Alan Spade's Blog, page 39
May 27, 2014
Ingram, Createspace, Amazon et la distribution globale
J'ai récémment été averti par un auteur de deux vendeurs tiers de la place de marché Amazon (Amazon marketplace) pratiquant des rabais inquiétants sur mes livres papier neufs. Je savais déjà qu'Amazon avait la possibilité de solder mon livre papier, et cela me va du moment que mes revenus d'auteurs continuent à correspondre au prix que j'ai défini (ce qui est le cas). Je ne suis pas un grand supporter du prix unique du livre, parce que j'estime que cette loi est un moyen pour les éditeurs de continuer à vendre leurs livres à des prix trop élevés pour une grande partie des lecteurs (et là, je pense particulièrement à l'ebook). Non, ce qui me gêne dans ce concept de livres neufs écoulés par des vendeurs tiers, c'est la perte de contrôle que cela engendre pour l'auteur autoédité.
Les deux vendeurs qui pratiquent ces remises sont livres_allemands et books_and_music. Si vous cliquez sur ce lien, vous vous apercevez qu'amazon n'est plus le seul à vendre mes livres papier à l'état neuf (l'onglet du dessus spécifie bien "neuf à partir de"). Cela a été une surprise pour moi, puisque Amazon est le seul vendeur en principe habilité à écouler mes livres papier fabriqués par Createspace.
En principe... car il m'est revenu que j'avais opté chez Createspace pour la "distribution étendue" qui permet à mes livres papier d'être vendus chez de grands libraires aux Etats-Unis. Createspace, afin de distribuer mes livres papier aux Etats-Unis, fait appel à une grande société spécialisée dans la distribution, Ingram.
Ingram a la particularité de posséder des imprimeries à la demande parmi les plus performantes au monde, et détient notamment la société Lightning Source (dont j'utilise aussi les services pour des livres que je distribue et vend moi-même), et Ingram Spark, qui s'adresse à des auteurs autoédités (auquel je n'ai pas recours). Et Ingram fait appel à des partenaires pour la distribution de livres.
Or, il se trouve que les deux vendeurs que j'ai cités en début d'article, livres_allemands et books_and_music, après vérification de l'auteur qui m'avait alerté, (on peut retrouver le numéro de TVA en cliquant sur le lien du vendeur chez Amazon, puis il suffit de se rendre sur ce site pour l'identification), correspondent à un prestataire nommé The Paperback Shop. Prestataire qui n'est autre que l'un des partenaires d'Ingram, comme l'atteste ce document.
Au passage, si vous vous intéressez à la création de jeux vidéos, n'hésitez pas à acheter l'ebook de l'auteur qui m'a prévenu.
Après mûre réflexion, je crois avoir reconstitué les pièces du puzzle. L'auteur qui m'a prévenu ne passe pas par Createspace, mais par Ingram Spark. Ma théorie, c'est que The Paperback Shop, en tant que prestataire d'Ingram, distribue à la fois les livres de Createspace et d'Ingram Spark sur le territoire européen. The Paperback Shop est donc aussi comme on l'a vu un vendeur tiers Amazon.
Pourquoi Amazon permet-il à ces vendeurs de proposer des livres neufs sur son site, sur les pages des auteurs faisant appel à Createspace? Tout simplement pour favoriser la concurrence et rendre les livres plus attractifs en faisant baisser les prix, y compris des ouvrages d'auteurs autoédités.
A la suite de divers échanges avec Createspace, il apparaît que ces livres vendus par des vendeurs tiers, même à prix plus bas, donnent droit à des revenus d'auteurs équivalents aux livres vendus par Amazon directement. C'est aussi valable pour Ingram Spark. Je cite texto la réponse qui m'a été faite chez Lightning Source: "You will always receive the same publisher compensation, some of the third party sellers are our channel partners and any that aren’t would still need to order through one of our listed wholesale channels so we would always have record of any sales." "Vous recevrez toujours le même revenu d'auteur, certains des vendeurs tiers sont nos partenaires, et ceux qui ne le seraient pas auraient tout de même besoin de commander par nos canaux où figurent vos prix de vente, donc nous aurions une trace de chacune des ventes."
J'ai bien réfléchi à la situation. Ces vendeurs tiers, à ma connaissance, lorsqu'ils obtiennent une commande d'un client Amazon, ne permettent pas une remontée en classement de mon livre sur le site d'Amazon. Seule une vente par Amazon (j'en suis presque certain, mais cela reste à vérifier) permet la montée dans le classement des ventes de mon livre. La conséquence logique, c'est que je n'aurais conscience de cette vente que lorsque Createspace la fera figurer dans mon tableau de droits d'auteur sur son site.
Oserais-je dire, si Createspace fait figurer cette vente sur le tableau de bord? En étant un peu parano, on peut imaginer une société écran chargée de vendre au plus bas prix sans que l'auteur ne soit tenu au courant d'une seule des ventes. Qu'on me pardonne ma défiance, je suis romancier, j'ai de l'imagination.
Autre fait troublant, lorsque je me suis inquiété de savoir ce que devenaient les fichiers de mes livres (les fichiers qui permettent à l'imprimeur de les fabriquer), voici ce que m'a répondu l'employé de Createspace: "If you have made your title available through Expanded Distribution, your files may be sent to the distributors with whom we have a relationship in order to expedite order fulfillment. Please be assured that your files will not be sent to additional outlets by CreateSpace or these distributors. " "Si vous avez autorisé la Distribution Etendue, vos fichiers peuvent être envoyés à des distributeurs avec lesquels nous sommes en relation, afin de satisfaire la commande. Soyez je vous prie assuré que vos fichiers ne seront pas envoyés à des organes additionnels par Createspace ou ses distributeurs."
L'un de nos défauts à nous autres autoéditeurs (en tout cas le mien), c'est que nous aimons garder le contrôle. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons choisi de la jouer solo, nous haïssons l'absence de transparence des éditeurs, l'absence de vision et la précarité qui en résulte (ou en tout cas le sentiment de précarité).
Là, on se rend bien compte que la distribution étendue génère toute une série d'inconnues. Nos fichiers se mettent à se balader sur leurs petites pattes électroniques, des vendeurs que nous ne connaissons ni d'Eve ni d'Adam se mettent à faire le business quasiment à notre place, et les moyens de contrôle ne dépendent que de la bonne volonté de partenaires comme Createspace.
J'ai donc pris à titre préventif la décision de ne plus passer par la distribution étendue avec Createspace, pour tous mes livres sauf un: The Breath of Aoles. J'ai gardé la distribution pour celui-là, me disant que je pouvais sacrifier d'éventuelles ventes non répertoriées à une meilleure visibilité chez des distributeurs en ligne comme Barnes&Noble, visibilité qui pourrait être bénéfique à la vente d'ebooks, prédominante dans le domaine de la Fantasy aux Etats-Unis.
Il faut évidemment faire attention quand vous supprimez de la sorte un ou plusieurs distributeurs, car si vous vendez, votre classement sur d'autres plates-formes de vente va s'effondrer. Il n'est d'ailleurs pas du tout évident que cette manoeuvre me permette de ne plus avoir ces vendeurs tiers en lien sur chacun de mes livres papier. Nous verrons, ce genre de changement prend un certain temps avant d'être effectif.
Si Amazon et Createspace souhaitent me rendre plus confiants sur le sujet, à eux d'amener un peu plus de transparence à propos de ces vendeurs tiers, en me permettant par exemple de savoir sur mon tableau de bord d'où provient une vente (à défaut du nom du client, au moins celui du vendeur). Il serait bon que les ventes de livres neufs par des vendeurs tiers fassent remonter le classement sur le site d'Amazon. Je veux bien travailler avec d'autres gens qu'Amazon, Createspace ou Lightning Source, mais il faut au minimum que les conditions d'une relation de confiance soient établies.
Autres articles sur le même sujet:
- Mon expérience avec CreateSpace... et Cyber Scribe/Ediweb
May 26, 2014
Histoire gratuite : Le Vagabond
L'histoire gratuite de ce lundi est issue du recueil Votre Santé, c'est notre avenir (thriller/polar), paru en mai 2014. Elle restera une semaine sur ce blog avant de disparaître. Vous pouvez vous la procurer sous format ebook sur mon site d'auteur, Amazon, Apple, Kobo et la Fnac, ou vous procurer le recueil complet sous format ebook et papier sur Amazon, ou sous format ebook sur Apple, Kobo et la Fnac. Et si vous habitez dans la région parisienne et que vous souhaitez vous procurer un exemplaire dédicacé du recueil, bien sûr, vous pouvez vous rendre à l'une des séances de dédicace indiquées sur la colonne de droite de ce blog.
Le serpent d’acier était interminable. Vick Lempereur en remontait les wagons depuis vingt bonnes minutes quand il repéra enfin les voitures des passagers. Tracté par quatre locomotives General Motors, le Nouadhibou-Zouerate n’avait pas pour rien la réputation d’être l’un des trains les plus longs du monde – plus de deux kilomètres et demi. Les sandales de cuir de Vick, élimées jusqu’à la corde, laissaient le sable brûlant s’infiltrer par tous les trous. Ses jambes musclées et velues s’agitaient inlassablement sous son bermuda délavé, son torse nu luisait sous un gilet en jean qui avait connu de meilleurs jours. Il n’y avait pas de quai, et les voyageurs se disposaient le long de la voie poussiéreuse qui traversait le désert. A l’aller, le train cheminait presque à vide. Il reviendrait bardé du précieux minerai de fer des mines de Zouerate.
Vick se racla la gorge. La poussière s’insinuait partout ici. On vivait avec, comme les scorpions. Chargé des puissants relents iodés de l’atlantique, l’air n’avait cependant pas encore acquis la sécheresse du Sahara. Ce serait pour après.
Il changea une dernière fois son outre d’épaule, et se mit à escalader le wagon adjacent à celui des passagers. Occupé, bien sûr. Quelques Maures blancs, et des Peuls avec leurs bagages.
« Qu’est-ce que tu fais, le Blanc ? lui demanda en wolof l’un des Mauritaniens aux joues creusées recouvertes d’une barbe naissante. Dégage ! »
L’homme devait bien faire son mètre quatre-vingt-dix, il le dominait d’une bonne tête. Vick écarta ses bras hâlés, paumes à plat et se tourna vers les autres comme pour les prendre à témoin.
