Sylvain Johnson's Blog, page 30
December 9, 2013
Conte de Noël de fou : Santa Vs L’Esprit des Glaces.
Joyeux Noël et bonne raclée!
Quelque chose heurta le traineau, le choc le faisant dévier de sa trajectoire. La paroi gauche avait été défoncée, une partie du contenu à l’arrière se déversa dans la nuit sombre, se perdant dans la tempête qu’il survolait. Il perdait de la vitesse, les rennes s’agitèrent à la suite de l’impact brutal et certaines des sangles qui les retenaient au véhicule se brisèrent. Certaines des bêtes volantes s’éparpillèrent dans des directions opposées.
Père Noël hurla, voyant son traineau et l’attelage se démanteler, son cri se perdit dans le tumulte de la chute qui s’amorçait. Trois rennes restaient à l’avant du véhicule, les autres n’étaient plus qu’un souvenir, ils avaient abandonné leurs postes.
Fonçant vers le sol avec rapidité, père Noël lâcha les cordes qu’il tenait, se tenant tant bien que mal au traineau sous lui. S’ils avaient perdu de la vitesse, ce n’était plus le cas en chute libre. L’obscurité empêchait de voir où ils allaient et les flocons de neige le fouettaient au visage.
Il était ballotté d’un côté à l’autre, avait perdu son bonnet rouge et blanc. Le froid mordant le flagellait. Presque tous les présents s’étaient volatilisés, gobés par la nuit vorace autour de lui.
Il fit une courte prière pour son épouse et pour tous les enfants du monde, puis se prépara pour l’impact. Depuis son ascension à ce poste, c’était la première fois qu’un tel accident se produisait. Il ignorait toujours ce qui avait frappé son véhicule, Rudolphe n’avait signalé aucun avion ou obstacle sur leur trajectoire. Équipés d’un radar, gracieuseté des Américains et de leur bienveillant « Homeland Security », ils avaient reçu un entrainement antiterroriste. Cette situation les dépassait complètement.
Une masse sombre apparut devant lui et l’homme hurla, fermant les yeux.
L’impact fut brutal.
***
Un hurlement déchira la nuit, père Noël émergeant des neiges folles le recouvrant. Il roula sur lui-même en gémissant, sa bedaine était un obstacle à la mobilité. La neige s’était infiltrée dans ses bottes, son cou, son pantalon. Il parvint à se mettre debout, confus et en état de choc. Il haletait tout en explorant son corps dodu et intact. Il n’avait pas été blessé lors de l’écrasement du traineau, ce qui était un miracle. Au cours des ans, il avait survécu à de nombreux attentats, le plus important venant du président-directeur général d’une grande chaîne de magasins qui désirait éliminer la compétition injuste qu’il représentait. Trois lutins avaient péri dans une courageuse opération militaire au pôle Nord.
Père Noël pris le temps d’étudier ce qui l’entourait. Malgré l’obscurité, il put voir qu’il se trouvait sur un sommet rocheux. Une montagne. Le vent soufflait avec force, jouant dans sa barbe et longue chevelure qui l’incommodaient, mais faisaient partie du costume exigé pour son emploi. La couche de neige qui recouvrait le sol s’amenuisait par endroit, révélant des rochers protubérants et dangereux. Le ciel était invisible, seuls les flocons qui tombaient ponctuaient le grandiose firmament.
En baissant les yeux devant lui, il vit ce qui ressemblait au vestige de son véhicule, maintenant une pile de débris inutilisables. Il s’en approcha, soufflant d’effort en luttant contre les intempéries. Des morceaux de bois, des présents en pièces et trois masses sombres occupaient une superficie limitée. Le père Noël s’immobilisa, soudain inquiet de ce qu’étaient ces masses disposées autour des débris. Grelottant de froid, maltraité par le déchainement des forces éoliennes, il osa s’approcher de l’amoncellement le plus près. Il vit tout de suite la neige qui fondait au contact de la masse, qui s’avéra être un corps en très mauvais état, déchiqueté et dont la tête manquait. La neige qui tombait cherchait en vain à recouvrir une mare de sang frais. L’homme sut d’instinct qu’il s’agissait de Danseur! Il n’en restait presque plus rien.
Il recula, dégoûté par le spectacle macabre, envahi par la tristesse. Un coup d’œil vers les deux autres corps démembrés lui apprirent que Tonnerre et Fringant avaient subi le même sort. C’était les trois rennes qui étaient restés attachés au traineau après l’impact en plein ciel. Le lien presque télépathique qui existait entre lui et ses employés volants s’était rompu, mais il les aurait reconnus, même s’il n’en était resté qu’une goutte de sang séchée.
Père Noël observa les alentours, ne voyant qu’un désert glacé. Que faire? Comment se sortir de cette situation? Il se sentait vraiment seul, sans ses rennes pour le guider, ses lutins pour travailler à sa place, mère Noël pour le tirer du pétrin. Son téléphone cellulaire, qu’il fut heureux de retrouver dans la poche de son pantalon, était brisé, l’écran vrillé de fissures. L’appareil était inutilisable. Il jeta l’objet au loin, tout en récitant une suite d’obscénités libératrices.
Et dire qu’il n’avait même pas emporté sa bouteille de Vodka!
Une plainte s’éleva derrière lui, lointaine et qui lui donna des frissons. C’était un hurlement horrible, inhumain et menaçant.
Il chercha distraitement le sol à la recherche de la moindre arme, du moindre objet utilisable pour se défendre. Une première boîte à demi ouverte lui offrit une tablette « Kindle » à l’écran fracassé. Inutile. De ses grosses bottes noires, il fouillait le sol, dégageant des débris que la neige tentait de recouvrir. Un disque compact de « Justin Bieber » lui apparut et il hésita un moment. Il se souvenait de la petite Gaëlle de la ville de Bordeaux en France qui avait demandé ce présent. Il renifla, la morve avait commencé à geler dans sa barbe prise aux quatre vents. Comme personne ne le voyait, il frappa le disque du talon, le détruisant en projetant des débris tout autour. Il s’exclama de joie, n’avait jamais eu l’occasion de passer sa frustration sur un des cadeaux réservés aux enfants et aux adultes qu’il servait aveuglément.
Depuis qu’il ne buvait plus autant, il avait gagné du poids. Pour combler les moments où il lui était impossible de boire, il mangeait comme un porc. Il gardait toutefois des bouteilles d’alcool dispersées dans tout le pôle Nord, dans les bâtiments et installations de fabrication et d’entreposage de jouets. Lors des absences de mère Noël, il buvait sans retenue.
Un petit remontant lui aurait fait tant de bien en ce moment.
La plainte se fit à nouveau entendre, déchirant la nuit. C’était un cri de mort, une chose malsaine qui agonisait dans les ténèbres insondables.
Du pied, il dégagea à ce moment un bâton de hockey qu’il avait eu l’amabilité de faire signer par le joueur préféré du petit Yvan G. de Rimouski. Il s’en empara et testa sa technique en faisant tourner le bâton dans les airs. C’était pathétique, mais lui donnait l’illusion d’être capable de se défendre. Il manqua se frapper le visage et l’entrejambe à deux reprises, cessa son manège par peur du ridicule.
Il se dirigea vers l’endroit d’où venait la plainte, progressant dans la nuit froide et s’enfonçant dans le mur de neige qui s’abattait à l’oblique. Il savait trop bien qu’il ne retrouverait jamais son chemin. Il n’avait aucun sens de l’orientation. Trouver sa fermeture éclair pour sortir son engin ramolli était déjà un exploit, en particulier dans l’obscurité.
Il avait franchi une bonne trentaine de mètres, lorsqu’un mouvement attira son attention. Une silhouette sombre progressait dans la tempête, se dirigeant droit vers lui. Cela marchait lentement et en titubant. Il vit de la fourrure, des ramures brisées et la chose s’écroula soudainement au sol. C’était un de ses rennes.
Père Noël accouru, ses bottes labourant le sol. Il se jeta contre Rudolphe qui ne bougeait plus. Hors de souffle, l’homme attrapa la tête de la bête et la souleva. Il respirait toujours, son museau était une large plaie béante. On lui avait arraché son nez rouge. Ses yeux fous scrutaient la nuit, sans ne plus rien reconnaître. Son souffle rauque était pénible. Ses pattes battaient le vide en tentant un dernier vol pour fuir la folie. Il était cloué au sol.
Ses blessures étaient trop graves, il ne survivrait pas. Père Noël le savait trop bien. Il déposa gentiment la tête de l’animal au sol, lui murmura des paroles réconfortantes, tout en caressant son flanc. Des larmes coulaient sur les joues de l’homme qui se releva au bout d’un moment. Il ramassa son bâton et ferma les yeux. Il offrit une courte prière au Dieu des rennes, priant pour son passage en toute sécurité vers le paradis animalier. D’une main tremblante et le cœur bondé d’émotions, il entreprit de faire la seule chose décente dans une telle situation. Ils avaient vécu tellement d’aventures ensemble. Toutes ces années, tous ces voyages dans des contrées exotiques ou lointaines, des contrées souvent inhospitalières ou encore dangereuses. Il y avait aussi cette lointaine nuit d’hiver, dans une forêt tout près de Shawinigan-Sud où ils s’étaient rapprochés l’un de l’autre. Tout avait commencé par une caresse involontaire, un souffle chaud dans un cou et une passion dévorante les avaient enflammées. Une nuit torride avait suivi et le nez de Rudolphe s’était avéré un outil aux capacités des plus étonnantes. Il frissonna à l’évocation de certains de ces moments. Le renne avait été un ami, un conseiller, un guide dans les ténèbres, un membre de sa famille et un amant.
Père Noël hurla, frappant le cou velu de toutes ses forces, tenant le bâton en bois avec fermeté. Le choc fit se relever la tête de l’animal, son regard vide le trouva et l’homme se recula en gémissant comme une écolière. Il trébucha, s’affaissa dans la neige et se mit à vomir.
La tête de Rudolphe retomba sur le tapis blanc et rouge sous lui, gémissant à nouveau. Il était encore en vie, le coup n’avait pas suffi à mettre fin à ses souffrances.
