Sylvain Johnson's Blog, page 32
June 17, 2013
Les Racines Du Mal – Sixième partie : Le retour de la Bête.
Important :
« Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »
Réal Bonin
Auvergne, Cantal, France.
L’un des deux hélicoptères s’était posé, le moteur coupé depuis quelques minutes et ses hélices maintenant immobiles. L’autre engin s’était envolé afin d’explorer le flanc sud de la montagne, utilisant son puissant phare pour déchirer les ténèbres. Une vingtaine de soldats avaient été déversés dans la forêt, accompagnés par six chiens spécialement dressés afin de retrouver l’individu en question. On s’était approprié certains de ses effets personnels, avait fait renifler son odeur aux bergers allemands qui feraient tout pour le retrouver. C’était leur mission.
Les soldats lourdement armés s’étaient éparpillés entre les arbres, s’enfonçant à la suite de la rapide silhouette qu’ils avaient perdue de vue. Quelques coups de feu furent tirés, mais on doutait d’avoir touché la cible. On les avait prévenus que l’individu serait difficile à capturer.
Ils savaient que l’homme se terrait quelque part devant eux. Le soldat à la tête du groupe s’immobilisa et, d’un geste, mit fin à la progression de ses troupes, leurs lampes balayant la forêt, dévoilant une suite infinie d’arbres, de rochers et de buissons. Le capitaine jeta un regard perplexe sur la carte plastifiée qu’il tenait d’une main et sur son GPS. Quelque chose clochait avec les coordonnés. Selon l’appareil, ils devaient se trouver au cœur d’une plaine et non entouré d’arbres majestueux, très vieux et au feuillage épais. Il leva les yeux et aperçut un soldat sur sa droite qui relevait un panneau boisé, à moitié pourri, qui portait une inscription. Il fit quelques pas dans cette direction, la lampe de son subalterne éclairant le panneau troué et duquel pendaient des herbes mortes.
« La forêt du Grand Veneur ». (Voir note à la fin du texte)
Le militaire baissa à nouveau les yeux sur sa carte, n’y voyant aucune forêt de ce nom à des kilomètres à la ronde. Perplexe, il prit le téléphone portable dans sa poche, voulant signaler l’anomalie à l’homme qui leur avait promis une fortune pour venir tuer le montagnard. Quelque chose clochait et il avait un mauvais pressentiment au sujet de cette mission.
Il avait besoin d’instructions et s’apprêta à presser la touche qui le mettrait directement en contact avec son employeur. Mais son geste resta en suspens.
Levant les yeux sur la forêt énigmatique, il réalisa qu’aucun son ne leur venait. Un silence anormal dans un tel lieu. Aucun animal nocturne, oiseau ou insecte ne se faisait entendre. Un coup d’œil sur ses hommes lui révéla que la végétation autour d’eux leur donnait aussi la frousse. Il avait l’impression qu’on l’épiait, qu’une présence s’apprêtait à fondre sur lui.
Quelque chose de malsain se trouvait à proximité.
Est-ce que le silence avait été provoqué par le tumulte des hélicoptères? Des coups de feu? C’était fort possible, mais sans trop savoir pourquoi, il en doutait. En fait, c’était peut-être leur présence qui en était la raison. Un peu comme si la forêt était une entité malveillante.
Les hommes derrière lui promenaient les faisceaux de leurs lampes sur le sol, vers la cime des arbres, entre les troncs. Les armes étaient levées, tous étaient aux aguets, nerveux.
Ce fut à ce moment-là qu’un hurlement inhumain déchira la nuit. Un cri horrible et à glacer le sang, que l’écho même refusa de reprendre.
*
Il cessa de hurler, pour se laisser lourdement retomber sur ses quatre pattes. Ses yeux perçaient la noirceur et la forêt lui apparaissait comme en plein jour. Il pouvait sentir les rongeurs, les petits animaux qui se terraient dans leurs refuges, terrorisé par la présence maléfique qu’il était. La nature elle-même semblait s’être tue devant la majesté de la créature qu’il était devenu.
Il renifla les odeurs de la nuit qui l’atteignirent, poussées par la faible brise. Il pouvait deviner l’emplacement des hommes et des chiens, percevait l’odeur de la sueur, des vêtements et de l’équipement métallique. Le parfum détestable de l’essence qu’avaient brûlé les hélicoptères flottait toujours sur la forêt. Il pouvait savourer la peur que son cri avait inspirée chez toutes les formes de vies plus ou moins intelligentes ou instinctives qui l’avaient entendu. Le silence de la forêt était impressionnant, un hommage à son règne sur la nature.
Lorsqu’il se mit à avancer entre les arbres, silencieux et en évitant de piétiner des branches mortes ou feuilles séchées pouvant trahir sa présence, il entendit les premiers gémissements. C’était les chiens qui venaient de renifler son odeur et s’étaient couchés au sol, se plaignant à leurs maîtres. Ils refuseraient d’avancer, voulaient fuir, se soumettaient déjà devant sa supériorité.
Son pelage sombre lui servait de camouflage et il s’éloigna du groupe, cherchant un endroit propice où se dissimuler, se préparer pour une attaque sournoise. Il ne restait d’humain en lui que la méchanceté, la capacité de tuer pour le sport et le plaisir de répandre le mal. Cette force était plus puissante que son instinct animal, ses capacités surhumaines. La raison en était simple, il était né humain.
Cette forêt était l’épicentre du mal qui avait pris naissance en lui, qui s’était propagé et avait façonné le monstre qu’il était. Les arbres l’entourant avaient vu naître cette race faible et puérile qu’étaient les hommes. Ils avaient vu les tragédies sans pouvoir intervenir, témoins silencieux des atrocités d’un peuple qui prétend évoluer, pour ne faire que régresser, s’enliser vers le point de non-retour.
Il marchait dans le dernier refuge des choses de son genre, avait établi son repaire non loin d’ici, sachant que c’était sous l’ombre de ces arbres qu’il avait péri pour la première fois. Qu’il avait senti l’étincelle de vie glisser hors de lui, son âme s’envoler vers le néant après la vie.
Ses griffes labourant le sol en terre battue, en feuilles mortes, il atteignit un petit ruisseau au sol rocailleux, se baissa pour s’y abreuver en contemplant les yeux jaunes qui le fixaient. Au-dessus de lui, dans le miroir liquide, il pouvait voir le ciel sombre qui s’éclaircissait, les nuages filant à toute vitesse, la lune cherchant à percer le voile cotonneux qui la recouvrait.
Il se retourna ensuite, se dressant sur ses pattes arrière en hurlant à nouveau. Il voulait dévoiler son emplacement aux soldats. De son museau s’écoulaient des filets de bave, ses dents pointues prêtes à déchirer la chair, couper les membres.
Le goût du sang lui manquait, la texture de la peau humaine, de la viande fraîche lui donna des frissons. Il avait faim et son repas marchait droit vers lui.
*
Le soldat donna ses ordres. Il n’avait pas vraiment envie de continuer cette mission, mais l’appât du gain et sa fierté le forçait à poursuivre. Ses hommes furent lents à suivre ses instructions et il fut patient. On décida de relâcher les chiens, aucun homme ne voulait faire demi-tour seul pour s’en occuper. Une fois détachés, les bêtes s’éloignèrent en gémissants, sans se retourner pour disparaître dans la végétation.
Les soldats se déployèrent, restant à quelques mètres les uns des autres. On voulait ratisser la forêt, sans s’éloigner, sans se perdre de vue. Il ignora les protestations, même lorsque le hurlement se répéta. Il avait chaud, tenait son arme de ses mains tremblantes et de ses paumes moites. Mais il conserva son masque bien illusoire d’autorité, feignit d’être calme en dissimulant ses tremblements.
Le groupe se mit en marche, arme en mains, les lampes fouillant le sol devant eux. La forêt semblait soudainement plus sombre, les arbres plus rapprochés les uns les autres. Chaque pas qu’ils faisaient résonnait comme le tumulte du tonnerre, dévoilant leur présence.
Ils n’avaient pas fait vingt pas, qu’un cri de terreur, de souffrance s’éleva sur leur droite. L’un de leurs camarades venait de hurler.
*
Cet homme terminait la colonne qui se déployait sur sa gauche. Il portait l’uniforme militaire, une arme automatique en main avec une lampe fixée au bout de son canon. Il tremblait, son faisceau se promenait de droite à gauche avec un effet de kaléidoscope. Son visage était couvert de sueur, ses lunettes glissaient sans cesse et il devait les remonter avec régularité sur son nez. Il puait le parfum bon marché et le tabac.
La créature fixa la silhouette maigrichonne et maladroite de l’individu, se faufila entre quelques arbres, renifla des excréments de ratons laveurs, un nid d’abeille à proximité et se glissa finalement derrière un large chêne au tronc noueux.
De lourds nuages annonçaient des averses à venir. Le climat changeait rapidement sur la montagne, le soleil pouvait faire place à une tempête en quelques minutes, sans avertir. La bête leva son museau dégoulinant d’écume, son regard toujours rivé sur sa victime potentielle, avant de se coucher à même le sol, reposant sur le tapis de feuilles mortes. L’animal maintenait une parfaite immobilité, tandis que le soldat marchait droit vers lui, sans se douter de sa présence, son faisceau ne découvrant que l’arbre qui le protégeait adéquatement.
Le mercenaire fit une vingtaine de pas, avant de s’immobiliser. Il jeta un bref regard vers le soldat à sa gauche, qui s’éloignait en conservant son rythme, sans lui porter la moindre attention. Il s’était arrêté en raison de la forte odeur qui l’atteignit, l’effluve bestial qu’il libérait. De peur de se retrouver seul, d’être distancé par les autres, le soldat reprit la marche et accéléra même le pas. Il arriva ainsi auprès de l’arbre dissimulant la large silhouette velue, qu’il serait contraint de contourner pour poursuivre son chemin.
La créature n’était pas complètement immobile, elle reniflait sans cesse, son souffle balayant la poussière au sol, remuant les feuilles, tous ses muscles tendus.
Le prédateur vit l’homme en premier, puisque ce dernier regardait de l’autre côté, aveuglé par sa lampe qui éclairait un tronc couché, un arbre victime de la foudre et qui reposait au sol.
Le soldat avait dût ressentir quelque chose, puisqu’il s’immobilisa, hésitant à poursuivre. Cette seconde de réflexion fut suffisante pour que la chose se lance, forte et rapide, sur le soldat devant elle. Les crocs se plantèrent dans l’épaule de l’individu, déchirant le vêtement, le gilet pare-balle et pénétrant la chair, perforant l’ossature. L’homme cria de douleur, paralysé, alors que l’animal qui n’en était pas vraiment un le soulevait de terre. Le sang qui ruissela des blessures pénétra la gueule, coulant dans la profonde gorge, éveillant chez le monstre l’instinct primaire du chasseur.
Il avait oublié le goût de ce liquide poisseux désirable, soudain incapable de penser à autre chose, obnubilé par la faim et la soif.
Comment avait-il fait pour retourner parmi les hommes, pour ignorer l’appel de cette substance enivrante?
La bête entraîna l’individu, dont les jambes ne touchaient plus le sol. Ils s’éloignaient des hommes paniqués, qui se regroupaient, brisaient formation. Des ordres furent lancés, des coups de feu retentirent, sans l’atteindre. La panique décuplait la confusion.
Il s’éloigna ainsi sur une bonne distance, avant de s’immobiliser et de relâcher son emprise sur sa proie. L’homme tenta aussitôt de ramper, de s’enfuir en gémissant, mais il n’était pas assez rapide. D’une patte, il l’immobilisa face contre le sol, lui brisant le nez et plusieurs dents.
La chose leva le museau, s’enquérant de ce que faisaient les autres. Ils n’étaient pas encore lancés sur sa trace. Elle avait du temps.
Elle allait bien s’amuser.
À suivre……
Note de l’auteur :
La forêt du Grand Veneur – est un lieu que l’on retrouve dans l’excellent livre – Les contes du Grand Veneur. De Romain Billot.
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June 13, 2013
Interview de Larry Castillo: Illustrateur.
Larry Castillo est un nom à retenir.
Illustrateur doté d’un esprit vif et d’un regard critique, rien ne lui échappe. Ses illustrations nous font réfléchir, nous dévoilent cette société et ce monde dans lequel nous vivons sous un angle nouveau.