Grande Perche contracta la mâchoire, lui lançant un regard venimeux. Les yeux marron de Vick ne perdirent rien de leur sérénité, mais déjà son poing droit s’était refermé. Le direct au plexus plia son adversaire en deux. Ses prunelles roulaient dans leurs orbites. Le torse de Vick se balança en arrière et son front heurta le menton offert dans un craquement sonore. Grande Perche fut rejeté à plusieurs pas – sa carcasse retomba avec fracas sur l’acier du wagon.
« Il y en a d’autres qui voudraient que j’aille ailleurs ? C’est le moment, ne vous gênez surtout pas… »
Hommes et femmes le dévisageaient avec des yeux ronds. Les plus proches s’éloignèrent en lui lançant des regards obliques. Un vieux s’agenouilla et tira Grande Perche, inconscient, à l’écart. Vick rejoignit d’un pas nonchalant l’avant du wagon. On aurait pu croire un touriste en promenade. Il se rehaussa un instant sur le rebord, considérant la voiture qui ingurgitait le flot des plus fortunés que lui. Puis il s’adossa et se laissa glisser en position assise. La plupart de ses voisins, au premier rang desquels un Grande Perche sanguinolent, évitaient soigneusement son regard. Les voyageurs vêtus comme lui à l’occidentale côtoyaient ceux habillés à la mode africaine ou orientale, seroual, mélahfa et le turban nommé haouli pour les hommes, traditionnelle darraâ aux couleurs chatoyantes pour les femmes.
Tandis que les minutes s’égrenaient, Vick s’enfonça dans une semi-somnolence trompeuse – les paupières mi-closes, il ne perdait aucun mouvement autour de lui. Le soleil grimpait à l’assaut du zénith quand enfin le convoi s’ébranla. Vick le laissa prendre de la vitesse avant de se relever. Un dernier regard circulaire – ses voisins s’étaient installés le plus confortablement qu’ils le pouvaient, on lui prêtait à peine attention – et il franchit le rebord avec souplesse avant de redescendre précautionneusement, contrôlant les vibrations et tressautements. Le frottement assourdissant de l’acier contre l’acier rythmait les battements de son cœur. Il enjamba vivement l’espace entre les deux wagons et pesa sur la porte de la voiture de deuxième classe. Qui s’ouvrit, à son soulagement.
De ce côté, le bourdonnement des conversations supplantait le bruit des rails. Les têtes chevelues s’alignaient en rangs d’oignon, les profils masculins ou féminins, de jeunes ou de vieux, offraient des variations de teint et de physionomie révélateurs du mélange des peuples et ethnies dans cette partie de l’Afrique. Vick achevait de traverser le troisième wagon quand une voix sonore l’interpella. En hassaniya, cette fois.
« Regardez, les amis ! Je vous présente Vick Lempereur, le vagabond ! » Et de partir d’un éclat de rire féroce, auquel se joignirent d’autres.
Vick se retourna sur le visage chafouin prolongé d’une barbiche d’un Soninké. Ce crâne de taille si réduite surmontant ces larges épaules ne pouvait appartenir qu’à Mohamed Ould Akhtar, chef de guerre de son état. Les trois gaillards assis à ses côtés étaient ses lieutenants.
Il ne releva pas l’affront, se contentant de hocher la tête avant de poursuivre son chemin.
Les deux voitures suivantes, de première classe, comportaient un couloir latéral et de confortables compartiments pourvus de sièges en vis-à-vis. Vick s’assura de la présence du personnage qu’il recherchait – il se trouvait dans le second wagon –, fit quelques pas et s’appuya contre la rambarde métallique devant l’une des fenêtres poussiéreuses. Le train s’enfonçait dans le désert. Moins étouffante que dans la partie commune, l’atmosphère restait néanmoins oppressante.
Il se laissa aller à sa contemplation des quelques dattiers et acacias esseulés dans le morne paysage. Bientôt, cependant, il ne vit plus rien, et son regard, fixe, devint celui d’un homme hanté par ses souvenirs. Le passé resurgissait toujours dans des moments d’inaction tels que celui-ci. Il lui fallait pourtant s’en détacher. Repousser sans relâche ces fantômes qui voulaient le tirer en arrière, l’entraîner six pieds sous terre, avec eux.
Oui, il était devenu un vagabond. Un rat des villes qui ne survivait que d’expédients, et était incapable de rester plus d’une semaine au service d’un même patron. Mieux valait encore cela que son ancienne vie.
De temps en temps, il remuait les jambes ou changeait de posture. Le voyage jusqu’à Zouerate durerait un peu moins de douze heures, mais son attente ne serait pas aussi longue, si son instinct ne le trompait pas. Plusieurs passagers le frôlèrent en passant derrière lui. Il prit son mal en patience.
Le glissement de la porte à double battant fut à peine audible de là où il se tenait. Ce devait être la bonne, cette fois. La figure de Vick ne marqua aucun tressaillement lorsque les pas se rapprochèrent. Environné d’un nuage d’eau de Cologne suffisant pour pénétrer l’odeur âcre des vêtements et de la peau du vagabond, l’homme dépassa celui-ci. Bermuda de flanelle, c’était bien le Français aux lunettes écailleuses qui se faisait appeler Grégoire Amelin. Il portait deux mallettes. Il s’avançait d’une démarche chaloupée, des auréoles déparant sa chemisette au niveau des aisselles.
Vick ne lui accorda qu’un coup d’œil, mais compta le nombre de pas. Un sourire se dessina sur son visage au glissement d’une nouvelle porte.
« Je ne m’occuperais pas de ces mallettes, si j’étais vous. »
Vick haussa un sourcil. Le petit personnage au complet gris cravate noire qui voyageait dans le même compartiment qu’Amelin s’était glissé dans son dos aussi subrepticement qu’un courant d’air. Il avait le teint mat, le crâne lisse, et parlait français avec un accent traînant. « Mon patron est protégé. Juste un conseil. » Il eut un sourire qui n’atteignit pas ses yeux.
Vick aurait pu l’étendre d’un simple revers de main. L’autre paraissait sûr qu’il n’en ferait rien, cependant, et se détourna. Ses chaussures noires brillantes épousaient le sol comme des limaces géantes tandis qu’il regagnait son compartiment.
Le ronronnement des moteurs des locomotives et le frottement des rails s’étaient faits soudainement lugubres. Vick s’attarda quelque peu avant de s’avancer le long du wagon. Les rideaux de l’endroit où devait se trouver Amelin étaient tirés. Il passa devant sans ralentir, le regard fixe. La jonction avec la voiture suivante lui parut un choix raisonnable. Il suffisait de se rapprocher de l’issue qui donnait sur le fascinant paysage du Sahara occidental pour sortir de l’axe du corridor. De nouveau, il patienta.
Glissement feutré. Il pencha la tête, juste le temps d’apercevoir Amelin s’éloigner en sens inverse. Avec une seule mallette.
Encore quelques instants d’attente, et, non sans avoir vérifié au préalable que la voie était libre, il s’engagea dans le corridor.
Il ne se sentait pas nerveux. Une fois franchie assez souvent la limite entre ce qui était illégal et ce qui ne l’était pas, on faisait à peine la différence. La double porte s’ouvrit sous son impulsion. Il faisait plus frais qu’ailleurs de l’autre côté.
La seconde mallette se trouvait bien là, sur la banquette. Elle cliqueta lorsqu’elle la referma d’un geste sec. Ses yeux flamboyèrent, ce qui la rendit encore plus belle. Ses cheveux auburn tombaient en cascade sur ses épaules, et la robe beige qu’elle portait moulait ses formes généreuses, sans trop d’ostentation pourtant.
« Je viens vous demander une faveur, déclara-t-il sans préambule.
– You want some Ouguiyas ? »
Il réprima un sourire. Elle n’était pas du genre à donner à des mendiants. Pas ce genre de poulette. Ce n’était sans doute qu’un prétexte pour s’emparer de la bombe lacrymogène qui devait se trouver dans son sac – elle avait laissé de côté la mallette et avait plongé la main à l’intérieur. Cela confirmait en tout cas ses soupçons.
« Pas d’argent, m’dame. Votre sac est très bien comme ça. »
Quelque chose dans le ton employé la fit hausser ses sourcils effilés. Elle retira lentement ses doigts de l’ouverture de son sac – la petite chose en cuir devait représenter au bas mot six mois de salaire de l’ouvrier moyen du pays.
« Qu’est-ce que vous voulez, alors ? fit-elle avec l’accent américain. C’est privé, ici. » Sa main s’attardait à proximité de son sac.
Vick eut un sourire perspicace. « Vous avez acheté toutes les places autour de vous pour faire le voyage tranquillement.
– Exactement.
– Mais vous recevez quand même des visiteurs. Le bonhomme qui est entré avant moi... vous êtes sûre que c’est une bonne fréquentation ? »
Le visage de son interlocutrice se ferma. L’Américaine garda pourtant contenance.
« Je pourrais vous répondre que mes fréquentations ne concernent que moi, fit-elle au bout de quelques instants. Qui êtes-vous ? Pour qui travaillez-vous ?
– Oh ! Pour tout le monde et pour personne. Je suis libre comme l’air. Vous, en revanche, vous pourriez ne plus le rester très longtemps. Libre, je veux dire. » Ses yeux glissèrent sur l’attaché-case. « Si le personnel du train était informé... du contenu de cette mallette, par exemple.
– Qu’est-ce que vous en savez ? »
Pas si calme que ça, finalement. Elle crispait à présent les phalanges sur son sac. Ses yeux dardaient des éclairs. C’était le moment d’enfoncer le clou.
« Le cybercafé Compunet, de Nouadhibou, ça vous dit quelque chose ? Oui, je vois que oui. C’est là que je vais pour me tenir au courant des petites et grandes affaires. Même un bourlingueur comme moi a besoin d’un port d’attache, il faut croire. Vous n’avez pas eu de chance. Vraiment pas. J’étais là quand vous l’avez rencontré. Lui, c’est Grégoire Amelin, et vous Lisbeth Lawson. C’est comme ça que vous vous êtes présentés l’un à l’autre, en tout cas.
– Vous nous avez espionnés...