Père Noël s’essuya le visage, nettoyant sa barbe maculée de vomissures à l’aide de ses mains tremblantes. Les cris de l’animal qui jadis éveillaient sa virilité et dressaient son membre comme un phare dans la nuit froide suffisait aujourd’hui à le rendre fou. Il devait mettre fin à ses souffrances inimaginables. Il s’approcha donc avec difficulté, tenant debout par miracle. Il tremblait de la tête aux pieds, couvert de sueur et de neige. Il prit position au-dessus de son ami et leva le bâton.
Il frappa la tête et cette fois fut la bonne.
La bête cessa de respirer au moment où l’homme déféquait de peur et perdait connaissance.
***
Il se réveilla dans une grotte, tout de suite incommodé par l’odeur de merde et de vomi. Son crâne le faisait souffrir et il était transi de froid. Père Noël se redressa toutefois pour s’asseoir, malgré la mixture refroidie dans sa culotte sur laquelle son postérieur glissait désagréablement.
Il se trouvait dans une grotte, baignée par une étrange lueur rougeâtre. Il portait toujours son costume trempé par la neige qui avait fondu, ses grosses bottes protégeant ses pieds. La grotte était vide de toute présence, les vestiges lointains d’un feu reposaient au centre. Ce dernier n’était plus qu’un cercle de cendre, quelques pierres en formant les contours.
Une odeur flotta jusqu’à lui, suivit d’un frottement qui le fit se relever sur ses gardes. Il n’avait plus son bâton, était maintenant sans arme. Il fit un pas, s’approchant des vestiges du feu et cela lui permit de voir que sur sa gauche, un petit passage semblait mener vers la sortie. De la neige s’accumulait sur le sol au pied d’une ouverture par où un vent amoindri s’infiltrait. Il pouvait voir les flocons au-dehors qui tombaient à la verticale.
Il se tourna vers l’intérieur de la grotte, ajustant son pantalon. L’odeur qui l’atteignait ressemblait étrangement à celle de la viande qui cuit sur un feu. Un mauvais pressentiment l’envahit, il n’avait toujours pas de nouvelles de ses autres rennes. Son imagination fertile fit déferler des images tirées de scénarios les plus fous les uns les autres. Cela aurait dû suffire à lui faire rebrousser chemin, à fuir. Mais la curiosité l’emporta.
Que pouvait-il logiquement faire d’autre?
Père Noël s’avança dans le couloir qui s’enfonçait vers l’intérieur de la grotte, la luminosité rougeâtre s’intensifiant à mesure qu’il progressait. Sur les parois rocheuses de chaque côté, il vit des dessins si anciens, que seuls des contours pâles subsistaient. C’était les vestiges d’une époque bien avant la sienne. Une époque où les hommes n’étaient encore que des animaux sauvages.
Le couloir changea de direction, l’entraînant vers un coude qui déboucha sur une large pièce au plafond haut. Père Noël cessa d’avancer, choqué par ce qu’il vit. Sur un feu, les corps de Comète et Furie étaient embrochés. On leur avait ôté la peau, la tête, les pattes et les queues manquaient aussi. La seule chose qui lui permettait d’identifier les carcasses en pleines cuissons était sa connaissance immémoriale de tous êtres terrestres, humains ou animaux de son royaume. Un don qui venait avec son emploi, son salaire, son allocation de dépense et sa carte de rabais acceptée dans la plupart des magasins. Un don qui ne lui permettait pas d’identifier qui ou quoi vivait ici.
Un haut-le-cœur le fit reculer, mais un bruit de pas dans son dos mit un terme à son intention de quitter la pièce. Père Noël n’avait pas le choix et se retourna, réalisant que ce n’était pas seulement le feu qui illuminait la pièce. Le nez de Rudolphe était bien en vue au cœur d’une anfractuosité sur la paroi à sa droite.
Quelque chose de gros approchait dans le couloir, bloquant presque le passage. Sa première crainte fut qu’il s’agissait du maire de Toronto, mais il balaya cette ridicule possibilité.
Des pas pesants raclaient le sol, un souffle de bête sauvage libérait une odeur fétide. Il fut contraint de reculer, puisque cela s’approchait. La chaleur du feu dans son dos lui révéla qu’il ne pouvait plus reculer.
Il dut s’immobiliser. Il n’y avait aucune autre issue dans la pièce. Il était maintenant seul avec la chose qui glissa hors du voile des ténèbres et s’arrêta devant lui.
Il n’avait jamais rien vu de plus effroyable, du moins depuis sa soirée dans un club de danseuses nues de Yellowknife. Il frissonna en se souvenant de Joanna, au clitoris de six pouces capables d’allumer une cigarette et de tricoter des moufles en laines.
Ce qui se tenait devant lui était grand, devait faire presque trois mètres de haut. C’était trois fois sa largeur, il pouvait écraser le plus robuste des joueurs de Football américain. Louis Cyr était un nain à ses côtés. Son corps difforme avait un quelque chose qui lui fit penser à Gérard Depardieu. C’était une rencontre nocturne à vous faire blanchir les cheveux.
Le visage de la créature était lisse et blanc, comme un bloc de glace. Ses yeux étaient des gouffres profonds et sombres, sa bouche un rictus colérique qui dévoilait une dentition de bête carnivore. Son cou était de la grosseur d’un buste d’enfant. Des veines mauves circulaient librement sous sa peau, striant son visage et ses mains capables d’écraser un melon.
La peur qui s’était abattue sur Père Noël le paralysait.
La créature parla, sa voix d’outre-tombe faisant vibrer les murs. C’était une voix qui défiait l’existence de cordes vocales.
- Je suis l’Esprit des Glaces.
L’homme habillé de son habit rouge se détendit, étant donné que la créature parlait, elle se devait aussi de penser, et représentait un moindre risque. Il était toujours possible de parlementer. Il pensa à Stephen Harper et comprit que la parole n’était pas synonyme d’intelligence. Ce pouvait être un réflexe millénaire, un souvenir d’une époque moins primitive.
La chose lui blessa à nouveau les tympans.
- Je peux te guider parmi les hommes de ta race. En échange, je garderais cette chose que tu as emportée.
La bête qui faisait cuire ses rennes lui proposait un marché. Elle lui permettait de s’en sortir vivant et de retourner chez lui, gardant en échange quelque chose qu’il avait emporté avec lui dans son traineau.
Il vit que la créature tenait quelque chose dans sa large main blanchâtre.
L’homme hésita, se demandant sérieusement s’il avait d’autres options. Le club automobile ne desservait pas cette région, son traineau était une perte totale. Ses rennes étaient morts, certains sur le point d’être dégustés. Tous les cadeaux destinés à l’hémisphère nord étaient en morceaux, recouverts de neige sur le flanc d’une montagne abandonnée, au milieu de nulle part.
Il n’avait pas vraiment le choix, mais était curieux quant au prix à payer.
- Que veux-tu en retour, Esprit des Glaces.
La créature fit un autre pas, le sol tremblait sous son poids, la température chuta d’une dizaine de degrés. La large main striée de veines mauves se tendit vers l’homme, s’ouvrant pour en dévoiler le contenu.
Le père Noël n’en croyait pas ses yeux. Il interrogea la chose.
- C’est cela que tu veux.
- Oui.
Il comprit alors que la masse glacée qui avait percuté son traineau venait de L’Esprit. Que son accident n’en était pas vraiment un. Il se trouvait ici parce que le monstre millénaire l’avait voulu, désirait l’objet retiré des décombres du véhicule à la plaque d’immatriculation « HoHoHo ».
Le père Noël secoua la tête, tendit la main afin de serrer celle de la bête à moitié humaine.
Le marché venait d’être conclu. Il avait vendu son âme.
Au moment où les deux poignes se rencontrèrent, celle géante et puissante de l’Esprit, celle plus petite et dodue du patriarche du temps des fêtes, un rugissement aigu et des bruits de pas précipités montèrent du couloir. Les deux silhouettes auprès du feu se retournèrent vers l’entrée sombre, perplexe. Ils virent ainsi Cupidon, le renne fou qui ne cessait de monter ses semblables à tout moment, forçant l’installation d’un collier à décharge électrique pour contrôler ses impulsions fiévreuses, se précipitant vers eux. Un de ses bois, celui de droite, était manquant, son autre pointait directement vers l’Esprit.
Le rugissement s’amplifia, la bête au galop percuta le monstre de glace à ses côtés, l’envoyant valser dans le feu, écrasant les deux carcasses qui cuisaient. Une explosion d’étincelles illumina la pièce, suivit du grésillement du feu qui s’éteignait sous la froideur de la masse le recouvrant. N’eût été le nez lumineux de Rudolphe, la pièce aurait été plongée dans les ténèbres.
Cupidon avait perdu son autre bois lors de l’impact, mais était resté debout. Il fixa le père Noël et dans son regard, l’homme vit l’horreur, la peur et la folie que cette chose se relevant déjà du brasier éteint signifiait. Il devait partir d’ici, fuir au plus vite et il s’élança à la suite de son renne qui boitillait.
Ils plongèrent dans la tempête nocturne, fonçant à l’aveuglette dans l’épaisse neige qui recouvrait le sol. Un cri de fureur monta derrière eux, leur faisant accélérer le pas. La progression était difficile, pénible et ce fut le renne qui nota en premier la présence d’une forme humanoïde devant eux, à moins d’une trentaine de mètres. Ils s’arrêtèrent.
En fait, alors que les flocons frivoles tentaient de les recouvrir d’une épaisse couverture trempée, ils virent une succession de silhouettes rejoindre la première. Il devait y en avoir une vingtaine. Ensemble, elles formèrent un mur infranchissable qui se déployait pour les encercler. Sur leur droite, un précipice se perdait dans le vide. Ils étaient pris aux pièges.
L’Esprit grognait en se rapprochant, serait sur eux d’une minute à l’autre.
Père Noël décida néanmoins d’avancer, préférant faire face à l’élément inconnu plutôt que de faire marche arrière. Cupidon le suivit à contrecœur. Ils se retrouvèrent rapidement entourés d’une vingtaine de bonshommes de neige dont les corps étaient formés de deux boules superposées. Les êtres étaient presque aussi grands que l’homme, leurs cous entourés de foulards colorés. Leurs visages étaient pour la plupart incomplets, des nez faits de carottes qu’on avait rongées, les yeux souvent manquants ou uniques. Il ne vit aucune bouche, aucun bras.
