Sylvain Johnson's Blog, page 21

November 2, 2014

On mérite bien quelque chose comme Ebola!

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Ce petit mot n’a rien d’un billet de fiction. Pas de fantôme, de monstre, de cauchemar, de créatures millénaires ou d’évènements surnaturels. Je vais toutefois parler de tueur en série, du plus fécond des meurtriers, le plus sanguinaire et froid des tueurs. Son aspect calculateur est inégalé, sa violence légendaire, et vous avez bien compris que je parle de l’homme, cette race à laquelle nous appartenons malheureusement. L’homme se vante d’être au haut de l’échelle de l’évolution, une créature pensante et dotée d’une âme, une conscience et une intelligence supérieure.

Il faut en douter, en particulier si vous lisez ou écoutez les bulletins de nouvelles durant quelques secondes. Meurtres, viols, incendies, pollution, corruption, et j’en passe, si c’est mauvais ou interdit, il y’a quelqu’un, quelque part, pour le faire. On détruit impunément (pour le moment) notre belle planète en suçant les ressources qu’elle contient comme si ces dernières étaient illimitées.


C’est notre nature, c’est ce qui définit l’homme et n’allez pas me dire que c’est une grossière généralité. C’est partout, et vous le savez trop bien, vous l’avez vécu. On vous a volé votre sac à main, votre identité pour vider vos comptes de banque. On vous a insulté et battu à l’école, vous avez même été violé. On a tué votre fils, votre frère, votre mère. Des membres de votre famille ont participé à des guerres folles, pour des leaders ivres de champagne et de pouvoir. Vous avez tous vécu l’injustice d’actes condamnables et détestables.

Bienvenue dans notre glorieuse civilisation!


Dans le cas présent, je veux parler des animaux, du traitement qu’on leur réserve. Je vis dans un pays qui se vante d’être le plus riche, le plus beau, le plus libre, le plus fort, les super États-Unis où une fille qui chie en direct sur un plateau de télévision devient une vedette, payé des millions de dollars pour boire et déconner en direct, pour être une pute et une connasse. Un modèle pour la jeune génération perdue, qui devient de plus en plus esclaves du sexe, qui semble détester le port de vêtements et le respect des autres. Le pays de la liberté, où tout est possible, même l’impossible. Un pays où le crime est récompensé, l’idiotie exploitée et la folie vénérée.


J’adore les animaux, en particulier les chiens. Lorsque nous avions un Boxer (décédé en raison de son âge), nous le laissons dormir dans notre lit, le nourrissions avant même de penser à notre petit déjeuner, nous changions de place sur le canapé s’il désirait s’asseoir entre nous. On s’amusait à le sortir dehors lorsqu’il le demandait, pour le faire rentrer aussitôt qu’il l’exigeait, pour sortir encore deux minutes plus tard. Nous l’aimions comme un enfant, et il nous le rendait bien. Toutes les maisons de notre rue se sont fait cambrioler durant les derniers mois, sauf la nôtre, notre Boxer de 90 livres (40 kilos) nous protégeait et faisait peur aux gens malintentionnés. Durant nos balades, les gens changeaient de trottoir et personne, personne n’approchait ma femme sans risquer de se faire mordre par son garde du corps velu et dégoulinant de salive (je ne parle pas de moi ici).


Bon, vous avez compris, on est de ces cons qui aiment leurs animaux plus que tout. Cela peut vous paraître stupide, mais les animaux étaient ici sur cette terre bien avant nous, bien avant qu’on les domestique, les maltraite, les utilise pour nos expériences ou pour s’amuser.


J’en viens donc au but de ce petit mot. Ce que je vois m’horripile, me rend furieux. Les gens traitent si mal leurs animaux domestiques. Par exemple, non loin de chez moi, deux chiens sont enchaînés dans la cour arrière d’une résidence. Jour et nuit, été comme hiver. Ils sont maigres, on peut voir leurs côtes, ils ne font presque pas d’activité physique et personne ne leur porte le moindre intérêt. Ma question : Pourquoi avoir deux chiens si c’est pour les remiser dans la cour? Ce ne sont pas des bibelots, des statues, des objets à exposer. Ce sont des vies, avec des sentiments, des besoins de socialisation, de contacts physiques. Lorsque j’entends la phrase malheureusement si souvent utilisée, « Ce ne sont que des animaux », j’enrage, parce que non, ce ne sont pas que des animaux. Il est prouvé qu’ils ont des sentiments, des émotions, qu’ils connaissent l’amour et l’amitié. Je voulais aider ces deux petits chiens piteux, et j’ai contacté « animal control » pour qu’ils viennent jeter un œil. Il existe des lois, des règles et laisser les deux cabots seuls sous le soleil durant des heures me semble illégal. Les agents de cette escouade canine sont venus, ils ont discuté avec le propriétaire, puis sont repartis. Comme on ne m’a pas contacté, je leur téléphone pour apprendre que tout est en règle. Ils n’ont rien fait d’illégal. Deux jours plus tard, un des chiens a disparu, sa cabane a été enlevée et l’autre cabot semble encore plus misérable, tout seul dans son coin.


Je vois des gens promener leurs animaux, les frapper pour les dompter, les faire parader selon leurs désirs, une triste imitation d’un sergent avec une recrue récalcitrante. Je vois des idiots négliger leurs chiens et cela me rend furieux. Ils ont de la fourrure, c’est donc acceptable de les laisser dehors en plein hiver sur un tas de neige pour la nuit. Bon raisonnement! Si je te mets un manteau sur le dos et te dis que tu peux rester dehors tout l’hiver, parce que tu as des vêtements adéquats et que tes ancêtres vivaient dans une caverne à longueur d’année, aimerais-tu vivre ainsi?


Souvent, ces mêmes personnes ne sont pas capables d’élever leurs propres enfants. Il devrait exister des tests pour déterminer ceux qui sont susceptibles d’être de bons parents et propriétaires d’animaux, bannir tous les autres d’acquérir de telles responsabilités.

Revenons à ce beau pays où je vis. Un pays ou presque tous les citoyens ont une arme à feu. Un pays où l’alcool et les drogues sont plus accessibles financièrement que le lait et la viande. Un pays où le droit à la liberté contrevient trop souvent au bon sens, à la logique. En 2014, malheureusement, des gens se font tuer dans un cinéma pour avoir utilisé leur téléphone cellulaire, des gens se font tuer à l’église, l’école, le centre commercial par des tireurs fous. Je vis dans un pays où la mort rôde à tout moment au bout d’un canon huilé tenu par un détraqué qui ne prend plus ses médicaments. C’est peut-être partout comme cela, mais ici, on dirait que c’est pire.


Dans ma jeunesse, mon père serait allé chez le voisin pour lui dire de s’occuper de son chien. Pour lui dire d’être un homme, de traiter les autres comme il voudrait être traité. C’est ce qu’on faisait à cette époque, on agissait sans réfléchir, pour défendre les victimes. Si le merdeux refusait d’écouter les conseils, une bonne bagarre éclatait en laissant au gagnant le droit d’avoir raison et d’imposer son idéologie. J’avoue que c’est barbare, mais comment traiter des brutes autrement? Plus maintenant. On se fait tuer dans ce beau pays pour avoir lancé un regard jugé moqueur, pour avoir dévisagé quelqu’un, pour s’être retrouvé au mauvais endroit, au mauvais moment.


Alors, cogner à la porte d’un étranger pour lui dire de bouger son cul et de s’occuper de ses animaux, c’est hors de question quand on va bientôt devenir père et qu’on veut voir grandir sa progéniture. Les autorités, vous le savez tout aussi bien que moi, ont trop souvent les mains liées, peu de pouvoir dans certains champs d’applications ou trop de pouvoir dans d’autres.


Il ne reste plus qu’une seule chose à faire, détester les connards qui maltraitent leurs animaux, les enfants, les femmes et les innocents, et souhaiter qu’Ebola s’abatte sur la terre pour purifier la population des excréments à deux jambes qui la peuplent, pour éliminer les ordures que nous devons côtoyer. Ce fléau ou tout autre fléau causera inévitablement des pertes énormes, mais c’est le prix à payer.

Levons le drapeau de ce si beau pays et célébrons la folie d’un peuple de paranoïaque et de malade.