– Je n’ai entendu que vos noms. Le reste, je l’ai deviné. C’est au Compunet qu’il vous a montré la statuette pour la première fois. Dans l’arrière-boutique, où il n’y avait personne. Je n’ai même pas eu besoin de vous suivre pour vérifier. Le vol de la statuette de Labiod a fait suffisamment de bruit. »
Elle garda un visage de marbre.
« Pour quelle autre raison deux Occidentaux aux manières si mystérieuses se seraient rencontrés ?
– Il peut y avoir un million de raisons, rétorqua-t-elle en arrangeant impatiemment sa coiffure. Et aucune qui vous concerne.
– Donc, vous ne verrez aucun inconvénient à ce que je fasse ouvrir votre mallette pour en établir le contenu ? A moins que vous ne vouliez l’ouvrir tout de suite devant moi ? »
Ses paupières aux longs cils soyeux se baissèrent un instant. Son parfum était discret, mais agréable. « Quel est votre intérêt dans tout ça ? demanda-t-elle. Si vous ne voulez pas d’argent ? »
Les commissures des lèvres de Vick s’arquèrent. « Je ne sais pas. Peut-être que mon intérêt se confond avec le vôtre. Si ça se trouve, je suis une sorte... d’ange gardien.
– Un ange gardien, vous ! » Elle rejeta la tête en arrière et éclata d’un rire qui sonna faux.
« Vous avez l’air instruite, continua Vick sans se démonter. Vous devez savoir que Labiod est surnommé le berger des tourments. Un djenoûn, l’un des fils d’Eblis. Ou de Lucifer, si vous préférez. Autrement dit, la statuette qui le représente porte malheur.
– Et vous êtes descendu, nimbé de votre auréole, et puant la sueur à cinquante pas à la ronde pour me sauver. Comme c’est romantique ! Vous me prenez pour une cruche ? »
Ses yeux s’étrécirent en deux fentes. « J’espère pour vous que vous n’êtes pas une cruche. Sinon, il me serait facile de vous briser. »
Les pupilles de Lisbeth se dilatèrent, sa respiration s’accéléra. Il écarta les mains en signe d’apaisement. « Nous n’aurons pas à en arriver là, m’dame. Vous allez me donner le code d’ouverture de la mallette. Je vous l’emprunte quelques instants, et je vous la ramène. Avec la relique en parfait état, cela va sans dire.
– C’est donc ça. Un vulgaire voleur, voilà ce que vous êtes. A thief…
– Ne renversez pas les rôles. Vous avez acheté cette mallette et son contenu à un voleur. Je n’aurais qu’à dire un mot pour vous dénoncer.
– Et un maître chanteur, en plus.
– Bref. Vous avez le choix, soit vous refusez de coopérer et je ferai en sorte que vous ne puissiez la garder, d’une manière ou d’une autre, soit vous me faites confiance et vous avez une chance de retrouver votre bien. »
Elle grinça des dents tandis que ses yeux balayaient le compartiment de droite et de gauche.
« Ecoutez, vous avez l’air de pouvoir vous offrir tout ce qui vous passe par la tête. Ce serait vraiment dommage de tout perdre pour une seule mauvaise décision, pas vrai ?
– Qu’allez-vous en faire ?
– Nous ne sommes pas encore assez intimes pour que je vous le dise. Remarquez, cela viendra peut-être. »
Son sourire grivois arracha une grimace à l’Américaine. Il éclata de rire.
« Le code ? » demanda-t-il après avoir repris son sérieux.
Elle le lui donna entre ses dents, et il ouvrit l’attaché-case. Les incroyables fragments de météorites étincelants, sertis dans la pierre au niveau des larges orbites et du ventre ne pouvaient être des faux. Ils conféraient une fascinante semblance de vie à l’objet inanimé. La statuette avait des doigts fins et pointus, si longs qu’ils pendaient presque jusqu’aux pieds. Vick eut des difficultés à en détacher les yeux. En refermant la mallette, il vit que celle se faisant appeler Lisbeth Lawson n’avait elle aussi cessé de regarder – une chance, elle aurait pu profiter de sa distraction pour s’emparer de la bombe lacrymo qui renflait son sac. Il fut soudainement pris d’un léger vertige, qu’il maîtrisa en conservant une immobilité absolue.
Les fragments de météorites émettaient-ils des radiations ? Cela pouvait expliquer la réputation de porte-malheur de l’objet.
« Maintenant, débarrassez-moi de votre présence !
– Oh ! Quelle tristesse ! Je vais devoir me consoler en me disant que vous allez attendre mon retour avec impatience. » Sur un dernier sourire, il s’éclipsa, l’attaché-case en main.
Il entendit la jolie femme jurer dans sa langue maternelle une fois la porte close, ce qui déclencha un ricanement. La démarche toujours détachée, il contrôla sans à-coups le roulis du train tandis qu’il rejoignait les voitures déjà traversées à l’aller. L’attaché-case pesait son poids. Combien pouvait valoir la statuette ? Un objet unique comme celui-ci devait pouvoir se vendre à des milliers de dollars. Peut-être même des centaines de milliers. Selon l’un des articles qu’il avait lus sur Internet, la composition exacte des fragments de météorite n’avait pu être déterminée.
Tout en s’avançant entre les voyageurs, Vick avait conscience de la vision incongrue qu’il devait offrir, lui avec ses vêtements élimés, la peau bronzée et les cheveux en bataille, portant un tel objet. Dans les sociétés dites modernes, l’habit ne faisait pas le moine, mais pouvait marginaliser ou au contraire attribuer un rang social – à condition d’aller de pair avec l’hygiène corporelle. Cela, et les accessoires comme les montres, bijoux ou smartphones. Ou même un attaché-case.
Il affronta le regard d’Akhtar et de ses lieutenants sans ciller. La surprise se lisait sur leurs traits. Il passa à côté sans ralentir le pas.
A plusieurs rangées de là, le vieux, Achmed, était toujours à sa place. Zeina penchait la tête vers sa fenêtre, perdue dans de sombres pensées. La fillette de douze ans releva la figure lorsqu’il s’inclina vers elle. Ses grands yeux noirs s’attardèrent avec méfiance sur son visage.
« Salut, fit-il en hassaniya. Tu peux aller te promener un moment ? »
Elle parut déconcertée, mais baissa les paupières et s’exécuta en silence. Il s’assit sans faire de façon à sa place.
Les salutations avec Achmed furent écourtées. Le vieux ne l’avait jamais aimé. Dans son regard il pouvait lire le reproche et au-delà, l’amertume du destin échu à son fils, aîné, Salah.
« Je ne dirais pas que je suis content de te revoir, le vieux.
– Qu’as-tu à me tourner autour, toi l’infidèle ? Si tu crois qu’on ne t’a pas vu traîner dans notre quartier… Qu’est-ce que tu trafiques, encore ? »
Il lui renvoya un regard noir. « Comme tu dis, je trafique. Je ne suis pas le seul, je crois.
– Tu trafiques avec cette mallette ?
– Tu as tout compris. » Vick la posa sur ses genoux et tourna les molettes pour former la combinaison. « Je veux la fille », dit-il avant que le déclic ne retentisse.
Achmed haussa les sourcils. Il n’eut cependant pas le loisir d’élever une protestation. Vick lui présentait le contenu de l’attaché-case. « Je te présente Labiod, le tourmenteur. »
Les traits d’Achmed se révulsèrent et il murmura une prière. Il avait toujours été superstitieux. « Eloigne-le, chuchota le vieux. Referme ça ! »
Vick n’obtempéra pas immédiatement. Une goutte de sueur perla sur le front du père de son ami d’enfance. Le vertige prenait-il à son tour le vieil homme ? L’effet était en tout cas saisissant.
Clic. L’attaché-case refermé, Achmed respira plus librement.
« Si tu ne me donnes pas Zeina, murmura Vick, je cacherai le djenoûn quelque part chez toi. Tu ne sauras jamais où. Labiod détourne les pensées de celui qui le cherche. Il te tuera à petit feu, et il apportera le malheur dans ta maison.
– Tu… tu es le Mal. C’est toi qui apportes le malheur.
– Tu veux la paix ? Laisse-moi la fille. Sinon, tant pis pour toi. » Les yeux de Vick brillaient, sa voix avait la dureté de l’acier.
Les conversations dans le wagon n’avaient pas cessé. Personne ne semblait se soucier d’eux. Achmed déglutit mais resta muet comme une carpe. Vick fit mine de rouvrir l’attaché-case.
« Non ! Attends… C’est bon, maudit sois-tu, finit par articuler le vieil homme. Tu peux la prendre. »
Vick inclina sèchement le menton et se leva. Il fit signe à Zeina de s’approcher.
« Dis-lui », intima-t-il.
A contrecœur, Achmed révéla en un murmure à la jeune adolescente que Vick s’occuperait désormais d’elle. Zeina écarquilla les yeux. Elle eut un frémissement. Vick tendit d’autorité la paume vers elle.
Après un instant d’hésitation, elle y plaça sa main avec résignation.
« Je ne veux plus jamais te revoir, gronda Achmed.
– Ce n’est pas à toi d’en décider, le vieux. »
Les lèvres serrées, le visage blême, elle le suivit. Elle pouvait défaillir à tout moment, ou au contraire, tenter de se rejeter brusquement en arrière pour lui échapper. Pourtant, Vick ne se départissait ni de sa calme assurance ni de son sourire.
Il sentit s’accroître la surprise d’Akhtar et de ses larbins comme il repassait devant eux. Il s’avançait en homme qui vient de faire la chose la plus naturelle au monde, et s’engagea dans les wagons de première classe. Au bout de quelques instants, des sanglots étouffés retentirent.
Il se tourna vers les grands yeux noirs en amande, embués de larmes de la fillette. « Tout ira bien », murmura-t-il.
La peur ne quitta pas son expression. Elle le connaissait trop bien. Il eut un rictus et l’entraîna sans ménagement.
Le wagon de Lisbeth Lawson était calme. Trop calme. Un sombre pressentiment, de ceux qui l’auraient fait plonger à couvert et épauler nerveusement sa kalach en d’autres temps, agita Vick. Sa mallette lui parut soudainement plus lourde. Il remua l’encolure, irrité. Il avait beau avoir à peine la trentaine, il avait trop bourlingué pour se laisser impressionner si facilement. Zeina geignait doucement à présent. « Vous me faites mal. »
Il lâcha sa main. La double porte du compartiment de l’Américaine n’était pas complètement refermée. Vick poussa un grognement et ouvrit en grand.
