna vers lui et acquiesça, un peu honteuse.


« Je ne m'étais pas rendue compte que ça serait... comme ça. En voyant l'entrée... l'obscurité, l'enfermement...


— Tu peux rester là.


— Non. Donne-moi juste un peu de temps, d'accord ? »



« Elle arrive », annonça Ray à André et Sylvie, qui s'étaient tous les deux équipés de casques et de lampes.


Ils s'étaient arrêtés devant une grille métallique qui barrait le chemin.


« Ça devait pas être un mur ? demanda le colosse.


— Il s'agissait au départ d'un puits d'aération, expliqua André. Plus tard, un ascenseur a été ajouté pour permettre de transporter des hommes, mais l'entrée a été fermée après un accident.


— Je me fous du cours d'histoire. Pourquoi il y a une grille ?


— Pour condamner l'entrée tout en assurant une ventilation.


— Ça va pas me faciliter le boulot, ça. »


Il regarda quelques instants la grille et constata que le maillage et les barreaux étaient assez fins et plutôt rouillés. Il ne serait finalement pas si difficile d'en venir à bout.


Il attrapa la pioche et commença à donner de violents coups. Il fallut peu de temps pour que, alliés à la rouille, ils entraînent la casse de quelques barreaux.


Après quelques minutes d'efforts, Ray parvint à tordre la grille pour élargir l'ouverture et permettre à quelqu'un de passer en se contorsionnant un peu.


Il fut le premier à se lancer, et râla tandis que les barreaux déchiraient sa chemise et l'égratignaient. C'était l'inconvénient d'avoir un gabarit imposant.


« Bon, allons voir si cet ascenseur fonctionne. »


Il s'avança un peu dans le couloir et découvrit une salle de petite taille. Au fond de celle-ci, il remarqua une petite cage.


« Je vais vérifier les cordes, expliqua André en le rejoignant. Il ne faudrait pas qu'elles lâchent au milieu de la descente.


— D'accord.


— Votre amie ne vient pas, au fait ?


— J'ai dit qu'elle arrivait », râla Ray.


Sylvie regarda, curieuse, le colosse hausser les épaules et faire quelques pas dans la salle, visiblement nerveux.


« Elle a peur de descendre ? demanda-t-elle.


— Elle va venir, répéta le géant.


— Écoutez, fit André, elle devrait peut-être rester là. Je ne sais pas si elle est vraiment faite pour...


— Vous voulez dire quoi ? » demanda Ray un peu agressivement, ce qui fit légèrement reculer l'ancien mineur.


Celui-ci lâcha un soupir. Apparemment, le détective n'aimait pas qu'on critique sa collègue.


« Je veux dire, persista néanmoins André, qu'on ne vient pas dans une mine avec des chaussures à talon, une petite jupe et du maquillage. Surtout quand on a peur du noir.


— Qui c'est, qu'a peur du noir ? » demanda Anya.


Les regards se tournèrent vers elle tandis qu'elle passait à travers l'ouverture de la grille et rejoignait ses trois compagnons, dorénavant silencieux.


« Bon, fit-elle joyeusement, on y va, ou vous attendez quelqu'un ? »



Serrés dans la petite cage de bois, Ray faisait tourner la manivelle qui contrôlait la descente. André montrait l'évolution des roches tandis qu'ils s'enfonçaient, pendant qu'Anya se cramponnait à une des rambardes de l'ascenseur.


« Ça va ? chuchota Sylvie.


— Ça ira mieux quand on sera à nouveau dehors. »


L'aubergiste posa timidement une main sur l'épaule de la sorcière, pour la rassurer.


« L'exemple de courage fait un peu pitié à voir, hein ? » railla cette dernière.



« D'accord, fit André alors qu'ils arrivaient en bas. Je propose qu'on reste groupés, maintenant. Si vous vous perdez dans les tunnels...


— Chier, coupa Ray. C'est bas de plafond, ici.


— Marchez au milieu des couloirs, reprit l'ancien mineur. Et évitez de toucher aux étais. Si vous respectez ça, je pense que tout ira bien. »


Le petit groupe suivit André à travers les tunnels. Sylvie semblait parfaitement à l'aise dans la mine tandis que Ray, qui était obligé de marcher voûté, râlait en permanence. Derrière eux, Anya, plutôt nerveuse, se retournait régulièrement, comme pour vérifier que rien ne les suivait.


Au bout d'une dizaine de minutes, le géant réalisa que son amie était restée un peu en arrière.


« Bon sang, râla André. Surveillez votre copine. Si elle panique ici, elle peut tous nous faire tuer.


— Elle n'est pas du genre à... »


Derrière eux, un cri aigu résonna dans les tunnels et interrompit Ray, qui soupira.


« ... paniquer. Bon, on y va. »


Ils firent demi-tour et se dirigèrent aussi vite que possible vers l'origine du cri. Au bout d'une vingtaine de mètres, ils aperçurent la jeune femme, à genoux au milieu du couloir. Elle leur tournait le dos.


« Anya ? fit doucement Ray. Ça va ? »


La détective se releva doucement et se tourna vers son ami. Ce dernier réalisa alors à la lumière blafarde de la lampe qu'elle avait l'épaule gauche ensanglantée et qu'elle tenait une pierre d'un bon gabarit dans la droite.


Anya pointa du pouce un cadavre dont le crâne venait manifestement d'être démoli avec la roche en question.


« On dirait que j'avais raison, sur les morts-vivants. »



Le petit groupe se dirigea d'un pas rapide vers l'ascenseur. En voyant le cadavre, ils avaient unanimement décidé de remonter à la surface.


« J'aurais peut-être dû prendre le corps ? suggéra Ray. Comme preuve ?


— C'est juste un cadavre, maintenant, répliqua Anya. J'irai voir Leslie. J'espère qu'elle me croira. Mais j'aimerais qu'on sorte d'ici rapidement.


— Un instant », protesta André tandis qu'ils arrivaient vers la cage de bois.


Il jeta un coup d'œil à l'ascenseur et grimaça.


« Quoi ? demanda Anya. On ne va pas rester coincés là, quand même ?


— Je ne pense pas. Mais ce serait plus prudent d'éviter de mettre trop de poids d'un coup. La corde est en bon état, mais on ne peut pas en dire autant du bois.


— On fait quoi ? demanda Ray.


— Je propose deux voyages. Je monte avec mademoiselle Volk, et vous suivez tous les deux. Les charges seront à peu près équilibrées.


— D'accord, fit le colosse. Mais grouillez-vous. J'ai pas envie de moisir ici. »


L'ascenseur commença à remonter, actionné par Anya, manifestement pressée de ressortir.