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Published on November 02, 2014 07:57

November 1, 2014

ph’nglui mglw’nafh Cthulhu R’lyeh wgah’nagl fhtagn

la-compassion-de-cthulhu La compassion de Cthulhu de Yves-Daniel Crouzet
Résumé :

Les plus sinistres horreurs ne se cachent pas toujours au cœur de grandes et froides métropoles. Certaines îles soi-disant paradisiaques dissimulent des abominations bien plus grandes encore! Bienvenu en Martinique, l’île de toutes les terreurs!


Commentaire :

Voici une très bonne nouvelle du genre. De quel genre me demandez-vous? De ce genre morbide qu’aurait grandement apprécié l’ami Lovecraft. Nous plongeons ici dans le mythe de cette chose tentaculaire exceptionnelle qui n’a plus besoin de présentation.

Faut pas se tromper, ce n’est pas la « Petite maison dans la prairie » que vous lirez ici, mais plutôt un récit de survie, sombre à souhait, et qui nous est présenté avec une narration captivante. L’auteur utilise un langage agréable, des descriptions très vives.

Préparez-vous à faire face à une créature hideuse et légendaire. Ce récit s’ajoute aux autres textes de cette magnifique série qui ne cesse de m’étonner.


Ma note : 8.5/10


Boutique pour l’achat de cette nouvelle.


 



couv-cthulhu-d-miserque Le candidat de David Miserque
Résumé :

Tous les sondages le donnaient gagnant à la Présidentielle avant que la maladie ne brise son ascension. Mais quand on a soif de pouvoir et plus rien à perdre, on est prêt à tous les sacrifices. Une mystérieuse clinique, la clinique Howard, prend contact et lui promet un traitement miraculeux.

Il en ressortira guéri et… légèrement changé.


Commentaire :

Voici une très solide nouvelle fantastique. Le style utilisé est convaincant, réaliste et troublant. Je me suis laissé pris au piège de cette histoire, par son intrigue de candidat présidentielle. Par les rouages politiques d’un grand homme, on s’enfonce dans les méandres de la folie née d’un espoir fou. L’espoir de changer l’impossible destin.

Je retrouve ici une bonne utilisation du mythe de notre cher Lovecraft, incorporer des idées anciennes dans un texte moderne sans échouer est un bon succès littéraire.

La fin est non seulement inquiétante, elle vous fera réfléchir aux prochaines élections.


Ma note : 8.5/10


Boutique L’ivre-Book pour l’achat.


 


index Le magicien de Gaëlle Dupille.
Résumé :

Londres, 1933. Mortimer Sax n’a qu’un rêve : égaler le talent de son idole, le magicien Simon Balthazar, mystérieusement disparu 10 ans plus tôt. Aussi, lorsque Mortimer décroche un emploi de prestidigitateur au cabaret le Craft, où le Grand Balthazar connut la gloire, il pense avoir atteint son ambition. Sa rencontre avec Nina, la belle acrobate, une incroyable découverte dans l’un des murs de la chambre qu’il occupe au Craft et l’apparition régulière d’une effrayante créature dans ses rêves vont lentement changer sa vie. Peu à peu, le magicien timide et complexé va prendre de l’assurance et connaître la gloire avant de sombrer peu à peu dans la folie.


Commentaire :

J’ai vraisemblablement gardé le meilleur pour la fin. Gaëlle Dupille nous présente ici un texte qui démontre très bien qu’elle gagne en assurance et en maturité littéraire à chaque nouveau texte. Ses mots justes, ses expressions solides et son talent à toute épreuve nous préparent à un récit des plus troublantes.

L’ambiance dans laquelle nous sommes conviés, au début du siècle, est très bien rendue et il ne faut pas négliger les descriptions étonnamment précises. C’est tout un tableau qu’on nous dresse, ma question est de savoir si l’auteur a voyagé dans le temps afin d’y recueillir les détails savoureux de l’époque.

L’intrigue est fidèle au thème de la collection, c’est notre ami aux multiples tentacules qui viendra nous visiter, avec une familiarité qui vous surprendra. La montée du suspense vous forcera à poursuivre votre lecture et nous remercions Gaëlle de ne pas en avoir fait une brique de 1000 pages. Trop d’enfants auraient été négligés, des maris délaissés, des femmes esseulées au profit de la lecture enivrante.

Le magicien est une histoire d’amour, de regret, de convoitise, d’oubli et un drame humain percutant.


Ma note : 9/10


Pour faire l’achat de la nouvelle.


llllll


 


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Published on November 01, 2014 04:00

October 31, 2014

Les auteurs Francophones ont du talent !

Dans le cadre du regroupement d’auteurs « l’invasion des grenouilles », je participe à l’évènement « Les auteurs francophones SFFFH ont du talent ».


nouveau grenouille


Dans le cadre de cette super initiative, vous pouvez découvrir le premier chapitre de mon roman « Le Tueur des Rails » disponible en version numérique dans toute bonne boutique en ligne.


L’Ivre-Book pour le roman en entier.


 


Le Tueur des Rails


 


Le Tueur des Rails

Sylvain Johnson

Éditions L’ivre-Book
1

LUNDI, 28 OCTOBRE



Thomas marchait sous la pluie depuis près d’une demi-heure. Il était trempé, frigorifié et son corps tout entier était parcouru de frissons intenses. Le temps était morose, le ciel de cet après-midi froid d’octobre couvert de nuages gris. Il avait quitté la large artère commerciale presque déserte afin d’emprunter le chemin pavé menant à une vaste étendue verdâtre. Le sol était couvert de flaques d’eau et il marchait sans regarder ses pieds, sans prêter la moindre attention aux éclaboussures. Il aimait le silence, parfois interrompu par le bruit de la pluie s’abattant tout autour ou par le sifflement du vent qui s’était levé et bruissait dans la végétation de plus en plus dense, qui caressait sa chevelure imbibée, plaquée contre son front sans protection. Il avait les mains dans les poches de son manteau et un bref regard vers le ciel lui permit de prédire que l’averse allait durer. Il était tout juste quatre heures de l’après-midi et déjà l’obscurité enveloppait le paysage. Ce n’était qu’une question de minutes avant que les ténèbres ne soient complètes. Thomas avait remonté le chemin sur près d’une centaine de mètres, jusqu’à un vaste portail

métallique encadré de hautes colonnes en béton, surmontées de têtes de lions. La grille avait été fermée et une lourde chaîne en bloquait l’accès. Un bref regard à la ronde confirma au jeune homme qu’il était vraiment seul, et sans hésiter il escalada la grille. Il ne lui fallut que peu d’efforts pour franchir l’obstacle ; après tout, l’endroit recelant peu de contenu de valeur – sinon sentimentale –, la protection était minimale.


Thomas retomba lourdement sur ses pieds, dans l’enceinte même du vieux cimetière qui s’étendait presque à perte de vue. Se redressant, il tendit l’oreille, afin de s’assurer que son entrée bruyante n’avait rien réveillé. Silence. Du côté d’où il venait, seuls quelques phares d’automobiles circulant au loin sur le boulevard étaient visibles. Aucun risque de ce côté, et le fait que la grille ait été verrouillée lui garantissait que personne n’était sur les lieux. Satisfait, essuyant son visage trempé du revers de sa manche, il localisa, dans la pénombre, un point de repère qui lui avait déjà servi et se mit en marche sans perdre de temps. Il aurait pu venir durant les heures d’ouverture, mais il ne voulait pas faire de rencontres indésirables. Cette manière illicite de visiter l’endroit lui assurait une complète solitude et tout le temps voulu. Le cimetière était vaste, séparé en six sections rectangulaires. Les plus anciennes tombes, datant du début de la colonie, se trouvaient tout au fond. Les plus récentes se rapprochaient de la sortie, au fur et à mesure que l’espace était utilisé. C’était l’un des premiers cimetières de l’île de Montréal. Le champ mortuaire était parcouru de sentiers semblables à des rues portant des noms, et des numéros étaient assignés à chaque bout de terre utilisé. C’était un moyen rapide de trouver un membre de la famille ou un ami décédé. Comme une adresse. Le comptoir d’accueil offrait même des cartes détaillées indiquant les noms des secteurs. Thomas n’en avait pas besoin. Il savait très bien où il se dirigeait, puisqu’il venait ici toutes les semaines depuis plus de vingt ans. Un rituel auquel il n’avait jamais dérogé, du moins de son plein gré.