La peau de la voluptueuse femme aux cheveux auburn avait pris une teinte grise. Son corps sur le plancher du compartiment était adossé au siège et son crâne reposait sur la banquette en un angle impossible. Tournés vers le plafond, les yeux exprimaient au-delà de la mort une terreur abjecte.
Vick vacilla. Des macchabées, il en avait vu, et à divers degrés de décomposition. Celui-ci avait quelque chose de plus grotesque que tous les autres réunis. Il reposait tel un affront ultime à la vie et à la nature, une injure à la permanence, un défi à la logique et à l’ordre des choses. Le corps, qu’il se garda de toucher, n’avait à première vue subi aucune atteinte physique. Nulle trace de sang ni de strangulation. Lisbeth Lawson paraissait bel et bien être morte de trouille.
« Bordel de merde », marmonna Vick d’une voix atone.
Un cri suraigu s’éleva, avant de s’interrompre tout à coup. Vick s’était trop rapproché, laissant à Zeina l’opportunité d’entrevoir le terrifiant tableau. Les yeux de l’adolescente s’efforcèrent de jaillir de leurs orbites. Comme elle rejetait la tête en arrière, il se précipita – juste à temps pour la recueillir dans ses bras.
Elle avait les paupières closes. Il palpa fiévreusement la jugulaire.
Juste évanouie. Pour un peu, il aurait cru qu’elle aussi était morte de peur.
« Bordel de merde », jura-t-il de nouveau en l’entraînant hors de la cabine. Il tenait toujours la mallette, mais dut la poser pour refermer la double porte du compartiment. Ce faisant, il s’assura que les rideaux fussent correctement tirés. Mieux valait que l’on découvre le plus tard possible le cadavre. Certains passagers risquaient trop de faire des rapprochements avec ses allées et venues dans le secteur.
L’avant du train lui parut être la meilleure solution pour se procurer un répit. Peut-être même parviendrait-il à atteindre sa destination, Zouerate, sans plus de casse. On pouvait toujours rêver. Entre l’attaché-case et le corps inerte de Zeina, il progressait avec difficulté.
« Hé ! Vick ! Tu comptes aller où comme ça, le vagabond ? Attends-nous ! »
Akhtar et ses sbires. Ils choisissaient bien leur moment, ceux-là. La fuite n’était pas une option, il déposa donc rudement la mallette et l’adolescente avant de se retourner pour faire face aux quatre gaillards en treillis. Le couloir ne permettait pas à plus de deux d’entre eux de s’avancer de front, ce qui l’arrangeait. Le large sourire d’Akhtar dévoilait ses dents éclatantes.
« Tu oublierais pas tes frères d’armes, quand même ? On doit tout partager, entre frères. Les coups durs comme le reste…
– C’est sûr. Sauf que je vous ai quittés.
– Tu as déserté, mec. » L’individu à la droite d’Akhtar avait des favoris légèrement grisonnants en plus de sa barbiche. « Y’en a qui passent devant le peloton d’exécution pour moins que ça…
– Déserté ? Réveille-toi, mon frère. On n’a jamais été qu’une bande de mercenaires se vendant au plus offrant. »
Le sourire d’Akhtar disparut. « On est le poing d’Allah, Vick le vagabond. Notre cause est sacrée.
– Oui… bien sûr. »
Akhtar crispa la mâchoire. Puis son expression se détendit quelque peu et il désigna la fille. Vick s’aperçut qu’elle remuait.
« Qu’est-ce qu’elle a ?
– Elle ne s’est pas montrée suffisamment… coopérative. »
L’autre éclata de rire.
« Toujours tes méthodes ! C’est avec l’argent de la mallette que tu l’as achetée ? Petit malin. Tu veux la revendre plus cher, c’est ça ? Ou tu as d’autres idées ?
– C’est qu’elles sont étroites, à cet âge-là ! » Le sbire aux favoris partit d’un rire graveleux, aussitôt repris par ses compagnons. Vick demeura imperturbable.
« Tu pourrais revenir avec nous, proposa Akhtar. T’étais un bon fusil. T’aurais qu’à nous filer la mallette et la fille. On te reprendrait. »
Vick haussa le menton, les yeux plissés. « Tu veux savoir ce qu’il y a dedans ?
– Ouais. Vas-y mon frère. Montre-nous. » Akhtar eut l’un de ses sourires cruels.
Vick inclina la tête et se baissa. Il forma rapidement la combinaison et le déclic se fit entendre.
Il se rejeta de côté juste à temps. La rangers aux solides crampons d’Akhtar passa si près qu’il sentit le déplacement d’air au niveau du menton.
La main de Vick alla plus vite que sa pensée. Elle se porta sur le mollet et entraîna la jambe irrésistiblement vers le haut, profitant de l’élan acquis. Dans la fraction de seconde suivante, il délivra un direct du droit fulgurant à l’entrejambe.
Akhtar émit un son étouffé et commença à se plier en deux. Son visage prit une teinte bleutée. Une manchette précise au niveau du cou le mit hors de combat pour de bon.
Vick n’eut pas le temps de se réjouir. Il dévia un crochet du gauche de l’homme aux favoris. Tout en ajustant ses coups de poing lorsqu’il le pouvait, il se mit à se déplacer avec vivacité, de manière à n’affronter qu’un des lieutenants à la fois. Sa vitesse et son centre de gravité plus bas en faisaient une cible difficile.
Zeina leva les yeux. Que lui était-il arrivé ? Sa tête était lourde, ses tempes, douloureuses. On se battait, tout près. Vick Lempereur. Elle s’en était toujours méfiée. Dès leur première rencontre, elle avait lu la violence dans son regard. Ses pieds et poings étaient autant d’armes redoutables, elle ne pouvait plus en douter à le voir combattre ainsi. Ce grand militaire qui avait mordu la poussière en était une preuve supplémentaire. Tremblante, elle eut envie de se recroqueviller, quand son regard tomba sur la mallette entrouverte.
Une étrange statuette se trouvait étendue là, tournée vers elle. Sa pierre émettait des pulsations blanches au niveau du ventre. Ses yeux luisaient d’un éclat continu. Il sembla à Zeina que les lèvres rigides s’étiraient en un rictus démoniaque, mais ce n’était sans doute qu’un effet de son imagination.
Parmi les halètements et grognements des combattants, une voix s’éleva tout à coup. « Vous... vous n’êtes pas protégés ! Fu... fuyez ! »
D’un coup de tête dans l’abdomen, Vick projeta son adversaire contre une paroi. Zeina distingua alors derrière eux un petit homme chauve d’aspect insignifiant. Il était pris de violents tremblements. L’un des soldats se tourna vers lui tandis qu’un autre s’employa à délivrer des coups de pieds au niveau des reins du Français, avec un succès mitigé.
Zeina voulut se soulever, se remettre sur ses jambes. Ses forces lui firent défaut. Sa bouche forma un « O » de stupéfaction. Le petit personnage qui avait essayé de les avertir s’était transformé. Ou plutôt, la silhouette de quelque chose de plus grand que lui s’était superposée sur la sienne. L’éclat inhumain qui luisait dans les yeux de cet être lui glaça les sangs. En un éclair, elle fut environnée de rats grouillants. Puis, elle vit sa mère, le visage à demi dévoré, qui s’enfuyait. L’abandonnant. Enfin, elle sentit des vers circuler sous sa peau, lui lacérant les chairs.
Puis plus rien. L’espace d’un battement de paupières, elle revint à la réalité. Un soldat s’était interposé entre elle et l’homme chauve. Elle le vit soudain reculer. L’autre était toujours habité par la créature. Il levait les bras les yeux révulsés, tandis que la silhouette plus grande prolongeait ses bras et mains de ses propres appendices inconsistants, minces et aux extrémités pointues. Le démon ressemblait à un fantôme avec ses membres transparents, et pourtant, lorsqu’ils effleurèrent le soldat, l’effet fut immédiat. Le visage du malheureux commença à virer au gris. Pris de panique, il bouscula l’un de ses compagnons et se rua dans sa direction.
Son échine se glaça. Elle s’attendait au pire, mais rien ne vint. Les jambes en tenue de camouflage et les rangers s’étaient arrêtées à quelques centimètres du visage de Zeina.
Courant d’air chaud. Il venait d’ouvrir la fenêtre. Un cri d’horreur qui ne provenait pas du soldat retentit, et dans le même temps, ce dernier se jeta hors du train. Elle écarquilla les yeux. Non, elle ne rêvait pas, il avait bel et bien disparu. Les ongles de Zeina raclèrent le parquet, et certains se cassèrent. Elle ne s’en aperçut pas. Le cri avait été bref, mais il vibrait d’une telle agonie que Vick et son adversaire se tournèrent vers l’endroit d’où il provenait.
L’individu à la peau grise, ratatinée sous le démon, paraissait avoir deux cents ans. Seule sa tenue de combat indiquait qu’il avait été soldat de son vivant. L’expression inhumaine de l’homme au crâne chauve n’avait pas changé. Le djenoûn, quant à lui, avait les yeux toujours brillants de cet insoutenable éclat. Elle devait éviter de les croiser.
« Je n’ai rien à faire, siffla l’impossible créature en plongeant l’une de ses mains au niveau du cou du grand gaillard assommé par Vick. Ce sont vos propres actes qui vous condamnent. Vos peurs. Votre passé qui vous dévore. » Sa deuxième serre intangible se porta sur le soldat aux favoris. Un regard vers Vick, et ce dernier s’effondra à son tour, la bouche ouverte sur un hurlement qui ne voulait pas sortir, se griffant les joues de ses ongles. Il ne l’avait même pas touché !
Zeina hoqueta. Les yeux du djenoûn. Leur éclat était frère de celui de... Sa main gauche s’abattit sur la statuette. Puis la droite. Elle eut l’impression de devoir soulever une montagne.
« N’y touche pas, traînée ! Regarde-moi ! »
Elle aspira une grande goulée d’air et, ignorant les sifflements et malédictions du djenoûn, poussa sur ses jambes et les frêles muscles de ses bras, à se les déchirer. Elle se releva. Son corps se balança d’avant en arrière. D’une ultime impulsion, elle fit basculer la statuette de l’autre côté de la fenêtre.
