Laurent Kloetzer's Blog, page 66

August 29, 2012

Le Haut-Lieu et autres espace inhabitables

J'ai abordé ce livre avec un a-priori positif : excellent titre, superbe couverture de Daylon (en lunes d'encre), réputation flatteuse de l'auteur. Le Haut-Lieu est un recueil de nouvelles entre le fantastique et la science-fiction, allant de Jules Verne à Borges en passant par Métropolis. J'ai commencé pourtant par être un peu déçu.

Le Haut-Lieu est aussi le titre du premier texte, une novella très agréable à lire basée sur jolie idée angoissante, la visite d'un grand appartement de l'île Saint-Louis dont les pièces une à une disparaissent. Joli vertige sur la création, mise en abyme des jeux de la mémoire et de l'illusion, les idées sont très séduisantes, ce qui m'a fait regretter des personnages en 2D et une explication psychologisante un peu légère.

J'ai apprécié le gouffre aux chimères, basé sur une très belle idée dont je ne suis pas sûr d'avoir saisi toutes les références. De même pour Superscience, texte qui semble lié à un univers qui m'a échappé mais on je crois déceler le même genre d'influences que dans la Brigade chimérique. Le chasse aux ombres molles est une pochade dispensable. Origami est le premier texte qui m'a pleinement séduit, jouant avec humour sur la modification de la réalité induite par son observation

 Quant à la régulation de Richard Mars... Cette dernière novella est un texte époustouflant, mêlant bribes de chroniques intimes, transformation en Dieu, en rat, histoire cosmique de l'univers, croissance et destructions des civilisations... Un vertige de bout en bout, toujours parfaitement maîtrisé. La grande classe.
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Published on August 29, 2012 08:10

August 8, 2012

Hunger games - Suzanne Collins

Quelque part aux Etats-Unis, après la catastrophe climatico/économique... Le pays est divisé en douze districts, tous spécialisés, dominés par le Capitole, une sorte d'Eden techno-dictatorial, qui rafle chaque année un adolescent de chaque sexe dans chaque districts pour les faire s'affronter à mort dans une arène naturelle, dans une sorte de croisement entre télé-réalité et spectacles du Colisée.

Katniss est une jeune fille pauvre qui subvient au besoin de sa famille en chassant à l'arc dans les terres sauvages. Avec le fils du boulanger du district (son amoureux transi et secret), elle est choisie pour les "jeux de la faim". Malgré son esprit rebelle, elle est alors prise dans l'engrenage ludo-médiatique et participe au grand combat sous l'oeil avide des caméras...

La première partie du roman évoque la vie dans le district 12, sorte d'enfer minier à la Dickens. Crasse, faim, pauvreté et nobles personnes qui s'en sortent. Dans la seconde partie, Katniss est relookée par un grand couturier et apprend à parler face à une caméra. Elle sympathise avec son designer personnel, apprend à connaître son rugueux mentor, noue une romance "je-fais-semblant-de-t'aimer-pour-les-caméras, mais en fait je tombe un peu amoureuse de toi" avec son camarade de district. Le public l'apprécie et ses juges lui donnent la meilleure note. 

La troisième partie est une énorme scène d'action, bien menée et palpitante, dans un esprit "il ne peut en rester qu'un". Les amis de Katniss sont heureusement éliminés par d'autres concurrents, lui évitant trop de tourments moraux...




Malgré le cadre dystopique, Hunger games relève plutôt d'une sorte de conte. Jeune fille pauvre, mentor bienveillant, transformation en princesse, chasse cruelle dans la forêt... Le plus intéressant est bien sûr l'idée de base, qui rappelle un peu la légende les jeunes gens athéniens envoyés en Crête nourrir le minotaure et cette cruauté, même si elle n'est pas assumée (bien que participante, Katniss reste pure toute du long), est le principal attrait du livre. Pour le reste l'écriture est indigente et simpliste, l'univers n'a pas vraiment de cohérence (autre que celle du conte), les clichés sont partout : adolescente mal dans sa peau qui se découvre jolie, robes de princesse, romance de lycée. Seule originalité : l'attention portée à la nourriture (c.f. le titre). Il est amusant (et cynique) que le livre place en vérité le lecteur dans la position du public des Hunger games, présentés comme une horrible institution...




Ce cynisme est d'ailleurs le point qui m'ennuie le plus dans ce livre. J'aurais peut-être pardonné à un auteur débutant ce festival de clichés et cette écriture bête à pleurer (et encore...). Suzanne Collins est une scénariste et une romancière confirmée, je dois donc en déduire que c'est exprès qu'elle prend ses lecteurs pour des imbéciles. C'est bien triste. Bienvenue chez le Guillaume Musso du post-apo.





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Published on August 08, 2012 23:04

August 6, 2012

Roland Wagner

Je me retrouve à écrire quelque chose de curieusement similaire à ce qu'écrit Fabrice Colin. Je suis triste, pardonnez ma maladresse.




En 1997, j'étais étudiant, je venais de publier mon premier roman chez Mnémos. 