Il s’adressa à ces choses.
- Nous voulons passer, c’est tout.
Elles ne bougèrent pas et ils eurent conscience que l’Esprit s’était immobilisé à quelques pas du groupe. Il n’avançait plus, ne faisait que les contempler en silence.
L’un des bonshommes s’avança tout près du père Noël. Une froideur terrible montait de la créature qui fixait son œil unique, fait d’une noisette, directement sur lui. Il portait un foulard rouge et une étrange casquette sur sa tête, verte et blanche.
Cupidon s’était aussi avancé avec l’intention de protéger son patron de toute menace. Le cercle autour d’eux parut se resserrer et le vent se mit à souffler avec plus de force, presque avec furie. L’être devant lui inclina la tête et une bouche fit son apparition, faite de branches pointues, s’ouvrant sur un gouffre sombre d’où se mit à jaillir une neige épaisse. En fait, tous les bonshommes de neige se retrouvèrent ainsi dotés d’un attribut buccal édenté et boisé, déversant sur le couple éberlué des tonnes de neiges. Le père Noël hurla, tandis que les êtres étaient d’un silence irréel.
L’Esprit hurla alors que les flots gelés les écrasaient, l’homme cherchant à se protéger, à se défaire de la matière qui le couvrait plus rapidement qu’il était capable de s’en départir. Dans sa lutte, sa main rencontra le flanc de Cupidon, qui battait des pattes et qui creusait de son museau. Ils devaient lutter pour ne pas céder à la panique.
C’était inutile, ces choses étaient bien plus fortes qu’eux. En fait, il cessa de se débattre, épuisé et trempé. Il n’en pouvait tout simplement plus.
Dès qu’il s’immobilisa, la neige parut cesser de jaillir des créatures. Un silence de mort tomba et il patienta, fermant les yeux. Il sentit la fatigue qui l’invitait à se laisser aller, à fermer les yeux et à se reposer. C’était tentant, plus facile que la lutte et la fuite.
Ce fut au bout d’une éternité que le toit de neige qui le couvrait et l’emprisonnait fut percé. Il découvrit le ciel sombre, dégagé au-dessus de lui. La tempête s’était enfin retirée. La froideur l’extirpa de son état ensommeillé. Il retrouvait l’usage de ses sens, son corps tout entier lui insuffla une énergie nouvelle nécessaire pour bouger à nouveau.
Père Noël quitta l’amoncellement de neige et plongea un regard sur la scène devant lui. Un bien triste spectacle. Tout d’abord, il n’était plus dans la montagne, mais dans une forêt. Il n’existait plus aucune trace des bonshommes de neige qui l’avaient attaqué, mais la silhouette de l’Esprit se tenait à moins d’une dizaine de mètres, l’épiant d’un air lugubre. À ses côtés, le corps de Cupidon se balançait à une branche, attaché par le cou. On l’avait pelé et éventré, une flaque rouge s’agrandissait en dessous de lui, ses entrailles avaient librement coulés sur le sol.
Le Père Noël tomba à genoux, vaincu. L’Esprit lui parla de sa voix d’outre-tombe.
- Je t’ai conduit parmi les tiens. Nous avons passé un marché. Tu es libre, mais tu ne connaitras plus jamais la vie comme tu la connaissais.
L’homme au sol se mit à pleurer, se tenant le visage à deux mains. La chose millénaire s’éloignait déjà, disparaissant bientôt dans les ténèbres entre les conifères ployant sous la neige. Un loup hurla au loin, le ciel était d’une beauté incroyable. Les étoiles scintillaient librement, loin de la luminosité aveuglante des villes.
Père Noël passa une partie de la nuit sans bouger, entendit les premières motoneiges au matin. Il était sauvé, mais à quel prix?
***
Sa convalescence avait été longue et pénible. Souffrant d’hypothermie, de déshydratation et d’engelures aux extrémités, il avait dû se reposer, bien se nourrir et boire beaucoup d’eau.
Mais Père Noël allait mieux. Il ne dormait toutefois plus beaucoup, ses nuits se transformaient en une série de cauchemars les plus horribles les uns que les autres. L’Esprit revenait le hanter, la mort de ses rennes l’avait traumatisé. Il avait maigri, perdait ses cheveux et sa barbe par poignées. Mère Noël, malgré ses atouts non négligeables et sa gentillesse, n’arrivait plus à lui redonner le sourire. C’était en fait comme s’il n’était jamais revenu de la montagne, comme si une partie de lui y était restée.
Le marché qu’il avait conclu avec l’Esprit des Glaces pesait sur sa conscience. Il n’avait pas encore eu à payer le prix, mais se doutait bien que le moment viendrait où il devrait affronter la créature à nouveau. Un objet avait été à l’origine de sa perte.
Quelques mois après sa remise sur pied, pesant maintenant 49 kilos, chauve et imberbe, le conseil des lutins vota son remplacement. Il était incapable de voler, pris de vertige dès qu’il voyait un traineau, tremblant de la tête aux pieds. Il avait développé une allergie alimentaire aux biscuits, le lait lui donnait la diarrhée. La simple vue de rennes lui donnait des boutons et une incontrôlable paralysie. On lui retira son costume et tous ses privilèges. Entretemps, Mère Noël s’était lassée de vivre avec la mauviette qu’il était devenu, incapable de manger de viande sans souffrir d’indigestion. Il s’enfermait dans sa chambre aux premiers flocons de neige faisant leur apparition dans le ciel pour y passer le reste de l’hiver à se plaindre. Ils ne couchaient plus ensemble et un jour, sa femme lui annonça qu’elle avait rencontré quelqu’un d’autre. Sur un site pour célibataire. Elle le quittait pour cet autre homme.
Père Noël n’était plus, son nom original lui fut redonné. Nicholas Dubuc. On le fit monter dans une barge russe et il quitta le pôle Nord par un dimanche de septembre, tout juste après la nomination du nouveau père Noël. Personne ne vint le saluer à son départ, il transportait ses maigres économies et quelques pièces de vêtements qu’il n’avait pas portés depuis un siècle.
Nicholas se retrouva à Trois-Rivières, en Mauricie. Il voulut se refaire une vie, trouver un emploi, se faire des amis. Les échecs commencèrent rapidement à s’accumuler. Il était incapable de conserver un emploi. Engagé dans une boutique de vêtement, il se mit à offrir les costumes en cadeaux, fit la même chose dans une librairie où il distribuait les livres sans demander qu’on paye pour ces derniers. Il était incapable de se débarrasser de ce réflexe particulier. On le congédia sans hésiter et sans paye. Il ne trouva bientôt plus personne pour lui donner une chance, pour lui donner du travail.
Dans ses errances au cœur de la ville, il ne cessait de vouloir faire grimper les enfants sur ses genoux, leur tapotant la tête en leur demandant ce qu’ils voulaient pour Noël. Il reçut une raclée d’un père indigné dans un parc où il avait été incapable de réprimer les instincts de sa vie passée. Il avait pris une fillette qui jouait dans un carré de sable pour lui demander si elle voulait un chiot pour Noël. Il se retrouva avec deux dents de brisées et un œil au beurre noir. Il passa deux nuits dans une cellule avant d’être relâché.
Ses économies épuisées, il commença à recevoir de l’aide sociale. On lui trouva un logement infesté de cancrelat et de rats. Il fouillait les poubelles pour se nourrir, dut en venir à la prostitution pour payer le loyer. À genoux dans les ruelles, il engouffrait les membres gonflés de plaisirs d’étrangers dans sa bouche, avalant l’horrible substance qu’on y déversait en gémissant.
Il commença à boire comme un trou.
Un an après sa descente aux enfers, un agent du gouvernement le convoqua au bureau de l’aide sociale pour lui dire qu’il ne recevrait plus de chèques. Il n’était plus admissible aux programmes d’aide. Ils étaient désolés et lui souhaitait une bonne vie.
Nicholas se retrouva à la rue. Passait d’un refuge pour sans-abri à un autre, mangeait dans les soupes populaires. Ce fut par un samedi du mois de novembre qu’il eut sa première attaque cardiaque. Il n’était plus que l’ombre de ce qu’il avait été. Il pleurait en se souvenant des enfants riant des cadeaux qu’il leur offrait, de ses séances privées avec Rudolphes dans l’étable. Du rire de sa femme qu’il aimait tant. Il pouvait presque sentir la brise froide de décembre lui caresser la barbe et les cheveux, volant à toute vitesse dans son traineau, survolant la chine, la France, le Canada.
Il passa deux semaines dans un hôpital. Disparu de la circulation après un moment. En fait, il préparait sa vengeance, voulait reprendre les rênes de sa vie.
Nicholas en avait assez.
***
La grande porte double d’une hauteur démesurée s’ouvrit sur l’atelier des lutins. Ces derniers, préoccupés par leur travail, ne le remarquèrent pas tout de suite. Une centaine de petites silhouettes verte, rouge et blanche s’affairaient à assembler les présents, passer des commandes sur Amazon ou encore à faire des achats sur des sites de boutiques en lignes. Ils préparaient l’inventaire pour le Noël à venir, des représentants de compagnies de jouets, de grands magasins négociaient des contrats lucratifs avec les agents du père Noël.
Cela ne se serait jamais produit durant son règne, il avait refusé de céder au chantage financier des grandes compagnies.
Nicholas fit un pas dans la pièce, laissant les grandes portes ouvertes, l’air froid s’infiltrant dans l’atelier surchauffé.
Lorsque le premier lutin le vit, se mettant à hurler, Nicholas se mit à faire feu. Son arme automatique crépitait dans l’écho sourd de la pièce, les corps des lutins projetés sur les murs, sur les machines et les piles de présents. Les cartouches vides chutaient au sol, l’air empestait l’odeur de la poudre.
L’homme avançait, tirant de chaque côté sur tout ce qui bougeait. Vêtu d’un habit militaire, son visage souligné de noir, un bonnet sombre sur le crâne, Nicholas n’avait aucune expression faciale. Il tenait son doigt sur la détente et labourait les silhouettes paniquées, les fauchant sans la moindre hésitation.