Aussitôt, Sylvie s'élança dans un tunnel, à la surprise de Ray. Ce dernier se mit à lui courir après, mais vu la hauteur de plafond, il était désavantagé par sa taille.


« Bon sang ! hurla-t-il. Qu'est-ce que tu fous ?


— Mon père est là-dedans ! répliqua la jeune femme.


— Il est mort ! protesta-t-il. C'est un putain de zombie ! »


Devant lui, Sylvie s'immobilisa face à un mort-vivant, réalisa qu'il ne s'agissait pas de son père, fit quelques pas en arrière et s'engagea dans un embranchement.


« Chier », râla Ray en sortant un couteau de son manteau.


Il regarda le mort-vivant un instant. Celui-ci s'élança vers lui d'un pas lent et mal assuré.


Le colosse planta sa lame dans la tête du zombie, qui s'écroula immédiatement ; puis il retira l'arme et repartit à la poursuite de l'aubergiste.



Lorsque l'ascenseur fut arrivé, Anya se précipita vers l'extérieur. Le soleil l'aveugla quelques secondes lorsqu'elle aperçut l'entrée de la grotte, mais elle réalisa qu'elle aimait ça. Après son passage sous terre, c'était une véritable délivrance.


Ensuite, elle vit que le sergent Leslie se trouvait devant l'ouverture, lui tournant le dos. La détective fronça les sourcils. C'était étrange.


« Leslie ! lança-t-elle. Je suis heureuse de vous voir. »


Le plaisir n'était manifestement pas réciproque, puisque le sergent pointa une arbalète en direction de la détective, qui s'immobilisa en levant les mains.


Elle eut alors la surprise de voir trois autres gardes s'avancer dans l'entrée de la mine, accompagnés de monsieur Maurice, qui tenait toujours sa canne à la main.


« Qu'est-ce qui se passe, bon sang ?


— Il se passe, répondit Leslie, que vous êtes en état d'arrestation, mademoiselle Volk.


— Qu'est-ce qu'il fait là ? » demanda Anya en pointant Maurice du doigt.


Ce dernier arbora un sourire et joignit ses deux mains au dessus du pommeau de sa canne.


« Un de mes travailleurs, expliqua-t-il, m'a rapporté que des intrus semblaient se diriger vers la mine dont je suis co-propriétaire. Le périmètre étant interdit, j'ai prévenu la garde. Je lui ai aussi fait part de votre intrusion dans notre bureau et de ma crainte que vous ayiez été engagée par le syndicat pour effacer les preuves.


— Quoi ? Vous ne croyez pas ce type, quand même ?


— Il est plus crédible que vous, répliqua Leslie.


— Il vous manipule ! La vérité, c'est que cette mine est pleine de morts-vivants !


— De morts-vivants ? D'accord. Vous me raconterez ça au poste. Vous aurez tout le temps de réfléchir à la façon de présenter ça, hein ? »



« Papa ! » hurla Sylvie en se précipitant vers un mineur aux vêtements déchirés et à la peau pleine de terre. Il était occupé à effectuer le même travail qu'il avait fait durant toute sa vie.


« Papa ? répéta la jeune femme en s'approchant de lui. C'est moi. »


Le mort-vivant se retourna vers elle, le regard vide.


« Tra... vaa... iill... eerr... »


Sylvie soupira. Une larme coula le long de sa joue.


« Papa... »


Ce fut à ce moment là que le zombie tendit la main vers elle et l'agrippa.


« Faaiimm... »



À l'extérieur, Anya et André étaient sous la menace des arbalètes des membres de la garde.


« Bon sang, vous pouvez descendre ! protestait l'enquêtrice. Vous le verrez, qu'il y a des morts-vivants !


— Madame, ajouta André. Ce qu'elle dit est vrai.


— C'est ridicule, pouffa Maurice. Pourquoi pas des nains ?


— Réfléchissez, reprit Anya. Il y a eu un mort avec des traces de morsures près de la rivière. La rivière passe sous la mine...


— Volk... soupira Leslie. D'accord, supposons. Pourquoi ces cadavres de mineurs se seraient-ils relevés ?


— À cause de lui ! » répliqua la jeune femme en pointant le co-propriétaire de la mine du doigt. « Il sait se servir de magie. C'est un putain de nécromant !


— Cela devient ridicule, protesta l'accusé.


— Il a raison, ajouta le sergent. Vous l'avez vu faire une boule de feu ?


— J'ai senti la magie.


— Et comment l'auriez-vous sentie » ?


Anya soupira, et se décida à tenter le tout pour le tout.


Elle enleva sa chemise.



Alors que le mort-vivant s'apprêtait à mordre Sylvie, Ray l'attrapa par le col et l'envoya rouler par terre.


« Dégage, saleté !


— Arrêtez ! C'est mon père !


— C'est plus ton père ! » protesta le géant en se tournant vers elle, furieux.


« Ne le tuez pas, je vous en supplie.


— Plus facile à dire qu'à faire », répliqua le colosse.


Puis il entendit un bruit derrière lui et se retourna.


« Oh, merde. »


À l'autre extrémité du tunnel, lentement mais sûrement, un groupe entier de cadavres se dirigeait vers eux.



Anya montrait son dos nu face aux gardes et Maurice. Tout le monde pouvait voir le pentacle qui s'étalait sur une bonne partie de la surface de sa peau.


« Et en quoi cela joue en votre faveur ? » demanda Leslie tandis que la détective se retournait, les bras croisés sur la poitrine pour la masquer aux regards. « En plus de tout, vous êtes une sorcière ?


— Ça prouve que j'ai pu sentir sa magie, répondit Anya aussi calmement qu'elle le pouvait.


— Ou que vous avez été embauchée pour maquiller les preuves. Rhabillez-vous, je vous emmène au poste. On discutera de ça là-bas.


— Attendez ! protesta l'enquêtrice. Et ça, vous pensez que je me le suis fait moi-même ? »


Elle montra la blessure qu'elle avait à l'épaule. Leslie s'approcha un peu, intriguée, et examina la plaie. Elle pouvait voir distinctement les traces de dents, qui semblaient humaines.


Leslie grimaça. Elle trouvait qu'elle avait du mal à réfléchir et ne savait pas quoi faire.


« Ces traces... constata-t-elle. Ça pourrait être n'importe qui...


— Mais quel humain m'aurait mordue ? Ce n'est pas courant, quand même !


— D'accord, mais pourquoi monsieur Maurice aurait-il intérêt à faire de ses travailleurs des morts-vivants ?


— C'est évident, répliqua André. Il ne faut pas les payer. Ils travaillent tout le temps et se ne plaignent pas.


— Ridicule !


— Bon », soupira le sergent, avant de se tourner vers ses hommes, pensive. « On arrête les trois. On réglera tout ça au poste, après être descendus faire un tour dans cette mine. Journée de merde.