Il n’y va pas de main morte : la déchéance humaine, la folie, la mort et les corps voluptueux retrouvent sous ses traits de crayons une nouvelle vie, enflamment nos esprits et titillent notre imagination fertile.
Ses illustrations nous touchent, peu importe de quelles régions du globe nous venons – il utilise le langage universel de la représentation imagée. Il est le chaînon manquant entre les pages de manuscrits que vous lisez et cet endroit dans votre cerveau où les idées prennent forme, deviennent des images tangibles et colorées. Mais attention, car Larry Castillo n’aime pas la censure. Il est parfois tordu, parfois cynique ou caricatural, ne manque jamais d’audace.
C’est avec plaisir que j’ai le bonheur de travailler avec Larry C. sur un projet qui sera dévoilé bientôt. Restez à l’affût !
En attendant, faites-vous plaisir et plongez dans l’univers de ce jeune homme bourré de talent.
Qui est Larry Castillo?
Né dans le début des années 70, Larry s’intéresse dès son plus jeune âge à l’Iliade et l’Odyssée, à Pierre Desproges, aux films de zombies et à la bande dessinée. (Les femmes nues et les gros seins, c’est venu un peu plus tard…)
Après avoir tenté sa chance dans des professions aussi pittoresques qu’inattendues (de carreleur à prof d’arts plastiques en passant par cuisinier, barman ou encore – et c’est le plus drôle – fonctionnaire), Larry est revenu à ses premières amours, à savoir : les comics books.
Le collectif dEADmEATcOMIX
Tout droit sorti d’un asile de banlieue, le 6— Killers Krew est un collectif de dessinateurs de BD composés de Kurt Toth, D.B.M. a. k.a. Bruja-McCoy, Neutral Ellastic, Larry C, MC Marduk & Boris, publié online par dEADmEATcOMIX.
Réfugiés dans les bénéfiques ténèbres de l’anonymat, les 6— Killers Krew forment une secte de crétins entièrement vouée au culte de l’humour con et hermétique, voire de l’apologie de la violence teintée d’érotisme de mauvais goût…
Ils passent donc le plus clair de leur temps à dessiner des gags tout sucrés tout en s’envoyant des éclairs au chocolat.
Le 6— Killer Krew vous invite donc par la présente à vous déconnecter les neurones et à abandonner tout bon sens.
Interview :
J’ai eu le récent plaisir d’interviewer Larry Castillo, qui s’est généreusement prêté au jeu. Je vous invite donc à découvrir cet illustrateur belge.
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Jasmine Arabia “Les passagers”
S.J — Pouvez-vous nous dévoiler quelque chose à votre sujet qui ne figure pas dans la biographie officielle de votre site?
L.C — En fait, rien de spécial, je pense…
Je suis issu d’un milieu petit-bourgeois et ai eu un cursus scolaire « classique » : Latin-grec et langues modernes.
Je n’étais pas mauvais élève, mais l’école ne m’intéressait pas, tout avait un goût artificiel. Les choses qu’on m’enseignait me semblaient inutiles pour la plupart.
Une fois diplômé, j’ai décidé de m’orienter vers les Arts plastiques, parce que c’était un choix assez évident, sans trop savoir pourquoi d’ailleurs. Je veux dire par là que je ne me voyais pas nécessairement dessinateur en particulier, je voulais juste bosser dans une profession à caractère artistique.
Mais une fois les études finies, je me disais qu’avant de raconter des histoires, il était peut-être judicieux d’en vivre soi-même, j’ai donc roulé ma bosse, fait une flopée de « petits boulots », carreleur, cuisinier, prof, maçon, barman, etc. Pour finir fonctionnaire…
À ce moment-là, ma femme m’a dit qu’il serait sans doute bon de me remettre au dessin, et de voir ce qui en découlerait. J’ai obtempéré, et me voici à répondre à des interviews.
S.J — Quel âge aviez-vous lorsque vous avez découvert votre talent d’illustrateur? Le désir d’en faire un métier?
L.C — Début de l’adolescence, je dirais… J’étais un gamin assez solitaire, et j’ai vite compris que les autres gamins trouvaient ça cool de savoir dessiner, avec les années, le passe-temps est devenu un passe-temps, puis une passion. Mais je n’ai jamais été non plus un fanatique monomaniaque, je m’intéresse à plein de choses très différentes qui vont de la physique quantique au catch en passant par les dessins animés ou l’Histoire (une préférence pour l’antiquité, ceci dit en passant)
Ce n’est qu’à l’université que j’ai vraiment pris conscience de la force de la BD, son faible coût lui permet une liberté de ton qui serait impossible au cinéma, par exemple. Et le dessin, c’est un truc « évolutif », une fois les bases acquises, c’est un voyage éternel! Ça devient une sorte de jeu, sans but préconçu, et ça, j’adore.
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Jasmine Arabia “Les passagers”
S.J — Vous êtes membre d’un collectif d’illustrateur qui se nomme – dEADmEATcOMIX – parlez-nous de vos projets communs, des affinités et éléments qui vous ont réunis, ainsi que le futur du groupe?
L.C — Le collectif « dEADmEATcOMIX » est en fait un délicieux écran de fumée : j’y suis seul roi, un vrai potentat, élu à vie, en somme… Cela me permet de bosser sous différents pseudos, histoire de pouvoir changer de style graphique au besoin, et ça me permet aussi de donner l’impression qu’on forme une bande, alors que non, je suis seul…
L’avantage est que cela permet d’explorer d’autre médium d’expression : j’aime faire des logos pour des sociétés, des T-shirts, des affiches, des illustrations de nouvelles, de tout, en fait…
Et pour ça, dEADmEATCOMIX est une excellente façade…
Le paradoxe amusant est que sur mon prochain projet, à savoir « Jasmine Arabia : les passagers », je travaille vraiment avec une actrice de films de charme (Jasmine Arabia), un scénariste (Patrick Artus) et une coloriste (2M#)
Donc, on peut dire que ce qui a commencé comme un jeu est devenu réalité, et ça, c’est assez génial…

Welcome in amnesia – short stories and other tales…
S.J — Quels sont les thèmes que vous privilégiez dans vos moments de créations? Qu’est-ce qui vous inspire? Où trouvez-vous vos idées?
L.C — Les thèmes varient… En gros, j’aime explorer et pervertir un « genre », ça va du fantastique à l’horreur en passant par le polar. Ce qui m’intéresse dans le genre, c’est qu’il offre un cadre. Mais rien ne vous empêche de mettre ce que vous voulez dans le cadre, et ça, ça m’amuse! Modifier, changer, bousculer, réinterpréter, bref, on détruit tout et on reconstruit les choses selon sa volonté… C’est assez mégalo, mais bon, c’est le métier qui veut ça!
Mon inspiration vient essentiellement d’une image, je construis l’image, puis l’histoire vient se greffer autour, une relation presque parasitaire s’installe dès lors entre le texte et l’image et va, au bout d’un moment, devenir presque autonome, presque « extérieure à moi », elle développe sa vie propre, en somme…
S.J — Quels sont les accomplissements à long terme auxquels vous rêvez en tant qu’artiste?
L.C — Déjà, j’aimerais réussir à en vivre [éclats de rire] et accessoirement, continuer à bosser sur des projets qui m’intéressent, pas sur des « trucs alimentaires » (pour ça, j’ai déjà un boulot)
Et mégalomanie toujours, j’aimerais que mon travail soit apprécié, comme tout le monde, je présume… Je ne vise pas tant les ventes que la reconnaissance, mais si les ventes suivent, je ne dis pas non, par principe.
S.J — Est-il difficile de vivre de son « crayon » en Belgique pour un jeune illustrateur? J’imagine que l’Internet est un outil de choix pour vous faire connaître, comme chez les écrivains?
L.C — c’est difficile parce que c’est un métier complexe dans sa réalisation, il faut supporter la solitude (non seulement pendant le travail, mais aussi parce qu’à moins de passer sa vie en dédicace, on voit assez rarement les lecteurs, c’est une des raisons qui font que je suis assez actif sur Facebook, parce que c’est un des rares endroits où l’on peut « sentir » ce que ressentent les lecteurs par rapport à son boulot)
Quant au pognon, le nerf de la guerre, je n’en parle même pas, la réussite financière est une roulette de casino, et c’est souvent la banque qui gagne. Attention, je ne veux pas me lancer dans une diatribe contre tel ou tel éditeur ou organe de presse, les dessinateurs ont aussi leur responsabilité dans le malaise que connaît l’édition, mais il est clair que si on parle juste pognon, la situation est très difficile, sans un travail alimentaire sur le côté, je ne pourrais tout simplement pas vivre…
Et autant que je sache, l’immense majorité de mes confrères sont dans le même cas…
S.J — Quelles sont vos idoles, les modèles qui vous ont inspirés dans votre jeunesse et qui vous inspirent encore?
L.C — Mes idoles vont de Richard Corben à Jordi Bernet ou Jim Woodring en passant par les classiques : Hal Foster, Alex Raymond, Bernie Wrightson, Frazetta, Boris Vallejo pour la BD et l’illu, John Carpenter et Cronenberg pour le cinéma, voire des Jacques Tourneur, des Billy Wilder, etc.
Mais aussi des groupes comme Slayer, Chrome Hoof, Frank Zappa, le krautrock de CAN, bref, un peu de tout…
Et pour être complet, je pense que les dessins animés comme Scooby-Doo première époque ou Cobra le pirate de l’espace m’ont plus influencés que l’intégrale de Victor Hugo. Je suis un pur produit de la culture B, voire parfois même Z. Stephen King, Lovecraft et consort m’ont attirés dans leur monde et ont changé ma vision des choses, alors que la lecture de Proust, non…
S.J — Quand vous dessinez, le faites-vous dans le silence? En écoutant de la musique? Avez-vous un rituel ou une routine particulière?
L.C — j’écoute beaucoup de musique, mais jamais quand je dessine : ça me perturbe, par contre, pour me mettre « en condition », j’écoute un album et hop, c’est parti…
Je bois beaucoup de café, fume comme un pompier et cultive tous les clichés inhérents au genre.
S.J — Que pouvons-nous attendre de Larry Castillo dans les semaines, les mois et les années à venir?
L.C — l’avenir est un monde à découvrir, et je suis curieux, alors…
À court terme, je travaille sur un polar fantastique à résonnance sociale (c’est un mélange étrange, mais qui fonctionne, si si je vous l’assure) Je voudrais tenter de le sortir en Europe et au Canada, parce que j’aime la difficulté. Et si c’est possible, je voudrais grandir et m’épanouir dans mon travail comme dans ma vie, parce que tout est lié…Mais ça, c’est au lecteur de décider!
Merci Larry Castillo et nous vous souhaitons beaucoup de succès dans tous vos projets. N’hésitez pas à faire parvenir vos commentaires au sujet de cette interview.
Liens pour suivre toute l’actualité de Larry Castillo et dEADmEATcOMIX :
http://www.deadmeatcomix.com/common.php
https://www.facebook.com/pages/dEADmEATcOMIX/109126829122587
Note : Les images dans cet article sont la propriétée exclusive de Larry C. et ne peuvent être utilisées sans son consentement.
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June 6, 2013
Chacun est fou à sa façon !
On me demande souvent où je trouve mes idées. En fait, je dois bien l’avouer aujourd’hui – ce sont mes idées qui me trouvent. Elles me traquent inlassablement, jour et nuit, comme un prédateur vorace et affamé. J’ai beau fermer mon esprit au monde qui m’entoure, être en repos, ivre ou encore en pleine séance de lobotomie, elles viendront à moi. Comme des missiles à tête chercheuse, elles savent trouver leur cible, l’atteindre et l’impact est très souvent immédiat.
C’est un peu comme dans ce film de Kevin Costner – Le champ des rêves. Je suis convaincu que vous vous souvenez de l’intrigue de cette œuvre cinématographique. Un homme entend des voix, elles lui suggèrent de construire un terrain de baseball dans sa cour et c’est ce qu’il fera. La suite est la venue de joueurs légendaires décédés depuis longtemps, dont son père.
C’est en quelque sorte ce qui m’arrive au quotidien : j’entends des voix qui me répètent sans cesse la même chose.
« Ouvre l’ordinateur, le traitement de texte et les idées viendront… »
Malgré l’absence de James Earl Jones dans mon bureau, elles sont bien venues. De partout et de nulle part, ces folles idées qui m’enivrent et me réjouissent déferlent. Elles surpassent peut-être en intensité tous les plaisirs offerts aux hommes depuis la nuit des temps.