Il remonta l’allée principale, puis bifurqua à deux reprises. Au fur et à mesure qu’il se rapprochait de sa destination, une vague d’émotion grandissait et s’étendait en lui, le faisant trembler, des larmes naissantes au coin des yeux. C’était pareil à chaque fois. Il dut finalement quitter le sentier de gravier et traverser la pelouse, en direction de la tombe recherchée. Une pierre banale, comportant quelques inscriptions, mais dont la forme, la couleur et la position étaient gravées dans son esprit. Après quelques pas sur la pelouse trempée, ses souliers produisant des bruits de succion en raison de l’herbe mouillée, il s’immobilisa au numéro 23 de l’allée des Anges.


Il refusa de baisser les yeux, scrutant tout d’abord le paysage, attentif au vent qui entremêlait son chant laborieux aux sons du trafic routier, au loin. Un klaxon insistant refusait de se taire. Puis, serrant ses poings dans les poches de son manteau, il baissa lentement son regard embué, et découvrit la pierre d’un gris foncé qui portait le nom de son jeune frère, décédé vingt ans plus tôt.


Éric Pelletier 1980 — 1987.


En guise d’épitaphe, c’était tout. Aucun message, aucune autre gravure. La banalité de la pierre tombale était due à la tristesse subite et puissante qui avait pris d’assaut la famille Pelletier, lors de la disparition de son plus jeune membre. Ils ne s’en étaient jamais remis et le sujet était rapidement devenu tabou, même dans l’intimité.


Thomas prit de profondes respirations, sentit la tension se relâcher et put enfin contempler le lieu de repos de son petit frère avec plus de calme et de sérénité.


Il avait froid et ses lunettes voilées de gouttes d’eau réduisaient sa vision. Le vent augmenta en intensité et le souvenir de ce lointain été, presque trop ancien pour faire partie de cette vie présente, refit surface. C’était un élément constant de ce pèlerinage pénible, puisque la mort de l’enfant n’avait jamais été résolue, ni acceptée ni comprise. Aucun suspect n’avait été arrêté, pas même une piste à suivre. Sans hésiter, maintenant, il laissa le souvenir remonter et se revit en cette matinée caniculaire, vêtu d’une salopette en jeans, marchant le long d’une voie ferrée, tout juste derrière leur résidence de l’époque. La famille Pelletier avait eu deux garçons, fierté du père mécanicien et de la mère sans emploi, occupée à élever ses enfants. Thomas avait alors onze ans et Éric, tout juste sept. C’était un samedi, ils avaient fini de regarder les dessins animés qu’ils ne manquaient jamais au réveil. Leur père n’était toujours pas rentré ; il travaillait de nuit pour une compagnie de transport, réparant les véhicules durant les heures mortes. Les deux enfants à l’imagination fertile et fébrile avaient décidé de suivre la voie ferrée et de chercher des « trésors », ce qui signifiait à peu près n’importe quoi, du vieux vélo rouillé aux bouteilles vides qu’ils pourraient revendre. Il faisait chaud, trop chaud pour longer les rails déposés sur un tapis de pierre et les arbres de la forêt, de chaque côté de la voie, ne créaient que de brèves et inefficaces zones d’ombre. Thomas était heureux. Son statut de frère aîné lui conférait un caractère magique, sage et puissant. Il savait que son petit frère l’idolâtrait. Ils fredonnaient tous les deux des chansons tirées de leurs dessins animés préférés. Leur collecte allait bon train ; ils avaient déjà récolté quelques pièces diverses qu’ils entendaient utiliser dans leur repaire secret : le sous-sol de la maison.


Le temps filait lors de leurs aventures et de leurs expéditions, en ces années d’innocence où les parents croyaient encore qu’il était possible de laisser les enfants seuls dehors durant des heures, sans surveillance. C’était avant l’alerte Amber et les sites web diffusant les photos et les noms des prédateurs sexuels, enregistrés après leur libération dans une banque de données accessible au public. Une ère paradoxale de risque et de naïveté. Ils avaient marché, ramassé des objets divers durant une bonne partie de l’avant-midi. Éric avait quitté un moment la voie et s’était enfoncé légèrement dans le sous-bois, pour y uriner. Craintif, il avait demandé à son grand frère de rester où il était. Thomas avait patienté quelques secondes avant de reprendre la marche, non pas par impatience, mais parce qu’il voyait des pièces métalliques non loin devant lui, et il était curieux de les examiner. Il s’était éloigné, avait fouillé dans une pile de pièces rouillées d’appareils ménagers, avant de réaliser que son petit frère prenait beaucoup de temps pour se soulager. Loin d’être inquiet – il était surtout contrarié –, il fit demi-tour et regagna l’endroit où le gamin s’était enfoncé dans la végétation. Il l’appela à deux reprises, criant son nom. L’enfant ne répondant à aucun de ses appels, il eut un premier mauvais pressentiment. Puis, ses cris devinrent plus insistants et fermes, toujours sans résultat. Frustré et inquiet, Thomas se lança à la recherche d’Éric : il s’enfonça dans la végétation, hurlant son nom d’une voix de plus en plus paniquée.


Il sut que quelque chose clochait quand il découvrit la casquette rouge et l’un des souliers de son frère. Le coeur battant, il courut dans toutes les directions, fouillant la végétation du regard, soulevant les fougères, scandant le nom d’Éric, mais en vain. La peur au ventre, il prit la décision la plus difficile de sa courte vie : il devait quitter les lieux et aller chercher l’aide des adultes. Ses exhortations demeuraient sans réponse et il craignait maintenant pour sa propre sécurité. Le temps avait filé, il n’en avait plus à ce moment-là qu’une vague notion. Depuis combien de temps Éric avait-il disparu ? Marchant à reculons, progressant lentement et prudemment, Thomas rejoignit la voie ferrée. Il était convaincu que quelqu’un ou quelque chose l’observait en silence, tapi dans les buissons. Une fois à découvert, le garçon se mit à courir, paniqué, et ne s’arrêta que lorsqu’il eut rejoint la première rue adjacente au chemin de fer, celle-là même où ils vivaient. Quand il entra dans sa maison, Thomas était au bord de l’hystérie.


Il ne revit jamais son petit frère. Le corps sans vie et désarticulé d’Éric allait être retrouvé six heures plus tard. Le cadavre affichait des blessures distinctives sur les paumes et les avant-bras – signe que le garçon avait tenté de se défendre – et des écorchures sur les jambes. Sa mère, qui avait prévenu la police, s’écroula quand on lui annonça la découverte du corps de son fils ; son père rentra alors que les policiers étaient toujours sur place afin de questionner la famille. Il n’avait pas reçu le message, puisqu’il était sur la route.

La famille de Thomas ne fut plus jamais la même.

On ne retrouva jamais le tueur, malgré de nombreuses hypothèses qui ne furent, hélas, jamais étayées, faute de pistes.


***


Thomas était resté dans le cimetière longtemps. La force du souvenir et celle de ses sentiments avaient effacé chez lui toute notion du temps. La pluie avait cessé, et si le vent était toujours aussi insistant, le bruit du trafic routier s’était maintenant tu. La nuit était définitivement tombée. Émergeant de l’état de transe dans lequel il avait été plongé, il frissonna en regardant tout autour. La noirceur donnait au lieu désert un aspect macabre. Il jeta un dernier regard vers la tombe et frotta ses mains l’une contre l’autre, afin de trouver un peu de chaleur. Puis, il se détourna et s’éloigna, ressentant la même tristesse qu’à chaque fois, comme s’il abandonnait Éric de nouveau, le laissait tomber, et devenait en quelque sorte responsable de sa mort. Responsable de ses derniers instants de vie, qui avaient probablement été horribles et terrifiants. Il retourna à la grille, qu’il escalada à nouveau, retombant au sol presque sans bruit. État négligé, vêtements trempés et expression maussade : il offrait un bien pathétique spectacle, en ce soir glacial. Il se remit en marche ; il avait l’air d’un spectre cherchant à ravir les âmes des innocents durant leur sommeil.

Bien qu’il détestât voir ses facultés affaiblies, il avait besoin d’un verre.


***


Thomas marcha durant presque deux heures, hagard, tel un navire dans le brouillard. Au terme de son errance, il se retrouva à observer, de l’autre côté de la rue, une grande maison victorienne à la façade grise et au toit ocre. C’était une immense demeure, vieille, mais bien entretenue. La pelouse était déjà moins verte, prélude à l’hiver qui s’annonçait.