— Un instant, protesta Maurice. Vous comptez m'arrêter ?


— Oui, je compte. Je réalise que je n'ai pas franchement les idées claires, et peut-être bien que c'est à cause de vous. À moins que ça ne soit elle. Alors pour l'instant, tout le monde la ferme, d'accord ? »


Le propriétaire de la mine soupira et grommela quelques mots.


« Qu'est-ce que vous... » commença Leslie, mais elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Elle s'écroula, endormie.


Les trois autres gardes l'imitèrent dans la seconde, ainsi qu'André.


Seule Anya se tenait encore debout, quoique chancelant légèrement.


Maurice eut un sourire malsain et se saisit de sa canne, avant d'en sortir une épée.


« Tu ne crains pas la magie, constata-t-il, mais on verra si tu résistes aussi bien à cette lame. »



Ray essayait de repousser les morts-vivants qui approchaient, mais il y parvenait de moins en moins bien. Son couteau était resté coincé dans le crâne d'un de ceux qu'il avait achevés et il devait maintenant se contenter de se servir de ses mains nues. Même s'il avait une force considérable, ce n'était pas suffisant pour les tuer et ils revenaient toujours à la charge.


Derrière lui, Sylvie regardait son père s'approcher d'elle. Elle ne parvenait pas à bouger.


Le mort-vivant ouvrit la bouche pour mordre.


Et puis son comportement changea. Il se figea, avant de se mettre à hurler de douleur, en harmonie avec les autres zombies.


« Papa ! » fit Sylvie.


À sa surprise, les yeux de son père se tournèrent vers elle. Ils ne semblaient plus aussi vides que quelques minutes plus tôt.


« Sylvie », souffla le mort-vivant.


La jeune femme se mit à pleurer et le serra dans ses bras.


Pendant ce temps, Ray regardait, un peu surpris, les cadavres hurler puis s'écrouler devant lui un par un. Il se retourna et vit Sylvie échanger quelques mots avec son père. Puis ce dernier s'immobilisa à son tour, apparemment mort pour de bon.


Le détective s'approcha lentement de la jeune femme et posa une main sur son épaule.


« C'est fini. On devrait remonter, maintenant. »



Lorsque Ray et Sylvie sortirent à la lumière du jour, il eurent la surprise de découvrir une demi-douzaine de corps allongés à côté d'un loup noir qui était occupé à dévorer ce qui restait de monsieur Maurice. À coté de la bête, les vêtements d'Anya traînaient, éparpillés.


« Oh, merde, fit Ray.


— Mon Dieu », lâcha Sylvie, effrayée.


Le colosse soupira et décida de s'allumer un cigare.


« Oh non, railla-t-il en imitant la voix d'Anya. Je déteste cette partie de moi. Sauf quand il y a un repas gratuit à la clé, évidemment, hein ? »


La louve s'arrêta de manger pour tourner la tête vers lui et retroussa ses babines, menaçante.


« Je ne comprends pas, fit Sylvie.


— Moi non plus, répliqua Ray. Pas moyen qu'elle se transforme lorsqu'il s'agit d'enquêter, Mademoiselle ne va quand même pas s'abaisser à utiliser son odorat de loup pour trouver le coupable. Par contre, lorsqu'il s'agit d'utiliser ses mâchoires de loup pour le déguster, là, plus de problème.


— Vous voulez dire, demanda l'aubergiste, que ce loup, c'est mademoiselle Volk ?


— Ouais, répondit Ray. Je pense qu'on ferait mieux de se retourner.


— Donc, demanda Sylvie en tournant le dos à Anya, c'est une louve-garou ?


— On peut dire ça, je suppose. »


Ray inspira une bouffée de tabac, attendant que son amie ait fini de se transformer.


« C'est bon ? demanda-t-il. On peut se retourner ?


— Oui et non, répondit Anya. Merde, je n'aurais pas dû remettre ma chemise. Hum, Sylvie ? Je pourrais vous emprunter votre veste ? »


L'aubergiste la retira et la lui tendit, en prenant toujours soin de ne pas se retourner.


« Oh, et pour ta gouverne, Ray, non pas que ça te regarde, parce que je fais ce que je veux, mais ce connard avait une canne-épée. J'ai été obligée de me transformer. C'était une question de vie ou de mort.


— Une canne-épée ? cracha le colosse. C'est tellement ringard. Ces ploucs ne savent pas que maintenant on fait des arbalètes miniatures qui peuvent se cacher dans une manche ? »



Anya était assise sur une table, les pieds battant dans le vide. Elle était seule, et elle s'ennuyait.


Pourtant, elle était censée être à une fête. Elle était même supposée faire partie des personnes en l'honneur de qui elle était organisée.


Une semaine avait passé depuis la mort de Maurice. Le sergent Leslie avait mené une nouvelle enquête et lui avait posé un nombre incalculable de questions. Elle avait fait venir un mage d'une ville environnante, comme expert. Des gardes s'étaient relayés sans cesse dans ce qui restait de la mine.


Il en était ressorti que les deux inculpés, Grégoire et Maximilien, étaient innocents. Les explosifs trouvés chez eux ne correspondaient pas aux dégâts causés dans la mine. Il n'était pas bien clair si ces explosifs avaient été placés dans leurs appartements pour les faire arrêter ou s'ils comptaient s'en servir pour autre chose ; mais dans le doute, les deux hommes avaient fini par être relâchés.


La culpabilité de Maugeais n'était pas très claire non plus. Il prétendait ne pas être au courant des agissements de son associé et avançait que ce dernier avait agi seul, suite à des désaccords sur la gestion de la mine. En ce qui concernait Anya, les détails ne l'intéressaient pas vraiment. Elle savait que Maugeais était coupable en général.


Quant à Maurice, sa mort avait finalement été attribuée aux loups que Ray et André avaient croisés, prés de la rivière.


Le syndicat des mineurs avait décidé d'organiser une fête, pour célébrer la libération des deux inculpés, mais aussi pour remercier les deux détectives privés, qui devaient partir le lendemain.


Et si son coéquipier était effectivement en train de plaisanter avec une poignée de mineurs, un verre de vin à la main, Anya regardait tout cela de loin, seule.


Elle se leva et se dirigea vers André, profitant d'un moment où il n'était pas en train de parler avec des « camarades ».


« Je vais y aller, expliqua-t-elle.


— Déjà ? s'étonna le syndicaliste.


— Je suis un peu fatiguée.


— D'accord, très bien. Merci pour ce que vous avez fait. »


Anya haussa les épaules.


« Ça changera quoi ? demanda-t-elle. D'accord, ils sont libérés, mais...