Dans Casus Belli, un type nommé Roland Wagner donnait des conseils de lecture de SF, les seuls dont je disposais alors. Grâce à eux, j'ai lu quelques auteurs pas trop mauvais : Roger Zelazny, George Alec Effinger, Walter Jon Williams, John Brunner, Jean-Claude Dunyach, Robert Silverberg (j'en oublie sûrement)... Il avait l'air de savoir de quoi il parlait, il m'a aidé à me faire une culture. Parmi ceux que j'oublie, le fabuleux Temps du twist, de Joel Houssin, qui m'a convaincu qu'on pouvait lire (et écrire) de la science-fiction de langue française, et que ça pouvait même avoir de la gueule.

En 98, je découvre plusieurs choses : Roland Wagner est un auteur (ah oui ?), et il a cité mon livre dans sa rubrique de Casus, ma toute première critique !

On s'est rencontrés dans la vraie vie à la fin de l'année, lors du festival Visions du futur organisé près de la mairie du XVIIIème. J'ai découvert un homme sensible, pudique, gentil, doté d'une immense culture des littératures populaires. Il présidait alors le jury du prix Julia Verlanger, que j'ai reçu cette année là. Ca aide à prendre confiance en soi.

Ces années ont été très importantes pour moi. Beaucoup de choix, de décisions, même si tous les enjeux n'étaient pas visibles. Etre soutenu, alors, par des personnes d'une telle qualité, ça a une immense valeur.

Merci Roland.


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Published on August 06, 2012 09:00

August 4, 2012

Les Chronolithes - Robert Charles Wilson

Voici quelques trucs pour reconnaître un roman de Robert Charles Wilson, si vous en croisez un dont on aurait arraché la couverture :

C'est très facile à lire : style clair, sans effets, un peu lisse, techniques de narrations efficaces sans être épileptiques. Le héros est un type moyen, sympa, un peu mou, genre classe moyenne américaine, père divorcé, problèmes familiaux. Et surtout, c'est là le truc crucial, le pitch est ENORME. Dans les 
Chronolithes, un conquérant du futur, Kuin, envoie tous les quelques mois des obélisques de verre dans le passé pour annoncer ses victoires militaires qui auront lieu vingt ans plus tard, déprimant d'avance ses futurs ennemis et créant, en quelque sorte, une prophétie autoréalisatrice...

Sans être aussi fou et inventif que Spin, les Chronolithes est une grande réussite : cohérence du récit, des personnages, de l'intrigue. Suspense insoutenable qui donne envie de tourner les pages, sans abus de techniques de thriller. De plus le roman est assez court (300 pages), et on saura combien j'aime les auteurs qui arrivent à tout dire en peu de mots...

Mais la force de ce roman repose sur autre chose : d'abord, sur une amusante mise en abyme du rôle de l'écrivain qui construit son intrigue à l'envers et qui parcourt à sa façon les chaînes de causalité. Et surtout sur un sentiment assez fort chez moi, l'angoisse de l'avenir, l'impression de l'inéluctabilité de la catastrophe. Le livre vaut autant par son astucieux argument que par la peinture impressionniste et crédible de notre futur, cohérente d'un roman à l'autre de l'auteur.

En bref, une science-fiction très intelligente, facile à lire, par un auteur pas dépourvu d'ambition littéraire. Voilà qui me donne très envie de me tourner vers Blind lake...
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Published on August 04, 2012 23:19

August 3, 2012

Le prophète et le Vizir - Yves et Ada Rémy

Très curieux et joli livre publié par les éditions Dystopia. Tout comme le remarquable recueil de Lisa Tuttle, celui-ci est un travail de passionnés qui auront voulu rendre disponible, sous une forme élégante, un nouveau texte d'Yves et Ada Rémy. J'ai déjà parlé sur ce blog de la forte impression que m'avaient faite leurs soldats de la mer, recueil-collage remarquable sur thème d'aventures et de contes militaires du XIXème siècle.


Ici, dans un esprit voisin, on a droit à deux récits mettant en scène des personnages historiques du monde arabe médiéval. Le premier récit commence comme un conte, avec tous les accessoires des mille et une nuits, ornements, arabesques, noms chantournés et rebondissements étranges. On y fera connaissance avec un ancien pécheur de perles doté par un procédé plutôt original du don de prescience, qui, faisant le tour de la méditerranée, aura des visions curieuses du futur de son univers. Le récit est très joliment écrit, traversant plusieurs genres comme si sa genèse avait eu plusieurs périodes : on passe du conte merveilleux au récit de voyage puis on glisse vers une sorte de fantastique moral comme une nouvelle de Dino Buzzati.


Dans le second récit, on verra une lutte acérée sur fond de désert et de soleil ardent entre un Vizir cruel et le destin qui veut lui ravir ses enfants, les deux récits étant liés par une prophétie.


On trouve dans ce petit livre un joli plaisir d'écriture, appuyé par une langue élégante et classique. Si le cadre est très différent des Soldats de la mer, les deux livres se rejoignent par un certain esprit du fantastique, qui se rapproche plus du XIXème siècle que de l'évolution contemporaine des genres.