Il avait atteint le centre de la pièce lorsque son dernier projectile fit exploser le visage surpris d’un lutin obèse. Il laissa tomber l’arme au canon chaud, maintenant inutile. Il prit les deux Beretta à sa taille et se fraya un chemin vers le couloir au bout de l’immense salle d’assemblage. Les survivants se terraient, enjambant les corps, glissant parfois dans les flaques de sang. Un lourd silence s’était installé qu’il était le seul à perturber de ses bottes de combat raclant le béton ciré au sol.
Nicholas abattit deux lutins qui s’étaient dissimulés sans grande efficacité, s’enfonçant dans le couloir qui menait vers les appartements du père Noël. L’alarme silencieuse devait être activée, les coups de feu avaient sans contredit alerté tout le domaine, mais il s’en foutait.
Lorsqu’il atteignit la porte rouge à l’écriteau interdisant l’entrée, il sortit le détonateur de sa poche arrière et prit une grande respiration. Il enfonça la touche, activant les explosifs éparpillés dans les hangars où les nouveaux traineaux à la fine pointe de la technologie étaient entreposés. C’était une véritable flotte d’appareils que le nouveau père Noël utilisait. Des rennes robotisés ne servaient que de décoration, le nez rouge du nouveau Rudolphe étant un phare halogène.
L’explosion fit vibrer le sol et les murs du domaine, le ciel devait s’être illuminé et les flammes s’élever dans les airs.
Nicholas souriait, enfonçant la porte d’un coup de botte. Le pôle Nord ne disposait, pour sa protection, que d’un agent de la gendarmerie royale qui résidait à quelques kilomètres de ce lieu. Il lui faudrait une bonne heure pour se pointer en motoneige, ce qui lui laissait amplement le temps d’agir.
Il remonta le couloir, ignorant les décorations, les portraits des pères Noël précédents. Ne remarqua même pas que son visage ne se trouvait pas parmi ceux-ci.
Tenant ses deux armes de poings, quelques grenades à la ceinture, son couteau à la taille, Nicholas défonça la porte des appartements privés du complexe. La première chose qui le frappa fut la puissante musique qui rugissait. Du vieux rock and roll qu’une radio crachait dans toutes les pièces. Il fut déstabilisé par cette dernière, mais sur ces gardes, sans baisser le volume, entreprit de fouiller les chambres. On avait complètement changé la décoration, tout était d’un luxe décadent. On se serait cru chez Céline Dion et non plus au royaume du père Noël.
Il fouilla la salle de séjour, vide, la chambre d’ami, vide, la cuisine, vide, le bureau, vide, le cellier, vide, la bibliothèque, vide. Il se retrouva devant la chambre à coucher, ses mains aux paumes moites tenant les armes. Il tremblait, d’excitation et de plaisir. Car le couple maudit ne pouvait que se trouver dans cette chambre. Sa femme qui l’avait abandonné et le nouveau père Noël.
Il était venu pour les abattre comme des chiens, pour les voir mourir à ses pieds avec la bouche ouverte. Il ne vivait plus que pour cela.
Nicholas tourna la poignée, vit que la porte n’était pas verrouillée et l’ouvrit. La musique rugissait aussi dans cette pièce, des haut-parleurs étant installés un peu partout dans la résidence.
Devant lui, un large lit à baldaquin était secoué par les mouvements brusques d’un individu qui s’activait sur sa femme. Même avec la musique, il pouvait capter les gémissements de cette dernière et les plaintes de l’homme qui la pénétrait. Des chandelles étaient disposées un peu partout dans la chambre, une petite table à côté du lit supportait une bouteille de champagne dans un sceau de glace.
Un costume de chèvre très velue avait été négligemment jeté au sol, ainsi qu’un fouet et une chose phallique qui vibrait toujours, maculé d’une substance imprécise.
Nicholas était choqué, s’avança auprès du lit et braqua ses armes sur le couple. Sa femme était à genoux, mordant un oreiller, les mains agrippant la tête du lit. Elle était couverte de sueur, ses cheveux collés à son crâne. Derrière elle, la prenant avec force, se trouvait une masse inhumaine d’une laideur incroyable, d’une blancheur cadavérique.
L’Esprit des glaces la labourait de sa verge d’acier, la blessant tout en maculant les couvertures de sang.
La créature millénaire s’aperçut de sa présence, tourna la tête vers lui et l’observa d’un regard bouillonnant de rage. Il était nu, mais portait le chapeau de père Noël, symbole de sa nouvelle profession.
Il cessa ses mouvements de va-et-vient.
Nicholas fit feu, visant la tête immense qui bascula sous la pluie de balles. Le corps se détacha de celui de la femme qui réalisa que quelque chose clochait. L’Esprit était tombé du lit, percutant le sol. L’homme armé fit le tour, alors que la femme se retournait, son nez peint en rouge, des moustaches noires retenues sous son nez par un élastique lui entourant la tête. Elle hurla de surprise, remontant les couvertures sur son corps.
Elle ne reconnaissait pas son ancien mari.
L’Esprit était au sol, une flaque de sang bleu se formait sous son crâne. Il gigotait, son visage n’étant plus qu’une bouillie indéfinissable. Son membre n’avait pas rétréci. Il haletait comme la bête qu’il était, tremblait de manière incontrôlable.
Nicholas visa le cœur, vida les chargeurs de ses deux armes.
L’Esprit n’était plus.
À ses côtés glissa une photographie, celle-là même que l’Esprit avait tenue dans sa large main parcourue de veines saillantes. C’était l’objet qu’il avait montré au père Noël avec l’intention de passer un marché. Un cliché qui lui avait été offert par sa femme, la veille de son départ pour distribuer les présents. Une petite mise en scène qu’elle avait préparée. Sur la photographie, elle se tenait en bikini sur le capot du traineau, un doigt dans la bouche et dans une pose suggestive.
L’Esprit avait ouvert la main sur l’objet. Je te conduirais aux hommes de ta race, disait-il. En échange, c’était sa femme qu’il avait voulue.
Nicholas avait accepté le marché.
L’homme pivota en direction du lit, de sa femme apeurée qui gémissait et pleurait. Elle pleurait la mort de cette chose avec qui elle vivait maintenant. De cette créature qui était venue copuler avec elle. Qui était devenu le nouveau père Noël.
Nicholas jeta une de ses armes dans la pièce, plaça un chargeur dans l’autre. Il posa ensuite le canon sous son menton, ferma les yeux et fit une courte prière.
Le coup de feu qui suivit se répercuta dans la pièce.
***
Père Noël s’éveilla en hurlant, tombant du lit pour s’échouer sur le sol froid et dur. Sa tête avait heurté sa table de nuit, entraînant dans sa suite un livre ouvert. Mère Noël s’éveilla aussi en sursaut, se jetant au secours de son mari. Il ne s’était heureusement pas blessé.
L’homme se leva, tout en se massant la tempe. Sa femme le prit par le bras, le replaçant dans le lit. Elle était attentionnée et lui caressa le front. Il avait fait un mauvais rêve. Le stress de son travail et la pression qui venait avec celui-ci étaient énormes. Il dormait mal, mangeait peu et ne cessait de revoir les détails de l’expédition avec ses lutins.
Mère Noël se pencha et ramassa le livre qui reposait au sol. Elle toisa ensuite son mari tout en brandissant un doigt, une réprimande se préparait. Sa voix était autoritaire.
- Chéri, qu’est-ce que je t’ai dit au sujet de ce genre de livres?
Elle plaça le roman sous son nez.
- Chaque fois que tu lis ces cochonneries, tu fais des cauchemars. Ce sont des présents, tu n’as pas à les lire.
- Mais…
Il ne termina pas sa phrase, parce que son épouse avait raison. Elle déposa le livre sur sa table de nuit, avant de lui offrir un conseil.
- Demain, tu le remets dans la boîte avec les autres. Compris?
- Oui, bien sûr ma chérie.
Elle l’embrassa sur le front, réintégra sa place dans le lit. Quant à lui, il devait trouver un moyen de replonger dans le sommeil. Demain, c’était le jour de l’année où il distribuerait les cadeaux, volerait dans le ciel sur son traineau, avec ses fidèles rennes.
Il entendit un ronflement, discret, mais bien réel. Sa femme dormait déjà.
Père Noël hésita un moment, puis tendit la main et s’empara du livre. Il savait trop bien qu’il ne devrait pas continuer la lecture, mais voulait savoir comment tout cela se terminait.
Il ouvrit donc le roman « L’Esprit des glaces » de Sylvain Johnson et reprit la lecture.
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November 30, 2013
Lecture de la novella « Chair à canon » de l’écrivain Jean-Michel Calvez
Avec cette lecture, j’ai atteint 3 objectifs importants. Le premier était de découvrir un auteur que je n’avais jamais lu. Deuxièmement, je voulais lire une histoire fantastique sans censure. Troisièmement, je satisfaisais mon insatiable besoin de dévorer du numérique de qualité.
Il faut tout d’abord spécifier que c’est un récit de guerre. Non pas une histoire à la « Rambo » où un héros se fait tirer dessus par un bataillon armé de lance-roquettes sans être touché, dans un scénario qui n’a qu’un but, nous en mettre plein la vue au détriment de la logique.
On parle ici de la vraie guerre, celle qui n’est pas trop belle, pas trop plaisante, qui présente des individus avec un passé, des idéaux et des ordres précis. C’est la guerre qu’on voit moins, dont on parle moins, celle qui ne fait pas les bons films à effets spéciaux, celle qui est plus proche de la réalité.
L’histoire est celle de trois soldats russes de l’armée rouge, quelque part dans les montagnes de l’Afghanistan, avec un guide autochtone. Ils patrouillent dans la région, dans un immense tank et ils doivent faire un arrêt pour la nuit. C’est la mise en situation et le départ de notre aventure. Pensez soldats vulgaires, vodka, femme enceinte et rebelles… tout un mélange!
C’est sans contredit un récit comme je les aime. Qui nous force à réfléchir, grattant sous la surface des récits guerriers romantiques véhiculés par la culture américaine. Une histoire intelligente qui m’a séduite, m’a charmé et j’ai lu le bouquin d’un trait.
Il est court, mais efficace.