— Je pense que ce n'est pas rien. Ils auraient été exécutés.


— Je sais, mais pour vous... la mine va rester fermée.


— Au moins, nous avons obtenu la vérité. Sans compter une indemnisation non négligeable. Nous vous devons beaucoup, nous en avons conscience. »


Anya ne répondit pas qu'elle trouvait qu'elle avait plutôt l'impression que les gens avaient conscience de devoir beaucoup à Ray, et pas à elle. C'était une fête, après tout, elle n'allait pas casser l'ambiance.



Le lendemain, Ray et Anya se dirigeaient vers la porte Sud de Sénéla, leurs bagages à la main. Ils devaient prendre la diligence qui passait à six heures du matin.


« Tu boudes ? demanda le colosse en bâillant.


— Pourquoi ?


— T'as pas beaucoup parlé, ce matin.


— Je suis fatiguée.


— Non, c'est pas ça. T'es plus matinale que moi, d'habitude. Et t'as bu moins que moi, hier.


— C'est peut-être ça, le problème, répliqua la jeune femme.


— Quoi ?


— Personne ne m'offre à boire. Personne ne vient discuter. J'ai passé une journée dans un poste de garde, je suis allée au fond d'une mine, je me suis fait mordre par un mort-vivant, j'ai tué un nécromant, et tout ça pour quoi ? À part André, les types pour qui j'ai fait ça ne m'ont même pas remerciée. Je ne sais pas pourquoi je continue à faire ce boulot, tu sais ?


— Parce que tu te débrouilles toujours pour bouffer le sale type ? plaisanta Ray.


— N'empêche, plus de contrats au rabais chez des bouseux qui n'ont jamais vu de louve-garou, c'est trop...


— Mademoiselle Volk ! »


La jeune femme se retourna, surprise, et aperçut Sylvie qui courait vers elle.


« J'ai cru que j'allais vous manquer, annonça-t-elle à bout de souffle lorsqu'elle les eut rejoints. Vous êtes partis tôt.


— La diligence est à six heures, expliqua Ray.


— Je sais, fit l'aubergiste. Mademoiselle Volk, je voulais vous remercier.


— Tu sais, je crois que tu pourrais m'appeler Anya, maintenant. »


Sylvie eut un petit sourire embarrassé, puis elle baissa la tête et chercha dans une de ses poches. Elle en sortit quelque chose d'argenté qu'elle plaça dans la main de la détective.


« C'est un collier, expliqua-t-elle. C'est un cadeau, pour vous remercier. Je me suis décidée à vendre l'auberge et à quitter cette ville. Bien sûr, je sais que ça ne vaut sans doute pas toutes les protections magiques que vous avez, mais...


— Oh, si, ça les vaut largement, fit Anya en serrant l'aubergiste dans ses bras. Merci, Sylvie. »


Les deux femmes échangèrent encore quelques mots, puis la détective rattrapa son ami, tandis que la serveuse lui faisait au revoir de la main.


« Personne ne m'aime ! railla Ray en imitant la voix de son amie. Personne ne vient me parler !


— Oh, ça va.


Personne ne me dit merci ! continua son compagnon en mettant ses lunettes de soleil. Tu parles. C'est juste que t'es jamais contente.


— Ce n'est pas vrai », répliqua Anya, un sourire aux lèvres, alors qu'elle attachait le collier autour de son cou. « , je le suis. »

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Published on October 31, 2013 14:13

Une mine de déterrés, #3

Voici la troisième et dernière partie de Une mine de déterrés, une nouvelle un peu longue qui mélange fantasy et enquête policière et qui fait partie du recueil Sorcières & Zombies. La première partiest est disponible ici et la seconde est là.



Vous pouvez aussi télécharger le texte intégral :



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au format ePub
au format ODT (OpenOffice)

Lorsque Sylvie se leva à six heures du matin et descendit dans la salle à manger de l'auberge, elle eut la surprise d'y trouver Anya, plongée dans les archives et notes qu'André avait fournies.


« Bonjour, lança l'aubergiste.


— Salut.


— Vous voulez déjeuner ?


— Du café. Je veux bien du café. »


Anya continua à plancher sur les documents concernant la mine pendant que Sylvie s'activait derrière le comptoir. Elle haussa les épaules et retourna à son problème.


Elle voulait un moyen de pénétrer dans la mine, mais André avait certifié à Ray que tous les puits avaient été fermés. D'après les rapports qu'elle voyait, la mine avait effectivement été entièrement condamnée après l'explosion.


« Voilà, fit Sylvie en lui apportant sa tasse de café.


— Merci. »


Anya avala une gorgée en regardant la liste des différents puits. Elle réalisa alors que le puits numéro 2 avait été fermé cinq ans plus tôt. Il avait, comme les autres, été condamné, mais seul son accès avait été muré pour éviter que des promeneurs ne s'enfoncent dans la mine.


La jeune femme eut un petit sourire. Avec une bonne pioche, elle ne doutait pas que Ray serait capable de lui ouvrir le passage.


Elle termina son café en regardant Sylvie, qui s'était assise seule à une table et semblait lugubre.


Anya se leva, tira sa chaise et se laissa tomber en face de l'aubergiste.


« Ça n'a pas l'air d'aller. »


La jeune femme haussa les épaules.


« Tu veux en parler ?


— C'est juste... cette enquête. Ça remue des choses, vous savez ?


— Je suis désolée.


— Oh, non, mademoiselle Volk. J'espère que vous trouverez la vérité. »


Anya hocha la tête.


« On va essayer.


— Et je me demandais... vu que vous êtes une sorcière, vous n'avez pas une potion magique contre le chagrin ?


— J'aimerais bien. J'ai peur de ne pas avoir aussi souvent recours aux potions magiques et aux boules de feu que ce que les gens imaginent. »


Sylvie eut un petit sourire,


« Pas non plus de potion pour être plus courageuse ?


— Comment ça ?


— J'aimerais oser quitter cette ville, expliqua l'aubergiste. Seulement, c'est tout ce que je connais. J'aimerais être aussi courageuse que vous ?


— Que moi ? s'étonna Anya.


— Vous voyagez, vous faites un métier dangereux, vous n'avez pas peur de ce que les gens disent sur vous. J'aimerais avoir votre courage.


— C'est parce que tu ne m'as jamais vu face à une araignée, plaisanta la sorcière. Non, je n'ai pas de potion, mais... »


Anya se maudit intérieurement pour le côté gnan-gnan de ce qu'elle s'apprêtait à dire, mais la fin justifiait les moyens.


« ... je suis sûre que tu trouveras tout le courage dont tu as besoin dans ton cœur. »



Pour le repas de midi, André vint rejoindre les deux enquêteurs dans l'auberge. Ils étaient les uniques clients à rester pour le déjeuner. Anya se sentait un peu désolée pour Sylvie qu'il n'y ait pas plus de monde.