Ce n’est pas aussi formidable qu’une patinoire dans mon jardin avec Maurice Richard, mais c’est quand même pas mal.
Vous voulez un exemple? Quelque chose de concret?
J’entends vos supplications et en vertu de la mansuétude qui m’habite, m’apprête à satisfaire votre curiosité.
Laissez-moi vous décrire la situation :
Nous avons récemment emménagé dans une nouvelle demeure, au centre d’un quartier résidentiel classé historique.
Cela veut dire beaucoup de grosses vieilles maisons et un bon emplacement non loin du centre-ville. Nous sommes à un coin de rue d’une résidence pour personnes âgées, d’une maison d’accueil spécialisée qui propose un hébergement permanent aux adultes atteints d’un handicap intellectuel, moteur ou somatique grave. Le bureau de poste est aussi sur la même rue. À notre droite, nous avons une belle maison qu’occupe un jeune couple. Ils n’ont pas d’enfant, dans le début de la vingtaine, avec voitures sport, piscine creusée, et ils font la fête chaque weekend. Pas trop bruyants, mais disons que l’alcool y coule à flots. Il est avocat et sa femme semble occuper la fonction de maigrichonne en maillot de bain dévoilant ses attributs chirurgicalement modifiés et passant ses journées à se promener autour de la maison, se faire griller, flirter avec tout ce qui bouge, ce qui inclut les écureuils, les oiseaux et le poteau de téléphone.
Faisant face à notre demeure, vit un vieil homme qu’on voit très rarement. Il est aussi propriétaire de la maison adjacente à la sienne, mais personne n’y vit et elle semble être condamnée depuis longtemps. Il ne quitte son logis que pour disposer des ordures ou rencontrer de rares visiteurs. Personne n’entre chez lui lorsqu’il a de la visite, ils restent sur le balcon à discuter. Je n’ai jamais vu de lumières à ses fenêtres, même en soirée. Ses rideaux sont toujours tirés, l’épicerie locale livrant sa nourriture toutes les semaines. Il ne retourne jamais les signes de la main ou les salutations. Dans mon imagination fertile, je l’imagine vivant avec sa mère morte, empaillé dans le salon. Il a peut-être un donjon dans le sous-sol, avec des prisonnières ou encore une créature qu’il ne laisse sortir que la nuit pour qu’elle s’alimente des chats et rats du voisinage. Bref, il est un peu bizarre… mais qui suis-je donc pour juger les autres?
À notre gauche, un immeuble tout en briques rouges abrite quatre appartements. Deux sont occupés par de jeunes professionnelles, une conseillère municipale et une directrice de quelque chose. J’ai perdu le fil de ses explications quand son petit chien saucisse s’est mis à déféquer sur la clôture avec une érection troublante. Elles sont gentilles, on ne les voit jamais et c’est pour moi la plus grande qualité d’un voisin – l’invisibilité. Je sais, je sais, il faut être un peu sociable dans la vie.
Les deux autres locataires vivent au premier étage. Elles sont dans la soixantaine et toutes deux retraitées. J’utiliserais des noms de codes pour les désigner. L’une d’elles se nomme Émilia, fervente religieuse qui ne conduit pas. Elle possède une impressionnante collection de plantes, qu’elle chérit comme la prunelle de ses yeux. Les pots sont alignés contre le mur extérieur de son appartement et on la voit souvent s’y activer. Elle va à l’église, est volontaire dans les écoles, les centres d’hébergement pour personne âgée, les refuges pour les sans-abris.
Sa voisine se nomme Valérie. Un peu plus âgée, elle doit approcher la fin de la soixantaine. Elle vient d’une famille riche et ça se voit. Elle conduit une voiture décapotable sport, un modèle 2006 avec moins de 20 000 kilomètres au compteur. Elle passe ses étés à la plage, dans la maison familiale dont elle a hérité à la mort de ses parents. Elle s’habille comme une carte de mode, exhibe fièrement son aisance financière avec une collection de bijoux les plus scintillants les unes les autres. Elle aime la lecture, la marche et se faire griller, sa peau tellement ratatinée que même le cancer ne pourrait plus l’atteindre. Gentille et éduquée, elle est le type de voisine qui vous apporte une tarte aux pommes pour vous souhaiter la bienvenue dans le quartier.
Voilà pour la mise en situation. Tout pourrait se terminer ici, mais non. Les idées ne se sont pas encore manifestées. Elles se tiennent dans l’ombre, prêtes à me fondre dessus, éveiller mon intérêt.
L’une de ces personnes sera au centre des évènements à venir. Qui sera à la source des idées que je vais accueillir avec joie?
Une des personnes âgées du foyer? Un des résidents de la maison d’accueil? La poulette en bikini? Le vieux de l’autre côté de la rue et sa collection de corps momifiée?
Non. C’est la gentille voisine cultivée, riche et toujours souriante. Mais vous le saviez déjà, non?
J’ai ignoré les premiers signes me révélant qu’elle pourrait être un problème. Voyez-vous, chez moi nous sommes les esclaves incontestés d’un gentil Boxer qui vient d’avoir 11 ans. Je n’exagère pas quand je dis que nous sommes ses esclaves. Gâtée pourrie, elle est la créature dominante dans notre meute et le sait trop bien. Elle est une bonne chienne de garde et nous apprécions son flair. Dès le premier instant où elle a posé les yeux sur Valérie, déambulant dans la cour avec un roman d’une main et un Martini dans l’autre, le chien s’est déchaîné. Je n’ai jamais vu une bête japper avec autant de rage, ses poils hérissés et son attitude démontrant bien qu’elle aurait démembré la femme avec joie. C’est ainsi à chaque occasion qu’ils se croisent. Nous avons une cour entourée d’une clôture et le Boxer s’y jette frénétiquement en bavant de rage à la vision de la gentille dame.
Ce n’est pas tout, nous connaissons ses moindres déplacements avant même qu’ils se produisent. Si la dame prévoir sortir, le chien devient fou et un coup d’œil dehors nous confirme qu’elle quitte son appartement. Si elle est absente et que le toutou se met à japper et à grogner, se défoulant sur ses jouets avec ses crocs acérés – nous savons alors que sa voiture va pénétrer dans la cour d’ici peu. Jamais notre cabot ne s’est trompé.
J’aurais pourtant dû comprendre à ce moment que quelque chose clochait avec la dame.
Mais les humains ont la tête dure.
Valérie nous quitte pour une semaine, afin de se rendre au Texas pour y visiter sa sœur. Lorsqu’elle revient, quelque chose a changé en elle. Son regard est différent, sa démarche aussi. Elle explique avoir décidé de se rendre dans le sud des États-Unis en voiture, seule, et prétend s’être perdue, pour passer la semaine dans la ville voisine (20 kilomètres de distance) dans une chambre d’hôtel. Son voyage est tombé à l’eau. Elle ne se souvenait plus où elle habitait, comment revenir chez elle. Elle a été contrainte d’appeler la police, son permis de conduire aura révélé son adresse.
Dans les jours qui suivent son triomphal retour de son expédition manquée, je remarque que l’escalier qui mène à son logement et son entrée de cour sont constamment mouillés. Il fait soleil et il n’a pas plu depuis un bon bout de temps. Cela m’intrigue. Il faut préciser que la fenêtre de notre chambre à coucher donne sur l’entrée de cour de la voisine.
Peut-être arrose-t-elle ses plantes? Nettoie son entrée à répétition, puisqu’elle a été souillée d’une substance néfaste? Il n’y a aucun mal à cela! Mais le problème, c’est que le tuyau d’arrosage qu’elle aurait pu utiliser a été enlevé, le robinet recouvert d’une petite boîte métallique avec cadenas, comme si on voulait empêcher les locataires d’utiliser ce dernier. Il faut pourtant beaucoup d’eau pour mouiller la surface ainsi couverte.
Je découvre peu de temps après la source du liquide, puisque je l’aperçois qui ouvre sa porte d’appartement, un seau à la main pour asperger généreusement les marches bétonnées devant elle. Elle vide ainsi quatre seaux d’eau les uns après les autres. Je me questionne : y a-t’il une fuite d’eau au plafond ? Un problème de tuyauterie qui la force à se débarrasser d’un surplus de liquide?
Je n’y crois pas. Il y a autre chose.
Là où nous vivons, les ordures sont cueillies le lundi matin, très tôt. On place habituellement les grosses poubelles en plastiques roulantes tout près de la rue le dimanche soir. Chaque résidence possède deux poubelles, une pour le recyclage, l’autre pour les déchets odorants et périssables. La ville nous fournit ces contenants.
La voisine nous propose alors une intéressante chorégraphie inusitée, intitulée la valse des ordures. Elle s’amorce un mardi en pleine nuit. Le grondement des roues plastifiées, tout comme le tonnerre, alerte les chiens du quartier, dont les jappements sont amplifiés par l’écho. Elle traine sa large poubelle plastifiée noire à la rue, puis de nouveau dans la cour. Ensuite sur le trottoir, et dans la cour à nouveau. La représentation n’est pas terminée, ce n’était que le premier acte. Elle recommence son petit jeu le mercredi, jeudi et vendredi. Parfois le soir, parfois en plein jour. C’en est presque amusant. On se questionne sur ses intentions et son comportement étrange. Jusqu’ici, elle n’a blessé personne et son attitude n’a pas encore déclenché d’alarme dans mon esprit.
Samedi matin, alors que je tonds la pelouse, il me faut passer tout près des poubelles en questions, alors laissées en vigiles silencieuses sur le trottoir. Je remarque les couvercles tordus, les contenants aux parois égratignés et cabossés. Étrange, peut-être une voiture est entrée en colisions avec les poubelles?
Souvenez-vous, mes amis, de la voisine religieuse qui passe ses temps libres à œuvrer pour des organismes humanitaires? Émilia? Elle possède une impressionnante collection de plantes, dans des pots colorés alignés contre le mur de brique de son appartement. Il est minuit ce soir-là. Le chien grogne et me réveille. Je jette un coup d’œil dehors, me demandant si la dame est en train d’asperger son escalier ou de bouger les poubelles. Mais le spectacle qui s’offre à moi est quelque peu différent. Je vois Valérie en robe de chambre, avec un bandeau à la Rambo qui s’amuse à prendre les pots de plantes, pour les lancer impunément contre le mur de briques, les réduisant en miettes.
Elle s’exécute avec une rage non contenue et n’arrête que lorsqu’il n’y a plus de pots intacts. Quelques secondes plus tard, la symphonie des sirènes de police emplit la nuit, les flashes lumineux se reflétant sur les fenêtres des appartements.
Arrestation numéro 1.
La dame est guidée vers la voiture de police qui la gobe, l’emmène en direction du poste en bonne compagnie. Elle a avoué son vandalisme, sans donner de raisons particulières. Peut-être en raison de son âge ou de sa grande indépendance financière, elle revient très rapidement chez elle, avec un rendez-vous au palais de justice pour le mois prochain. On lui dit que le tribunal la forcera très probablement à dédommager sa voisine pour les pots et plantes, ce qui ne lui fait rien, puisqu’elle n’a aucun problème d’argent.
Sa plongée dans les limbes de la folie en sera toutefois grandement accélérée.
Le lendemain matin suivant son excursion au poste de police, Valérie commence un rituel qui s’éternisera durant trois semaines. Elle claque continuellement la porte de son appartement et celle du sous-sol de l’immeuble où se trouve la salle de lavage. Même chose avec les portières de sa voiture, qu’elle n’utilise pourtant pas. Tout le quartier est secoué de tremblements à chaque claquement exagérés. Étrangement, le chien semble avoir abdiqué, n’ayant plus aucune réaction pour la dame en question. Même lorsque le cabot est dehors et voit notre voisine, il se contente de soupirer et de retourner à sa sieste.
Au début, le claquement de portes était occasionnel. En l’espace d’une semaine, c’est à tout moment du jour ou de la nuit, en une suite de percussions digne d’un batteur de groupe rock.
Lorsqu’elle est approchée (par nous ou d’autres voisins) et qu’on la questionne, elle agit comme si de rien n’était, s’excuse, parait ne pas comprendre la raison de notre trouble.
Elle a la chance d’avoir des voisins très patients.