Dès mon premier coup d’œil sur la couverture, j’ai été intrigué, elle ferait une super affiche dans une chambre d’adolescent ou dans mon bureau. Très belle présentation.
C’est bien écrit, un niveau de langage de qualité, des descriptions qui vous transportent dans les lieux. En fait, j’ai trouvé un petit quelque chose de cinématographique dans la manière d’écrire de l’auteur. On peut facilement s’arrêter au milieu d’une page et visualiser l’action, comme sur l’écran d’un cinéma.
Les personnages ne sont pas nécessairement développés avec une grande profondeur psychologique et c’est voulu, il n’y a pas le temps d’élaborer sur les états d’âmes passées de ces individus. On se concentre sur l’action, sur le présent, sur les réactions du moment et cela permet de faciliter la lecture, de la rendre plus fluide. Pas de flashbacks inutiles sur leur vie en territoire Russe.
Je reviens sur le thème de la guerre qui domine dans le récit, sur l’horreur de la folie humaine dans des temps de barbarie. Pour les lecteurs fragiles, il y a quelques moments un peu sanglants, des descriptions réalistes, mais rien de gratuit, rien qui ne soit partie intégrale de l’histoire. Heureusement, la plupart des gens n’auront jamais à faire les choix que ces hommes au combat sont parfois forcés de faire.
L’élément fantastique apparaît à un moment opportun dans le récit, alors que les choses dérapent, que le mystère se construit au fil des dernières pages. C’est un fantastique discret, efficace et qui laisse une bonne place à l’imagination.
Un très bon moment de lecture, un roman court et d’une efficacité indéniable.
Je le recommande aux amateurs de fantastique, de récits de guerre, de drame et à tous les autres qui aiment la lecture.
Pour faire l’achat du bouquin :
http://lune-ecarlate.com/produit/chair-canon/
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November 28, 2013
Les Racines du Mal – Huitième partie – Georgia, lève-toi et marche !
Important :
« Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »
Georgia
Bordeaux, France
Elle respirait difficilement, les yeux clos, couverte de sueur en raison de la chaleur intense qui sévissait dans la fosse l’emprisonnant. Au-dessus d’elle, des grondements répétés lui avaient appris que la résidence enflammée avait commencé à s’écrouler, bloquant inévitablement toute possibilité de fuite. Elle était vraiment dans la merde et c’était une question de secondes avant qu’elle n’étouffe dans l’espace restreint, ses poumons se remplissant de fumée.
Étrangement, la jeune femme souriait, son souffle s’était transformé en un son rauque pitoyable, ses larmes laissaient des traces sur ses joues sales. Les tremblements qui animaient son corps s’étaient arrêtés depuis peu.
Georgia avait un statut particulier dans leur groupe hétéroclite. Son pouvoir était différent, rare et difficile à invoquer. Elle repensa aux autres, à Réal qui était un monstre sanguinaire, puissant et millénaire, une bête errant dans la nature en faisant régner la terreur. Il était à moitié humain et animal, un objet de légende et de mythe dans plusieurs civilisations passées, éteintes et même à venir. Les archives de l’humanité étaient remplies des traces de son passage. Il était une sorte de dieu parmi les hommes.
Jean était quant à lui un tueur sans pitié, à la force inégalée, au tempérament calculateur et sans le moindre égard pour ses victimes. Il aimait faire souffrir, aurait pu tuer un poupon innocent en lui brisant le cou sous les yeux de sa mère. Il ne connaissait que la destruction et ne trouvait de plaisir que dans l’acte de mort qu’il offrait avec efficacité. Sa tolérance à la douleur était tout aussi légendaire que sa capacité à guérir de ses blessures en un temps record.
Georgia avait un talent caché, qu’elle n’avait utilisé qu’une seule fois auparavant et dont les conséquences se faisaient toujours sentir, même aujourd’hui. L’utilisation de son pouvoir modifiait sa personnalité, effritait un peu de cette lucidité et de cette humanité qui gisait quelque part en elle. Viendrait surement le jour où elle franchirait le point de non-retour. Ce n’était toutefois pas pour cette nuit.
Son sourire s’estompa et elle se mit à pleurer, les yeux brûlés par la fumée, les poumons douloureux.
Elle allait bientôt pouvoir s’abreuver aux racines du mal.
Un choc sourd se fit entendre et une masse percuta le plafond de bois qui s’incurva, paraissant sur le point de céder. De la poussière pénétra dans sa prison sous forme de pluie sèche, bientôt suivie d’une fumée noire toxique.
Georgia n’eut que le temps d’un hurlement faible, avant que des débris ne la recouvrent avec fracas, broyant son corps, pulvérisant son crâne et ensevelissant sa frêle carcasse qui s’enflamma sous la chaleur.
***
12 ans plus tôt.
La petite Georgia s’éveilla en hurlant. En grattant de ses ongles brisés et du bout de ses doigts déchiquetés les parois malléables du tombeau froid et humide dans lequel l’homme avait enseveli son petit corps inanimé. Elle ignora la douleur des coups qu’on lui avait administrés, taisait la souffrance de ces blessures internes qu’il lui avait infligées. Le sang entre ses jambes ne s’était pas encore coagulé, la semence méprisable de cet être odieux coulait toujours en elle.
L’enfant grattait la terre avec frénésie, toussant, avalant goulûment le peu d’air qu’elle parvenait à capter dans les mouvements du sol qu’elle créait. Elle commençait à paniquer, labourant le toit sombre qui s’alourdissait. Son cri était une plaine d’animal blessé. Personne ne pouvait l’entendre.
Georgia sentit les premiers grains de terre pénétrer sa bouche aux lèvres fendues. Son sourire ne serait plus jamais le même, plusieurs de ses dents avaient été fracassées et sa langue avait été lacérée d’une lame froide agitée avec virtuosité. Elle cracha, redoubla d’effort en creusant. Du seul œil qu’elle put ouvrir, l’autre étant trop enflé, elle vit les premiers rayons lunaires qui l’accueillirent à l’air libre. Ses mains sales rencontrèrent le vide et elle parvint à se propulser hors du trou, roulant le plus loin possible de la sépulture qui lui avait été réservée.
Haletante, elle fixait le ciel clair de cette nuit froide. Nue, sale, couverte de blessures, d’ecchymoses et de plaies, la petite Georgia cessa de pleurer. Les sanglots laissèrent place à une haine malsaine et dévastatrice.
Sans honte pour sa nudité, elle se releva. Son visage était une immense plaie, son bras gauche avait été fracturé, mais elle était étrangement capable de le bouger sans trop de douleur. La brise nocturne la caressa indécemment tandis qu’elle laissait la magie s’opérer en elle.
Elle était morte quelques heures plus tôt. Cet homme qui l’avait suivit à son retour de l’école et qu’elle n’avait pas remarqué, l’avait accosté aux abords du sous-bois à moins d’une centaine de mètres de chez elle. Il l’avait interpellé par son prénom, puisqu’ils se connaissaient. C’était un des amis de son père, avec qui ce dernier buvait et jouait au poker. Il passait ses soirées à la chercher du regard. Elle se souvenait de ses attentions particulières, de ses cadeaux, ses sourires et elle savait aujourd’hui l’immondice qui gisait en lui, le cancer qui le rongeait.
Georgia serait le remède à tous ses maux, puisqu’elle n’aurait de repos que le jour où elle s’abreuverait de son sang, lui trancherait la gorge, broierait ses organes encore chauds. Elle voulait l’entendre hurler de souffrance, pour couvrir ses propres lamentations juvéniles alors qu’il la trainait dans les broussailles. Elle voulait l’entendre supplier, comme elle l’avait fait afin de faire cesser les coups qui pleuvaient, afin de mettre un terme à ses pénétrations douloureuses. La gamine voulait lui rire au visage, alors qu’il se trouverait aux gouffres de la folie, tout comme il s’était amusé à la toiser alors qu’elle gémissait, passant de l’inconscience à l’éveil à plusieurs reprises.
Un son devant elle et elle leva son regard vers l’épaisse végétation sur sa droite. Elle ne tremblait plus, ne souffrait plus. Son corps, un temple à la folie humaine, était devenu un témoignage à la survivance, au courage et à la vengeance.
Une forme encore plus sombre que les ténèbres glissa à la périphérie de sa vision et elle se contenta de rester immobile, les poings serrés, la mâchoire tellement contractée que ses dents restantes grinçaient. Elle se mit à trembler de colère et de détermination. Elle n’était qu’une pauvre petite gamine de 13 ans, innocente et qui n’avait pas voulu de toute cette horreur. Ce qu’on lui avait ravi n’avait pas de prix, elle exigerait toutefois réparation.
Après l’avoir violée et battue pendant plusieurs heures, Georgia avait cru qu’il la laisserait vivre. Qu’elle pourrait se lever et aller chercher de l’aide, que cet être ignoble serait puni par la justice des hommes. Mais les choses s’étaient déroulées bien autrement. Il était resté non loin d’elle, fumant en silence tout en la regardant. Il y avait une certaine folie dans son regard, une satisfaction cruelle qui la terrifiait. L’individu s’était finalement levé, marchant tout autour de la gamine mal en point qui gisait au sol. Ses souliers luisants étaient tout ce qu’elle pouvait voir et sans avertissement, il lui asséna un puissant coup de pied au visage qui l’envoya rouler sur le dos. Une pelle qu’elle n’avait pas remarquée plus tôt fit son apparition, elle heurta l’objet au manche boisé.
Elle tourna la tête dans cette direction et vit le trou.
Elle hurla, voulut se débattre, le combat inégal était à l’avantage de l’homme. L’agrippant par les cheveux, il la tira tout près de la fosse d’à peine trois pieds de profondeur pour l’y pousser sans ménagement. Dans le trou, elle voulut se relever, ignorant la douleur dans son corps, mais il retira un objet de la poche de son veston.
Elle cessa de bouger et contempla le canon du revolver. Elle se souvint qu’il était policier, qu’il devait protéger et servir, non pas blesser et asservir.
Georgia eut le temps de hurler avant que le coup de feu ne l’atteigne au cœur, remplissant la nuit d’un tumulte assourdissant. Ce fut tout, puisqu’elle se réveilla sous terre, son assaillant croyant l’avoir enterrée morte, mais elle était vivante d’une nouvelle existence improbable.