C’était la maison de ses parents, l’endroit où ils avaient emménagé après la mort d’Éric. Le lieu où lui-même avait logé durant cinq ans, avant d’en être expulsé de manière cruelle. Il ferma les yeux, s’adossa contre un poteau qui soutenait les fils électriques desservant la rue. Un pilier couvert de clous et agrafes utilisés pour placarder des affiches que le temps avait emportées, ne laissant que les ancres métalliques. Il prit une grande respiration, gagné par les frissons et les sanglots. La rue en cul-de-sac était déserte, hormis quelques voitures garées le long du trottoir. Dans l’habitation, quelques lumières éclairaient le balcon encombré d’articles divers. Ses parents étaient chez eux, comme tous les soirs et Thomas n’avait aucun doute sur l’état déjà avancé d’ébriété de son père. L’homme, inconsolable, s’était mis à boire après la mort de son fils ; sans raison apparente, il avait toujours préféré Éric à Thomas. Ses beuveries s’étaient multipliées et son comportement avait dégénéré : il était devenu violent et cruel avec sa famille. La vie avait changé profondément cet homme jadis si bon, si généreux et si honnête. Après le décès d’Éric, la famille – du moins ce qui en restait – avait arrêté de communiquer et de passer du temps ensemble. Ils avaient cessé d’être une famille. Sa mère continuait pitoyablement à jouer le jeu, à prétendre que rien n’avait changé, mais ses sanglots nocturnes et ses yeux cernés ne bernaient personne.


Thomas contemplait la demeure, écoutant le silence paisible de la nuit, cherchant le courage de bouger et d’agir ; quand il crut avoir atteint un état d’âme satisfaisant, il fit les premiers pas. Il traversa la rue, rejoignant le trottoir opposé, devant les marches du balcon. Il était si près du bâtiment ; c’était un sentiment étrange, à la fois révoltant et grisant. Pour la première fois de son existence, il avait l’impression de se contrôler, de posséder un certain pouvoir.


Son père ne lui avait jamais pardonné la mort d’Éric et l’avait constamment blâmé, l’accusant ouvertement d’avoir causé la perte du gamin. Les coups de poings et de pieds étaient souvent accompagnés d’insultes et d’accusations, proférées avec une haleine empestant l’alcool. Il avait enduré cela durant cinq ans, sans véritable soutien de la part de sa mère, qui n’intervenait jamais, un peu par peur d’être la prochaine victime, mais surtout parce qu’elle aimait toujours son mari et éprouvait de la pitié pour lui. Un sentiment plus fort que l’amour de son enfant, que son devoir de le protéger. Elle était peut-être encore plus pathétique que son mari.


Thomas fit les quelques pas le séparant des marches du perron fort de sa nouvelle assurance. Il jeta un bref regard autour de lui : une voiture se garait dans l’allée d’un voisin, sur la gauche. La nuit était paisible, irréelle et semblait si sereine. Il mit pied sur la première marche, se remémora les échos de la voix colérique de son père, l’accusant avec hargne d’avoir tué son unique fils. Sur la seconde marche, il revit son père jetant ses vêtements et articles personnels sur la pelouse, une bière à la main, l’écume aux lèvres et la rage dans le regard. Sur la troisième marche, c’est le rire d’Éric qui retentit dans sa tête ; celui-ci révélait que le garçon savait que tout ce que Thomas avait fait durant son existence, et tout ce qu’il s’apprêtait à faire ce soir était pour lui seul.


Maintenant directement placé sous la lumière illuminant la porte d’entrée et l’adresse scintillante accrochée au mur, Thomas hésita un instant. Il toucha sa ceinture ; ses doigts rencontrèrent la forme boisée d’une crosse d’arme à feu, dont la présence et le poids lui donnaient un courage hors du commun. Il n’avait jamais été confronté à l’homme qui l’avait poussé à l’internement. Celui qui l’avait tellement brisé psychologiquement qu’il avait dû passer la plus grande partie de sa vie d’adulte en institution, à consommer toutes sortes de médicaments et à recevoir d’interminables traitements. Ce soir, les choses allaient changer, les rôles s’inverser.


Il baissa les yeux sur la poignée en argent et entendit le son étouffé du téléviseur – sans doute un match de hockey qu’écoutait son père, en vociférant des commentaires alcoolisés. Cela lui donna une puissante nausée.


Enfin, il frappa à la porte, ses jointures résonnant contre la surface boisée avec la puissance d’un coup de tonnerre, d’un canon commémorant le jour du Souvenir. Trois coups frappés l’un après l’autre. Il attendit quelques secondes et cogna de nouveau, palpant l’arme à sa taille, dans un réflexe injustifié, puisqu’il savait que c’était sa mère qui allait répondre. C’était toujours elle qui effectuait les tâches jugées indignes du rang supérieur d’homme que s’attribuait son mari. Thomas entendit la voix rauque de son père hurler un ordre, le son de la télévision diminuer volontairement et des pas s’approcher de l’autre côté, raclant la surface boisée du plancher. Thomas recula d’un pas. L’émotion de revoir sa mère, qu’il avait souvent eu l’occasion d’épier de loin, dissimulé de l’autre côté de la rue, l’affectait. Il la détestait parce qu’elle ne l’avait jamais aidé, fermant les yeux devant les abus de son mari – elle avait même signé les papiers permettant son internement, se faisant complice du monstre – et pourtant il l’avait aimée : elle l’avait créé de sa chair et de son sang. Mais cet amour était bien loin maintenant. La poignée tourna sur elle-même, la porte bougea lentement et s’ouvrit.


L’odeur particulière de la cuisine maternelle précéda le jet de lumière venant de l’intérieur, suivie par la voix d’un commentateur sportif résumant un jeu quelconque. C’était un moment irréel, qu’il avait imaginé à de multiples reprises, mais qu’il n’aurait jamais cru avoir le courage de vivre. Enfin, avec un sourire innocent, le visage de sa mère s’encadra dans la porte, ses cheveux en bataille, sans maquillage et visiblement sur le point d’aller se coucher. Son sourire resta sur ses lèvres l’espace d’une seconde, avant que son regard bleu ne s’assombrisse, qu’un voile de ténèbres et de crainte ne couvre ses yeux. Ses lèvres se crispèrent en un rictus de honte et de peur, de regret et de colère. Derrière elle, la voix sourde de son mari demanda qui était là, faisant trembler la femme de la tête aux pieds. Elle secoua la tête de droite à gauche, avec l’air d’implorer le jeune homme de partir, de ne pas créer de problèmes. Mais Thomas ignora les muettes imprécations de sa mère et poussa la porte. Elle recula, lisant dans le regard de son fils une détermination qui la terrorisa. Alors elle fit un pas rapide vers l’avant, pour le chasser hors de la demeure mais Thomas poussa la femme contre le mur avec une telle force, qu’elle perdit pied et s’effondra. Elle était terrifiée. Thomas la toisa avec mépris. À cet instant précis, il la détesta comme jamais il avait détesté un autre être humain, plus que son père, mille fois plus. Mais déjà il se désintéressait d’elle, l’enjambant afin de se diriger vers le salon, la voix cette fois inquiète et mal assurée de son père demandant ce qui se passait.


Il avait fallu vingt ans à Thomas pour trouver le courage d’affronter son père, et rien ni personne ne pourrait l’arrêter en ce jour fatidique. Même pas sa mère.


C’était l’heure de régler les comptes.


En marchant de la porte d’entrée vers le salon, Thomas rejoua dans sa tête, en accéléré, le film des cinq derniers jours, sans coupure ni montage.

Cinq jours qui avaient suffi à faire de lui l’homme convaincu et calculateur qu’il était en ce moment.

Tout avait commencé un mercredi.