À ce point, je retiens toutefois mes instincts de violences spontanées, car je l’ai promis à ma femme. Mon désir est de hurler, de la menacer, de lui faire peur. Jouer les psychopathes pour la décourager. Je suis prêt à sortir dehors, le corps couvert de sang et le cadavre d’un chat dans la bouche, juste pour lui faire.
Lors des quelques discussions que nous avons avec elle, on peut toutefois deviner qu’elle n’a pas toute sa tête. Elle nous raconte les mêmes histoires à plusieurs reprises, confuse et perdant souvent le fil des récits. Elle souffre peut-être d’Alzheimer? Elle semble avoir vieilli d’au moins 30 ans en quelques semaines.
Son comportement ne s’améliore pas avec le temps qui passe, elle continue à déplacer les poubelles à tout moment du jour ou de la nuit, asperge son entrée avec obsession. Enfin, elle détruit à nouveau les pots de plantes de la voisine qui venait tout juste de les remplacer.
Arrestation numéro 2.
Dans ma tête, je fredonne « Bad boys, bad boys, whatcha gonna do, whatcha gonna do when they come for you… »
La même chose que durant la première arrestation se produit. Petite visite éclair chez les mangeurs de beignets et retour à la maison avec une carte professionnelle d’un psychiatre, juste au cas où elle aurait besoin de parler avec quelqu’un, lui dit-on avant de s’en débarrasser.
Les outils dans mon garage m’appellent avec de plus en plus d’insistances… râteaux, haches, tronçonneuse, sécateurs, cordes et bâches pour éviter l’éclaboussement du sang. Le petit « Dexter » qui vit en chacun de nous insiste pour sortir, pour prendre de l’air. Je ne suis pas violent de nature (en fait, les humains le sont tous, mais c’est une autre histoire…), mais quand mon sommeil, ma vie privée et le repos des gens que j’aime sont perturbés, disons que j’ai du mal à me calmer.
Encore une fois, je promets de ne pas intervenir, ma femme ayant un pouvoir de persuasion inimaginable. J’évite ici des détails qui pourraient choquer le lecteur et qui n’ont aucun intérêt dans le récit en cours.
Un voile plus dense de folie se dépose chez notre voisine, obscurcissant les rouages défectueux de son cerveau surchauffé. La voilà qui se met à parler à voix haute, à chanter et bientôt à crier. Elle arpente le stationnement derrière l’immeuble, son entrée de cour et enfin la rue. Criant et hurlant des propos incompréhensibles. Pour être tout à fait honnête avec vous, le spectacle à quelque chose d’intriguant, de fascinant. Je ne sais pas si c’est mon cerveau d’écrivain ou cet instinct du voyeur qui m’anime, mais je trouve un certain plaisir pervers à suivre la situation. Que fera-t-elle ensuite? Jusqu’où ira sa folie? L’écrivain en moi veut en voir davantage, veut suivre le prochain épisode du Valérie Show. Un peu plus et je me désabonnais du câble, aucune émission de télé ne m’offrant un spectacle d’un tel réalisme.
À un certain moment, j’ai débattu l’idée de placer une chaise près de la fenêtre, installer un petit frigo rempli de bières froides et un four à micro-onde, pour le maïs soufflé. Si au moins je pouvais enregistrer ses manifestations de folie lors de mes absences et les visionner par la suite?
Bien sûr, je n’en ai rien fait, pour qui me prenez-vous? Je le regrette toutefois, j’aurais ainsi pu passer un bon moment et enrichir « You Tube » de quelques excellentes vidéos.
Un revirement inattendu survient alors. La dame se rend dans la rue, vêtue de sa robe de chambre bleue, tenant dans chaque main des barres de fer dont la provenance est inconnue. Elle frappe le trottoir et hurle comme une folle, marchant d’un coin de rue à l’autre. Sans maquillage, avec ses cheveux à la Don King, elle devient l’évènement du quartier et je peux voir les autres voisins se cacher derrière les rideaux à leurs fenêtres, les enfants qu’on rappelle à l’intérieur avec insistance.
C’est le milieu de l’après-midi.
Quelqu’un doit faire quelque chose. Nous passons un coup de fil à la police, car elle a visiblement perdu la boule, devient un danger pour les passants et pour elle-même. J’ai suffisamment de lucidité pour rester à l’intérieur. Un fou sait reconnaître un autre fou et comprend qu’il faut le laisser en paix.
Ma femme est infirmière dans l’unité psychiatrique de notre hôpital et passe ses nuits à traiter des gens pour bien moins que cela. Elle explique calmement la situation aux policiers qui connaissent bien notre Valérie nationale, puisqu’ils l’ont visité à 5 reprises dans les deux derniers mois. Selon eux, elle ne commet aucun crime et a toujours semblé cohérente, coopérative et lucide lors de leurs entretiens. Ils refusent de venir, à moins qu’elle ne commette un délit ou menace directement quelqu’un.
Nous mentons un tout petit peu, leur révélant qu’elle s’attaque aux voitures qui passent. Ils viennent donc rapidement, une voiture et deux policiers en vélo. Elle s’enferme aussitôt à l’intérieur et une longue discussion à travers la fenêtre ouverte s’ensuit. Une demi-heure plus tard, les policiers souriants nous quittent sans rien faire, ils semblent satisfaits de la tournure des évènements. Je les vois même qui rigolent en enfourchant leurs vélos.
Comment aider quelqu’un qui a besoin d’aide, sans être un membre de la famille? Est-ce qu’il va falloir un meurtre? Un suicide?
Quelques jours plus tard, notre gentille Valérie est dehors, dans le stationnement, en sous-vêtement et avec consternation, nous la voyons qui abaisse le mince slip qui couvre son postérieur, s’arrosant les fesses avec une bouteille d’un produit quelconque. On dirait du nettoyant à fenêtre en vaporisateur. Je m’attends presque à la voir faire des bulles. Elle frappe ensuite les gouttières de son immeuble, sur sa porte en aluminium et sur le sol. On dirait un membre grossier d’une tribu oubliée, en pleine incantation, cherchant la faveur d’un Dieu païen pour qu’il pleuve enfin, pour sauver les récoltes. Nous constatons aussi qu’elle a installé un crochet tout près de sa porte, où elle place ses bâtons, qui sont en fait des balais brisés, des manches de pelles ou des tiges en aluminium qu’on utilise pour soutenir les rideaux. Durant sa crise, elle laisse sa porte ouverte et l’intérieur de son appartement nous est dévoilé. C’est un bordel. On voit bien qu’elle a saccagé l’intérieur et les policiers l’ont aussi vu.
Selon ces mêmes policiers, que nous contactons à nouveau avec le souci d’aider la dame, il n’y a rien qu’ils puissent faire. Il n’est pas illégal de saccager ses propres biens. Si l’appartement est endommagé, ce sera au propriétaire de déposer une plainte officielle. Imaginez qu’il y a un formulaire pour cela.
Ma femme utilise alors ses contacts professionnels pour passer de nouveaux coups de fil. Après quelques conversations sans issues, un travailleur social accepte de se déplacer et de venir la rencontrer. Il explique ne pouvoir agir légalement que si la femme menace de blessé ou tueur quelqu’un, de se suicider. Il passe une demi-heure avec elle, dans le logement saccagé, pour en ressortir seul. Elle lui est apparue calme, ne représentant aucun danger pour quiconque. Il ne peut rien faire, elle a refusé de lui donner des informations personnelles, ainsi que de discuter de son état.
La propriétaire de l’immeuble lui rend visite la journée même, une engueulade s’ensuit et elle donne dix jours à Valérie pour quitter les lieux.
Le moment tant attendu, la finale de la saison qui battra tous les records d’écoute, qui soulèvera les foules, se produit enfin. Nous voulons connaître le dénouement de cette histoire, de cette tragédie humaine. Ce moment est plus important que l’épisode qui nous révèlera qui a tiré sur J.R. Dans mon esprit enfiévré, j’imagine une scène où on lui tire dessus, où elle défèque sur la voiture de police en hurlant des obscénités. Je vois déjà les matraques qui s’abattent, le poivre de Cayenne dont on l’asperge, alors qu’elle rampe au sol en tenant fermement sa bouteille de nettoyant liquide.
C’est le jour où Valérie pète carrément les plombs.
Émilia, la discrète voisine de palier, revient chez elle tard en soirée. Elle se trouve dans une camionnette avec une amie, deux petites filles de 5 et 6 ans sur la banquette arrière. Le véhicule pénètre dans l’entrée, s’immobilise dans le stationnement. Valérie sort en trombe de son appartement. Dans une main, elle tient un balai en mauvais état et un de ces tapis qu’on place sur le sol dans la salle de bain. Dans l’autre, une bouteille remplie d’un liquide bleu qui reflète les rayons du soleil. Elle est nue et laissez-moi vous dire, les amis, que mes yeux ont souffert. J’ai failli les crever avec des broches à tricoter rouillées et j’ai vu des parties de son anatomie qui aurait dû être dissimulée pour l’éternité dans le coffre des atrocités d’une humanité en pleine déchéance. Elle ressemble à un étrange chevalier, à une Don Quichotte négligée. En hurlant, elle s’attaque à la camionnette, s’acharnant à frapper le véhicule comme s’il s’agissait d’un dragon malicieux et dangereux. Les gamins sont effrayés par l’attaque imprévue et je suis pantois, la bouche entrouverte.
Je dois me pincer pour être certain que je ne rêve pas.
Arrestation numéro… quoi? J’ai cessé de compter.
Trois minutes plus tard, les policiers arrivent. Ils lui demandent de s’habiller et elle s’exécute sans protester. Une longue discussion s’amorce. On en profite pour prendre la déposition des victimes. Chose incroyable, ils demandent ensuite à Valérie de monter dans sa voiture, qui se trouve stationnée dans la rue, pour la placer dans la cour de son immeuble. Ils laissent cette femme conduire sa voiture sport, qui pourrait devenir une arme redoutable?
Je souhaite presque la voir s’enfuir, suivre la poursuite en direct à la télévision. J’imagine une file de voitures de police sur l’autoroute, filmée par un hélicoptère de la station de télévision locale.
Les policiers s’amusent, car elle les fait rire et parvient de peine et de misère à placer sa voiture dans un endroit approprié en faisant inutilement rugir le moteur. La voisine religieuse est partie au palais de justice afin d’aller y chercher un mandat d’arrêt qui ne sera pas nécessaire. Valérie accepte de suivre les policiers.
On lui laisse le temps d’aller chercher son sac à main, en véritable cuir d’alligator qu’elle brandit avec fierté.
Quelques semaines ont passé depuis.
Valérie se trouve aujourd’hui dans un hôpital psychiatrique. Elle souffre depuis son enfance de troubles bipolaires et de schizophrénie. Elle a récemment cessé de prendre ses médicaments et a commencé à boire beaucoup d’alcool. Elle a passé plusieurs séjours depuis son enfance dans des cliniques ou hôpitaux. À cause de ses crises, de son instinct d’autodestruction, sa famille s’est peu à peu éloignée au point de couper complètement les liens qui les unissaient.
On nous a par la suite expliqué la logique de ses actions, une logique qu’elle est seule à vraiment comprendre.
Durant ses épisodes de psychose et d’hallucination, elle imaginait que ses poubelles étaient de dangereux cobras, cherchant à la mordre, l’empoisonner d’un venin mortel. C’est pourquoi elle déplaçait et frappait ces vipères, voulant s’en débarrasser.
Quant aux plantes de sa voisine, c’étaient des plantes carnivores qu’elle pouvait entendre souffler, qui pianotaient à ses fenêtres, qui la guettaient jours et nuits. Les pots contenaient aussi des plants de marijuana et autres drogues illicites.
Elle aspergeait sa porte, son escalier et son corps d’eau ou de nettoyant à fenêtre, parce que c’était un moyen efficace de se purifier contre les démons qu’elle voyait rôder. Les bruits de percussions, les cris, les hurlements étaient ses appels à l’aide pour attirer les anges à son aide, dans ce combat qu’elle ne pouvait remporter seule.
Pour elle, tout semblait réel, tangible. Ce doit être terrible que de ne plus pouvoir distinguer la fragile limite entre la réalité et la fiction.
C’est triste. Sa vie aura été une longue suite d’hospitalisation et de médication. Jusqu’à sa mort, ce sera son lot.