« Donc, fit André en se découpant un morceau de viande, vous voulez vraiment aller dans cette mine ?


— On pourrait passer par le puits 2, expliqua la jeune femme. Il n'a été que muré.


— Le puits 2, répéta André. C'est un conduit vertical avec un ascenseur. S'il ne marche plus, vous comptez descendre avec des cordes ? Ça fait plus de cent mètres.


— Ça nous fera de l'exercice, répliqua Ray.


— Vous êtes inconscients. C'est dangereux. Ça pourrait s'effondrer à tout moment...


— Anya pense qu'il n'y a pas que des risques d'effondrements.


— Vous pensez à quoi ? »


La jeune femme parut soudainement passionnée par ses ongles. Elle n'avait manifestement aucune envie de répondre.


« Bon sang, soupira André, soyez clairs !


— Des morts-vivants, lâcha Ray.


— Quoi ? C'est ridicule !


— Il y a deux jours, expliqua Anya, un cadavre a été retrouvé avec des traces de morsures près de la rivière. Cette rivière passe sous la mine, qui est actuellement remplie de cadavres.


— Je suis pas convaincu, tempéra son équipier. Enfin, on va prendre nos précautions. On aurait besoin d'un coup de main. La mine, c'est votre truc. »


André se passa la main dans la barbiche d'un air songeur, puis haussa les épaules.


« D'accord. S'il faut ça pour découvrir la vérité...


— Je viens aussi. »


Les regards se tournèrent vers Sylvie, debout à côté de la table, une corbeille de pain à la main.


« C'est pas une bonne idée, protesta Ray.


— Mon père est là-bas. Si c'est un mort-vivant...


— Tu feras quoi ? Il te reconnaîtra pas.


— Je veux au moins connaître la vérité. »


Le colosse interrogea sa coéquipière du regard. Celle-ci eut un petit sourire.


« Tu sais couper la viande, nota-t-elle à destination de l'aubergiste. Tu devrais pouvoir te débrouiller face à un zombie. »



« Putain, râla Anya tandis qu'ils parcouraient le chemin qui montaient à la mine. Ça grimpe.


— Toi, au moins, répliqua Ray, t'as pas à trimballer de pioche. Et puis, t'étais pas obligée de mettre des talons.


— Va te faire foutre.


— C'est vrai que c'est loin, admit le colosse. Les mineurs se tapaient ça tous les jours ?


— Non, expliqua André. Il y a des entrées plus bas, la plupart pour des conduits horizontaux. La mine est en dessous de nous.


— On marche sur du gruyère, ajouta Anya en grimaçant. Pas rassurant.


— Vous verrez vite que vous préférez avoir la terre sous vous plutôt qu'au-dessus. L'entrée du puits 2 est là. »


André montra du doigt un trou sombre dans la façade de la montagne et s'avança vers l'entrée. Sylvie et Ray le suivirent tandis qu'Anya restait un moment dehors.


Elle resta deux minutes seule avant que son ami ne finisse par ressortir, une lampe de mineur à la main.


« Qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-il.


— J'ai... mal aux pieds ?


— Juste ça ? Qu'est-ce qu'il y a ? T'as peur de descendre ? »


Anya se tourna vers lui et acquiesça, un peu honteuse.


« Je ne m'étais pas rendue compte que ça serait... comme ça. En voyant l'entrée... l'obscurité, l'enfermement...


— Tu peux rester là.


— Non. Donne-moi juste un peu de temps, d'accord ? »



« Elle arrive », annonça Ray à André et Sylvie, qui s'étaient tous les deux équipés de casques et de lampes.


Ils s'étaient arrêtés devant une grille métallique qui barrait le chemin.


« Ça devait pas être un mur ? demanda le colosse.


— Il s'agissait au départ d'un puits d'aération, expliqua André. Plus tard, un ascenseur a été ajouté pour permettre de transporter des hommes, mais l'entrée a été fermée après un accident.


— Je me fous du cours d'histoire. Pourquoi il y a une grille ?


— Pour condamner l'entrée tout en assurant une ventilation.


— Ça va pas me faciliter le boulot, ça. »


Il regarda quelques instants la grille et constata que le maillage et les barreaux étaient assez fins et plutôt rouillés. Il ne serait finalement pas si difficile d'en venir à bout.


Il attrapa la pioche et commença à donner de violents coups. Il fallut peu de temps pour que, alliés à la rouille, ils entraînent la casse de quelques barreaux.


Après quelques minutes d'efforts, Ray parvint à tordre la grille pour élargir l'ouverture et permettre à quelqu'un de passer en se contorsionnant un peu.


Il fut le premier à se lancer, et râla tandis que les barreaux déchiraient sa chemise et l'égratignaient. C'était l'inconvénient d'avoir un gabarit imposant.


« Bon, allons voir si cet ascenseur fonctionne. »


Il s'avança un peu dans le couloir et découvrit une salle de petite taille. Au fond de celle-ci, il remarqua une petite cage.


« Je vais vérifier les cordes, expliqua André en le rejoignant. Il ne faudrait pas qu'elles lâchent au milieu de la descente.


— D'accord.


— Votre amie ne vient pas, au fait ?


— J'ai dit qu'elle arrivait », râla Ray.


Sylvie regarda, curieuse, le colosse hausser les épaules et faire quelques pas dans la salle, visiblement nerveux.


« Elle a peur de descendre ? demanda-t-elle.


— Elle va venir, répéta le géant.


— Écoutez, fit André, elle devrait peut-être rester là. Je ne sais pas si elle est vraiment faite pour...


— Vous voulez dire quoi ? » demanda Ray un peu agressivement, ce qui fit légèrement reculer l'ancien mineur.


Celui-ci lâcha un soupir. Apparemment, le détective n'aimait pas qu'on critique sa collègue.


« Je veux dire, persista néanmoins André, qu'on ne vient pas dans une mine avec des chaussures à talon, une petite jupe et du maquillage. Surtout quand on a peur du noir.


— Qui c'est, qu'a peur du noir ? » demanda Anya.


Les regards se tournèrent vers elle tandis qu'elle passait à travers l'ouverture de la grille et rejoignait ses trois compagnons, dorénavant silencieux.


« Bon, fit-elle joyeusement, on y va, ou vous attendez quelqu'un ? »



Serrés dans la petite cage de bois, Ray faisait tourner la manivelle qui contrôlait la descente. André montrait l'évolution des roches tandis qu'ils s'enfonçaient, pendant qu'Anya se cramponnait à une des rambardes de l'ascenseur.