Pour glisser sur une appréciation plus subjective et mal définie, je dirais toutefois qu'il y a dans l'écriture des Rémy quelque chose qui ne parvient pas totalement à me convaincre. Leur travail est de très bon niveau, mais ne parvient pas à me hisser jusqu'au vertige. Peut-être manque-t-il encore quelques étapes de distillation. Je ne sais pas.

Rien qui doive toutefois détourner de ce petit livre le lecteur amateur et curieux.
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Published on August 03, 2012 00:10

June 28, 2012

Treize mauvais quarts d'heure - Albert Sanchez Pinol

Du même auteur, j'avais lu la peau froide, que j'avais trouvé pas mal. J'en retirais l'impression que l'auteur avait un vrai sens de l'écriture et du rythme et un problème avec le fantastique qui, chez lui, ne pouvait servir que métaphore, sans avoir d'existence en lui-même. (Chez Lovecraft - mon héros - le fantastique/SF est aussi une métaphore. Mais pas que.)

Ces treize mauvais quarts d'heure (excellent titre, d'ailleurs) sont treize récits courts, un peu cruels. Hommes de la lune tombés dans les champs d'oliviers et forcés d'y travailler avec les paysans, zèbre poursuivi se souvenant des leçons de sa maman, armoire avalant ceux qui s'y cachent, riche romain s'inventant des ancêtres illustres, nef des fous, congrès socialiste en contact avec les martiens...

L'écriture est toujours concise, plaisante. Au mieux, on lorgne vers Marcel Aymé ou Dino Buzzati. Au pire, certains textes ne sont que des pochades, pas vraiment drôles. Le tout premier, très séduisant au premier abord (l'histoire des hommes de la Lune) m'a gonflé quand j'ai vu la métaphore transparente qu'induisant l'élément fantastique.

Bref, un recueil léger, un peu méchant, un peu sage. Il sent une bonne odeur de vieux papier, on dirait qu'il date des années 50, mais le copyright indique 2010.
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Published on June 28, 2012 23:47

Sainte dans l'incendie - à Vidy








Monologue poétique, coque-à-l'ânisant, flux verbal plein de créations et de surprises tendant de dire quelque chose de la bergère/cavalière/sacreuse de roi de Domrémy, Jeanne la bonne Lorraine. Le tout dit par une actrice impressionnante, à la voix très étrange et à la robe vraiment moche. Un très beau travail, tout en maîtrise, même si nous n'avons pas totalement adhéré, notre réserve ayant sans doute à voir avec quelque chose de la vérité de Jeanne.


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Published on June 28, 2012 03:07

June 27, 2012

Vii le roi terre - à Vidy





Suite de mes chroniques "pour mémoire"






Deux voyageurs arrivent dans une campagne étrange en Ukraine. Rituels, chants, danses, sorcières, ils vivent une expérience bizarre et le spectateur aussi. Le décor est superbe, la musique puissante, certaines scènes vraiment très fortes, créent une expérience immersive comme en proposent souvent les spectacles montés à Vidy, qu'ils soient réussis (Orphée) ou ratés (Le soldat). Dommage que les personnages soient aussi faiblement écrits, les dialogues en ukrainiens non sous-titré aussi longs et aussi pénibles. Vos serviteurs se sont tellement ennuyés qu'ils sont plutôt allés boire un verre au bord du lac que de voir le deuxième acte.

C'est ça le risque, avec un théâtre si joliment installé...






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Published on June 27, 2012 02:53

June 26, 2012

Séance - à Vidy




Un petit programme de rattrapage pour chroniquer nos dernières sorties à Vidy (même si celles-ci commencent à dater)









Séance est une pièce de Michel Viala, auteur G'nevois.

Schmitt est venu à la réunion de sa société de contemporains (sociétés de gens nés la même année, ayant partagé la même scolarité obligatoire dans les mêmes écoles, une institution typiquement suisse), dans l'arrière salle du café, comme chaque année. Mais cette année, il est tout seul, car les autres sont tous morts...

Humour grinçant, plutôt tendre, très helvétique (dur à comprendre à mon avis pour qui ne vit pas en Suisse depuis un moment), un bel acteur et des situations amusantes. Du théâtre sans grandes ambitions, mais touchant et réussi. Et Maurice Aufair est un très bel acteur, qui a dans cette pièce l'âge du rôle...
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Published on June 26, 2012 02:49

June 25, 2012

La corde, Alfred Hitchcock

Le pendu et Cecci ont (re)vu la corde, de ce bon vieux Hitch.










Deux jeunes yuppies étranglent un de leurs copains et le planquent dans le coffre avant de recevoir leurs autres amis pour une soirée, exposant pour amuser la galerie quelques théories philosophiques bancales sur la légitimité du meurtre, à condition qu'il soit commis par des êtres supérieurs.



Acteurs impeccable, réalisation relevant de la frime totale (des plans géniaux, avec un nombre très réduit de raccords), dialogues exceptionnels... Oui, c'est un peu du théâtre filmé. Mais c'est totalement brillant et stressant. Un grand moment.












Et en plus, c'est avec James Stewart (un des acteurs les plus classe du monde)





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Published on June 25, 2012 02:01