Maintenant qu’elle se tenait debout non loin du trou, une forme mystérieuse tapie dans l’obscurité, elle baissa son regard sur sa poitrine. Elle vit une large plaie et du sang séché. Cette blessure mortelle était toutefois indolore. Georgia était bien morte, elle pouvait le sentir, le deviner à la consistance énigmatique de l’air, à cette étrange force qui s’écoulait en elle. Tout lui semblait différent, plus intense.
La petite patientait face à la chose près du sous-bois. Sa silhouette s’était immobilisée et lui faisait face. Sa forme était vaguement humanoïde, quoique floue comme si elle refusait d’être définie. Elle décida de s’adresser à la créature.
- Qui êtes-vous?
Elle fut surprise de l’aplomb de sa voix, de son courage. La petite gamine maigrichonne et meurtrie n’avait plus peur. Elle avait connu l’horreur. L’ombre lui répondit d’une voix à mi-chemin entre le murmure et le grognement de bêtes sauvages.
- Je suis celui que tu voulais rencontrer.
Intriguée, Georgia fit un pas vers l’avant, mais une sorte d’aboiement fiévreux retentit et un souffle putride l’atteignit, la forçant à garder ses distances. Sur la défensive, elle parla.
- Que me voulez-vous?
Un regard scintilla dans la masse obscure de la nuit et l’enfant sentit l’odeur de putréfaction qui émanait de la chose, plus forte que l’effluve du sang, de la terre et de la sueur qu’avait laissé sur elle le monstre qui l’avait violenté.
- Je peux te redonner une vie similaire à celle qui te fut enlevée.
Morte, elle était bien morte et c’était le diable qui se tenait devant elle. Ce n’était pas la peur qui dominait, mais le désir de vengeance. Sa capacité à transformer sa colère en détermination ferait d’elle une femme redoutable. L’enfant n’était toutefois pas dupe, elle pouvait bien voir que ce qu’on lui proposait n’était pas une offre généreuse. Sa voix naguère douce sonnait comme celle d’une adulte.
- Quel est le prix?
Un rire déchira la nuit, la forme se précisa et la gamine comprit. Elle sut que le prix à payer pour sa vengeance serait élevé et que l’accepter ferait d’elle une atrocité parmi les humains. Mais c’était préférable à la mort, l’oubli et le silence. Sa vie n’était pas terminée. Elle aurait dût se prolonger de manière naturelle.
De son œil ouvert, avec son petit corps ravagé et brisé, elle s’avança vers la forme menaçante.
- J’accepte.
La petite Georgia s’enfonça alors dans le sous-bois avec la créature ténébreuse. Elle était prête à payer le prix demandé.
***
Aujourd’hui.
Georgia adulte, survivante du brasier, se tenait dans une ruelle sombre. Épiant la porte arrière d’un établissement. La fraîcheur de l’air nocturne ne l’incommodait plus et sa patience n’avait pratiquement aucune limite.
La journée avait commencé du bien mauvais pied, par sa deuxième mort. Heureusement, elle détenait un avantage particulier que la plupart des mortels ne pouvaient soupçonner. C’était le choix de poursuivre sa vie interrompue prématurément aux mains des hommes. Elle devait verser aux choses de la nuit un tribut coûteux, malgré les conséquences mentales et physiques évidentes qui en découlaient.
La jeune femme préférait ne plus y penser, du moins pour le moment. Elle avait quitté le brasier de cette maison où Sébastien l’avait trompé, humilié et piégé. Georgia ignorait les détails de la mission du jeune homme, ignorait pourquoi il avait attendu aussi longtemps avant d’essayer de la tuer.
Un mouvement dans la ruelle attira son regard, non loin de la porte. Un homme obèse quittait l’établissement, son pas traînant faisant fuir quelques chats de gouttière dissimulés dans les ordures qui jonchaient le sol. Ce n’était pas l’homme qu’elle cherchait.
Une fois le prix payé, elle avait quitté les flammes et rampée loin des débris. Sans ressentir la douleur, submergée par la colère et non loin de la folie, elle s’était dissimulée dans les buissons d’une résidence adjacente. Le chaos de la scène lui avait permis de passer inaperçu, les pompiers et les nombreux curieux épiant le brasier qui se propageait déjà aux résidences voisines. Dans la cour arrière, elle était passée d’un cabanon à un autre, baignée par la luminosité des flammes et des gyrophares. Elle traversa une clôture et découvrit une résidence plongée dans les ténèbres, ce qui ne pouvait que signifier une chose avec tout ce bruit : personne ne s’y trouvait. Elle brisa une fenêtre et pénétra à l’intérieur, soulagé de ne pas entendre d’alarme. À l’étage, elle trouva des vêtements qui feraient l’affaire et sur une table de nuit, quelques billets enroulés. Des clés de voiture s’y trouvaient aussi et elle s’en empara. Dans le garage, elle parvint à faire démarrer une vieille voiture allemande qui semblait dater d’un autre siècle et en raison de l’agitation plus loin dans la rue, elle put s’éclipser sans attirer l’attention.
Elle avait roulé dans la nuit, suivant la piste de Sébastien. Elle se rendit d’abord au bar où il rencontrait ses copains débiles pour boire comme un trou et questionna le barman. Celui-ci n’avait pas vu Sébastien, mais savait que son groupe jouait le soir suivant au bar « De la somme ». Elle remercia l’employé qui ne put s’empêcher de la déshabiller du regard. Elle trouva ensuite une chambre dans un motel minable, elle avait besoin de repos et plusieurs heures devant elle.
La nuit était tombée et Georgia se trouvait maintenant derrière l’établissement, avec une vue imprenable sur la sortie arrière, là où les membres du groupe finiraient par sortir avec leurs instruments de musiques, tout l’équipement. Il était près de trois heures du matin.
Georgia ferma les yeux un instant, respirant profondément.
Une porte claqua et alors qu’elle ouvrit les yeux, vit Sébastien qui titubait dans la ruelle, son bras passé autour du cou d’une jeune femme en jupe très courte, au décolleté provocant. Elle dut se défaire de ses talons hauts, les lançant tout simplement contre le mur et cela les fit éclater de rire.
Georgia souriait aussi, mais pour une tout autre raison.
Elle sortit de l’ombre…
À suivre…
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November 19, 2013
Bonjour la Police !
Je ne suis pas policier.
Ne deviendrait jamais policier.
Et croyez-moi, c’est bien mieux ainsi. Dès ma première journée sur le terrain, je prédis que mon arme se serait accidentellement déchargée une demi-douzaine de fois en plein visage d’un abruti qui refusait d’écouter mes conseils tout simples et innocents. Une enquête des affaires internes aurait rapidement démontré ma culpabilité, mon manque de contrôle et toute la panoplie des explications psychologiques trouvés pour témoigner du fait que j’ai tué un pauvre con sans justification.
On m’aurait ensuite envoyé dans une prison, tout d’abord séparé du reste de la population, puis finalement relâché dans la jungle carcérale où un groupe de brutes poilues et violentes m’auraient initié au jeu du saute-mouton… et j’aurais bien entendu été ce petit mouton.
Qu’est-ce qui me pousse à croire que je n’ai pas ce qu’il faut pour être policier? Je vous donne un exemple très simple… quand je visionne des émissions de télévision dont la prétention est d’être authentique, comme « Cops » ou qu’aux nouvelles du soir ont décrits des évènements liés à la brutalité policière, alors je deviens complètement fou.
Je hurle, je perds les pédales et je deviens colérique devant la folie de notre race de dégénérée.
Parfois, dans la boîte à conneries HD qui trône dans le salon, on entend ce genre de nouvelles :
Dame de 73 ans aspergés de poivre de Cayenne en plein visage par un policier.
Jeune homme maltraité par les forces de l’ordre lors de son arrestation.
Automobiliste atteint de projectiles alors qu’il tentait de fuir.
Ce genre de choses arrive souvent, non?
D’accord, est-ce qu’on doit vraiment asperger la vieille commère du quartier en plein visage avec un produit toxique qui lui brûlera les rétines déjà attaquées par les cataractes? Est-ce qu’il est nécessaire pour six agents musclés d’écraser au sol celui qu’on tente de menotter, quelques genoux maladroits percutant le corps couvert de sueur du malfrat?
Oui, oui et oui.
J’en ai assez des victimes qui tentent de dissimuler leur stupidité sous des considérations d’âge, de race, de religion et tout le reste.
Quand je roule à 100 kilomètres à l’heure dans une zone d’écoliers où la limite est de 30 km… quand je brûle un stop à une intersection ou que je dépasse un autobus scolaire qui déverse son lot de morveux sans m’arrêter… quand je ne mets pas ma ceinture de sécurité ou conduis en état d’ébriété… ET BIEN, JE SAIS TRÈS BIEN QUE J’ENFREINS LA LOI… ET J’ASSUME LES CONSÉQUENCES DE MES CONNERIES.
Obéir aux directives des forces de l’ordre se solde rarement par des coups de matraque et des coups de feu. Le policier vous intercepte alors que vous allez trop vite. Il vous remet une contravention et vous commencer à lui crier après, à faire le rigolo et à vouloir vous enfuir… Et bien vous méritez une balle dans la nuque, point à la ligne.
Il faut arrêter de jouer les victimes… de parler de nos droits… de nos émotions… de notre confusion.
J’ai vu des phares dans le rétroviseur et j’ai eu peur… monsieur le juge… c’est pourquoi j’ai conduit 24 voitures de police sur une course de 40 kilomètres en pleine heure de pointe, en manquant renverser des piétons, des enfants en vélos et des chiens errants.
Lorsqu’une vieille chiante refuse d’écouter le policier qui lui conseil gentiment de traverser la rue au passage pour les piétons, qu’elle le repousse pour s’éloigner, je n’ai aucun problème à utiliser la force – qu’on l’asperge en plein visage en lui tenant les yeux ouverts… qu’on lui mette les menottes et la frappe aux genoux avec une matraque!
Je déteste qu’on cri à l’injustice – « monsieur le juge, mon client n’a pas obtempéré à l’ordre des policiers de s’arrêter, parce qu’elle avait peur d’être victime de préjugé dut à sa race, son âge, son sexe, la couleur de ses yeux et la profondeur de son trou du cul. »
Être juge, j’aurais frappé plusieurs de ces dites victimes dans les dents avec mon petit maillet ensanglanté.