« Ça va ? chuchota Sylvie.


— Ça ira mieux quand on sera à nouveau dehors. »


L'aubergiste posa timidement une main sur l'épaule de la sorcière, pour la rassurer.


« L'exemple de courage fait un peu pitié à voir, hein ? » railla cette dernière.



« D'accord, fit André alors qu'ils arrivaient en bas. Je propose qu'on reste groupés, maintenant. Si vous vous perdez dans les tunnels...


— Chier, coupa Ray. C'est bas de plafond, ici.


— Marchez au milieu des couloirs, reprit l'ancien mineur. Et évitez de toucher aux étais. Si vous respectez ça, je pense que tout ira bien. »


Le petit groupe suivit André à travers les tunnels. Sylvie semblait parfaitement à l'aise dans la mine tandis que Ray, qui était obligé de marcher voûté, râlait en permanence. Derrière eux, Anya, plutôt nerveuse, se retournait régulièrement, comme pour vérifier que rien ne les suivait.


Au bout d'une dizaine de minutes, le géant réalisa que son amie était restée un peu en arrière.


« Bon sang, râla André. Surveillez votre copine. Si elle panique ici, elle peut tous nous faire tuer.


— Elle n'est pas du genre à... »


Derrière eux, un cri aigu résonna dans les tunnels et interrompit Ray, qui soupira.


« ... paniquer. Bon, on y va. »


Ils firent demi-tour et se dirigèrent aussi vite que possible vers l'origine du cri. Au bout d'une vingtaine de mètres, ils aperçurent la jeune femme, à genoux au milieu du couloir. Elle leur tournait le dos.


« Anya ? fit doucement Ray. Ça va ? »


La détective se releva doucement et se tourna vers son ami. Ce dernier réalisa alors à la lumière blafarde de la lampe qu'elle avait l'épaule gauche ensanglantée et qu'elle tenait une pierre d'un bon gabarit dans la droite.


Anya pointa du pouce un cadavre dont le crâne venait manifestement d'être démoli avec la roche en question.


« On dirait que j'avais raison, sur les morts-vivants. »



Le petit groupe se dirigea d'un pas rapide vers l'ascenseur. En voyant le cadavre, ils avaient unanimement décidé de remonter à la surface.


« J'aurais peut-être dû prendre le corps ? suggéra Ray. Comme preuve ?


— C'est juste un cadavre, maintenant, répliqua Anya. J'irai voir Leslie. J'espère qu'elle me croira. Mais j'aimerais qu'on sorte d'ici rapidement.


— Un instant », protesta André tandis qu'ils arrivaient vers la cage de bois.


Il jeta un coup d'œil à l'ascenseur et grimaça.


« Quoi ? demanda Anya. On ne va pas rester coincés là, quand même ?


— Je ne pense pas. Mais ce serait plus prudent d'éviter de mettre trop de poids d'un coup. La corde est en bon état, mais on ne peut pas en dire autant du bois.


— On fait quoi ? demanda Ray.


— Je propose deux voyages. Je monte avec mademoiselle Volk, et vous suivez tous les deux. Les charges seront à peu près équilibrées.


— D'accord, fit le colosse. Mais grouillez-vous. J'ai pas envie de moisir ici. »


L'ascenseur commença à remonter, actionné par Anya, manifestement pressée de ressortir.


Aussitôt, Sylvie s'élança dans un tunnel, à la surprise de Ray. Ce dernier se mit à lui courir après, mais vu la hauteur de plafond, il était désavantagé par sa taille.


« Bon sang ! hurla-t-il. Qu'est-ce que tu fous ?


— Mon père est là-dedans ! répliqua la jeune femme.


— Il est mort ! protesta-t-il. C'est un putain de zombie ! »


Devant lui, Sylvie s'immobilisa face à un mort-vivant, réalisa qu'il ne s'agissait pas de son père, fit quelques pas en arrière et s'engagea dans un embranchement.


« Chier », râla Ray en sortant un couteau de son manteau.


Il regarda le mort-vivant un instant. Celui-ci s'élança vers lui d'un pas lent et mal assuré.


Le colosse planta sa lame dans la tête du zombie, qui s'écroula immédiatement ; puis il retira l'arme et repartit à la poursuite de l'aubergiste.



Lorsque l'ascenseur fut arrivé, Anya se précipita vers l'extérieur. Le soleil l'aveugla quelques secondes lorsqu'elle aperçut l'entrée de la grotte, mais elle réalisa qu'elle aimait ça. Après son passage sous terre, c'était une véritable délivrance.


Ensuite, elle vit que le sergent Leslie se trouvait devant l'ouverture, lui tournant le dos. La détective fronça les sourcils. C'était étrange.


« Leslie ! lança-t-elle. Je suis heureuse de vous voir. »


Le plaisir n'était manifestement pas réciproque, puisque le sergent pointa une arbalète en direction de la détective, qui s'immobilisa en levant les mains.


Elle eut alors la surprise de voir trois autres gardes s'avancer dans l'entrée de la mine, accompagnés de monsieur Maurice, qui tenait toujours sa canne à la main.


« Qu'est-ce qui se passe, bon sang ?


— Il se passe, répondit Leslie, que vous êtes en état d'arrestation, mademoiselle Volk.


— Qu'est-ce qu'il fait là ? » demanda Anya en pointant Maurice du doigt.


Ce dernier arbora un sourire et joignit ses deux mains au dessus du pommeau de sa canne.


« Un de mes travailleurs, expliqua-t-il, m'a rapporté que des intrus semblaient se diriger vers la mine dont je suis co-propriétaire. Le périmètre étant interdit, j'ai prévenu la garde. Je lui ai aussi fait part de votre intrusion dans notre bureau et de ma crainte que vous ayiez été engagée par le syndicat pour effacer les preuves.


— Quoi ? Vous ne croyez pas ce type, quand même ?


— Il est plus crédible que vous, répliqua Leslie.


— Il vous manipule ! La vérité, c'est que cette mine est pleine de morts-vivants !


— De morts-vivants ? D'accord. Vous me raconterez ça au poste. Vous aurez tout le temps de réfléchir à la façon de présenter ça, hein ? »



« Papa ! » hurla Sylvie en se précipitant vers un mineur aux vêtements déchirés et à la peau pleine de terre. Il était occupé à effectuer le même travail qu'il avait fait durant toute sa vie.


« Papa ? répéta la jeune femme en s'approchant de lui. C'est moi. »


Le mort-vivant se retourna vers elle, le regard vide.


« Tra... vaa... iill... eerr... »


Sylvie soupira. Une larme coula le long de sa joue.


« Papa... »


Ce fut à ce moment là que le zombie tendit la main vers elle et l'agrippa.


