Laurent Kloetzer's Blog, page 32

June 11, 2018

Les carnets de Cerise T1 à T5 - Aurélie Neyret et Joris Chamblain

Cerise est une fille de dix ans vivant dans une petite ville en compagnie de sa maman toute seule. Avec ses deux meilleures amies, Line et Erica, elle enquête sur des gens aperçus dans la rue et cherche à percer leurs mystères. Chacun des cinq albums relate une enquête différente, sous la forme d'une bande dessinée aux dessins chaleureux et doux mais aussi à travers les pages avec textes et dessins des propres carnets de Cerise.La grande réussite de cette série repose autant sur le dessin, semi-réaliste et faussement simple que sur l'écriture, très juste dans sa description de la vie, de la psychologie et des pensées d'une enfant de dix à douze ans. Après des premières histoires assez gentilles, les récits prennent une tournure plus dramatique, avec des souvenirs enfuis, des remords des adultes, des non-dits, qui débordent sur la vie des enfants. Même si je n'ai jamais été une jeune fille de dix ans, la vision enfantine de la vie m'a paru très juste, avec ses joies, ses passions, ses douleurs et ses contrariétés. Le monde de Cerise n'est pas celui, très cru, des carnets d'Esther par exemple. On est dans un univers plus onirique, sans drame social, une enfance douce entre famille, amies et voisins, avec des mystères et des aventures.Les livres sont très beaux, très bien édités, avec une identité graphique forte. Les histoires sont toujours intéressantes et souvent émouvantes, reliées les unes aux autres pour former un grand tout. Rosa et Marguerite ont beaucoup aimé, et moi aussi.
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Published on June 11, 2018 23:33

June 10, 2018

Lire Hildegarde #1



Hildegarde, de Léo Henry, est un livre composé de livres. Des histoires qui tissent des histoires qui font vivre un monde à la fois proche et lointain. Le moyen-âge au bord du Rhin, le temps du Saint-Empire romain germanique, des luttes de pouvoir entre le pape et l'Empereur. 
Cologne (premier livre) : on y fait la connaissance de sœurs peu éduquées qui triment dans un paysage ingrat. On a avec elle mal aux mains, aux pieds, au dos. Les sœurs triment et rêvent et voient parfois : onze mille vierges sur onze nefs merveilleuses, portées de la Bretagne, celle d'Hadrien, jusqu'au Rhin, baptisées toutes ensemble. S'animent les panneaux du retable de Sainte Ursule et ces petites figures dignes prennent vie, tremblent et se réjouissent et meurent massacrées par les Huns. Mais pour que le retable soit peint il faut que l'histoire naisse et soit composée et assemblée et soutenue par des trouvailles (des os, des pierres tombales) dans la ville de Cologne. Nous assistons à cette naissance et nous rencontrons une première visionnaire, Elisabeth, dévorée par ses visions, qui semble extraire de son propre corps, de sa douleur, la connaissance sur les mythes et l'au-delà. 
Premier livre: la terre lourde sous nos pieds, la fatigue des jours, les histoires qui nous baignent et qui parfois éclosent.

 


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Published on June 10, 2018 22:10

June 7, 2018

Totto Chan – Tetsuko Kuroyanagi

Ce petit livre remarquable contient les souvenirs d'enfance de Tetsuko Kuroyanagi, animatrice japonaise de talk shows, qui nous raconte son école quelque part dans les années 1940. La petite Tetsuko, dite Totto-Chan, était apparemment une enfant sympathique, très vive, mais pas très adaptée à la rigueur de l'école japonaise. Ses parents lui ont alors trouvé une école atypique, organisée par M. Sôsaku Kobayashi, installée dans d'anciens wagons de chemin de fer rassemblés en cercle.Dans les courts chapitres de ce livre, la femme redevenue petite fille nous raconte ses souvenirs et ses émerveillements d'écolière épanouie par la pédagogie audacieuse (même de nos jours) de M. Kobayashi dans son école de Tomoe. Musique, écologie, bricolage, apprentissages libres, attention portée aux enfants différents (notamment malades ou handicapés...), l'école de Tomoe semble avoir été un paradis des enfants et une expérience éducative unique, détruite par les bombardements de la guerre (les enfants avaient été évacués) et jamais reconstruite. La force du livre est de faire revivre ces souvenirs heureux (sans cacher les difficultés) et, pour madame Kuroyanagi, de rentre hommage à son ancien directeur d'école. Une très belle lecture, partagée par toute la famille. Merci Nayuta !