2



MERCREDI, 23 OCTOBRE


Thomas fixait le miroir devant lui et sa tête tournait. Il se tenait contre le lavabo des toilettes, dans un bar particulièrement morbide et pourtant rempli à craquer, si tôt dans la semaine. Il était tard, près de deux heures du matin, et la musique faisait rage dans l’établissement, un mélange de punk et de dance music. Le comptoir, comme le reste de l’étroite pièce, était sale, taché. L’odeur qui montait à ses narines était un mélange de sueur et d’alcool, auquel venait s’ajouter l’odeur âcre du tabac. Les nuages de fumée voguaient au rythme des portes qui s’ouvraient et se fermaient, des courants d’air frivoles. Si la nuit au-dehors était glaciale, l’intérieur était comme une fournaise, chauffé par de nombreux corps animés trop près les uns des autres. Il sentit la nausée vagabonder entre son estomac et sa gorge. Il se pencha légèrement et aperçut son reflet dans la glace, pitoyable vision qui lui causa un pincement au coeur. Il n’était pas rasé, ses cheveux, mouillés par la sueur, étaient plaqués sur son front et il avait de profondes poches sous les yeux. Il avait l’air drogué – et en fait il l’était, car il avait pris ses médicaments contre l’anxiété, dont il tenait présentement le flacon –, et pire encore : il avait beaucoup bu, ce soir, ce qui était contre-indiqué avec sa médication, de sorte qu’il était passablement ivre… et nauséeux. Son estomac vide de toute nourriture avait amplifié l’effet enivrant de l’alcool.


Thomas soupira. Il détestait ce qu’il voyait, mais plus que tout, c’est ce qu’il ne pouvait plus voir dans son visage qui l’attristait. Il aurait aimé retrouver cette étincelle d’espoir qui vacillait encore parfois dans les tréfonds de son âme. Mais elle s’était lentement éteinte, noyée un peu plus à chaque nouvelle bière.


Soudain, la porte s’ouvrit abruptement et un flot d’odeurs, de musique et de clients envahit la pièce. Deux hommes riant aux éclats se glissèrent dans une des cabines de toilette. Il les entendit rire et s’embrasser. Imaginer leurs caresses le fit sortir de sa torpeur. Il jeta les comprimés restant dans le lavabo, fit couler l’eau jusqu’à ce qu’ils soient dilués ou emportés par le flot. Puis, il empocha le contenant vide et leva les yeux sur le reflet que lui renvoyait le miroir : l’homme devant lui paraissait dix ans de plus que ses trente et un ans. Il ne portait pas ses lunettes ce soir, mais plutôt des verres de contact qui lui brûlaient les yeux, à cause de la fumée. Il avait soif d’alcool, malgré les maux physiques qui l’accablaient et bien que son corps en soit saturé. Un peu comme s’il avait voulu se noyer dans le nectar ambré et enivrant. Thomas se détourna du miroir, refusant de contempler plus longuement le résultat de son déclin. Il avait honte.


La porte s’ouvrit de nouveau sur un jeune homme ivre qui trébucha, se retenant contre le mur en riant aux éclats. Le nouveau venu voulut lever la tête et sourire à Thomas, mais un jet de vomi gicla devant lui, le courbant en deux et il s’affaissa au sol. Un de ses copains – ou un simple client entrant par hasard – se porta aussitôt au secours du jeune homme en détresse, ce qui permit à Thomas de quitter la pièce sans être remarqué. Il n’avait aucune envie d’aider qui que ce soit, il n’était même pas en mesure de s’aider lui-même.


Retournant dans le bar enfumé, il réalisa que les médicaments et l’alcool avaient sur lui un effet plus intense que prévu. Il arrivait à peine à distinguer les visages dans la masse informe qui bougeait au rythme de la musique. Seules les couleurs lui parvenaient avec clarté. Les bras tendus devant lui, il se fraya un chemin en direction du bar, qu’il savait à l’opposé de la pièce. Quelqu’un parut s’adresser à lui dans la masse, qu’il ignora, et il poursuivit sa traversée de la marée humaine, jusqu’à ce qu’il bute contre le bar. Il se retourna. Il faisait trop chaud et sa tête paraissait sur le point d’exploser. Il parvint néanmoins à trouver un tabouret libre et s’y assit. Sa vision s’améliora, et au moment où il prenait une grande respiration, afin de se calmer, quelqu’un lui toucha l’épaule gauche. Surpris, il se retourna. Une serveuse s’adressait à lui, lui demandant ce qu’il voulait boire. Elle semblait si jeune. Il n’avait pas entendu les mots, la musique était trop forte, mais il comprit ce qu’elle lui demandait. Il pointa l’une des bouteilles de bière posées sur le comptoir et elle acquiesça.


Dans l’attente du liquide bienfaiteur, Thomas examina la foule qui s’activait, ce flot continu de jeunes femmes et de jeunes hommes qui paraissaient heureux, bien portants et souvent d’une certaine beauté. Il y avait beaucoup de jeunes femmes dévoilant leurs attributs, entourées d’hommes salivant et participant à cette loterie humaine, dans l’espoir de remporter le gros lot sexuel. Parce que voilà bien ce dont il s’agissait : un groupe de prédateurs, masculins comme féminins, relâchés dans un enclos, s’examinant et se flairant. C’était un jeu conscient et probablement intéressant. Pour sa part, il n’avait ni le physique ni l’attitude pour s’adonner à ce rituel millénaire de la séduction et de l’accouplement. Il était dans la catégorie des perdants, des oubliés et des délaissés.


La serveuse revint et posa une main chaude sur son bras dénudé. Elle lui sourit avec une tendresse qui le troubla et il prit le temps de la détailler avec plus d’attention. Il voulut payer sa bière, mais elle refusa. C’est un geste qui l’émut, parce qu’il ne connaissait de la bonté humaine que ce qu’il avait lu ou vu dans les livres, dans les films et dans ses rêves. La jeune femme se détourna et se dirigea vers un autre client, qu’elle servit de manière impersonnelle. Il pouvait presque croire qu’elle avait délibérément été plus amicale avec lui.


Il l’observa, soudain tout intérêt pour la masse disparu. Elle n’avait guère plus de vingt ans et sa juvénilité, comme sa vulnérabilité, semblaient déplacées dans cet endroit. Elle aurait dû travailler dans un restaurant, ou alors fréquenter un collège. En fait, elle pouvait fort bien être encore à l’école et payer sa scolarité avec cet emploi. Elle avait une abondante chevelure noire, qui tombait sur ses épaules, un teint bronzé, de grands yeux bruns et des lèvres généreuses. Elle portait une mini-jupe en cuir noir et un chemisier blanc, ouvert sur un cou parfait et dévoilant la rondeur d’une poitrine qui n’avait pas terminé sa croissance, ou qui était simplement menue. C’était néanmoins un spectacle agréable. Elle était mince, plus petite que lui, peut-être un mètre soixante. Ses jambes étaient musclées et ses épaules délicates. Elle bougeait avec un naturel désarmant. Elle n’était pas provocante, simplement authentique, et elle était la plus rafraîchissante des visions.


Absorbé par sa contemplation, il suivait les moindres mouvements de la jeune femme, qui passait d’un client à l’autre avec un sourire professionnel. De temps à autre, elle jetait un regard furtif à Thomas, sans jamais se formaliser de l’examen dont elle faisait l’objet. Quand sa bière fut terminée, il voulut en commander une autre, mais un costaud annonça que l’établissement était sur le point de fermer et pria les clients de vider les lieux. Il n’était ni poli ni impoli, simplement ferme.


L’endroit avait commencé à se vider : la porte d’entrée, grande ouverte, laissait la fumée se dissiper, et l’air se rafraîchissant, Thomas apprécia une brise inattendue. Il reposa son regard sur la jeune femme, qui nettoyait des tables et ramassait des verres empilés et des cendriers pleins à ras bord. Lorsqu’elle releva la tête, leurs regards se croisèrent et son air sérieux fit place à un large sourire. Ce n’est peut-être que l’illusion causée par les médicaments et l’alcool mélangés, pensa Thomas. Peu importe, il était temps de quitter l’endroit.


Thomas se leva, titubant maladroitement, et trouva l’adresse et le courage pour traverser la salle sans trébucher. Il avait l’impression de se donner en spectacle, avec sa démarche alcoolisée, et il s’en voulut. Rapidement il rejoignit la sortie et jeta un dernier regard vers l’intérieur ; cette fois, il ne vit pas la jeune femme. Poussé par le flot humain qui se dissipait, il se laissa guider vers le trottoir. Au coin de la rue, à sa droite, il vit deux voitures de police, garées de manière à avoir une vue imprenable sur le troupeau humain qui se déversait dehors.