J’ai moi-même eu 3 dents cassées par un agent de police de la ville de Montréal, dans mes années de Cégep… et c’était de ma faute.
Voilà, c’est dit.
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November 11, 2013
Lecture du Tome 1 de la série Averia – Patrice Cazeault.
J’ai découvert ce livre sur le très populaire Facebook. Depuis quelque temps, je voyais défiler des photos de certains des tomes de la série « Averia », envoyés par des lecteurs dans le cadre d’un concours intéressant. J’ai trouvé l’idée bonne et placé le nom de cette série dans ce petit tiroir de mon esprit où se trouve la liste de bouquins à acheter. (Tiroir plein à craquer…)
Quelques jours plus tard, je visitais un site en ligne pour faire l’achat de nouveaux livres numériques, et je suis tombé sur la série Averia. Une minute d’hésitation et je mettais le livre dans mon panier d’achats.
Je n’avais aucune idée de ce qu’était cette série… était-elle pour adolescents…? Pour adultes? Le seul moyen de m’en faire une idée était d’en amorcer la lecture sur ma docile tablette.
Résumé :
Seki vit sur Averia, une colonie humaine qui a été conquise il y a 20 ans lors de la guerre avec les Tharisiens. Malgré cela, elle s’accommode bien de l’occupation. N’a-t-elle pas la chance d’étudier à l’université?
Sa sœur, Myr, ne partage pas son point de vue. Pour elle, la présence des Tharisiens sur Averia est une abomination. Le seul moyen de mettre fin aux injustices que subit le peuple humain est de se rebeller contre l’envahisseur.
Mais voilà que Seki, intimement convaincue que la reprise des hostilités serait une erreur, se voit entraînée malgré elle dans un groupe de résistants.
Les choses tournent mal. Une bombe explose.
La spirale de violence s’accélère.
Seki, qui doit assumer un rôle qu’elle n’a pas désiré, arrivera-t-elle à se sortir indemne de l’insurrection qui gronde dans la colonie d’Averia?
Mon commentaire :
Le premier tome de la série « Averia » est un livre qui se dévore avec voracité, qu’on arrive difficilement à mettre de côté pour s’adonner aux contraintes quotidiennes qui réduisent notre temps de lecture.
Je l’ai trouvé bien écrit. Ce premier tome nous fait découvrir deux sœurs très différentes, Myr et Seki, qui vivent dans un monde où les humains sont soumis à un envahisseur extraterrestre. Les personnages principaux sont très bien développés, leur profondeur psychologique et leur humanité nous les rendent sympathiques, même lorsqu’on critique leurs actions.
C’est un roman de science-fiction intelligent où l’histoire n’est pas mise de côté au profit des gadgets et noms impossibles à retenir. C’est ici la qualité littéraire, la puissance des idées et l’action qui triomphent.
L’auteur a écrit le roman du point de vue des deux filles, qu’on lit à tour de rôle, qu’on apprend à connaître. Il a bien réussi son pari en construisant le roman de cette manière. Leurs personnalités différentes empêchent la confusion.
Pour nous aider à comprendre, pour ajouter des éléments à l’action et compléter la valse guerrière à laquelle nous assistons, des textes venant d’autres points de vue nous sont offerts. Ainsi, on peut pratiquement suivre le bulletin de nouvelles de l’envahisseur, avec un certain humour et un réalisme à la « Geraldo Rivera ». Nous sommes aussi conviés dans l’univers révolutionnaire de Myr, par ses textes, sa propagande et son cri au soulèvement.
Un roman sans longueur, qui vous tient captif, qui vous forcera à vouloir lire les suites.
Patrice Cazeault a pondu un premier tome réussi à une série captivante.
À conseiller.
Liens utiles :
Éditions ADA : http://www.ada-inc.com/averia-tome-1.html
Blogue de l’auteur : http://avisdexpulsion.blogspot.ca/
Page Facebook de l’auteur/Série : https://www.facebook.com/averia.tharisia
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November 2, 2013
Horrifique Numéro 96 – Spécial Sylvain Johnson
Pour l’Halloween 2013 – André Lejeune et Horrifique m’ont fait l’honneur d’un spécial Sylvain Johnson, pour souligner cette fête particulière.
Horrifique est une revue québécoise qui se spécialise dans les publications de l’imaginaire. Elle permet à des auteurs et illustrateurs de tout horizon de se faire connaître.
Pour le numéro 96 – Je vous présente 4 de mes nouvelles, dont 3 sont illustrés par l’excellent Larry Castillo.
Racines assoiffées p.6-24
« Au sol, mélangé à sa salive ensanglantée, gisait ce qui ressemblait à des fragments de bois. »
Perdition p.26-36
« Les coups de poings et de pieds pleuvaient sur le malheureux, dont la bouche ensanglantée était déformée en un effroyable masque de douleur. »

Perdition – Illustration de Larry Castillo
Le panier p.47-62
« J’entends dans mon dos le cri de l’homme qui m’appelle, fou furieux et sans ralentir ou me retourner, je prends la direction de mon appartement. Je cours sur plusieurs kilomètres, hors de souffle et fiévreux. »

Le Panier – Illustration de Larry Castillo
Le serviteur récompensé p.64-75
« Elle fait partie de ces choses qui ont répondu à mes prières et qui m’ont condamné à la servitude. Ces choses que je tente de fuir depuis des heures, revenant immanquablement à mon point de départ, à cet arbre solitaire. »

Le Serviteur Récompensé – Illustration de Larry Castillo
L’auteure jeunesse Valérie Larouche me pose aussi 13 judicieuses questions dans une interview des plus conviviales.
Donc un gros merci à André Lejeune, Larry Castillo, Valérie Larouche, Adeline Lamarre et LV Cervera Merino.
Liens utiles :
Revue Horrifique (http://horrifique.tripod.com/index1.html)
Larry Castillo (http://www.deadmeatcomix.com/common.php)
Valérie Larouche (http://www.valerielarouche.com/)
Porte-Bonheur (http://porte-bonheur.ca/)
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October 9, 2013
L’amoncellement !
Patrice attendait patiemment devant la porte close de leur chambre, il pouvait entendre sa femme à l’intérieur qui bougeait, ses déplacements révélés par les craquements occasionnels du plancher. Elle gloussait comme une gamine préparant un mauvais coup. Que foutait-elle donc?
Dès son arrivée à la maison, après une longue et pénible journée de travail, son épouse l’avait entrainée à cet endroit en s’exclamant.
- J’ai quelque chose à te montrer, viens!
Sans un mot, puisqu’il avait appris à ne pas protester ou rouspéter, dix ans de mariage avaient établi une hiérarchie immuable dont elle était souveraine incontestée et lui le serviteur docile, travailleur invétéré et esclaves de ses moindres désirs. Cet arrangement lui allait toutefois très bien, il détestait les confrontations et les disputes à n’en plus finir. La soumission avait de beau qu’elle éliminait les conflits.
Cela faisait au moins cinq minutes qu’il était planté devant la porte blanche, son esprit vagabondait vers le frigo et les quelques bières froides s’y trouvant. Il était sur le point de quitter sa position pour faire un petit détour vers la cuisine, lorsque Sophie ouvrit la porte.
Il avait un instant espéré qu’elle se change, s’habille d’un de ces uniformes sexy qu’ils utilisaient à l’occasion dans leurs jeux sexuels. Il en avait bien envie, malgré la fatigue. Elle le fit entrer dans la chambre qu’ils partageaient depuis la nuit de leur mariage, une lune de miel sans la moindre virginité à corrompre.
Il ne vit tout d’abord rien de différent, les détails lui échappaient souvent, une chose qu’elle lui reprochait constamment. Que devait-il remarquer?
C’est en regardant plus attentivement vers le lit qu’il découvrit la nouveauté du moment. En fait, il aurait fallu être aveugle pour l’ignorer. Le lit douillet où il avait si souvent cru en ses prouesses sexuelles imaginaires et qu’il était seul à vraiment apprécier, était recouvert d’une multitude d’oreillers, de coussins et d’un ours en peluche. L’amoncellement couvrait la moitié de la superficie totale du lieu de repos.
Triomphante, remuant comme une écolière timide et excitée, elle le fixait avec une intensité troublante.
Que devait-il faire ici? Comment réagir?
Il dut réfléchir. Sa femme était apparemment heureuse devant cet étrange amas d’oreillers qui lui posait un énorme problème : comment feraient-ils pour dormir dans cette masse formidable? Il devait toutefois être prudent avant de s’exprimer tout haut. Il chercha brièvement son petit oreiller en plume qu’il aimait tant, juste la bonne épaisseur pour lui permettre de passer une agréable nuit de sommeil. Elle était visiblement ensevelie quelque part en dessous et il était préoccupé par la possibilité qu’il ne puisse l’utiliser ou qu’elle disparaisse.
Il utilisa donc la prudence et s’exclama du ton le plus neutre possible, ayant établi après une étude de plusieurs années, que cette réponse était la bonne à 90 % des occasions.
- Wow.
Il guetta la réaction de sa femme, se préparant à un regard nocif et cruel ou un sourire satisfait. Il eut droit au second et put enfin respirer, son rythme cardiaque perdit de la vitesse et ses tremblements cessèrent.
- Je savais que tu allais aimer. Ça donne une touche plus vivante à la pièce.
Vivante? Il gardait le sourire, malgré son doute et l’incompréhension. C’était comme de contempler un bouchon de plusieurs centaines de véhicules immobilisés depuis des heures sur l’autoroute et gentiment déclarer que cela aurait pu être pire.
- Viens, j’ai préparé ton repas préféré et j’ai ouvert une bouteille de rouge.
Il la suivit, affamé et en oubliant presque les oreillers qui envahissaient le lit.
***
Patrice fixait la couche avec perplexité depuis une dizaine de minutes. Après le repas, ils avaient fait l’amour sur le sofa et vidé une deuxième bouteille de rouge bon marché. Il était épuisé par ses exploits d’étalons et elle tentait en vain d’établir la différence d’intensité entre une démangeaison et les explorations frénétiques de la verge passagère de son mari dans ses orifices accueillants. La soirée était toutefois bonne et ils appréhendaient tous les deux le retour au travail du lendemain.