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Published on June 07, 2018 13:22

June 6, 2018

Private Property – Leslie Stevens

Années 50, Californie. Deux losers suivent une belle femme aperçue à une station service et l'espionnent, avec l'idée de l'un des deux que l'autre puisse coucher avec elle. Ce petit film est un thriller en quasi huis-clos, avec une villa avec piscine espionnée depuis une maison abandonnée et la silhouette d'une belle blonde en maillot de bain. Tout l'intérêt du film, et tout le malaise qu'il génère, vient des tensions sexuelles, toujours présentes à l'écran et jamais dite. Désir des truands pour la belle bourgeoise esseulée. Désir sexuel inassouvi de la dite même que son mari est incapable de voir. Troubles homosexuels entre les deux baltringues. C'est filmé et joué avec talent. Pour le reste, une fois la situation posée, l'évolution est prévisible, et l'ensemble, assez glauque.
 

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Published on June 06, 2018 13:08

June 4, 2018

Isle of dogs – Wes Anderson

On est allés voir Isle of dogs et on a aimé. Ceux qui n'aiment pas le cinéma de Wes Anderson, hyper formel, plein d'astuces, de petites boites et de bricolages, n'aimeront pas. C'est encore plus andersonnien que ses films précédents. C'est un film d'animation, meilleur que Fantastic Mr Fox et pas spécialement pour enfants, malgré les chiens aux yeux doux. Ça se passe dans un Japon réinventé plein de japonaiseries, il y a une scène de préparation de sushis impressionnante, des citations dans tous les sens, des scènes d'action très cool et une ancienne chienne de concours qui fait des trucs (mais il faut imaginer la boule de bowling en équilibre sur ses pattes arrières). Bref.




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Published on June 04, 2018 12:59

May 30, 2018

Una giornata particolare – Ettore Scola


8 mai 1938, à Rome. Le jour où Adolf Hitler est reçu en grande pompe par Benito Mussolini. L'immeuble moderne de la viale del XXI Aprile est déserté par tous ses habitants: la population entière est invitée à assister à cet évènement historique.Volumes vides de l'immeuble. Cages d'escalier vitrées. Cour déserte. Restent, en tout et pour tout, trois humains dans le grand bâtiment. La concierge affreuse, qui installe sa chaise et sa radio dans la cour (et ainsi le son de la retransmission de l'évènement résonne partout dans le bâtiment). Antoinetta, mère de six enfants et épouse de fonctionnaire, qui a habillé toute sa famille de petits fascistes pour les préparer au Grand Moment. Et Gabriele, le locataire du sixième, ancien speaker à la radio, qui se prépare à se tirer une balle dans la tête.Après, reste un dispositif minimal : deux humains, leurs corps, leurs visages. Deux appartements. Le temps changeant, dehors, et en arrière son les exclamations lyriques de la radio. Cela pourrait être théâtral et c'est du grand cinéma: les visages, les regards, les plans dessinés, tout le temps, l'espace de l'immeuble comme une coquille vide. Les acteurs sont très beaux, tout le temps. La souffrance affleure, on a peur pour eux, pour les vies suspendues, et on retient notre souffle pour que l'instant de grâce que vivent Antonietta et Gabriele se prolonge. 