Il se mit à marcher, se sentant de mieux en mieux à mesure que ses poumons se dégageaient et que le froid le réveillait. Il longea le mur de l’établissement avant d’aboutir dans une ruelle obscure, où il décida de s’engouffrer, afin d’uriner. Il venait à peine de commencer à se soulager quand il entendit des pas – des talons hauts – résonner à proximité. Dissimulé dans l’ombre d’un conteneur métallique, il tourna la tête sans bouger son corps, afin de ne révéler sa présence à personne. À quelques mètres de lui, la serveuse s’engouffrait dans un passage, son sac à main sous le bras. Elle marchait d’un pas rapide, et il s’empressa de rentrer son engin encore dégoulinant. Il attendit quelques secondes avant de lui emboîter le pas, pour ne pas qu’elle le remarque. Il ignorait pourquoi il la suivait, mais c’était plus fort que lui. Elle lui rappelait vaguement l’actrice Éva Longoria. Une comparaison qui lui ferait sûrement fait plaisir, se dit-il.


Il fallait se décider. Devait-il suivre son intuition – son impulsion malsaine – et la filer, au risque de les mettre en danger tous les deux, en raison de son esprit malade ? Il s’était promis de ne plus jamais céder à ce démon qui le poussait à suivre des femmes et qui l’avait si souvent placé en eaux troubles. Mais elle exerçait un attrait puissant, une force hypnotique à laquelle il ne pouvait ni ne voulait résister. Il décida de la suivre, excité : cette filature imprévue et la beauté de la femme venaient de réveiller en lui ce besoin aussi impérieux qu’immoral.


La dernière fois qu’il avait cédé à son penchant pervers, quelque six mois auparavant, il avait suivi une jeune femme dans un parking de supermarché, obsédé par la jupe courte et révélatrice qu’elle portait ; une voix interne lui murmurait alors qu’elle lui était destinée, que son sourire, un instant plus tôt, était un signe indubitable qu’elle souhaitait se donner à lui. Il l’avait suivie, et derrière elle, il avait lentement zigzagué entre les voitures. Il l’avait rejointe alors qu’elle déposait ses sacs sur la banquette arrière, penchée vers l’avant. Conscient de la position de vulnérabilité dans laquelle elle se trouvait, mu par une pulsion sexuelle puissante, il s’était préparé à fondre sur elle, tremblant, quand il avait soudain réalisé qu’une vieille dame se trouvait dans la voiture voisine, le regardant avec méfiance. La stupeur devant ce qu’il s’était apprêté à faire l’avait conduit à déguerpir, paniqué et en furie. Il avait couru longuement, trouvant refuge dans les toilettes d’un restaurant, où il avait pleuré de rage, d’impuissance devant son désir et d’humiliation.


C’était la peur d’un autre épisode de la sorte qui le gagnait. Ce désir sexuel puissant, qui coulait en lui comme un tsunami de perversion. Il détestait son obsession du corps féminin, et il méprisait encore plus sa solitude et son incapacité à avoir une petite amie, une partenaire avec qui savourer l’intimité. Il réalisa que la jeune femme qu’il suivait avait bifurqué, s’engageant dans une rue perpendiculaire qui remontait en direction du quartier Mont-Royal. Ils étaient seuls dans les rues désertes, quelques timides lumières oubliées vacillant à des fenêtres, le trafic routier presque absent. Elle marchait rapidement et il dut accélérer le pas afin de ne pas la perdre. L’exercice et l’air frais lui faisaient un bien incroyable, sa vigueur s’était restaurée, tout comme son acuité mentale. Avec le Mont-Royal en toile de fond, il progressait rapidement et discrètement, puisque jamais elle ne se retourna. Quelques voitures klaxonnèrent en passant près d’elle, des hommes lançant des remarques salées et d’autres des commentaires honteux, mais jamais elle ne ralentit le pas. Elle semblait déterminée à se rendre quelque part, sans doute chez elle.

Ils marchaient depuis peut-être une heure, dans l’obscurité angoissante, quand la femme se mit à ralentir ; Thomas réalisa qu’elle tenait quelque chose à la main, qu’il n’avait pas remarquée auparavant. Il dut lui-même diminuer son rythme et passer sous le couvert d’un arbre puis d’un autre, ces derniers bordant les deux côtés de la rue résidentielle. Les maisons étaient d’époque, transformées en appartements à deux ou trois étages. Datant de l’ère industrielle du début du siècle, alors que les préoccupations économiques prévalaient, les architectes avaient conçu un nouveau mode de bâtiment, tout en longueur et tout d’un bloc, avec une façade qui s’étendait d’un coin de rue à l’autre, économisant le chauffage qu’aurait créé une rupture entre les logements. De nombreux escaliers en colimaçon montaient aux étages, surplombant un mince espace de verdure qui donnait l’illusion d’avoir du terrain. Cette architecture était typique du quartier et lui conférait un certain charme, puisque les façades étaient peintes de multiples couleurs vives, donnant de la chaleur à ces structures centenaires.


C’était devant l’une de ces maisons que la jeune femme venait de s’immobiliser. Thomas resta en retrait, dissimulé derrière un immense érable aux branches dénudées. Il cessa à son tour de bouger. La jeune femme, dans l’ombre, s’était retournée afin de faire face à la maison. Elle demeura ainsi durant presque une minute, avant de déposer au pied d’un arbre ce qu’elle avait tenu dans ses mains. Se relevant aussitôt, elle jeta cette fois un regard à la ronde et il eut le temps de se glisser complètement derrière l’arbre qui lui servait de bouclier. Il cessa de respirer, tendu, et patienta quelques secondes. Il craignait d’avoir été découvert. Il entendit alors les pas de la femme s’éloigner, claquant contre le pavé et il tenta un coup d’oeil timide, réalisant qu’elle s’éloignait du même pas rapide qu’auparavant. Il n’y avait aucune lumière dans les fenêtres bordant la rue, tout semblait désert, hormis les voitures stationnées. Reprenant sa progression d’espion, il rejoignit discrètement l’arbre où elle avait laissé ce qu’elle avait transporté : un bouquet de tulipes.

Il jeta un oeil dans la direction de l’appartement, n’y décelant rien de particulier. Il était pourtant manifestement spécial pour elle. Désireux de ne pas la perdre, il mit cette question de côté et reprit sa filature…



Pour pouvoir lire la suite, vous pouvez l’acheter ICI.


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Published on October 31, 2014 17:12

October 28, 2014

October 25, 2014

Chroniques de l’Armageddon par J.L Bourne tome 1

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Un autre livre de zombies. Parfait comme lecture juste avant l’Halloween. Quoi de mieux que des morts vivants et de la violence pour célébrer cette grande fête commerciale qui rend les dentistes et les vendeurs de cochonneries sucrées, tout comme ceux de costumes ridicules, juste un peu plus riche !


Résumé :

« Mes chers concitoyens, j’ai le regret de vous annoncer qu’en dépit de tous nos efforts, les mesures de confinement mises en œuvre n’ont pas permis d’enrayer l’épidémie. Essayez de conserver votre calme. D’après les rapports, cette maladie se transmet par morsure ou griffure profonde d’un individu infecté. Les personnes contaminées décèdent rapidement, mais se relèvent dans l’heure et partent à la recherche d’humains. Puisse Dieu nous venir en aide. » Vous tenez entre les mains le journal de l’un des derniers rescapés l’apocalypse zombie. Que ces quelques notes vous viennent en aide si vous aussi avez le malheur de faire partie des survivants… »


Commentaire :

C’est un livre acheté il y a bien longtemps et que j’avais oublié dans les tréfonds obscurs de ma tablette très bien alimentée. C’est une traduction. En fait, c’est très facile de s’en rendre compte, puisque certaines de ces traductions sont douteuses et des expressions qui auraient mérité qu’on s’y attarde un peu laissent à désirer. En plus, on dirait que les Français acceptent des termes anglais plus facilement que les Québécois. En plus de fautes d’orthographe que j’ai remarquées, moi l’homme aux millions de fautes qui plaide coupable et accepte d’être lapidé sur la place publique.


Le journal est écrit avec simplicité, soit on a voulu nous convaincre qu’il ne fut pas écrit par un écrivain, mais plutôt par le personnage principal ou c’est son style d’écriture très simpliste.


Le survivant est un militaire confronté à un holocauste de zombies affamés qui grognent et qui bavent, qui errent partout à la recherche de nourriture humaine à dévorer. Rien de nouveau sous le soleil, ou presque. J’ai toutefois été suffisamment captivé pour en terminer la lecture. Je crois que l’élément plus militaire de l’action, puisque le héros principal et l’écrivain sont des soldats, nous permet de dévier quelque peu du récit classique. On y retrouve toutefois la panoplie des éléments habituels du genre.