Sophie décida de prendre une douche, souillée de la sueur du taureau rugissant qui l’avait maladroitement monté, lui suggérant de l’attendre au lit. Cette idée lui plut, en particulier parce qu’un bon livre l’attendait sur sa table de nuit : les contes du Grand Veneur de Romain Billot, qui était depuis quelques mois à la tête des palmarès littéraires en Amérique et en Europe. La nouvelle de l’adaptation cinématographique d’une des nouvelles du recueil l’avait rendu très populaire chez les amateurs des genres de l’imaginaire.
Patrice se rendit dans la chambre, nu comme un ver difforme et poilu, empressé de commencer la lecture du bouquin et il s’immobilisa au pied du lit. L’amoncellement d’oreillers lui causait un sérieux problème. Comment ferait-il pour prendre sa place sur le côté habituel du lit qui lui revenait? Devait-il déplacer les coussins? Se glisser entre les oreillers? Tout simplement les enlever? Il ne savait pas comment procéder, un peu comme un politicien à qui on demande pour une fois d’être honnête. Il voulait éviter de commettre une bêtise, la soirée allait trop bien pour la gâcher.
Après quelques moments de réflexion, il décida que l’approche directe serait nécessaire. Il monta sur le pied boisé du lit, tenta une plongée discrète dans l’amas coloré. Il voulait se frayer un chemin vers la tête de la couche matrimoniale. Un véritable mur de tissu froid lui bloquait la route, le forçant à bouger les obstacles de ses mains. C’était comme de s’enfoncer dans la gueule d’une créature mystérieuse, des oreillers se déposaient sur lui, caressaient son corps nu sans restriction, bloquant sa vision. Il entendit un des coussins qui chutait au sol, non sans frapper son réveil matin et faire chuter un verre d’eau vide sur le tapis.
Il jura à voix basse, continuant son chemin comme le nouveau-né qui se dirige vers la lumière, baignée dans les jus créateurs, haletant à sa première bouffée d’air, à la découverte de ce monde froid et aveuglant.
Sa main rencontra bientôt un oreiller plus mince que les autres et reconnut celle avec laquelle il voulait dormir. Un obstacle boisé devant lui confirma aussi qu’il avait atteint la tête du lit, sa progression avait paru le conduire sur des kilomètres de terrain dangereux. En serrant le mince coussinet sur sa poitrine, tel l’écrivain accroché à sa bouteille de Whisky, il entreprit de se retourner. Il pivota sur lui-même dans l’amas qui le recouvrait entièrement, les oreillers lui faisant des caresses compromettantes, touchant son pénis ratatiné, son ventre gonflé par sa gloutonnerie, lui éraflant ses mamelons dissimulés sous les poils sauvages.
Un des oreillers commis même l’impensable, frottant son orifice anal pourtant interdit d’accès, le faisant gémir de surprise. Il frappa le vide derrière lui, soudain frustré et violenté, retombant sur le dos. Le matelas protesta de quelques grincements, tandis qu’il réprimait les larmes et les sanglots. Sa première expérience homosexuelle avait été avec un coussin au tissu soyeux et agréable, fabriqué à la main par de petits Chinois sous-payés. Une cigarette lui aurait fait tant de bien, même s’il n’avait jamais fumé de toute sa vie.
Une idée lui vint, tandis qu’il se tenait sous la masse écrasante et il se cabra, soulevant son bassin vers le plafond qui devait se trouver quelque part au-dessus de ces choses envahissantes. Sa petite tour Eiffel dressée avec fierté, il tenta de percer le toit des oreillers, voulant ériger son périscope vers le firmament, vers les étoiles et un futur libéré de ces choses.
Ce fut en vain, quelques centimètres d’explorations ne changèrent rien à sa situation.
Patrice réalisa qu’il avait fermé les yeux et les rouvrit, découvrant la noirceur qui l’enveloppait, qui tenait son corps prisonnier. Il comprit l’horreur que pouvaient ressentir ceux qu’on enterrait vivants.
Un brin de panique fit son apparition, il avait tellement chaud et respirait avec difficulté.
Très loin au-dessus de lui, peut-être à des kilomètres, une voix résonnait dans ce qui devait être leur chambre à coucher. Il se mit à frapper les coussins au-dessus de lui, comme le nageur qui voit enfin la rive se profiler au loin, après avoir traversé l’océan Atlantique. Il cherchait la lumière, le passage de l’air frais. Luttant contre la suffocation et la claustrophobie, il battit des bras.
Quelque chose de froid se déposa sur sa cheville, le faisant hurler de terreur. Quel genre de créature vivait donc dans cet amoncellement de tissu? Quelle horreur se profilait dans les ténèbres de ce refuge adéquat pour l’immondice? Il pouvait imaginer des êtres griffus, velus, odorants et aux capacités intellectuelles très limitées, le plus souvent incapable de tâches plus compliquées que la satisfaction de besoins primaires immédiats.
Il comprit que ce devait être des hommes!
Son cri mourut dans sa gorge, avec les restants chauds et granuleux du souper qui décidèrent de remonter à la surface par son boyau béant.
Au-dessus de lui, un filet de clarté apparut, l’inondant bientôt en blessant ses yeux. L’oxygène était aussi au rendez-vous, il s’en gava avec avidité, toussant et sifflant comme un asthmatique.
La voix revint, était-ce Dieu venu lui annoncer que son séjour sur terre était terminé? Qu’il serait bientôt accueilli au paradis parmi les rares membres de sa famille à s’y être rendu? Ou des extraterrestres très maigres, gris et à la tête surdimensionnée venant l’enlever dans des circonstances nébuleuses pour s’amuser à explorer son orifice (déjà profané) avec des sondes froides et désagréables, alors qu’ils possèdent une technologie leur permettant de voyager dans l’univers et pourraient éviter de jouer dans la merde et le cul des autres?
- Qu’est-ce que tu fais?
Il reconnut la voix de sa femme, son visage inquiet et exaspéré. Patrice se redressa, repoussant les choses velues, lisses et froides qui l’entouraient. Il prit plusieurs grandes respirations avant de pouvoir répondre.
- J’étais enseveli…
- Arrête de faire l’idiot.
Sophie entreprit de le libérer, déplaçant plusieurs oreillers.
- Elles ne restent pas toutes sur le lit quand on se couche.
- Non?
- Bien sûr que non, c’est pour la décoration.
- Euh? Faut décorer le lit?
Elle lui lança un regard qui le fit se taire.
Dans son esprit, une question revenait en boucle, soulevant polémique et controverse :
Pourquoi décorer un lit? N’est-ce pas fait pour dormir?
C’était un de ces combats qu’il ne pouvait gagner.
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October 2, 2013
Parution d’octobre – Revue Horrifique !
Je suis très fier de vous annoncer que la prochaine édition de la revue québécoise Horrifique N.96 - dirigée par André Lejeune - vous présente un spécial « Sylvain Johnson ».
Vous y retrouverez donc 4 de mes nouvelles inédites :
Le panier
Perdition
Le serviteur récompensé
Racines assoiffées
Ainsi qu’une interview de l’extraordinaire auteure jeunesse Valérie Larouche. Les textes sont illustrés par Larry Castillo (dEADmEATcOMIX) – un illustrateur Belge de talent.
Lien pour la revue Horrifique : Horrifique
Lien pour Larry Castillo : dEADmEATcOMIX
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October 1, 2013
Lecture de « Mister Funk » de Corey Redekop
Je savais qu’il s’agissait d’un livre de zombie. Quoi d’autre? À peu près rien, sinon que c’était traduit de l’anglais.
Encore des zombies? Et oui, mais c’est différent cette fois. Ce n’est pas une œuvre qui se veut sérieuse – genre « Walking Dead » « Protocole Reston » de Mathieu Fortin ou « Les Yeux jaunes » d’Yvan Godbout. Cela n’a rien à voir avec l’armée des ténèbres qui se déchaînent dans l’univers troublant de John Steelwood.
C’est un autre type de zombie.
En fait, je crois que le livre est un projet original et audacieux. Écrire une histoire de zombie dans un cadre bien réel, une sorte de critique sociale, de commentaire sur notre culture et notre société décadente où les criminels et les perdants deviennent des héros.
J’ai bien aimé ce roman, que j’ai lu avec avidité. Les actions du récit, les descriptions et commentaires de l’auteur en valent grandement la peine.
Imaginez ceci, vous ouvrez les yeux sur la table en acier froid d’une morgue. Votre poitrine n’est plus qu’un trou béant, vos entrailles sont manipulées par deux employés distraits. Sans savoir comment ni pourquoi, vous n’êtes pas mort ni vivant. Vous avez faim, vous voulez être libre, vous continuez à penser.
Les souvenirs reviennent peu à peu, les situations loufoques et cocasses s’enchainent. Que peut-il arriver à un zombie – à part manger des cerveaux et s’enfuir?
Si je vous disais réussir à passer presque inaperçu dans cette société américaine qui accepte presque n’importe quoi? Devenir un héros, un symbole, une chose voulue et détestée.
Ce n’est pas une farce, c’est une histoire loufoque, comique, intelligente.
Malgré quelques problèmes de traduction, le roman se lit tout seul.
À conseiller, que vous aimiez les zombies ou non. Gardez juste en mémoire que ce n’est pas un roman sérieux.
Divertissement garanti.
Pour en faire l’achat : Mister Funk
Site de l’éditeur : Éditions XYZ
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September 28, 2013
La première colonie de Gaëlle Dupille, à télécharger gratuitement dès le 27 septembre chez L'Ivre-Book
Dès aujourd’hui, vous êtes invités à vous procurer gratuitement la nouvelle SF & teintée d’érotisme "La première colonie", de Gaëlle Dupille (auteure membre des Fossoyeurs de Rêves ) en la téléchargeant gratuitement, notamment sur la librairie virtuelle de son éditeur : http://www.livre-book-63.fr/48-la-premiere-colonie-9782368920329.html, ou sur le site de plusieurs librairies en ligne (Chapitre.com, Ebooks-store.ch…)
N’hésitez pas à en parler autour de vous !