 
Pour mémoire : le strabisme de Mastroianni, les yeux en amande de Sofia Loren. La scène d'ouverture où se révèlent les enfants. La représentations, très juste et cruelle, du travail domestique. L'attention accordée par le film aux petits gestes quotidiens. Les couleurs passées, à la fois douces et tristes. La pluie qui alourdit les drapeaux.
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Published on May 30, 2018 12:51

May 28, 2018

Sombre sentier – Dominique Manotti

Paris, début des années 80. Les ouvriers turcs exploités par les ateliers clandestins du Sentier s'organisent et demandent des papiers et des droits. Dans un atelier, une jeune prostituée thaï est retrouvée morte. Le commissaire Théodore Daquin est installé dans le quartier pour tenter de démonter un trafic d'héroïne.A partir de ces trois points d'entrée, Dominique Manotti monte un roman d'enquête policière minutieux et passionnant. Par sa description des mécanismes sociaux, des relations entre les enquêteurs, des mœurs des policiers. On suit avec intérêt la progression de l'enquête et la lutte sociale des Turcs, la manière dont les relations entre la France, l'Iran et la Turquie influencent une affaire sordide basée dans les arrière-cours et les appartements de ces immeubles autour de la rue d'Aboukir.Tout comme pour Or noir, le roman est sec et intellectuel. Je trouve toujours que ce qui relève de la vie privée de Daquin sonne plutôt faux; peut-être suis-je aussi gêné par le fait que le "héros" est un type plutôt antipathique. Mais ce sont de petits défauts à côté de la qualité du tableau, riche et animé, qui nous est fait du lieu et de l'époque. 
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Published on May 28, 2018 23:49

May 27, 2018

Un pont sur la brume – Kij Johnson

Dans cette novella de Kij Johnson (la même auteure que pour cette intéressante lovecrafterie), on voit un architecte venu de la capitale impériale passer plusieurs années de sa vie au bord d'un mystérieux fleuve de brume pour y diriger la construction d'un pont qui reliera l'est et l'ouest de l'Empire. Malgré le cadre de fantasy du récit, on est dans un décor "réaliste" où l'on va s'intéresser aux gens, aux métiers, à la manière dont la construction de ce nouvel ouvrage d'art va affecter leurs vies. Le livre est joliment écrit, le récit amené avec délicatesse, et ça ne m'a pas du tout intéressé, parce que c'était de la fantasy et que tout était inventé. La construction d'un pont imaginaire ne m'implique en rien du tout. J'aime la belle ingénierie, j'aime les histoires de travaux gigantesques, peut-être parce que ça implique de vrais gens, des ressources, des pays, une histoire que je peux apprécier dans toute sa profondeur.Ici, rien de tel. Malgré tout l'art de l'auteur, le monde resté survolé, et, à vrai dire, ça ne m'intéresse pas tellement qu'elle l'approfondisse. Ce petit livre n'était pas pour moi.

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Published on May 27, 2018 21:59