« Faaiimm... »



À l'extérieur, Anya et André étaient sous la menace des arbalètes des membres de la garde.


« Bon sang, vous pouvez descendre ! protestait l'enquêtrice. Vous le verrez, qu'il y a des morts-vivants !


— Madame, ajouta André. Ce qu'elle dit est vrai.


— C'est ridicule, pouffa Maurice. Pourquoi pas des nains ?


— Réfléchissez, reprit Anya. Il y a eu un mort avec des traces de morsures près de la rivière. La rivière passe sous la mine...


— Volk... soupira Leslie. D'accord, supposons. Pourquoi ces cadavres de mineurs se seraient-ils relevés ?


— À cause de lui ! » répliqua la jeune femme en pointant le co-propriétaire de la mine du doigt. « Il sait se servir de magie. C'est un putain de nécromant !


— Cela devient ridicule, protesta l'accusé.


— Il a raison, ajouta le sergent. Vous l'avez vu faire une boule de feu ?


— J'ai senti la magie.


— Et comment l'auriez-vous sentie » ?


Anya soupira, et se décida à tenter le tout pour le tout.


Elle enleva sa chemise.



Alors que le mort-vivant s'apprêtait à mordre Sylvie, Ray l'attrapa par le col et l'envoya rouler par terre.


« Dégage, saleté !


— Arrêtez ! C'est mon père !


— C'est plus ton père ! » protesta le géant en se tournant vers elle, furieux.


« Ne le tuez pas, je vous en supplie.


— Plus facile à dire qu'à faire », répliqua le colosse.


Puis il entendit un bruit derrière lui et se retourna.


« Oh, merde. »


À l'autre extrémité du tunnel, lentement mais sûrement, un groupe entier de cadavres se dirigeait vers eux.



Anya montrait son dos nu face aux gardes et Maurice. Tout le monde pouvait voir le pentacle qui s'étalait sur une bonne partie de la surface de sa peau.


« Et en quoi cela joue en votre faveur ? » demanda Leslie tandis que la détective se retournait, les bras croisés sur la poitrine pour la masquer aux regards. « En plus de tout, vous êtes une sorcière ?


— Ça prouve que j'ai pu sentir sa magie, répondit Anya aussi calmement qu'elle le pouvait.


— Ou que vous avez été embauchée pour maquiller les preuves. Rhabillez-vous, je vous emmène au poste. On discutera de ça là-bas.


— Attendez ! protesta l'enquêtrice. Et ça, vous pensez que je me le suis fait moi-même ? »


Elle montra la blessure qu'elle avait à l'épaule. Leslie s'approcha un peu, intriguée, et examina la plaie. Elle pouvait voir distinctement les traces de dents, qui semblaient humaines.


Leslie grimaça. Elle trouvait qu'elle avait du mal à réfléchir et ne savait pas quoi faire.


« Ces traces... constata-t-elle. Ça pourrait être n'importe qui...


— Mais quel humain m'aurait mordue ? Ce n'est pas courant, quand même !


— D'accord, mais pourquoi monsieur Maurice aurait-il intérêt à faire de ses travailleurs des morts-vivants ?


— C'est évident, répliqua André. Il ne faut pas les payer. Ils travaillent tout le temps et se ne plaignent pas.


— Ridicule !


— Bon », soupira le sergent, avant de se tourner vers ses hommes, pensive. « On arrête les trois. On réglera tout ça au poste, après être descendus faire un tour dans cette mine. Journée de merde.


— Un instant, protesta Maurice. Vous comptez m'arrêter ?


— Oui, je compte. Je réalise que je n'ai pas franchement les idées claires, et peut-être bien que c'est à cause de vous. À moins que ça ne soit elle. Alors pour l'instant, tout le monde la ferme, d'accord ? »


Le propriétaire de la mine soupira et grommela quelques mots.


« Qu'est-ce que vous... » commença Leslie, mais elle n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Elle s'écroula, endormie.


Les trois autres gardes l'imitèrent dans la seconde, ainsi qu'André.


Seule Anya se tenait encore debout, quoique chancelant légèrement.


Maurice eut un sourire malsain et se saisit de sa canne, avant d'en sortir une épée.


« Tu ne crains pas la magie, constata-t-il, mais on verra si tu résistes aussi bien à cette lame. »



Ray essayait de repousser les morts-vivants qui approchaient, mais il y parvenait de moins en moins bien. Son couteau était resté coincé dans le crâne d'un de ceux qu'il avait achevés et il devait maintenant se contenter de se servir de ses mains nues. Même s'il avait une force considérable, ce n'était pas suffisant pour les tuer et ils revenaient toujours à la charge.


Derrière lui, Sylvie regardait son père s'approcher d'elle. Elle ne parvenait pas à bouger.


Le mort-vivant ouvrit la bouche pour mordre.


Et puis son comportement changea. Il se figea, avant de se mettre à hurler de douleur, en harmonie avec les autres zombies.


« Papa ! » fit Sylvie.


À sa surprise, les yeux de son père se tournèrent vers elle. Ils ne semblaient plus aussi vides que quelques minutes plus tôt.


« Sylvie », souffla le mort-vivant.


La jeune femme se mit à pleurer et le serra dans ses bras.


Pendant ce temps, Ray regardait, un peu surpris, les cadavres hurler puis s'écrouler devant lui un par un. Il se retourna et vit Sylvie échanger quelques mots avec son père. Puis ce dernier s'immobilisa à son tour, apparemment mort pour de bon.


Le détective s'approcha lentement de la jeune femme et posa une main sur son épaule.


« C'est fini. On devrait remonter, maintenant. »



Lorsque Ray et Sylvie sortirent à la lumière du jour, il eurent la surprise de découvrir une demi-douzaine de corps allongés à côté d'un loup noir qui était occupé à dévorer ce qui restait de monsieur Maurice. À coté de la bête, les vêtements d'Anya traînaient, éparpillés.


« Oh, merde, fit Ray.


— Mon Dieu », lâcha Sylvie, effrayée.


Le colosse soupira et décida de s'allumer un cigare.


« Oh non, railla-t-il en imitant la voix d'Anya. Je déteste cette partie de moi. Sauf quand il y a un repas gratuit à la clé, évidemment, hein ? »


La louve s'arrêta de manger pour tourner la tête vers lui et retroussa ses babines, menaçante.


« Je ne comprends pas, fit Sylvie.


— Moi non plus, répliqua Ray. Pas moyen qu'elle se transforme lorsqu'il s'agit d'enquêter, Mademoiselle ne va quand même pas s'abaisser à utiliser son odorat de loup pour trouver le coupable. Par contre, lorsqu'il s'agit d'utiliser ses mâchoires de loup pour le déguster, là, plus de problème.