Le démon leva un membre comme pour la frapper. Elle se détourna et serra les dents, attendant le choc inévitable. Qui ne vint pas. Au moment où elle rouvrit les yeux, le petit homme chauve achevait d’escalader la fenêtre. A quelle vitesse pouvait rouler le train ? Soixante, quatre-vingts kilomètres à l’heure ? Elle n’en savait rien, mais l’homme en costume souleva derrière lui un nuage de poussière en retombant.
Des odeurs écœurantes lui montèrent aux narines. Dans le wagon, c’était un spectacle de désolation. Trois cadavres à l’expression terrifiée s’entremêlaient à présent sur le sol. Son cœur battait à grands coups sourds dans sa poitrine. Sa tête continuait de la lancer. Ses jambes cédèrent, et elle tomba sur les genoux. Fait extraordinaire, alentour, nul ne semblait avoir perçu le tumulte. C’était un miracle, personne ne devait tirer le signal d’alarme ! Il leur fallait mettre le plus de distance possible entre eux et cette statuette.
Le Français se redressait. Une longue mèche blanche était apparue dans ses cheveux châtains. Les yeux rougis, il paraissait avoir pleuré. Son visage entier était inondé de sueur. Il regarda de droite et de gauche, désemparé. Inclina un court moment le chef. « Tu vas m’aider de ton mieux, articula-t-il d’une voix d’outre-tombe. Il faut tous les faire passer par-dessus bord. »
Les poches remplies des billets et pièces prélevés sur les cadavres, tenant Zeina par la main, Vick pénétra dans le wagon-bar. Il proposa un rafraîchissement à l’adolescente, qui refusa. Elle était pâle, mais en dehors de cela, tenait drôlement bien le coup. Il se commanda une bière bien fraîche qu’il régla sur le champ. Du coin de l’œil, il observait Grégoire Amelin, attablé devant un cocktail. L’ex-possesseur de la statuette n’était donc pas dans son wagon au moment des combats. Une chance, il n’aurait pas manqué de donner l’alarme. Vick avait soigneusement refermé la fenêtre et effacé toute trace de lutte – il y avait encore une possibilité que rien ne soit découvert d’ici à leur arrivée. Un gris-gris en ivoire entouré d’un pelage gris indéterminé pendait autour du cou d’Amelin. Le trafiquant d’art était peut-être un Occidental fraîchement débarqué, ce n’en était pas moins, à l’évidence, un homme prudent. S’il connaissait son métier, il ne pouvait bien entendu ignorer la réputation sulfureuse de l’étrange objet qu’il s’était approprié.
Sa bière finie, Vick entraîna la fille plus loin à l’avant. Un peu plus tard, ils sortirent des wagons à toit pour escalader de nouveau un wagon-benne. Les voyageurs autour d’eux haussèrent les sourcils à leur arrivée, mais nul n’émit la moindre réflexion.
Assis contre la paroi d’acier, Vick se laissait écraser par la chaleur, espérant que celle-ci l’assommerait suffisamment pour lui éviter de penser à ce qu’il s’était passé.
« Vous voulez vous marier avec moi ? »
Zeina le contemplait avec crainte, suspendue à ses lèvres.
« Non jeune fille, répondit-il le plus sérieusement du monde.
– Alors qu’est-ce que vous voulez faire ? » osa-t-elle.
Il lui lança un regard noir. « Si tu files droit, je ne te battrai pas. Et si tu ne poses pas de questions. »
Elle s’abstint de le déranger le restant du voyage, et il parvint presque à somnoler.
A l’ouest, la Kedia d’Idjil – c’était le nom de la montagne avoisinante – dominait de sa masse sombre les bâtiments rasants du quartier ouvrier de Zouerate. La nuit était tombée, une nuit claire où les étoiles luisaient. Si la plupart des rues se révélaient être des pistes poussiéreuses, la cité était quadrillée de telle manière qu’il était toujours possible de retomber sur une route goudronnée, à condition de marcher sans dévier. De vieilles Renault côtoyaient des chèvres qui tractaient parfois des chariots rudimentaires. Vick dut demander à plusieurs reprises son chemin. Par deux fois, il avait déjà dû adresser des regards dissuasifs à la gamine qui trottinait à ses côtés pour s’éviter des geignements. Heureusement, la demeure du dénommé Amadou Ould Haiba se trouvait non loin de la mosquée, point de repère facilement identifiable.
On n’était jamais sûr en Mauritanie de quelle couleur exacte serait la peau d’un homme que l’on n’avait jamais rencontré. Celui-ci l’avait très noire, et portait la djellaba.
Oui, il était bien membre de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste, l’IRA.
Après avoir échangé les salutations d’usage et s’être fait offrir le thé, Vick conta à son hôte l’histoire trop classique de Zeina, Haratine emmenée à Zouerate par son maître, Achmed, pour y être vendue et mariée à un riche ouvrier. Il se garda bien de détailler les péripéties du voyage, en particulier la manière dont il avait persuadé Achmed de lui céder la fille.
« Vous croyez qu’il sera possible de libérer sa famille ? demanda-t-il.
– Les Haratines n’ont le plus souvent aucun papier justifiant de leur ascendance, répondit d’une voix grave Amadou. Heureusement, l’ADN fait des miracles, de nos jours. C’est un fil que l’on peut essayer de tirer pour remonter tous les poissons pris au piège. » Il soupira. « Le plus dur est à chaque fois de devoir s’opposer aux autorités. La loi devrait être de notre côté, mais ceux qui possèdent les esclaves sont riches, et la corruption règne le plus souvent, hélas. »
Vick hocha la tête. Il n’était pas surpris – plus grand-chose ne pouvait le surprendre.
« Pourquoi faites-vous ça pour moi ? » demanda Zeina, les yeux brillants. Elle avait posé une main sur son genou. Il la regarda longuement, et repoussa doucement la main si frêle.
« Parce que parfois, même le désert le plus aride doit recevoir une goutte d’eau. » Vick se tourna vers Amadou et lui tendit une carte de visite. « Tenez, je n’en aurai plus besoin. »
L’autre la prit et la lut. C’était la carte du contact de Vick à Nouadhibou qui travaillait pour l’IRA. L’homme qui l’avait convaincu de faire quelque chose pour améliorer sa vie.
« Gardez-la, fit Amadou. Vous pourriez vous rendre encore utile. »
Vick secoua la tête. « Je ne suis pas... un bienfaiteur de l’humanité, croyez-moi. Vous, vous êtes quelqu’un de bien. » Sur ce, il tourna les talons.
May 15, 2014
"Je me sens piégé dans mon boulot"
On parle souvent du "fléau", du "cancer du chômage". On parle beaucoup moins des Français sans doute plus nombreux encore qui se sentent piégés dans leur boulot. On se rend bien compte que cette angoisse permanente (et sous-jacente) liée à l'opprobre du chômage, à la perte de sécurité sociale (même si la couverture maladie universelle existe) et d'une mutuelle, à l'impossibilité de se constituer une retraite, toute cette anxiété est totalement contreproductive et mine les fondements de la société. Mais comment y remédier? Sans prétendre vouloir régler le problème, il serait bon de se pencher sérieusement sur le sujet.
En tant qu'auteur qui a fait le choix de quitter son travail alimentaire pour passer à plein temps sur l'écriture, on comprendra que ce sujet me touche particulièrement. L'un de mes pairs, Neil Jomunsi, a publié récemment un article sur son blog intitulé Du revenu de base et de ses potentiels effets inattendus sur la littérature (et l’art en général), qui, tout en me donnant des pistes de réflexion, m'a incité à me poser la question de manière plus générale.
Les premiers jours après être passé à temps plein sur l'écriture, je l'avoue, j'ai mal dormi. Bien que me trouvant dans une situation privilégiée, et n'ayant, grâce à un héritage familial, plus besoin de rembourser mon prêt immobilier, j'ai tout de suite été victime de la pression sociale.
Ma femme a soutenu mon choix, mais elle ne pouvait me protéger contre mes propres angoisses. Etant l'auteur de l'article Mediastox, un outil pour évaluer la toxicité des médias, et ayant été formé dans une Ecole de Journalisme à Paris, je connaissais parfaitement l'aspect "caisse de résonnance" des angoisses qui nous viennent des médias, et en particulier des médias audiovisuels (radio et télé).
Je savais que le fait de maintenir la population dans une anxiété permanente est en fait une stratégie marketing visant, soit à susciter davantage d'audience, soit à susciter plus facilement des actes d'achat pour le consommateur (les deux étant étroitement liés, de par les publicités diffusées avant et/ou après les infos). Je savais les enjeux immenses pour les grands groupes derrière cette stratégie.
Depuis les problèmes de harcèlement au travail dont a été victime ma femme, je savais aussi, non plus en théorie mais en pratique, quel pouvoir cette angoisse sous-jacente de perdre son boulot, et tous les avantages qui vont avec, pouvait donner à des petits chefs qui masquent leur propre incompétence en privilégiant l'attaque pour ne pas avoir à rendre eux-mêmes des comptes.
L'une de mes motivations non négligeables en tant qu'auteur à temps plein me vient justement du fait de ne plus devoir dépendre d'un petit chef pour vivre de mes activités.
J'avais donc déjà des armes pour lutter contre mon angoisse. Gavin de Becker, avec son ouvrage The Gift of Fear m'a donné deux autres règles cardinales:
- Le fait précis que vous craignez quelque chose est la preuve formelle que cette chose n'est pas en train de vous arriver
- Ce qui engendre la peur réelle est rarement ce que vous pensez que vous craignez - c'est ce que vous liez à la peur.
Mon interprétation de la seconde règle de De Becker est la suivante, au travers de cet exemple: lorsque vous êtes en face d'un chien qui grogne, la peur que vous ressentez est fondée car votre intuition sait qu'un chien qui grogne va attaquer de manière imminente (selon les comportementalistes canins, les chiens qui aboient ne sont pas directement en phase d'attaque, ils le font pour rallier d'autres membres de la meute, c'est leur instinct qui les guide). Le fait qu'il ne l'ait pas encore fait vous laisse une marge de manoeuvre, ce qui nous ramène à la première règle. Mais lorsque vous croisez un chien sans son maître dans la rue et que vous vous mettez à penser qu'il a peut-être la rage juste parce qu'il n'a pas de maître, là, c'est votre imagination qui se met à construire une hypothèse infondée.