May 3, 2018

Beethoven à l'OCL

J'ai déjà essayé de chroniquer de la musique classique et ce n'est pas facile, parce que je ne suis pas musicien et que parler de la musique avec nos simples mots n'est pas évident. Essayons toutefois car j'ai envie de me souvenir.Retour à un concert de l'OCL pour écouter le double concerto pour cordes, piano et timbales de Bohuslav Martinu (oui, je sais, on dirait presque un nom inventé de pièce classique chiante) et surtout la symphonie n°9 de Beethoven.Programmer quelque chose en première partie de la neuvième était assez casse-gueule. Le choix de Martinu se défend bien: cette pièce courte écrite par un Tchèque exilé en Suisse en 1938 est un morceau expressionniste, plein de surprises et d'angoisses, parfois terrifiant, avec une instrumentation surprenante: un double ensemble de cordes, des timbales très présentes et un grand piano utilisé presque seulement comme instrument percussif (ça veut dire qu'on tape dessus pour faire des grands blang pour marquer des temps de la musique).
La neuvième symphonie de Beethoven est une des pièces classiques les plus connues au monde et aussi ma préférée. Je l'ai écoutée enfant au walkman sur une cassette audio avec du souffle dans mon lit avant de dormir (interprétation de Karajan). Ca a été ensuite mon tout premier CD (Harnoncourt, que j'aime beaucoup). Je la connais très bien, cette musique a toujours été là pour moi. Je ne l'avais pas réécoutée depuis plusieurs années.
J'expédie toute de suite les détails du concert: Joshua Weilerstein était très bon, l'OCL précis et en place, comme toujours, le ténor qui lance le O Freunde absolument parfait, le chœur pas tout à fait au niveau mais tenant sa place. Bref, c'était bien.
J'appréhende toujours un peu les concerts de musique classique: on paye cher pour de la musique compliquée qui fait parfois un peu bailler. J'ai tort presque tout le temps. Ici, pour la première fois, je suis entré complètement dans l'oeuvre. J'en ai entendu les surprises et les détails, les merveilles et les tristesses. La neuvième est une réalisation immense, très riche, l'accomplissement d'un artiste au sommet de son art, ce moment où on rassemble tout son savoir, tous les trucs du métier, toute l'inspiration, tout ce qu'on a encore jamais su dire. Elle commence "classique", dans cet équilibre que j'aime chez Beethoven entre la rigueur de la musique d'aristocrates de la fin du XVIIIème et l'expression puissante des sentiments. J'adore les deux premiers mouvements, je pensais ne pas aimer le troisième (qui en fait est très bon, élégiaque) et dans le quatrième le compositeur lâche tout, ose tout, sur la base de l'air le plus simple du monde. L'introduction du thème à la contrebasse dans le silence suspendu de la salle m'a bouleversé. Puis ce sont des crescendos, hymnes de joie, retours au silence, musiques enfantines presque régressive, sautillements, feux de violons, jeux vocaux, jusqu'à la fin.
Une chose que j'ai comprise ce soir: on ne peut pas mettre d'images sur cette musique, je ne peux pas imaginer d'histoire, d'ambiance, de personnages. Ce n'est pas la musique d'une histoire, ce n'est même pas la musique de quelque chose. Elle ne se justifie que par elle-même. Même les mots pour la nommer sont faux. La neuvième, juste un numéro, pour pouvoir en parler.
J'ai lu que Beethoven aimait l'ode à la joie de Schiller depuis son adolescence, qu'il avait déjà tenté plusieurs fois dans sa carrière d'en faire quelque chose avec la musique, jusqu'à ce qu'il arrive à l'intégrer dans ce travail immense auquel l'OCL a bien rendu honneur. La neuvième exprime les mouvements du cœur, depuis l'âge mûr jusqu'à l'enfance, de l'angoisse, la fureur, l'amour, jusqu'à l'espoir et la joie. Elle est une partie de moi.Et ainsi les artistes se nourrissent de leur propre vie.
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Published on May 03, 2018 01:05

April 30, 2018

Princesse Mononoke - Miyazaki

En tentant de repousser un démon qui attaquait son village, le prince Ashitaka récolte une malédiction qui le contraint à l'exil. Vers l'ouest, dans les terres où règnent encore d'anciens dieux, il trouvera peut-être une explication à son malheur, sinon la guérison.

Si vous suivez ce blog, vous connaissez sans doute l'histoire, sinon vous êtes d'heureuses gens qui n'avez pas encore vu ce film, mon préféré parmi les grands films de Miyazaki et, dans la foulée, le meilleur film d'heroic fantasy au monde.
Je ne l'avais pas vu depuis plus de dix ans et nous l'avons montré aux enfants lors de notre dernière séance de cinéma familiale. J'ai été pris dedans comme la première fois, j'y ai vu et compris des choses que je n'avais pas vues auparavant, j'ai adoré. Des dieux, des hommes, des femmes, l'écologie, le sexisme, la guerre, la vie, la mort... Les personnages sont tous très bien écrits, je crois que je les aime tous.
Les filles ont été capturées par le récit... et terrifiées. Non pas par les démons, comme nous le craignions, mais par les images de guerre, les cadavres empilés, les bras tranchés durant les combats, la violence humaine terrible qui traverse l'histoire.
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Published on April 30, 2018 07:00