C’est néanmoins une lecture que je conseille, en particulier, pour ceux qui aiment les zombies et je sais très bien que vous êtes là, quelque part à espérer une fin du monde similaire pour pouvoir tester vos capacités de survie.


Ma note 7.5/10

En plus, j’ai aussi les suites qu’il va falloir un jour lire!


Liens utile:

L’éditeur de Chroniques de l’Armageddon : Panini Books France.


Classé dans :Lectures
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Published on October 25, 2014 07:25

October 24, 2014

Pourquoi écrire?

Pourquoi écrire?


C’est une question que je me pose souvent. Alors, j’ai décidé d’y répondre. En toute honnêteté, juste pour m’amuser.


Pourquoi écrire?


Parce que je ne sais rien faire d’autre.


Je ne peux pas devenir joueur de hockey, car je ne patine pas bien. Joueur de football? Je suis trop petit. Danseur professionnel? Mon corps est génétiquement programmé pour refuser toute manifestation physique en harmonie avec tout genre de musique – en bon français, je suis incapable de suivre le beat. J’ai travaillé dans des salles de courriers, des bureaux d’avocats, des entreprises privées pour découvrir que mes patrons me voulaient plus ambitieux dans des emplois temporaires qui ne me motivaient aucunement. J’étais heureux au bas de l’échelle, avec des tâches simples et régulières.


Pourquoi écrire?


Parce que je ne ferais pas une bonne prostituée, je n’avale pas facilement et j’ai une peur folle de tout ce qui ose s’approcher de mon orifice arrière – il faut s’entendre, le mien est destiné à évacuer des choses, non pas à l’insertion forcée et douloureuse d’objet ou de membres humains chauds indésirables. Les suppositoires sont acceptés après une caisse de bière.


Je serais le pire des policiers, soldats ou mercenaires. J’ai la gâchette facile, j’ai horreur des situations où l’autorité est bafouée. Toute opposition et moquerie à mon égard entrainerait une fusillade. Il me faudrait vider tous mes chargeurs dans la gueule de l’insolent.


Mécanicien, plombier, massons ou docteur?


Mon incapacité à faire la moindre réparation, modification, restructuration ou amélioration de tous objets petits ou grands est légendaire. Donnez-moi un grille-pain défectueux, je le démonte pour en faire un tas de pièces métalliques impossible à remettre en ordre, cela après faillit mettre le feu à la maison, me couper l’index et détruis la moitié du garage.


Politicien?


Je l’ai déjà dit, je ne ferais pas un bon prostitué et le crime n’est pas mon affaire.


La liste continue et à la fin, je me rends compte d’une chose :


Écrire est ce que j’aime, ce qui me motive, me fait plaisir et me donne le sourire.


 


Classé dans :Commentaire général
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Published on October 24, 2014 05:00

October 20, 2014

Lecture : Le Monde de la Terre Creuse – 1 – Svastika

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 L’auteur :

Alain Paris est un écrivain français. Il commence à publier des romans dans plusieurs genres dans les années 80, en particulier la science-fiction, la fantasy et le roman historique. Il a écrit une dizaine de romans de SF avec Jean-Pierre Fontana. Il est connu pour avoir écrit de 1988 à 1991 une série uchronique de dix volumes, Le Monde des terres creuses (Svastika, Seigneurs des runes,…). Il a aussi écrit une série de fantasy, des romans historiques et des scénarios de bande dessinée.


 Résumé :

Le Reich a 799 ans. Pour célébrer les fêtes du huitième centenaire, les principaux seigneurs et junkers de l’empire se rendent à l’Obersalzberg. Des délégations des royaumes qui se partagent la Terre avec le Reich sont également invitées à cette cérémonie. C’est un long voyage pour le Graf Ulrich von Hagen, maître du Domaine de Voroniklovo, son fils Arno et sa suite. Un voyage attrayant et tranquille qui se déroulera dans une ambiance de fête. Malheureusement, une fois sur place, les évènements ne se dérouleront pas comme prévus…


Profitez de cette réédition numérique du Monde de la Terre Creuse d’Alain Paris pour vous plonger dans cet univers de fantasy uchronique fascinant.


 Ce que j’en pense :

Alain Paris nous entraine dans un monde post-apocalyptique où des éléments d’un passé révolu et d’un présent redéfini se mélangent. Plusieurs décennies se sont écoulées depuis une attaque nucléaire d’envergure, la population mondiale s’est peu à peu renouvelée. Les humains de cette époque vivent à mi-chemin entre une société médiévale d’agriculture et des parcelles timides du modernisme dont nous sommes aujourd’hui les prisonniers.


L’auteur ne perd pas de temps, il nous plonge rapidement dans le contexte de son monde fantaisiste sans trop de dépaysement. En fait, il ne manque pas de nous instruire au fil des pages sur les coutumes et croyances des personnages. Son écriture est simple, mais très efficace et elle parvient à nous faire oublier les noms imprononçables de certains lieux et personnages.


J’ai beaucoup apprécié la place laissée dans l’histoire à l’aspect politique, diplomatique et social de cette société à saveur féodale.


Le roman m’a captivé du début à la fin, par la suite d’actions et d’intrigues impliquant les protagonistes du récit, une trame de complots et de paranoïas. L’auteur nous surprend avec l’intrusion d’une véritable bombe dramatique dans son histoire, des scènes bien écrites et qui permettent au lecteur de s’abreuver du malaise des personnages, de ressentir leurs souffrances.


Il ne reste plus qu’à attendre la suite de ce qui se présente comme une véritable épopée historique, futuriste et fantaisiste. Le but ultime de cette première partie est réussi, soit nous forcer à vouloir poursuivre l’aventure.


Ma note : 8/10

 


Site de l’éditeur : L’ivre-Book.


 


Classé dans :Lectures
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Published on October 20, 2014 11:15

October 18, 2014

Lecture de Skintrade de George R.R Martin.

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Résumé :

Il fut un temps où cette ville était au centre du monde. Un temps où sa puissance se nourrissait du sang et du fer. Mais aujourd’hui elle n’est plus que rouille et elle attend la ruine. C’est un territoire parfait pour Willie Flambeaux et Randi Wade. Lui est agent de recouvrement, elle, détective. Mais lorsqu’une série de meurtres particulièrement atroces ensanglante cette ville qu’ils croyaient si bien connaitre, ce n’est plus dans le labyrinthe des rues qu’ils auront à mener l’enquête, mais dans les recoins les plus sombres de leurs propres passés. Là où se cachent leurs plus grandes peurs.


 Ce que j’en pense :

Je vais faire une déclaration-choc : je n’ai jamais visionné le moindre épisode du trône de fer. Il faut avouer que les bandes-annonces entrevues, les commentaires et critiques lues sont pour la plupart élogieuses. C’est aussi mon premier George R.R Martin. Il y a un début à tout, non?


Skintrade est un court roman. Une histoire qui se veut un mélange de fantaisie et de policier, de fantastique. On y retrouve une détective privée qui accepte une affaire douteuse d’un copain assez louche lui-même. Cette nouvelle affaire dont elle hérite, bien malgré elle, fera ressurgir des éléments presque oubliés de son passé. Le personnage féminin principal n’échappe aucunement à l’éternelle rengaine de la détective privée qui refuse de vendre son intégrité pour devenir policière, qui préfère broyer du noir dans la solitude de son état mental douteux.


Son père, bien des années auparavant, fut tué en service. Elle ne s’en est jamais remise.


C’est une histoire bourrée de cliché, où on nous révèle trop rapidement l’identité de cette chose énigmatique qui tue les gens. L’effet est celui d’un ballon qu’on dégonfle, toute intensité et curiosité s’en trouvent ainsi réduite.


Vraiment pas ma meilleure lecture des derniers mois. La fin est abrupte, donne l’impression de laisser trop de choses en suspens, à moins que cela soit le but énigmatique de l’auteur. Je me permettrais alors de demander pourquoi ?


J’ai toutefois aimé parcourir le dossier Martin qui vient avec le texte, ce qui nous permet de mieux faire la connaisse de l’écrivain et de son parcours littéraire.


Je lui donne une note de 6.5/10 et cela m’attriste, en particulier lorsque je dois le faire pour un écrivain de sa trempe.