Donc, nos craintes conscientes et élaborées ne sont pas en rapport avec un danger réel et immédiat pour nos vies. C'est une évidence, mais cela vaut la peine d'être souligné, dans le climat si propice à l'exacerbation des angoisses dans lequel nous vivons.
Il n'en reste pas moins que perdre son travail a des conséquences directes, bien sûr. Ces conséquences sont mille fois plus anxiogènes dans un contexte de chômage que dans celui de plein emploi. Ce qui, bien sûr, stratifie de plus en plus les gens dans leur boulot. Ils se sentent pris au piège, et à juste titre.
Si une solution devait être trouvée, elle devrait selon moi consister à retrouver l'état d'esprit des Trente Glorieuses. Comment? Eh bien, non seulement grâce au revenu de base, mais grâce à un système entier de prise en charge social et de logement qui ne laisserait personne sur le carreau.
Il faudrait aussi, bien entendu, déculpabiliser les personnes sans travail, et que les médias et hommes politiques cessent de brandir à tout bout de champ le Roi Chômage comme un épouvantail.
Oui, il y a moins de travail dans une société qui n'est plus en reconstruction. Et alors? Il faudrait repartir avec "une bonne guerre"? Se retrouver terrés à des kilomètres sous terre dans des abris, et y attendre 500 ans la fin de l'hiver nucléaire, dans l'espoir de pouvoir de nouveau rebâtir et connaître le plein emploi? Et avoir enfin la chance infinie que les médias cessent de nous casser les oreilles avec le chômage?
Alors certes, le système que je préconise ressemble à une utopie. De même que la Sécurité Sociale aurait parue utopique au XVIème siècle. Il faudrait bien entendu repenser en profondeur le système de répartition des richesses.
Mais dans ce cas, ne pourrait-on pas objecter qu'un Etat qui peut d'un claquement de doigts faire disparaître tous les privilèges des citoyens serait un véritable cauchemar, et que seule l'initiative privée peut sauver les individus?
Franchement, je ne crois pas en cette dernière hypothèse. Je crois que nous devons nous faire confiance en tant que collectivité, restaurer les valeurs de solidarité entre citoyens. Il nous faut un filet de sécurité universel et non culpabilisant pour ceux qui y ont recours. Quelque chose qui nous permette, non pas d'être plus dépendants, mais plus libres, au contraire, dans nos choix professionnels. Quelque chose de facilitant pour l'initiative privée, et non l'inverse.
Et dans ce filet universel, le logement doit occuper la première part, car c'est sans doute l'une des principales causes de stress. J'ai bien conscience que je n'aurais pas pu faire ce choix de vie porté à 100% vers l'écriture si ce problème n'avait pas été résolu pour moi.
Et pour ma retraite et ma mutuelle, me direz-vous? Eh bien oui, j'ai fait le choix personnel de m'en priver, parce que ces deux facteurs limitaient de trop ma liberté et ma marge de manoeuvre. C'est un choix personnel, et chaque personne en face d'un tel choix doit soigneusement peser le pour et le contre.
May 4, 2014
Dédicace de Fontenay-sous-bois le 5 mai reportée
Juste un message en coup de vent pour signaler le report de la dédicace du lundi 5 mai à Fontenay-sous-bois dans le 94 (Auchan Val de Fontenay). Je vais essayer de la reporter au jour suivant, mais ce n'est pas une certitude pour le moment. La dédicace est reportée au mardi 6 mai 2014, à partir de 10h00. Le report est dû à la programmation par inadvertance d'une autre séance de dédicace en même temps que celle-ci, et c'est la libraire qui m'a demandé de reporter la séance.
May 1, 2014
Un recueil Votre santé, c'est notre avenir à gagner
A l'occasion de la sortie papier aujourd'hui du recueil Votre santé, c'est notre avenir, et jusqu'au 3 juin 2014, un exemplaire dédicacé du livre broché est à gagner sur le site GoodReads. Il suffit de vous inscrire gratuitement sur le site, puis de cliquer sur le bouton "Enter to win". Le recueil sera aussi dédicacé dès samedi à partir de 10h00 au Cultura Gennevilliers.
220 pages, 16 x 23 cm, 14 €
ISBN : 979-10-90571-27-3
Ancien mercenaire devenu vagabond en Afrique, Vick Lempereur n’est pas épargné par la vie. Aussi tortueux qu’imprévisible, son itinéraire va le conduire à mener l’enquête dans le train le plus long du monde suite à un meurtre mystérieux en Mauritanie (Le Vagabond), à se lancer sur la piste d’une lionne au cours d’un safari en Tanzanie (Le Baiser de la lionne), et enfin à infiltrer l’un des plus grands laboratoires de France (Votre santé, c’est notre avenir). Vick devra y trouver le remède à son étonnant don de double vue, qui est pour lui une malédiction. Deux autres nouvelles de type thriller, Shopping et Grand Pouvoir Séculaire (GPS), viennent compléter ce recueil punchy, rythmé et épicé. Un cocktail détonnant.
Les quatre premières nouvelles se suivent chronologiquement, mais peuvent aussi être lues indépendamment les unes des autres. La cinquième, GPS, liée aux autres par sa thématique, n’en reprend aucun des personnages.
Au moment où j'écris ces lignes, seules quatre personnes se sont inscrites pour remporter le livre sur Goodreads. Vos chances sont donc non négligeables... Seule contrepartie si vous remportez le livre et le lisez, un commentaire (bien évidemment en toute sincérité) serait apprécié sur Amazon ou sur la Fnac. Ce n'est bien sûr pas une obligation, mais ça aide.
Si vous êtes vous-même auteur, sachez que je ne pratique pas l'échange de commentaire. C'est contre mes principes, j'estime qu'il y a conflit d'intérêt et que cela nuit à la liberté d'expression. Cela ne vous empêche pas, en tant qu'auteur, de laisser un commentaire, mais cela ne se fera pas dans le cadre d'un échange.
Pourquoi le site Goodreads, et non par exemple Babelio? Eh bien, tout simplement parce que, aujourd'hui en 2014, Babelio continue avant tout à s'adresser aux éditeurs pour ce type d'opération. Là où le site Goodreads permet à un auteur indépendant d'offrir son livre papier, en générant un algorithme qui va désigner aléatoirement un vainqueur, Babelio, avec son opération "Masse critique", ne s'adresse qu'à des éditeurs (et aux lecteurs).
Alors certes, le site Goodreads a été racheté par Amazon, donc si vous êtes victime du "syndrome de dérangement Amazon", vous pouvez être tenté(e) de le boycotter.
Mais on dira ce qu'on voudra sur Amazon, aucun des acteurs sur le marché n'a pour l'instant offert autant de possibilités aux auteurs indépendants (même si je reste très très réservé sur certaines choses, et notamment l'exclusivité de KDP Select).
Donc, je dis merci à Goodreads de me permettre d'offrir mon livre à mes lecteurs avec un système simple et convivial.
Pour ceux qui souhaiteraient se procurer directement la version papier, elle existe sur mon site d'auteur (où la version ebook est offerte pour le livre papier acheté) et Amazon (où les frais de port sont offerts). Je dédicacerai le recueil sur les dates et lieux suivants:
- samedi 3 mai, 10h00-19h00 : Cultura Gennevilliers, Avenue Charles de Gaulle, Gennevilliers (92)
- lundi 5 mai, 10h00-19h00 : Auchan Val de Fontenay, Av. du Maréchal Joffre, Fontenay sous Bois (94)
- samedi 10 mai, 10h00-19h00 : Cultura Compiègne Venette, 10 avenue de l'Europe, Venette (60)
- samedi 17 mai 2014, 10h00-19h00 : Espace culturel Leclerc Clichy-sous-Bois, 12 Allée Fosse Maussoin, Clichy-sous-Bois (93)
- dimanche 18 mai 2014, 14h00-19h00 : Médiévales d'Oise, place du Grand Martroy Pontoise (95)
- dimanche 25 mai, 10h00-19h00 : Cultura Sainte-Geneviève-des-Bois, 4 Rue des Petits Champs, Sainte-Geneviève-des-Bois (91)
- samedi 7 juin, 10h00-19h00 : Cultura Pince Vent La Queue en Brie, avenue de l’Hippodrome, La Queue en Brie (94)
- samedi 14 juin, 10h00-19h00 : Cultura Claye-Souilly, Rue Victor Drouet, Claye Souilly (77)
- dimanche 15 juin,10h00-19h00 : Cultura Claye-Souilly, Rue Victor Drouet, Claye Souilly (77)
- samedi 21 juin, 10h00-19h00 : Leclerc Trie-Château, RN 181, Trie-Château (60)
- samedi 5 juillet, 10h00-19h00 : Cultura Carré Sénart, allée du Trait d'union, Lieusaint (77)
- samedi 12 et dimanche 13 juillet, 10h00-19h00 : Cultura Franconville, 326 Rue du Général Leclerc, Franconville (95)
- samedi 9 août, 10h00-19h00 : Leclerc Fosses, ZI de Fosses, Fosses (95)
A bientôt, j'espère, dans le virtuel ou le réel !
April 28, 2014
Histoire gratuite : Le Plasmode
L'histoire gratuite de ce lundi est issue du recueil de space opera (SF) Les Explorateurs, réédité en 2011. Elle restera une semaine sur ce blog avant de disparaître. Vous pouvez vous procurer le recueil complet sous format ebook et papier sur Amazon, ou sous format ebook sur Apple, Kobo et la Fnac. Et si vous habitez dans la région parisienne et que vous souhaitez vous procurer un exemplaire dédicacé du recueil, bien sûr, vous pouvez vous rendre à l'une des séances de dédicace indiquées sur la colonne de droite de ce blog.