Les maladies mentales sont plus fréquentes que nous le croyons, omniprésentes dans notre quotidien. Nous côtoyons chaque jour des confrères, des conjoints ou des membres de notre famille qui souffrent en silence. Ce n’est pas tous les cas qui dégénèrent ainsi. Cela ne veut pas dire qu’ils ne souffrent pas.
Cette histoire, croyez-le ou non, à une raison d’être.
Elle répond à la question qu’on me pose parfois… d’où viennent mes idées.
Je dis ceci : nulle part, les idées viennent à moi.
Je remercie cette voisine que je ne reverrais jamais, en espérant qu’elle aille mieux dans un futur rapproché, qu’elle reçoive toute l’aide dont elle a besoin. Elle ne saura jamais les idées qu’elle m’a involontairement données. Je remercie ma femme d’avoir insisté pour que je me calme et évite une confrontation inutile. Valérie avait besoin d’aide, comme beaucoup d’autres gens solitaires avec des troubles graves.
La morale de cette histoire?
J’ai appris à ne pas juger trop rapidement.
Et j’écris…
Ligue française pour la santé mentale
Association canadienne pour la santé mentale
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May 29, 2013
Les Racines Du Mal – Cinquième Partie : Une journée de merde pour la petite Georgia !
Important :
« Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »
Georgia
Bordeaux, France
Le soleil allait bientôt se lever. Elle pouvait déjà profiter de la faible clarté qui commençait à s’infiltrer dans la résidence, par les fenêtres voilées. Georgia avait passé la dernière heure à nettoyer la cuisine, elle avait aussi traîné le corps sans vie de son ancien petit copain vers le salon, pour le rouler dans un tapis qui ne lui servirait plus. Elle espérait que cela contiendrait aussi l’écoulement du sang, limiterait les dégâts et dissimulerait la carcasse refroidie aux regards des curieux.
Elle devrait se débarrasser du macchabée, n’avait aucune envie d’attirer l’attention des gendarmes en circulant avec un corps dans sa voiture. Tout contrôle routier pouvait signifier la prison à vie si on la coinçait.
Le plancher lui avait donné du fil à retordre, le sang s’était généreusement répandu et des traces d’impacts perforaient le linoléum. Plusieurs serviettes furent ruinées en épongeant le sang qui maculait le sol. Pour masquer les trous des balles qui avaient traversé le corps et terminé leurs trajectoires dans le plancher, elle avait eu l’ingénieuse idée de simuler des brûlures de cigarettes, utilisant un cigare de l’homme qui avait partagé son lit. En regardant son œuvre, elle fut satisfaite de l’effet créé.
En sueur, troublée par les évènements qui l’avaient agité, elle ne pouvait s’empêcher de rejouer dans son esprit le message laissé dans sa boîte vocale. Elle voulait avant tout s’assurer qu’elle l’avait bien compris. Malheureusement, le message révélait ce qu’elle redoutait au plus haut point. La chose était revenue, se trouvait à Montréal et la présence des membres du groupe était exigée. C’était très bref et aucun autre détail n’était offert, lui laissant un lot de questions sans réponses. Georgia se doutait trop bien que son petit copain massacré était de connivence avec le monstre qu’ils avaient puérilement cru avoir éliminé. Elle se demanda où en étaient les autres, s’ils étaient déjà au courant et surtout, si on leur avait tendu des pièges. À ce moment, elle sut que ce devait être le cas.
Le résultat de son travail acharné lui plaisait, le sol était luisant et outre les brûlures de cigares, ne subsistait aucun indice pouvant révéler le drame qui avait secoué l’endroit des plus anodins.
La jeune femme se rendit alors dans le salon où elle avait laissé son portable et son Beretta. Où reposait aussi le corps sans vie de Sébastien, prisonnier d’un cercueil tissé à la main par des enfants sous-payés dans un pays du tiers monde. Son plan était bien simple, consistait à transporter le tapis enroulé dans le coffre de sa voiture, pour s’en débarrasser dans la Garonne. Ensuite, elle se rendrait à l’aéroport international Bordeaux Mérignac. De là, elle espérait trouver un vol pour Montréal ou du moins pour une ville avec un vol direct vers le Canada.
Elle s’immobilisa brusquement dans l’entrée du salon, figée de surprise. Au centre de la pièce, le tapis avait été déroulé, dévoilant des souillures ensanglantées, sans la moindre trace du corps qui aurait dût s’y trouver. Un corps sans vie, froid et inerte.
Son regard chercha l’arme et le téléphone, en vain. Elle les avait laissés sur la table basse près du canapé et ils n’y étaient plus. Elle sentit la panique tomber sur elle comme le rideau brutal d’une mauvaise pièce de théâtre. Georgia fouilla la pièce à la recherche du moindre indice sur ce qui s’était passé, touchant le mur froid à sa gauche dans un effort illusoire pour éviter les étourdissements qui l’assaillaient.
La porte d’entrée était toujours close, la chaînette de sécurité bien en place. Un silence menaçant flottait dans la résidence et elle sut qu’il était toujours à l’intérieur.
Vivant!
Ce qui était tout à fait impossible, puisqu’elle avait vidé un chargeur sur lui, avait vu l’étincelle de vie quitter son regard d’un bleu d’océan. Elle jura à voix basse, consciente que sa méfiance avait été endormie dans les deux dernières années, qu’elle avait commis une bévue de débutante.
L’individu n’avait laissé aucune empreinte sur le sol, il était donc impossible de suivre sa progression au travers des pièces. Il n’était pas dans la cuisine qu’elle venait tout juste de quitter, pouvait être n’importe où dans les quelques chambres à l’étage ou alors dans la cave. C’était cette éventualité qu’elle redoutait le plus.
Georgia se passa un bras sur le front, essuyant tant bien que mal la sueur qui s’y trouvait. Elle se pencha et prit ensuite un large presse-papier en granit qui reposait sur une étagère. Pointue, l’arme possédait un certain potentiel destructeur, mais à quoi bon sur un adversaire qui avait survécu à plusieurs projectiles tirés à bout portant?
La clé de sa voiture se trouvait dans sa poche, son sac à main était en vue tout près de la porte d’entrée. Il lui serait si facile de quitter ce lieu maudit en toute hâte, de se sauver loin de cette créature. Fuir était l’unique solution, elle aurait dût écouter cette petite voix qui lui conseillait de déguerpir au plus vite. Mais cette force étrange en elle, cette impulsion qui l’avait unie aux autres, lui demandait de finir le travail qu’elle avait commencé. Il fallait trouver le petit copain et mettre un terme à son existence de manière définitive.
Hélas, elle savait trop bien qu’elle ne pouvait pas fuir ainsi, qu’il lui fallait s’avancer dans la pièce, arme en main, en direction du couloir. Elle était comme l’alcoolique qui sait trop bien qu’il ne devrait pas porter le goulot à sa bouche, mais qui n’arrive pas à éloigner la bouteille.
Retourner à Montréal lui faisait peur, mais lui plaisait aussi. Elle aimait cette ville, son cachet multiculturel et ce petit air européen sans l’être vraiment. Une culture à mi-chemin entre l’Amérique décadente et l’Angleterre monarchique, dans une province qui aurait dût être un pays. En fait, elle pouvait bien se l’admettre, elle avait toujours voulu y retourner.
Un bruit sourd monta du couloir entre le salon et les deux pièces à l’étage, une chambre à coucher et un débarras.
Elle s’avança en longeant le mur, les premiers rayons solaires inondant la ville, se reflétant sur la rivière traversée de plusieurs ponts. La vie quotidienne prenait son envol, les marchands allaient bientôt ouvrir leurs boutiques, les rues se remplir de voitures et les gamins se rendre à l’école.
La masse des zombies du 9 à 5 surgirait afin de s’élancer fiévreusement dans les files anonymes d’esclaves destinés aux abattoirs de l’existence, vers des emplois mornes, insatisfaisants, sous-payés. Abruti par le moule de cette société de consommation.
Le couloir sombre s’étendait devant elle, la porte de la chambre d’ami était close, celle qui menait au sous-sol, ouverte. Elle s’immobilisa. L’étage inférieur n’était pas un sous-sol fini, mais une cave froide et humide, aux murs de briques, au sol de terre battue, un repaire pour les rats et les insectes.
Son bon sens lui disait de faire demi-tour, lui hurlait d’abandonner son projet, mais depuis quand écoutait-elle cette conscience ennuyeuse? Combien d’emploi avait-elle perdu en raison de son tempérament fougueux, de ses actions impulsives?
Elle gloussa d’amusement alors qu’elle s’apprêtait à faire exactement ce qu’elle avait toujours reproché à Jean, qui n’hésitait jamais à foncer, peu importe le risque. En fait, ce dernier fonçait avec un engouement décuplé si le péril augmentait. Ils n’étaient aujourd’hui plus si différent l’un de l’autre.
Trois pas suffirent à la conduire devant la porte ouverte de la cave, de cette pièce où elle n’allait jamais. Elle reconnut l’odeur du renfermé et de l’humidité. En raison de la noirceur, elle ne vit que les premières marches et dut tendre la main vers le haut, tirant sur la corde qui pendait et qui aurait dût allumer l’ampoule scintillante.
Bien entendu, rien ne se produisit et elle secoua la tête, exaspérée.
Georgia prit le presse-papier à deux mains, ses tremblements révélant sa nervosité. Elle aurait aimé prier, mais n’avait aucun Dieu à qui demander des faveurs. La religion, pour elle, n’était qu’un instrument de contrôle de la population, d’ailleurs très efficace.
Elle posa le pied sur la première marche, entendit le bois qui protestait. Comme rien ne se passa, elle fit un autre pas et poursuivit jusqu’à ce qu’elle atteigne le plancher en terre battue.
Les ténèbres se dissipaient dans l’escalier, en raison de la faible luminosité qui venait de la porte ouverte dans son dos. Cela lui offrit aussi une vue partielle sur la pièce qui paraissait déserte, qu’on avait laissée sans ameublement. On avait aussi évité d’entreposer quoi que ce soit dans cet endroit humide, puisque durant les jours de pluie, il arrivait que l’eau monte de quelques centimètres. Ils n’avaient pas pris le risque de voir leurs possessions ruinées.
Perplexe, la jeune femme parcourut du regard la petite pièce au plafond bas, aperçut quelque chose au sol, en son centre. Un amas de terre qui s’étalait à la droite d’un trou sombre. Elle s’en approcha, se demandant ce que cela signifiait. L’orifice était suffisamment large pour qu’un adulte s’y engouffre, pour que l’homme mortellement blessé puisse s’y dissimuler. En fait, elle comprit qu’il devait se trouver dans cette étrange cachette.
Georgia se pencha au-dessus du trou, cherchant à percer l’obscurité et elle vit qu’une échelle artisanale en bois avait été placée dans l’orifice, permettant d’y descendre.
Elle comprit que l’homme n’avait pas creusé ce trou dans l’heure qui venait de passer, mais plutôt dans les jours, les semaines précédentes. Il s’était préparé un tunnel dans l’éventualité d’une fuite précipitée, sachant trop bien qu’elle ne venait jamais à cet endroit. Il pouvait déjà être loin et elle se demanda où menait le passage.
Elle devait rebrousser chemin, il n’était pas trop tard. C’était pur folie que de vouloir pénétrer dans ce passage souterrain à la poursuite d’un être impossible à tuer.
Elle se redressa, fixa le plafond en soupirant.
Puis, elle se retourna et mit le pied sur le barreau de l’échelle. Dos au trou, elle se mit à descendre, se soutenant d’une main, l’autre tenant la pierre. Elle ne voyait rien en dessous d’elle et progressa avec lenteur. Elle s’attendait à tout moment à sentir une poigne squelettique lui agripper les chevilles, l’attirer dans des profondeurs insondables d’où elle ne reviendrait jamais. Elle compta les barreaux, autant pour se changer les idées que pour déterminer la profondeur du trou. Elle s’arrêta à seize, lorsque son pied gauche toucha une surface solide. Le sol. Sans trop comprendre, elle se rendit compte que le trou s’arrêtait là. Tournant sur elle-même en tâtant les parois, elle ne découvrit aucun tunnel. C’était une impasse.
Elle entendit alors un rire sourd, comme le rugissement d’un moteur qui refuse de démarrer. Levant le regard vers le haut, trop lente pour réagir, elle vit une silhouette qui s’était emparée de l’échelle et la remonta avec brusquerie. Incapable d’agripper les barreaux pour la retenir, elle hurla de sa stupidité. Ce qu’on avait creusé ici n’avait rien à voir avec un tunnel destiné à la fuite, l’homme avait creusé la tombe de Georgia. Une tombe dans laquelle la jeune femme avait délibérément pénétré.