Site de l’éditeur francophone


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Published on October 18, 2014 05:25

October 12, 2014

Le tueur des rails, de Sylvain Johnson, éditions L’ivre-book

sylvainjohnson:

Super critique du « Tueur des Rails » par l’écrivain Sébastien Tissandier.


Publié initialement sur Sébastien Tissandier Ecrivain :


le-tueur-des-rails



Ce roman m’a été proposé à chroniquer dans le cadre d’un partenariat avec le forum Au cœur de l’imaginarium, que je remercie beaucoup pour cette expérience de lecture.



Résumé de l’éditeur :



Thomas et Lilly. Deux êtres marqués par l’horreur du meurtre violent d’un de leurs proches. Deux êtres brisés que rien ne destine à se rencontrer, dont la vie échevelée s’est déroulée d’alcool en internements, d’enquêtes en obsessions, de violences en dépressions.

Pourtant, la vie – les hasards existent-ils ? – les réunit quand surgit le Tueur des rails, mythique psychopathe qui échappe à toutes les polices depuis des décennies, semant la mort au hasard de ses errances à bord de trains de marchandises…

Mon avis :

etoiles




C’est un thriller haletant, nous plongeant dans les méandres de la psychologie humaine, que nous propose Sylvain Johnson.


On ne peut pas ressortir indifférent de cette lecture : immergé dans le…



Voir l’original 323 autres mots


Classé dans :Uncategorized
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Published on October 12, 2014 07:21

Anatomie d’un tueur !

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Durant plusieurs jours, j’ai tout tenté pour éviter ce face à face, sans parvenir à mes fins. Il me fallait bien assumer mes responsabilités d’enquêteurs au service des homicides. Prendre place de ce côté-ci de la table boisée, raide et nerveux sur la chaise froide, m’offrait l’étrange sensation d’être vulnérable. Faire face à cette limace accusée d’avoir mis fin à plusieurs vies humaines avec une violence inouïe me troublait, me fascinait aussi un peu.


Dès mon lever, le matin même, tout s’était mis à aller de travers. D’abord, le rasage qui devint une séance de torture, me laissant avec le cou tailladé, le visage à la peau irrité et les nerfs en boule. La voiture, bien que neuve, refusa de démarrer et le métro bondé m’accueillit comme une vulgaire prostituée sale et vorace. Les gens puaient, me poussaient, prenaient trop de place et étaient trop bruyants. La laideur quotidienne de la ville et de cette humanité qui m’entourait, dans le sous-sol de la ville, me rendit rapidement malade. Je risquais ma vie à protéger ces gens, ces êtres pitoyables et frisant l’indécence. Il fallait se questionner : comment une race aussi belle et pure à l’origine, prétendant encore aujourd’hui à un rôle de créature suprême sur le globe pollué, en était-elle venue à s’enlaidir ainsi, s’appauvrir mentalement, physiquement et génétiquement? Ils se tuaient à coups de nourriture avariée, de manque d’exercice et d’activités électroniques débilitantes.


Pour éviter la rencontre matinale, j’ai prétexté des malaises inimaginables, exotiques, des maux internes irréversibles, incurables et aux noms imprononçables. Il n’y avait personne pour m’écouter ou me croire, personne ne voulait ma place ou jouer mon rôle. Cette petite parcelle lucide de mon cerveau réclamait la confrontation avec l’être abominable qui m’attendait au poste, cherchant à lutter contre mon désespoir et ma peur. Cette morbidité interdite ne cessait d’éveiller la curiosité du voyeur et du profiteur en moi, elle m’entraînait trop souvent dans les bas-fonds obscurs de ma conscience.


L’idée farfelue de relire l’épais dossier de la chose assoiffée de sang me vint, c’était une pathétique tentative de me calmer, de maitriser mes tremblements. Je pris le temps d’étudier les détails de tous ces meurtres, que je connaissais très bien, pour les avoir notés sur les documents. C’était moi qui avais relevé les dépositions de plusieurs témoins, retranscrit les rapports préliminaires et définitifs du service scientifique, balistique et du coroner. J’ai revisité les scènes de crimes en revoyant les photographies, des tableaux crus où dominait le rouge dans toutes ses glorieuses teintes. Se posaient sur moi les regards vides et brisés de celles qui n’étaient plus, dont les corps pourrissaient déjà sous terre, dans ces cercueils qu’on avait gardés fermés pour éviter aux familles des spectacles dégradants.


Le nombre connu des victimes de ce monstre me donnait des étourdissements, la rare violence des actes perpétrés sur ces corps chauds cherchant à se retirer de son emprise donnait à réfléchir. Aucun autre détective n’avait accepté de prendre cette affaire, puisque les images de ces horreurs finissaient par s’imprégner dans le cerveau, sur les rétines, creuser la conscience pour y semer une récolte de cauchemars et de sueurs froides. Les images qui défilaient sous mes yeux, avant de les remettre dans le dossier, me hantaient jour et nuit, comme des spectres s’acharnant à dépeupler un vieux manoir abandonné de ses nouveaux occupants indésirables.


Les visites essentielles et obligatoires sur les scènes de tout nouveau crime étaient de longues séances de tortures mentales. Peu s’y habituaient. Il fallait pénétrer dans les pièces sombres imprégnées des horreurs qui s’y étaient déroulées, circulé dans le repaire ou le dépotoir humain d’une chose sans sentiments, sans crainte, sans culpabilité. C’était aussi revivre les derniers moments de ces femmes esseulés dans la folie tangible d’un destin combien tragique! Imaginer leur terreur, leurs supplications, les excréments et l’urine, les larmes et la trop réelle agonie. Poser le pied sur le même sol que le meurtrier, souvent quelques heures à peine après son crime, offrait au témoin une perspective visuelle et émotionnelle qui choquait. Les regards des victimes scrutaient le néant des murs sales et couverts de graffitis, tandis que les membres tendus et figés dans une pose impossible signalaient à quel point la fin avait été atroce.


Le moment de cette rencontre était enfin arrivé. Il me fallait respirer le même air vicié que cet être détesté, malade et incompris. Tout cela me donnait la nausée. Devant moi se tenait un homme capable de détruire des vies, de broyer la chair, de vider le crâne de toute sa matière pour s’en sustenter, tout en maintenant une érection. Le regard qui croisait le mien n’avait pas seulement contemplé l’horreur suprême, mais l’avait perpétré avec une joie enfantine. Son sourire me donnait envie de le frapper, de lui cracher au visage. Je me mis à penser à l’arme à ma ceinture, pour aussitôt l’oublier en voulant éviter des conséquences désastreuses. J’avais une envie folle de lui réciter les noms de ses victimes : Mélanie, Johanne, Julie, Gabrielle, Morgane et toutes les autres. J’étais tenté de lui jeter les photographies au visage et de lui demander pourquoi. Pourquoi toute cette souffrance infligée à ces pauvres femmes innocentes, vulnérables, fragiles qui avaient eu le malheur de croiser son existence?


Se retrouver seul devant un tel individu était une expérience des plus marquantes, blessante et détestable.


C’est en frissonnant que je tentais de deviner ce qui se tramait derrière ce regard dément. Rêvait-il aux outils luisants avec lesquels il avait labouré les orifices sanglants de ses victimes, sous leurs cris répétés? Revivait-il le moment exaltant de la chasse, des filatures nocturnes dans les ruelles sombres, les entrées par effractions dans leurs appartements pour les enlever? Jouissait-il à l’évocation du démembrement final?


Le monstre était silencieux. Il me souriait avec une arrogance moqueuse, et je restais muet, intimidé par sa présence et son charisme.


J’entendis de légers coups frappés sur la porte entrouverte de la salle d’interrogation, mais je refusais de tourner le dos à ce monstre, ce boucher tant redouté des masses. Un de mes subalternes se racla la gorge avant de m’annoncer d’une voix grave :



Ils en ont trouvé une autre!

Ces mots me glacèrent d’effroi et me secouèrent de la tête aux pieds. Mon collègue se retira en traînant les pieds, tandis que je fixais le meurtrier devant moi, ce fameux tueur en série, cette bête insatiable qui ne cessait de me défier de son impassibilité exaspérante.


Puis, avec lenteur, j’abaissais le miroir que je tenais d’une main tremblante, dévoilant la chaise vide qui me faisait face.


 


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Classé dans :Le tueur des rails
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Published on October 12, 2014 05:30