— Vous voulez dire, demanda l'aubergiste, que ce loup, c'est mademoiselle Volk ?


— Ouais, répondit Ray. Je pense qu'on ferait mieux de se retourner.


— Donc, demanda Sylvie en tournant le dos à Anya, c'est une louve-garou ?


— On peut dire ça, je suppose. »


Ray inspira une bouffée de tabac, attendant que son amie ait fini de se transformer.


« C'est bon ? demanda-t-il. On peut se retourner ?


— Oui et non, répondit Anya. Merde, je n'aurais pas dû remettre ma chemise. Hum, Sylvie ? Je pourrais vous emprunter votre veste ? »


L'aubergiste la retira et la lui tendit, en prenant toujours soin de ne pas se retourner.


« Oh, et pour ta gouverne, Ray, non pas que ça te regarde, parce que je fais ce que je veux, mais ce connard avait une canne-épée. J'ai été obligée de me transformer. C'était une question de vie ou de mort.


— Une canne-épée ? cracha le colosse. C'est tellement ringard. Ces ploucs ne savent pas que maintenant on fait des arbalètes miniatures qui peuvent se cacher dans une manche ? »



Anya était assise sur une table, les pieds battant dans le vide. Elle était seule, et elle s'ennuyait.


Pourtant, elle était censée être à une fête. Elle était même supposée faire partie des personnes en l'honneur de qui elle était organisée.


Une semaine avait passé depuis la mort de Maurice. Le sergent Leslie avait mené une nouvelle enquête et lui avait posé un nombre incalculable de questions. Elle avait fait venir un mage d'une ville environnante, comme expert. Des gardes s'étaient relayés sans cesse dans ce qui restait de la mine.


Il en était ressorti que les deux inculpés, Grégoire et Maximilien, étaient innocents. Les explosifs trouvés chez eux ne correspondaient pas aux dégâts causés dans la mine. Il n'était pas bien clair si ces explosifs avaient été placés dans leurs appartements pour les faire arrêter ou s'ils comptaient s'en servir pour autre chose ; mais dans le doute, les deux hommes avaient fini par être relâchés.


La culpabilité de Maugeais n'était pas très claire non plus. Il prétendait ne pas être au courant des agissements de son associé et avançait que ce dernier avait agi seul, suite à des désaccords sur la gestion de la mine. En ce qui concernait Anya, les détails ne l'intéressaient pas vraiment. Elle savait que Maugeais était coupable en général.


Quant à Maurice, sa mort avait finalement été attribuée aux loups que Ray et André avaient croisés, prés de la rivière.


Le syndicat des mineurs avait décidé d'organiser une fête, pour célébrer la libération des deux inculpés, mais aussi pour remercier les deux détectives privés, qui devaient partir le lendemain.


Et si son coéquipier était effectivement en train de plaisanter avec une poignée de mineurs, un verre de vin à la main, Anya regardait tout cela de loin, seule.


Elle se leva et se dirigea vers André, profitant d'un moment où il n'était pas en train de parler avec des « camarades ».


« Je vais y aller, expliqua-t-elle.


— Déjà ? s'étonna le syndicaliste.


— Je suis un peu fatiguée.


— D'accord, très bien. Merci pour ce que vous avez fait. »


Anya haussa les épaules.


« Ça changera quoi ? demanda-t-elle. D'accord, ils sont libérés, mais...


— Je pense que ce n'est pas rien. Ils auraient été exécutés.


— Je sais, mais pour vous... la mine va rester fermée.


— Au moins, nous avons obtenu la vérité. Sans compter une indemnisation non négligeable. Nous vous devons beaucoup, nous en avons conscience. »


Anya ne répondit pas qu'elle trouvait qu'elle avait plutôt l'impression que les gens avaient conscience de devoir beaucoup à Ray, et pas à elle. C'était une fête, après tout, elle n'allait pas casser l'ambiance.



Le lendemain, Ray et Anya se dirigeaient vers la porte Sud de Sénéla, leurs bagages à la main. Ils devaient prendre la diligence qui passait à six heures du matin.


« Tu boudes ? demanda le colosse en bâillant.


— Pourquoi ?


— T'as pas beaucoup parlé, ce matin.


— Je suis fatiguée.


— Non, c'est pas ça. T'es plus matinale que moi, d'habitude. Et t'as bu moins que moi, hier.


— C'est peut-être ça, le problème, répliqua la jeune femme.


— Quoi ?


— Personne ne m'offre à boire. Personne ne vient discuter. J'ai passé une journée dans un poste de garde, je suis allée au fond d'une mine, je me suis fait mordre par un mort-vivant, j'ai tué un nécromant, et tout ça pour quoi ? À part André, les types pour qui j'ai fait ça ne m'ont même pas remerciée. Je ne sais pas pourquoi je continue à faire ce boulot, tu sais ?


— Parce que tu te débrouilles toujours pour bouffer le sale type ? plaisanta Ray.


— N'empêche, plus de contrats au rabais chez des bouseux qui n'ont jamais vu de louve-garou, c'est trop...


— Mademoiselle Volk ! »


La jeune femme se retourna, surprise, et aperçut Sylvie qui courait vers elle.


« J'ai cru que j'allais vous manquer, annonça-t-elle à bout de souffle lorsqu'elle les eut rejoints. Vous êtes partis tôt.


— La diligence est à six heures, expliqua Ray.


— Je sais, fit l'aubergiste. Mademoiselle Volk, je voulais vous remercier.


— Tu sais, je crois que tu pourrais m'appeler Anya, maintenant. »


Sylvie eut un petit sourire embarrassé, puis elle baissa la tête et chercha dans une de ses poches. Elle en sortit quelque chose d'argenté qu'elle plaça dans la main de la détective.


« C'est un collier, expliqua-t-elle. C'est un cadeau, pour vous remercier. Je me suis décidée à vendre l'auberge et à quitter cette ville. Bien sûr, je sais que ça ne vaut sans doute pas toutes les protections magiques que vous avez, mais...


— Oh, si, ça les vaut largement, fit Anya en serrant l'aubergiste dans ses bras. Merci, Sylvie. »


Les deux femmes échangèrent encore quelques mots, puis la détective rattrapa son ami, tandis que la serveuse lui faisait au revoir de la main.


« Personne ne m'aime ! railla Ray en imitant la voix de son amie. Personne ne vient me parler !


— Oh, ça va.


— Personne ne me dit merci ! continua son compagnon en mettant ses lunettes de soleil. Tu parles. C'est juste que t'es jamais contente.


— Ce n'est pas vrai », répliqua Anya, un sourire aux lèvres, alors qu'elle attachait le collier autour de son cou. « Là, je le suis. »

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Published on October 31, 2013 14:13