Elle frappa les parois froides avec colère, se sentait humiliée. Le rire s’arrêta et bien qu’elle fût incapable de voir le visage au-dessus d’elle, Georgia s’imagina qu’il souriait. En tendant les bras vers le haut, elle estima qu’il manquait un bon mètre pour rejoindre le bord du trou. Elle n’avait aucun moyen de s’en sortir.
Elle ne voulut pas lui donner satisfaction, refusa de dévoiler sa détresse et préféra rester silencieuse, fixant l’orifice circulaire avec rage. La silhouette remua légèrement, un grognement s’éleva et un jet liquide chaud l’atteignit au visage et dans les cheveux. Elle reconnut l’odeur de l’urine et le rire pervers reprit de plus belle. Elle se couvrit le visage, furieuse, humiliée et défaite, se protégeant tant bien que mal du liquide qui l’atteignait comme une averse toxique.
Elle n’avait aucune idée comment elle allait se sortir d’un tel pétrin.
Après une minute ou deux, un panneau de bois recouvrit l’orifice et les ténèbres l’enveloppèrent complètement.
Elle refusa de pleurer, serrant les poings, crachant de haine pour cette chose qui l’avait doublement trompée.
Après ce qui parut être une éternité de silence et de stupéfaction, une forte odeur de brûlé lui vint. Il avait mis le feu à la maison.
Merde!
À suivre….
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May 28, 2013
Lire ou ne pas lire…là n’est pas la question…
Voici une présentation de mes lectures du mois de mai :
La chasse aux fantômes dans les cimetières : enquêtes sur des terres hantées et sacrées.
Melba Goodwyn.
Éditeur ADA
Pour être honnête, j’ai abandonné la lecture alors qu’il me restait une vingtaine de pages. Je n’en pouvais tout simplement plus. Je n’ai pas aimé la présentation des récits, pas aimé ce que le narrateur nous débite, trouvé aucun plaisir dans cette lecture. Ca peut plaire à certains, pas à moi.
Désolé.
La valse des bâtards.
Alain Ulysse Tremblay.
Éditions Coups de Tête
Je ne savais pas à quoi m’attendre avec ce livre. Il m’est tombé sous la main à la bibliothèque et intrigué, j’ai décidé de le prendre et d’en faire la lecture. Avec les éditions coups de tête, j’ai dans le passé eu droit à de bons romans ou parfois à des œuvres que j’ai beaucoup moins aimées, les deux extrêmes.
C’est un roman solide, au récit parfois troublant, qui nous montre le visage brutal et froid de l’itinérance chez les adolescents, de la vie dans la rue. J’ai bien aimé, du début à la fin, et le roman nous porte à réfléchir, à regarder les jeunes que nous croisons près des stations de métro, dans les parcs, avec un autre regard.
À conseiller.
La cage de Londres : Un siècle après la guerre des mondes.
Jean-Pierre Guillet.
Édition Alire
Dès le début, le roman m’a fait penser à « Reset – le voile de lumière » de Joël Champetier. Je ne sais pas pourquoi, peut-être l’ambiance, le sujet ou parce qu’il s’agit du même éditeur. Ceci dit, j’ai passé un bon moment avec ce roman de science-fiction, dans lequel nous découvrons des personnages attachants et leurs aventures. Comme le dit si bien le sous-titre, cela se passe un siècle après la guerre des mondes. L’histoire nous est racontée du point de vue des humains et des créatures.
Pour les amateurs du genre, une lecture à mettre sur votre liste.
L’apprentissage de Victor Frankenstein 1 et 2 : Un sombre projet et Un vil dessein
Kenneth Oppel.
Édition Québec Amérique
Bon. Pour commencer, j’ai longuement hésité à lire ces derniers, parce que la couverture me faisait trop penser à un épisode des filles de Caleb. Mais j’ai finalement décidé d’en faire lecture… parce que j’aime bien le personnage et le mythe de Frankenstein.
Mes impressions sont partagées. Les romans s’adressent indéniablement aux adolescents, on retrouve un peu de cette puérilité du genre « Twilight ». Une histoire d’amour qui sévit dans les deux tomes, des intrigues pas tout à fait captivantes, mais suffisantes pour que l’on continue à lire.
L’ambiance des romans m’a bien plu, l’idée de cette époque où la science et l’alchimie se côtoyaient, des mystères d’un passé sombre. Découvrir ce que cet adolescent de légende vit comme expérience en grandissant m’attirait.
Ce n’est pas de l’horreur et pas nécessairement du suspense, malgré quelques rebondissements dans le récit.
Blockade Billy et Morality
Stephen King
Un petit livre en anglais qui se lit dans le temps de boire une tasse de café. Deux petites histoires, l’une de baseball et l’autre d’un couple qui prend une décision couteuse et payante à la fois. C’est un petit récit sympathique, léger et amusant. Difficile de se tromper avec Mister King.
Je ne connais presque rien au baseball – Gary Carter joue toujours? Mais le ton du narrateur et l’histoire racontée viennent combler cette lacune.
Vous avez une demi-heure à tuer, alors je vous invite à en faire la lecture.
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May 20, 2013
Les Racines Du Mal – Quatrième Partie : La Furie Du Tueur.
Important :
« Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »
Jean Métallos
Rioz, France.
Il était adossé contre le mur en briques, légèrement en retrait de la rue, ayant trouvé refuge dans une entrée d’immeuble. Le jour déclinait, illuminant le ciel de couleurs plus vives les unes que les autres. Il se tenait hors de vue des policiers massés devant l’église qu’il s’était apprêté à visiter. Leur présence à cet endroit le troublait grandement, car il ne croyait pas aux coïncidences. Il se questionnait sur la possibilité qu’on lui ait tendu un piège, sans savoir qui aurait pu faire une chose pareille. Il avait bien peu d’ennemis encore vivants.
Le portable aux ondes possiblement cancérigènes qui grugeait à petit feu les cellules de son cerveau dans une main, il écoutait avec perplexité. L’appel avait été imprévu, le choc d’entendre la voix connue lui donna des frissons. Rien de bon ne pouvait venir de ce coup de fil.
Une vieille dame titubante en veste de laine s’arrêta pour lui offrir un regard suspicieux, resserrant son emprise sur un sac à main en cuir et Jean grimaça, décuplant la laideur de son visage ravagé par les blessures accumulées au cours des ans. La femme recula avec surprise, la bouche entrouverte, les yeux plissés et elle s’enfuit avec rapidité, manquant de tomber en bas du trottoir, heurtant une voiture stationnée. Il l’entendit marmonner une prière bien inutile, car l’homme ne craignait aucunement Dieu. Il guettait en fait le jour où il se retrouverait devant le créateur pour lui donner une bonne raclée. Pour lui faire comprendre à quel point la vie qu’il lui avait donnée était merdique. Cette idée le fit sourire.
Enfin seul, le tueur à gages reporta son attention sur la voix qui répétait son message, traversant l’océan et lui venant dans un murmure horrifié à son oreille. L’accent québécois était évident et la panique discernable dans le ton.
- Elle est revenue.
Un moment, Jean crut avoir mal entendu, que les sons ambiants avaient déformé la phrase venant du combiné. Mais les mots furent répétés à trois reprises, éliminant toute possibilité de mauvaise communication. Il avait trop bien entendu.
Le choc de cette révélation lui donna des sueurs froides et il ne sut quoi répondre, son souffle s’accéléra et son interlocuteur cessa enfin de parler. Il avait deviné que son message avait été capté et surtout, compris.
Jean était mieux placé que quiconque pour savoir que cette femme, cette chose immonde ne pouvait pas être vivante. Il le savait, parce qu’il avait lui-même démembré le corps sans vie et inerte à l’aide de Furie. Qu’il avait abattu la hache ensanglantée au manche glissant sur la carcasse défigurée et irréversiblement endommagée, avec une frénésie qui frôlait la démence. Il avait senti les membres se rompre, avait brisé l’ossature et coupé les muscles. Il avait frappé, encore et encore, éclaboussé par l’hémoglobine qui giclait, hurlant sa rage et bavant sa haine. Il ne s’était arrêté qu’au moment où Réal, d’un calme paternel, avait posé une main solide sur son épaule, le ramenant de ce côté-ci de la folie. Il s’était alors arrêté, essoufflé et couvert de sueur. Il avait croisé le regard des autres, tous témoins de sa colère et il avait quitté la pièce, emportant l’arme qui dégoulinait en laissant une trace détaillée de son passage. Il avait ensuite pris une cuite mémorable, s’était enivré avec son ami Jack, qui ne le laissait jamais tomber.
Le lendemain, avec le Québécois, il avait placé les morceaux de corps dans des contenants hermétiques, remplis de glaces, pour en faciliter le transport. D’un commun accord, Jean avait été désigné pour disposer des membres de la créature maudite. Les bruler aurait été trop simple, il fallait s’assurer qu’elle ne revienne pas. Le plan était donc d’éparpiller les restes de la créature en divers endroits qu’ils auraient la tâche de surveiller. Juste au cas.
C’est ainsi que la tête avait été coulée dans le ciment des murs à la base de l’oratoire Saint-Joseph, sur la montagne au centre de l’île de Montréal. Celui du groupe qui était né dans cette ville y resterait, veillant à protéger l’emplacement qu’ils avaient choisi. Réal, qui retournerait vivre dans la région éloignée du Cantal, en France, suggéra les souterrains oubliés du château médiéval de la Vigne, à Ally. Georgia, qui avait convaincu son petit ami de la suivre outre-mer, dans son patelin d’origine, guida Jean jusque dans le jardin public de Bordeaux, non loin de la cascade artificielle. La nuit venue, ils ensevelirent un tonneau dans lequel on coula du béton, inonda les bras fracturés et puants, puisque la décomposition s’était amorcée. Le buste, quant à lui, fit le trajet avec le tueur à la hache, sur la banquette arrière de sa voiture, secoué sur les routes de campagnes qu’ils empruntaient pour éviter les rencontres fortuites avec les policiers. Ils se rendirent à Nancy, où il avait fait l’achat d’une maison. La malle compromettante se retrouva dans le grenier abandonné du musée-aquarium de Nancy, sous une pile d’objets hétéroclites. Encore là, le béton tiendrait compagnie à cette créature qu’il avait crue morte.
L’évocation de cette période sombre de leur histoire le fit frissonner. Jean n’avait jamais été un bon partenaire, un bon membre d’un groupe ou d’une collectivité quelconque. Il travaillait seul, n’aimait pas s’encombrer de la présence des autres. Mais ses amis lui avaient manqué, parce qu’ils avaient vécu des aventures extraordinaires. La rage et la colère qui bouillonnait en lui depuis ce jour ne s’étaient jamais éteintes, de là son emploi de tueur. Il ne trouvait réconfort que dans la mort, celle des autres et déclenché par ses actions, perpétrées de ses mains. Il avait assassiné une centaine de personnes dans les deux dernières années, de tout âge, race, sexe ou religion. Il s’en foutait.
Aujourd’hui, il était conscient que sa vie allait changer à nouveau, mais il était dans un état précaire, incertain d’être en mesure de fréquenter les autres sans les blesser. Il ne leur ferait aucun mal physique, bien entendu, mais son mauvais caractère, son impatience et ses manières brusques risquaient de lui causer des ennuis.
D’une voix hésitante, il questionna l’homme au bout du fil.
- Tu es certain?
Suivit un court silence, tandis qu’un couple d’étudiants amourachés passait devant lui, l’ignorant complètement, se tenant la main. La réponse qu’il redoutait lui vint.
- Oui.
Jean soupira, exaspéré. Voilà que tout recommençait, après deux ans de solitude. Il s’était toutefois douté qu’ils ne resteraient pas éternellement blottis dans cette existence faussement recluse après les évènements tragiques auxquels ils avaient participé. Le destin revenait les troubler.
Leur groupe avait survécu de justesse aux assauts de la créature maudite et les blessures n’avaient pas eu le temps de guérir. Les blessures mentales, bien entendu.
- Comment peux-tu en être aussi sûr? Tu étais là quand je l’ai dépecé et décapité.
- Jean… je le sais parce qu’elle est venue me voir.