En certaine période de l’année, la petite planète Segrelem se trouve presque à équidistance d’Henim, la géante rouge en perpétuelle fusion, et de Benax, l’étoile bleue dont les rayons miroitants n’apportent qu’une faible tiédeur. Dans cette sorte de duel que se livrent ces deux encombrants parents pour s’approprier la garde du petit, Henim finit invariablement par l’emporter, Benax ne pouvant rivaliser avec sa masse et son pouvoir d’attraction. Segrelem serait-elle trop proche de la périphérie d’Henim, son destin serait de s’en rapprocher toujours plus. En quelques millions d’années la structure planétaire se déformerait selon les caprices de la gravitation et des volcans naissants, pour finalement s’embraser et se désintégrer au contact de l’étoile.
Cependant, aussi disproportionnés que puissent paraître les rapports de force à première vue, la position de Segrelem garantit sa stabilité au cours du prochain milliard d’années. Nul volcan ne s’y est formé, nulle éruption ne s’y manifeste. A l’époque du récit, seuls les vents gravitationnels venaient rejouer à la surface le conflit opposant les deux titans, composant avec les sables omniprésents un florilège de tourbillons de particules ocre. Des grains si fins et légers que pris isolément, ils semblent pour ainsi dire dépourvus de substance.
Un étranger doté du sens de l’esthétique ne manquerait pas d’être saisi par l’âpre beauté du décor, fasciné par les convulsions internes d’Henim, ébloui par les feux bleutés de Benax. Le mariage entre l’écarlate et l’azur des rayons unis par la frêle atmosphère conférait aux maelströms chevauchant les dunes un relief en perpétuelle transmutation. D’éphémères vagues donnaient le sentiment de surgir du sol avant de s’abattre en pluie. Des colonnes tournoyantes se télescopaient, se repoussaient puis s’effondraient sur elles-mêmes. Des amas de particules en suspension, déchirés entre plusieurs courants contradictoires, cessaient d’exister.
Parfois les nuées retombaient et tout s’immobilisait. Dans un calme surnaturel, les dunes se figeaient comme si jamais plus elles ne devaient changer d’aspect. Quand des remous survenaient alors, c’était juste sous la surface, de manière presque imperceptible. Ces mouvements n’étaient pas dus à une quelconque caractéristique géologique mais bien à la présence de vie sous-jacente. Une forme de vie à la fois unique et divisée en des millions de composants. Car au sein des profondeurs insondables de Segrelem, lovée autour du noyau de la planète, une gigantesque entité appelée Multiscient a créé les plasmodes, émanations conscientes et intelligentes parcourant les étendues souterraines.
L’un de ces plasmodes se dirigeait vers la surface. Protégé par une fine carapace translucide, il se déplaçait avec aisance grâce à la faible densité des couches sédimentaires alliée aux propriétés volatiles de leurs atomes. Ses deux larges nageoires pectorales étaient garnies de longs cils sensitifs. Soudain il interrompit sa progression et, déployant les nageoires tout en se positionnant à la verticale, attendit. Il avait détecté dans le lointain un rift. Quand l’immense vague le rejoignit, il se laissa porter en avant, gagnant de la vitesse et accomplissant en quelques minutes plus de kilomètres qu’il n’aurait pu en parcourir en une journée par ses propres moyens.
C’était un jour particulier pour ce plasmode car son cycle de conscience s’achevait. Tous ses instincts le lui soufflaient, le temps de la métempsycose approchait. Au cours de sa période d’activité il avait fidèlement servi le Multiscient. Partageant en permanence un lien télépathique avec l’entité, il l’avait informé des millions d’infinitésimales variations de la composition des particules de sable, de la nature du double rayonnement stellaire, des vents gravitationnels et de leur influence sur le relief des dunes, des changements climatiques, de mille choses encore. En somme il avait participé avec le concours des autres plasmodes à la mise à jour en temps réel d’une incommensurable base de données relative à Segrelem et son environnement.
A trois reprises il avait rendu compte de l’impact de météorites et contribué à leur assimilation progressive au sein de la couche sédimentaire.
Son action ne s’était d’ailleurs pas confinée à cela. En frôlant les objets stellaires à l’aide de ses longs cils, il avait fait sien l’étonnant pouvoir d’intuition du Multiscient. Le plasmode avait retracé en quelques instants l’histoire de ces météorites et analysé une partie des composants chimiques de la nébuleuse et des deux comètes dont elles étaient issues.
Eût-il été capable d’émotion peut-être aurait-il ressenti une certaine nostalgie, voire l’équivalent d’un serrement de cœur à l’évocation de ces souvenirs des plus grands accomplissements de son cycle. Tel n’était pas le cas.
Quand le moment fut échu il se sépara de sa coquille, délaissant ce faisant sa mémoire et tout ce qui avait jusque-là constitué son identité. Le plasmode se trouvait maintenant sous sa forme la plus fragile et vulnérable. Il ne pouvait survivre plus de quelques heures, c’est pourquoi il s’était auparavant rapproché de plusieurs carapaces vides, sans chercher cependant à les analyser à distance car une barrière inconsciente le lui interdisait. Seul le hasard devait présider au renouvellement du cycle.
Guidé par l’instinct, il nagea vers la plus proche, masse terne repliée sur elle-même. Il se glissa à l’intérieur pour s’y rouler en boule. Alors commença la Régénération. La coquille qu’il avait investie avait appartenu à un autre plasmode, les souvenirs de cet alter ego étaient encore présents en elle. Tandis qu’il les intégrait peu à peu à sa conscience, par un complexe procédé les cellules de son corps envoyaient à sa nouvelle enveloppe les signaux nécessaires à sa régénération. Durant les jours suivants la maturation se prolongea. Lorsqu’elle arriva à son terme, la carapace avait recouvré lustre et vitalité, le plasmode avait acquis une identité neuve et chacun de ses organismes cellulaires avait rajeuni.
Quelque temps plus tard, le plasmode se vit confier une mission pour le moins inhabituelle. Réagissant à l’impulsion du Multiscient, il se porta en un point précis à moins d’une demi-journée de nage. Un vaisseau, assemblage primitif d’atomes et de molécules, venait de se poser. Pour cela il avait eu recours à un densifieur gravitationnel, agglomérant – au prix d’une dépense d’énergie que le plasmode jugea très excessive – un socle de sable. Il balayait les alentours de rayons de détection également rudimentaires, auxquels le plasmode se déroba en neutralisant sa propre biosignature.
Conformément aux instructions, ce dernier s’approcha de la surface et de la périphérie du cube solidifié, afin d’être en mesure d’utiliser certaines de ses capacités sensorielles.
La meilleure manière d’analyser un objet pour un plasmode consiste à l’effleurer de ses cils, cependant le bloc aggloméré barrait le passage pour le moment. Sa seule alternative reposait sur ses deux antennes frontales, qu’il pointa hors du sable. Elles donneraient des résultats moins détaillés mais il faudrait s’en contenter. Le plasmode balaya le vaisseau de biosignaux quasiment indétectables. L’appareil appartenait à des êtres humains, deux bipèdes dont la présence était nettement perceptible. Vêtus d’un scaphandre et armés de bâtons énergétiques, ils se tenaient non loin.
Le Multiscient voulut aussitôt s’informer de leurs intentions : il ne s’agissait pas de la première confrontation avec cette espèce, toutefois jusqu’à présent le dialogue avait été impossible. Un plasmode avait été enlevé à l’occasion du deuxième contact, amoindrissant irrémédiablement le champ de conscience du Multiscient – il avait créé ses émanations une fois pour toutes et ne pouvait les remplacer.
Désireux quant à lui d’en savoir davantage sur cette espèce, le plasmode puisa dans les prodigieuses connaissances du Multiscient tout en livrant ce qu’il fut capable de recueillir à distance. Des capacités d’absorption hors norme lui permirent d’apprendre en un instant la langue, l’histoire et une partie de la culture des Humains. L’assimilation s’accompagnait de compréhension, laquelle rendait plus claires les informations que le plasmode soustrayait des banques de données telles la désignation des deux individus, leur planète mère, le type de vaisseau et ses caractéristiques, etc.
Une curieuse espèce que ces Humains. Leur monde d’origine et eux-mêmes étaient tributaires de ce qu’ils appelaient les lois de la nature. Pour le plasmode, qui jamais n’avait connu la faim ni l’appétit de reproduction et ne subissait guère les contingences du sommeil, ces règles qui gouvernaient le règne animal et humain ressemblaient fort à des contraintes. Et même pour tout dire, à du stress, état réactionnel de l’organisme soumis à une agression. Animaux et humains étaient stressés par le fait de devoir s’alimenter, se reproduire ou trouver un abri leur permettant d’échapper aux aléas climatiques. La mort était un stress supplémentaire pour eux. Le plasmode apprit que les humains en particulier se libéraient de leurs tensions à l’aide de ce qu’ils dénommaient « humour » et « divertissement », toutefois ces inventions lui semblaient pour le moins abstraites.
L’évolution de ces bipèdes était intéressante. Dans un lointain passé ils avaient été la proie de formes de vie plus dangereuses et en apparence mieux armées pour les combattre. Puis, les rôles s’étaient inversés… mais le processus dans son intégralité avait conditionné leur développement. En s’inventant une culture, des règlements et une philosophie, ils avaient donné un nom au concept dont ils étaient sortis vainqueurs, l’appelant « droit du plus fort » ou « loi de la jungle ». Le plus fort, mais aussi le plus rusé et le plus opportuniste avait droit de vie et de mort sur les plus faibles. A cela, les philosophes avaient opposé « droit naturel » (fondé sur la supposée supériorité de l’homme) et « droit positif » (ensemble des lois de l’Etat). Ainsi les Humains avaient-ils cru pouvoir s’élever au-dessus de leur condition animale.
Leur capacité à se jeter de la poudre aux yeux paraissait d’autant plus étonnante au plasmode qu’il avait des difficultés à appréhender le concept d’émotion et d’émotivité. Toujours est-il que leur évolution démontrait que bien loin d’échapper aux décrets de la nature, ils s’étaient inscrits dans son cycle. Non contents de transférer les notions antiques de faim, reproduction, territoire, position au sein du clan et droit du plus fort sous les formes plus élaborées et policées de richesse, apparence et séduction, pouvoir et système économique, ils avaient inventé de nouveaux stress ou avaient accentué les anciens : cela s’appelait, entre autres, course à la performance – dès le plus jeune âge, la pression exercée sur les individus était difficilement compréhensible sachant que leurs géniteurs avaient conscience des retombées autodestructrices – course au logement et recherche d’emploi. Usant du prétexte du « bien pour le plus grand nombre », ils avaient créé de toutes pièces des enclaves. Ceux qui ne s’y assujettissaient pas, ils les nommaient « loqueteux », « gueux », « mendiants », « miséreux », « bannis », « déshérités », « marginaux », « sans domicile fixe » ou « déviants ».