Jean se racla la gorge, pensif, se frottant le menton. Le québécois poursuivit.
- Nous devons nous réunir, à nouveau.
Le tueur frappa le mur de brique avec force, y laissant une empreinte ensanglantée. Il parla ensuite avec un ton résigné.
- J’en ai bien peur, mon petit.
La communication fut abruptement coupée. Jean observa un moment l’appareil à l’écran luisant maculé de la sueur qui couvrait son visage, sa joue et son front. Avec dégoût, il sentit son estomac se contracter. Il regrettait le petit déjeuner qu’il avait pris quelques heures plus tôt.
Jean savait qu’un voyage à Montréal s’imposait. Par contre, il avait un contrat à terminer et rien ne l’en empêcherait. Il était un homme de parole, respectait ses engagements.
C’était le temps de briser du flic.
Il souriait lorsqu’il revint à la voiture, ouvrit le coffre dans lequel il laissa tomber le poing américain, pour s’emparer de sa hache, sa légendaire Furie. Coulée dans l’acier quelques siècles plus tôt, cette arme avait été la possession de tyrans barbares, cruels et diaboliques. Cette lame légendaire avait répandu la mort avec une aisance exceptionnelle. Elle avait tranché des têtes de rois, de soldats, de chevaliers, de prêtres, d’innocents et de choses innommables.
Elle avait fait tomber tous les assaillants qui s’étaient stupidement levés devant lui.
Il était un temps où les hommes qui voulaient mourir venaient le voir, pour l’honneur de périr sous sa lame.
C’était il y a si longtemps.
Il réintégra lentement l’intérieur de la voiture, la hache posée sur les genoux, pour démarrer et faire rugir le moteur. Le ciel s’obscurcissait à mesure que le jour voulait céder sa place à une nuit qui promettait d’être mouvementée.
Il alluma la radio, enclencha le lecteur de disque compact et trouva celui de son groupe préféré, Metallica. Suivit une chanson parfaite pour l’occasion. « So what ».
En sifflant la mélodie, il enfonça l’accélérateur sans regarder qui ou quoi traversait la rue, puisqu’il s’en foutait complètement.
Il fonçait droit vers l’église et les policiers devant la bâtisse, que le grondement du moteur et le crissement des pneus avaient alertés.
Il allait bien se marrer. On ne l’appelait pas Jean le butteur pour rien.
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May 15, 2013
Le monstre
La jeune femme courrait, ses pieds nus martelant le sol de terre battue. Ses longues jambes fouettées par les branches sur lesquelles elle fonçait, incapable de les éviter, l’obscurité du sous-bois étant l’unique maître des lieux. Son souffle était rauque, ses poumons brûlaient, son visage rougi et maculé de larmes était couvert d’éraflures. Ses avant-bras portaient des marques défensives, deux de ses ongles manquaient et du sang couvrait son menton. Elle avait la lèvre inférieure fendue, n’osait se retourner, pouvant deviner la proximité de la chose qui s’était lancée à ses trousses. Rapide, puissante, elle n’avait réussi à lui échapper qu’en raison d’une voiture qui passait à proximité, sur une route de campagne. Ses phares avaient un instant balayé le sous-bois, de l’autre côté du fossé et la chose avait été aveuglée par le faisceau imprévu. Le conducteur n’avait probablement rien vu, son regard inattentif rivé sur la route, mais la femme avait profité de la distraction pour asséner un coup de genou à la créature qui la tenait clouée au sol. Elle avait aussi griffé ce visage immonde, cherché à perforer les yeux, à creuser les joues et arracher le nez. Elle ignorait l’ampleur des dégâts qu’elle avait causés, mais avait pu se dégager de l’être hurlant qui avait roulé de côté.
Prenant ses jambes à son cou, elle s’était lancée au cœur de la végétation, s’éloignant de la route. Suivant l’étroit sentier, elle espérait déboucher sur une autre route, tombée sur une résidence. Elle douta toutefois rapidement de la justesse de son choix, le chemin semblait peu fréquenté, oublié et envahi par la végétation.
Le monstre avait presque eu le temps de la dévêtir, lui arrachant sa jupe et lacérant son veston, son chemisier. Sa peau était couverte d’éraflures venant des griffes animales de son attaquant.
La femme fut forcée de ralentir, le chemin se changeait en pente escarpée et elle hésita un moment, se demandant si elle aurait la force de l’escalader. Mais il était trop tard pour faire demi-tour et dans un effort ultime, elle se propulsa vers l’avant, une lame de feu labourant ses muscles endoloris.
Elle pouvait voir le haut de la pente et une éclaircie dans la végétation, à moins d’une vingtaine de mètres de sa position. Des lumières dansaient devant ses yeux, venant d’une habitation et elle reconnut aussi les lampes de rue alignées le long d’une route secondaire.
Un dernier sprint et elle serait enfin sur le terrain plat, suffisamment proche de son objectif pour croire à une possible survie. Cette chose n’oserait pas l’agresser dans un lieu public, du moins elle l’espérait de tout son cœur.
C’est à ce moment-là qu’elle trébucha, qu’une racine au sol lui fit un croc en jambe traître, réduisant ses espoirs à néant. Elle allait subir le même sort que toutes les stupides blondes dans les films d’horreur, les livres macabres. L’espoir n’était qu’une introduction nécessaire à la suite logique, la souffrance et la mort.
Elle hurla, alors qu’elle s’affaissait au sol dans un ballet désordonné, une chorégraphie qui laissait à désirer et ne lui mériterait qu’un passage télévisé dans les moments cocasses du jour. Elle tomba face première, son menton grattant le sol rude et froid, ses paumes et genoux amortissant à peine l’impact en raclant le sol. La panique la gagna tandis que son corps était toujours en mouvement. Elle se trémoussait comme un serpent, voulait gagner quelques centimètres, quelques mètres. Elle gémissait maintenant comme une enfant gâtée à qui on refuse une friandise. Son regard était rivé sur son objectif, sur ces lumières non loin qui l’appelaient, la guidaient.
Une poigne glaciale s’empara de son mollet gauche, l’enserrant avec une force incroyable. Des griffes acérées entaillèrent la peau et les muscles. Elle hurla de nouveau, de peur et de détresse, alors que son avancée prenait fin. Son corps fut alors tiré vers l’arrière, les coups de son pied libre ne rencontrant que le vide. Elle raclait la terre de ses mains, de ses doigts, de ses ongles. Sans parvenir à y trouver une prise efficace.
Une autre poigne d’acier agrippa sa longue chevelure blonde, faisant vriller une vive douleur dans son crâne et elle sentit qu’on la soulevait du sol. Son corps était arqué comme une demi-lune, son ventre seul effleurant le sol. Elle sanglotait, perdue.
Au-dessus d’elle, un murmure d’outre-tombe se fit entendre, une voix gutturale rappelant vaguement le raclement de cailloux les uns contre les autres.
- Tu es à moi.
Elle ferma les yeux.
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May 1, 2013
Lecture des Contes Du Grand Veneur – Romain Billot
Écrivain, nouvelliste, raconteur, rêveur, blogueur, éditeur, montagnard… Romain Billot c’est tout cela et encore plus. J’ai eu l’occasion de lire plusieurs textes de Romain au cours des années, soit sur son site ou encore dans des revues et magazines où on retrouvait ses nouvelles. Une chose m’a toujours impressionné chez cet auteur français et c’est son talent à nous raconter, nous divertir et nous faire réfléchir.
Lorsque le recueil du Grand Veneur est sorti, je n’ai pas hésité à en faire l’acquisition, car je savais qu’un bon moment de lecture m’attendait.
Au moment de tourner la dernière page du recueil (mon lecteur numérique me donne l’illusion de vraiment tourné les pages de papiers et j’adore cette fonction)… je souriais. Je venais de passer un très agréable moment et j’aurais tant aimé pouvoir le prolonger. Dans les pages de ce livre, j’ai voyagé dans mon passé, retrouvé les copains, renouer avec des connaissances. J’ai revécu des moments intenses de mon enfance, j’ai plongé au cœur de la mémoire de l’adulte que je suis, ayant grandi trop vite.
Voilà ce que je recherche dans la lecture, l’évasion, l’aventure, la recherche de souvenirs oubliés, de rêves à venir. Les nouvelles réunies ici sont idéales pour tous, grands et petits. Elles peuvent être lues dans votre salon, sur la plage, près d’un feu lors du camping ou dans un grenier sombre.
La seule limite est celle que le lecteur s’impose.
Romain vient une fois de plus de nous le prouver – il est un grand narrateur et le lecteur se laisse bercer par son imagination, sa poésie, son langage coloré et par l’imprévu qui nous guette à tout moment.
Présentation de Romain Billot :
Romain Billot est le fondateur de la revue de l’étrange et de l’imaginaire, Freaks Corp qui a vu le jour en 2009 et de la DTF (ligue de défense Transatlantique du Fantastique) en partenariat avec le fanzine Nocturne CE. Écrivain français, il publie dans plusieurs revues dans son pays d’origine et aussi au Québec. Il détient un Master de lettres à l’université de Bourgogne. En 2012, il retourne s’installer au pied du Plomb du Cantal pour renouer avec ses origines et y trouve sa principale source d’inspiration…
Plusieurs publications, dont deux recueils de nouvelles et un roman, sont prévues pour 2013…
Impressions de lecture sur les nouvelles :
Kidnapping amorce le bouquin avec brio, on découvre les jeux de l’enfance dans tout ce qu’ils ont de plus mystérieux et de brutal. Un univers rempli de tyrans, de victimes, de témoins impuissants.
Avec Lady Crowley, c’est l’univers injuste de la médisance, des rumeurs et de la folle cruauté de certains.
Charmiance nous entraîne au travers de l’imagination fébrile d’un gamin dans une forêt énigmatique. Une rencontre improbable qui changera les choses.
Résurgence nous présente deux frères, bien différents l’un de l’autre. Deux enfants témoins d’un phénomène particulier, dans un lieu à l’histoire plutôt macabre. Qu’est-ce qui se cache vraiment sous la surface?
Innocence c’est l’envers de la médaille pour les tyrans qui terrorisent les plus faibles. Le regret viendra s’unir à une conscience un peu tardive pour vous présenter un dénouement qui vous surprendra.
Phantasmagoria nous montre la solitude et la peur qui se côtoient, l’imagination débordante et la réalité qui s’entremêlent. L’escalade de l’effroi dans un esprit sensible. Encore un dénouement agile.
La nuit des monstres est une aventure dans un endroit qu’il aurait peut-être mieux valu éviter. Motivés par la curiosité, des amis ouvriront des portes qui n’étaient pas destinées à être ouvertes par des âmes sensibles.
Jeux d’enfants se déroule à l’Halloween. Une fête célébrée et tant attendue par beaucoup de gens autour du globe. Mais une fête qui peut tourner au cauchemar.
Évasion est plus qu’une nouvelle, c’est la réalité pourtant sombre de beaucoup de gamins. Une réflexion sur l’état de fuite, sur le désir d’évasion, sur l’aboutissement d’un rêve. Un miroir qui reflète l’inaptitude parentale malheureusement trop fréquente.
Hantise est l’histoire parfaite pour clore le livre. Un récit intense et rempli d’actions, de questionnement. La dernière phrase du roman est un message d’espoir que nous offre l’auteur.
Commentaires :
Ces contes nous rappellent ceux des auteurs des siècles derniers, Lafontaine et les frères Grimm, pour ne nommer qu’eux. Ils se déroulent dans un contexte moderne, avec des sujets actuels. La poésie et l’imagerie nous permettent de nous laisser aller, de nous imaginer en pleine aventure avec les personnages charmants, détestables ou mystérieux. La belle écriture de l’auteur vous séduira.
Le thème central des nouvelles semble être l’enfance, avec ses peurs, ses illusions, ses mensonges, ses découvertes, son lot de péripéties et de hantises. Les récits se suivent avec brio, nous invitant à Malcombe et dans la légendaire Forêt du Grand Veneur. Un lieu mystérieux où des disparitions, des évènements inexpliqués ont été à maintes reprises signalés par des habitants des environs. Un lieu parfait pour éveiller l’imagination des gamins, les pousser à ignorer les interdits, les avertissements et les limites.
Stephen King à son Derry Maine, Romain nous entraîne à Malcombe.
Les personnages de ces histoires reviennent nous visiter tout au long des contes, ils font partie de la légende. Les frères Dupré, Eddy la teigne, le père Fixar, Mademoiselle Remugle et tous les autres nous tiendront compagnie.
En résumé, c’est un très bon recueil de nouvelles qui saura vous charmer, vous faire réfléchir et qui vous rappellera un peu de votre jeunesse.
Bravo!
J’ai eu le privilège d’interviewer Romain Billot après la sortie et la lecture de ce livre. Il s’est prêté au jeu avec générosité et je l’en remercie sincèrement.
SJ : — Les Contes du Grand Veneur ne sont disponibles qu’en numérique. Existe-t-il une raison particulière pour ce choix d’édition?
Romain : — Oui, c’est assez simple en fait… Je ne voulais pas sortir ces textes au départ, car ils étaient mon enfance littéraire (par peur, etc.), mais le fait d’être sollicité par un éditeur de ma région et publié en numérique m’a parlé : économiser du papier, une plus large diffusion et un accès à des personnes qui délaissent souvent la lecture à cause de problème de vue (les liseuses sont une bonne solution à ça)… Et si le recueil marche, et bien on sacrifiera peut-être un peu de papier… On va dire que c’est un test, ni plus ni moins…
SJ : — D’où vient l’idée de ce recueil de nouvelles? Pouvez-vous nous faire découvrir votre cheminement d’auteur qui a mené à ce projet?
Romain : — Très simple, je racontais ce genre d’histoires à mes deux meilleurs amis au fond des bois étant gosse, si j’arrivais à les faire frissonner et mieux encore à passer une nuit blanche dans la tente, la nouvelle était validée pour la suite, donc pour l’écriture! J’ai commencé comme les druides, exclusivement à l’oral… Ce n’est que des années après que je me suis mis à les écrire…
SJ : — Est-ce que la forêt du Grand Veneur est réelle ou simplement issue de votre imagination?
Romain : — Ça pour être réel, tu n’as pas idée! Elle s’inspire de légendes, mais surtout de choses concrètes que j’ai vécues entre les bois du Morvan et ceux du Cantal…
SJ : — En me basant sur vos personnages, qui sont très majoritairement des enfants, et sur les aventures qu’ils vivront, je crois être en mesure d’établir que l’enfance est le thème central de cette histoire. Pourquoi? Qu’est-ce qui vous intéresse, vous intrigue dans ce thème?
Romain : — L’enfance est le terreau fertile où chaque adulte se construit par la suite pour le meilleur et le pire… C’est la base! C’est à la fois un jardin d’Éden et l’enfer pour chacun d’entre nous. Même si pour rien au monde je n’aimerais revivre mon enfance, cela reste l’instant clef de toute ma vie et un sacré moment, intense, jouissif! Probablement mes souvenirs les plus importants! Surtout vis-à-vis de l’amitié justement…
SJ : — Quel est le public cible de ce livre?
Romain : — Les enfants en fin de parcours, les adolescents et les adultes qui ont su garder leur âme d’enfant!
SJ : — Ce recueil me fait penser aux contes que nous lisions enfants, aux fables et histoires que les adultes nous racontaient. C’était un moyen de nous faire la morale, de nous préparer pour le monde et aussi de nous faire peur. Était-ce votre intention de le présenter ainsi?
Romain : — Exactement! Je ne suis pas un moralisateur, bien au contraire, je déteste donner des leçons de morale, mais en revanche, j’aime les moralistes, car ils comprennent l’âme humaine et ouvrent des portes, ils amènent à réfléchir sur notre propre condition… j’adore les contes pour enfants dans cette optique, car les avertissements qu’ils enseignent sont forts, cruels et terrifiants… J’ai cherché à atteindre la même dimension, mais d’une façon ludique, caricaturale, pour mieux faire frissonner et rire à la fois…
SJ : — Évasion est une profonde réflexion sur l’enfance brisée par les adultes. C’est à mon avis la nouvelle la plus touchante du livre. « Comme beaucoup de jeunes de son âge, il se sentait juste étranger à lui-même, aux autres et au monde entier. » — Est-ce une réflexion sur votre propre jeunesse ?
Romain : — Oui et non… J’ai eu une enfance dorée grâce à des parents aimants et compréhensifs qui m’ont laissé une sacrée liberté et une bonne marge de manœuvre pour leur plus grand malheur… Ils m’ont toujours encouragé pour l’écriture par exemple… Mes désillusions et ma souffrance, c’est à l’école en compagnie de mes camarades et de mes professeurs que je les ai connues… mais c’est vrai que chaque adolescent est un étranger à lui-même et aux autres comme dans le livre de Camus, c’est une de mes certitudes! Il doit avancer, apprendre par lui-même, vaincre ses peurs… Heureusement l’âge est là pour rééquilibrer la balance! Donc, pour mes contes, je me suis surtout mis à la place des pauvres gosses confrontés à des parents encore plus oppressants que les murs d’une prison (et ça, j’en ai connu malheureusement)!
SJ : — Avez-vous été victime d’intimidation dans votre enfance? Étiez-vous un gamin comme Michael dans Résurgence, un peu macabre, avide lecteur de BD et de films d’horreurs, à l’imagination fertile?
Romain : — Oui, je ne cacherais pas que j’ai ramassé de sacrées branlées par certains de mes camarades à l’école… Que j’ai même parfois été un souffre-douleur pour les grosses brutes au collège… Mais bon, il y a pire, surtout qu’avec l’âge je me suis rendu compte de la souffrance de mes tortionnaires qui était bien pire que la mienne, et que grâce à eux j’ai appris à me défendre contre n’importe qui… Donc… Je leur pardonne et les en remercie…
Pour Michael, je tiens à dire que je suis à la fois lui et son frère aîné : un mélange de science et d’ésotérisme… Mais c’est vrai que comme dans « résurgence » et « jeux d’enfants », je suis très connecté à la veine macabre et horrifique…
SJ : — Comment faire pour se procurer votre livre?
Romain : — Très simple : Amazon, Chapitre, Numilog et n’importe quelle plate-forme numérique!
SJ : — Où peut-on suivre votre carrière, découvrir vos publications et vos projets?
Romain : — Là aussi, c’est simple… Sur mon site personnel : http://romainbillot1982.wordpress.com/
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April 29, 2013
Trois films pour le prix d’un…
Trois films pour le prix d’un.
Ce n’est pas le « catch phrase » d’un nouveau service de locations de films, encore moins le slogan d’une nouvelle chaîne de télévision spécialisée dans la projection d’œuvres cinématographiques. C’est ce que je vous propose, trois petites critiques qui ne le sont pas vraiment. Des commentaires sur les 3 films que j’ai visionnés la semaine passée.
Si vous êtes comme moi (et j’espère que non, car alors je vous plains sincèrement) il y a de ces moments où vous ne savez tout simplement pas quoi regarder. Rien ne semble éveiller votre intérêt, vous passez suffisamment de temps à parcourir l’Internet ou le site de « Netflix », d’Amazon sans rien trouver que vous abandonnez pour allez vous coucher.
C’est là que je peux vous aider ou du moins je l’espère.
Je suis un amateur de cinéma et les productions hollywoodiennes à grands budgets avec des acteurs connus me déçoivent très souvent. Alors quand j’en ai l’occasion, je me tape des films indépendants, des projets obscurs ou alors dont on n’a jamais entendu parler. J’ai souvent mis la main sur des perles visuelles et des histoires extraordinaires de cette manière.
Voici le bilan de ma semaine cinématographique :
Red Lights.
C’est un thriller fantastique assez intéressant. On y retrouve de grands noms du cinéma américain – Robert De Niro et Sigourney Weaver.
L’histoire est toutefois assez simple. De Niro est Silver, un célèbre voyant doté de multiples pouvoirs plus ou moins reliés à son métier. Il revient sur scène plusieurs années après s’être retiré, suite à un décès durant un spectacle. Trente ans plus tard, son retour déclenche une véritable folie médiatique et les billets de ses représentations se vendent comme des petits pains chauds.
Sigourney Weaver et son assistant ont passé les dernières années à débusquer les faux voyants, à démontrer que les phénomènes comme la télépathie, la télékinésie et autres pouvoirs particuliers, n’étaient que fraudes.
Suite à un « accident » survenu à sa patronne, l’assistant décidera de tout faire en son pouvoir pour démontrer que le fameux Silver n’est pas ce qu’il prétend être.
C’est à peu près les grandes lignes de l’intrigue.
Le film n’est pas si mal. Les acteurs convainquant. Cette production ne changera pas le monde, mais m’a quand même fait passer un bon moment. L’intrusion du fantastique est minimale, ne se manifeste que vers la fin de l’œuvre.
Je le conseille aux amateurs de thriller.
La fin est plutôt réussie.
Troll Hunter.
Depuis deux mois que je vois ce film sur « Netflix » sans jamais trouver le courage d’en amorcer le visionnement. Juste l’idée des trolls m’a découragée, me semblait stupide. Me faisait penser à ces petites figurines en plastiques avec une chevelure colorée à la Don King qu’on pouvait caresser et rendre plus pointu. Vous savez de quoi je parle ?
Du moins, jusqu’à ce que me mette à parcourir des listes de films fantastiques sur l’Internet, faisant le décompte des meilleures productions à visionner sur Netflix en ligne. Troll Hunter se retrouvait sur presque toutes les listes. C’était suffisant pour éveiller ma curiosité.
L’intrigue de Troll Hunter est la suivante. On retrouve trois individus qui font un reportage, caméra en main. Ils enquêtent sur un mystérieux chasseur qu’on suspecte d’être responsable des ours retrouvés morts un peu partout en Norvège.
Ils se joindront finalement à ce chasseur, ses activités paraissant le disculper des morts d’ours illégales. Mais ils découvriront quelque chose de bien plus terrible, un secret qui frôle le complot d’une ampleur inimaginable.
La première chose qui frappe avec ce film est les sous-titres. À moins de parler le norvégien, vous serez contraint de porter attention aux répliques qui défilent à l’écran en petits caractères.
Ensuite, on retrouve un peu de Blair Witch Project dans le film, des personnages qui courent avec la caméra, des scènes de vision nocturnes et tout le reste. Je ne sais pas si c’est une mode récente, mais la construction du film m’a grandement fait penser au « Frankenstein Theory » dont j’ai parlé il n’y a pas si longtemps.
La première scène nous explique que nous allons voir ce que l’équipe a filmé avant de disparaître, comme si c’était la réalité.
Les paysages sont à couper le souffle, m’ont donné l’envie de partir pour la Norvège.
Les trolls sont bien entendu des images d’ordinateurs, sans trop d’ingéniosité. Les personnages sont très superficiels, je me suis amusé de leur sérieux à discuter de trolls. De sang de chrétien qui attire les monstres. Leur sérieux nous fait presque oublier à quel point l’idée même de troll est stupide.
Quelques scènes m’ont bien faire rire (ce n’était pas leur intention, j’en suis certain) et je suis resté devant l’écran jusqu’à la fin. Je voulais savoir comment cela se terminerait. Juste au cas où un troll déciderait de traverser le pont Viau et de visiter Laval.
Alors si vous êtes en mesure de passer outre le fait qu’il s’agit de troll, vous allez peut-être aimer. Et entre nous, j’ai vu de grosses productions américaines avec des budgets de plusieurs dizaines de millions et des acteurs connus qui étaient bien pires que ce film.
À conseiller? Pourquoi pas?
The Tall Man.
Une petite fille dans un trou perdu, une population qui fait pitié à voir, incestueuse, pauvre et malade. Une belle infirmière veuve qui soigne les gens. Dans la région, on parle du Tall Man, un être malsain qui kidnappe les enfants, les fait disparaître. Il terrorise la population, les policiers sont incapables de l’attraper. Notre infirmière sera confrontée à cet être abominable, lorsqu’il viendra chez elle pour cueillir son fils.
J’ai bien aimé le film. J’admets avoir un petit quelque chose pour Jessica Biel, alors je suis peut-être vendu d’avance. L’histoire prend vraiment son envol après l’enlèvement du fils de l’héroïne. La force de « The Tall man » est à mon avis ce moment où les choses basculent, où les rôles se précisent. Je ne veux pas en dévoiler trop, mais je ne m’attendais vraiment pas au dénouement de l’histoire.
Je conseille ce film, qui tient du thriller policier. Il n’y a aucun élément de fantastique dans l’œuvre.
C’est mon préféré des trois que j’ai vus cette semaine.
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