Leurs tentatives pour canaliser leurs pulsions et se « civiliser » avaient cependant rencontré un certain succès, le plasmode devait le reconnaître. A force d’erreurs et de tâtonnements, mais également de remises en cause, leur système judiciaire s’était amélioré. Sous l’influence d’individus ou de groupes d’individus visionnaires, ils avaient peu à peu dessiné les contours d’un avenir idéal. Mais quelles barbaries et régressions par ailleurs, comme ils retombaient pesamment dans la gangue dont ils étaient issus ! Leur quête d’absolu les menait aussi bien vers les plus hauts sommets que vers les plus profonds abîmes. Que leur conception du progrès de la science implique une remise en question permanente des acquis était une chose. Encore devaient-ils respecter ce qu’ils étaient et avancer avec subtilité. La nature les gouvernait – leur propre nature comme les contingences extérieures – et tant qu’ils croiraient qu’ils pouvaient évoluer contre elle et non avec elle, ils ne feraient qu’augmenter leur stress.
L’afflux d’informations chez le plasmode était tel qu’il avait l’impression que chaque cellule de son corps était portée à incandescence, aussi cessa-t-il sur-le-champ d’extraire des données du Multiscient.
***
« Tu as bien enclenché la fonction paralyseur de ton bâton ? demanda Reith O’Neill à son compagnon. Le gars du Comité d’Exobiologie m’a raconté qu’ils avaient divisé la prime par deux à d’autres Chasseurs parce qu’ils leur avaient apporté l’un de ces machins alien en trop mauvais état.
— T’inquiètes c’est fait. De toute façon si l’un de ces pseudo scientifiques s’amuse à vouloir me rouler, il entendra causer d’Alistair Symes (le corpulent bonhomme tapota de la main son arme). Je n’ai pas parcouru quinze années-lumières pour des fraises.
— Ouais. Tu parles d’une galère, d’arriver jusqu’ici ! Juste avant d’atterrir j’ai cru que les boucliers anti-radiation allaient lâcher.
— C’est sûr, on peut pas dire que le coin soit accueillant. Un grand désert de sable qui n’est même pas du sable…
— …coincé entre le marteau et l’enclume, compléta Reith. En tout cas on a intérêt à faire gaffe.
— Tu penses à ces vaisseaux qui sont venus ici et dont on n’a plus de nouvelles ?
— Ouais.
— Leurs boucliers étaient peut-être moins costauds que les nôtres. Ou alors ils ont trouvé ce qu’ils cherchaient, l’ont revendu en secret à des rivaux du Comité qui leur offraient plus de pognon et se sont fait oublier. Paraît que pour être peinard faut vivre caché.
— Possible (Reith consulta son omnicomp). Pour l’instant, les détecteurs ne relèvent toujours aucune activité. Plutôt mauvais signe, je dirais.
— Mmm… Je serais toi je me fierais pas entièrement à ces trucs-là. Rien ne vaut l’instinct du chasseur. Tu n’es jamais allé sur Chrysalin ?
— Euh… non pourquoi ?
— Si tu y étais allé tu saur… bordel ! »
Les yeux d’Alistair s’étaient fixés sur un point juste à la périphérie du socle. Si la chose n’avait pas bougé, il ne l’aurait pas aperçue tant la couleur de ses antennes se confondait avec l’environnement. Le scaphandre d’Alistair limitait sa liberté de mouvement, c’est pourquoi il procéda avec précaution, abaissant lentement l’extrémité de son bâton vers sa cible.
Reith le contemplait en retenant son souffle. Il ne voyait pas ce que son compagnon visait mais du moment que c’était quelque part dans le sable, cela ne pouvait pas faire de mal. Et peut-être allaient-ils toucher le gros lot, au bout du compte… Une seconde avant qu’Alistair ne frôle le bouton de tir le regard de Reith fut attiré par un soubresaut. Le rayon paralysant s’abattit à l’endroit précis où la chose – ce devait être l’alien – avait bougé.
***
Le trait d’énergie qui venait de manquer le plasmode confirma au Multiscient ce qu’il soupçonnait, sans pour autant savoir si ces humains passeraient réellement à l’action. Ils avaient agi d’une manière typique, mais non systématique de ceux de leur espèce, en n’essayant en aucune façon d’évaluer les conséquences possibles. Ceux-là s’étaient conformés à leur modèle d’évolution originel, où seule la force primait. Sans doute ignoraient-ils qu’un tel modèle n’avait pas lieu d’être partout dans la galaxie.
Sur son injonction, des milliers de plasmodes se rassemblèrent sous le Stygis – c’était le nom du vaisseau.
Leurs mouvements étaient si harmonieusement synchronisés alors qu’ils se disposaient en colonnes verticales qu’ils paraissaient ne plus faire qu’un – et d’une certaine manière, c’était le cas. Puis, ils se mirent à souffler de concert, libérant des ondes répulsives.
Le sable fut repoussé sur des dizaines de mètres. Un rift se forma sous le socle du vaisseau. Déséquilibré, celui-ci bascula avec ses occupants dans le fossé d’effondrement. Il fut enseveli et s’immobilisa loin sous la surface, subissant le même sort que trois autres de ses prédécesseurs.
Les plasmodes se rapprochèrent de l’épave pour l’étudier.
De leur côté, les deux chasseurs de prime s’agitèrent futilement avant de réaliser l’inanité de leurs efforts. Ils moururent quand le système de survie de leur scaphandre tomba en panne d’énergie. Leur savoir et leurs expériences personnelles ne furent néanmoins pas perdus pour tout le monde. Grâce à eux le Multiscient eut un aperçu de différents univers, portions de la galaxie, cultures et sous-cultures.
La vie reprit son cours, le vent recouvrit les traces. En surface, rien ne laissa plus transparaître ce qui s’était produit.
April 22, 2014
Sortie du recueil Votre santé, c'est notre avenir
Votre santé, c'est notre avenir, est un recueil de type thriller dont quatre nouvelles sur les cinq qu'il comporte offrent la particularité de pouvoir se lire aussi bien indépendamment qu'à la suite les unes des autres, comme un roman. Il sort en version ebook sur Amazon, Kobo et la Fnac, et début mai au plus tard en version papier. L'occasion aussi de permettre aux lecteurs de découvrir gratuitement en format ebook la toute première de ces nouvelles, Le Vagabond.
Pour celles et ceux abonnés à ma newsletter, ne vous étonnez pas de n'avoir rien reçu de ma part, j'attends que la version papier soit disponible pour la faire partir, ayant à coeur d'éviter de spammer.
Votre santé, c'est notre avenir, c'est d'abord une novella de 27 000 mots (environ 90 pages) qui vient conclure (en laissant tout de même la porte ouverte à d'éventuelles suites) les trois nouvelles précédentes de type thriller fantastique que j'ai autopublié depuis septembre 2013, Le Vagabond, Le baiser de la lionne, et Shopping. On y retrouve Vick Lempereur, déjà présent dans Le Vagabond et Le baiser de la lionne, et une mention est faite de Karine Lagoumenie, personnage de scientifique, apparue dans Shopping. La nouvelle GPS, ou Grand Pouvoir Séculaire, est la seule à être complètement indépendante des quatre autres, mais j'estime qu'elle a sa place dans ce recueil.
Hanté par les spectres de son passé et d’autres fantômes, bien réels, Vick Lempereur revient en France dans l’espoir de trouver une solution à son don de double vue. Son cousin Henri, qu’il n’avait pas revu depuis des années, travaille justement dans l’un des plus gros laboratoires du pays. Le remède qu’entend lui administrer ce dernier n’est malheureusement pas à son goût, et bientôt, Vick se retrouve en train d’enquêter sur les dessous peu reluisants de l’industrie pharmaceutique.
Je souhaitais proposer aux lecteurs avec le recueil Votre santé, c'est votre avenir, un livre plus léger (220 pages) et plus abordable dans sa version papier (14€). La version ebook est quant à elle à 2,99€.
Ce recueil représente à la fois pour moi une nouvelle expérience d'écriture et une manière d'essayer de toucher un autre public, ayant pour préférence des histoires ancrées dans le quotidien. Les différentes histoires peuvent être lues à partir de 16 ans (oui, il y a des scènes "chaudes" ici et là).
C'est aussi l'occasion de relifter les pages accueil et Fantastique de mon site d'auteur.
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Ancien mercenaire devenu vagabond en Afrique, Vick Lempereur n’est pas épargné par la vie. Aussi tortueux qu’imprévisible, son itinéraire va le conduire à mener l’enquête dans le train le plus long du monde suite à un meurtre mystérieux en Mauritanie (Le Vagabond), à se lancer sur la piste d’une lionne au cours d’un safari en Tanzanie (Le Baiser de la lionne), et enfin à infiltrer l’un des plus grands laboratoires de France (Votre santé, c’est notre avenir). Vick devra y trouver le remède à son étonnant don de double vue, qui est pour lui une malédiction. Deux autres nouvelles de type thriller, Shopping et Grand Pouvoir Séculaire (GPS), viennent compléter ce recueil punchy, rythmé et épicé. Un cocktail détonnant.
Comme je le disais en exergue, j'offre pour la première fois Le Vagabond, première nouvelle du recueil, téléchargeable en format epub et kindle. On la trouve déjà sur l'iTunes Store, Kobo et La Fnac. Il faudra attendre un ajustement de prix d'Amazon pour pouvoir également l'y télécharger gratuitement.
Cela me permet d'accomplir l'un de mes objectifs, permettre au public de me juger sur pièce à la fois sur la Science-Fiction, avec Les Explorateurs, la Fantasy avec Une brève histoire d'Ardalia, qui comprend les cinq premiers chapitres du Souffle d'Aoles (nos amis anglophones peuvent aussi retrouver les cinq premiers chapitres de The Breath of Aoles), et enfin le thriller fantastique avec Le Vagabond.
Et l'avenir ? Eh bien, je compte m'atteler à un ou deux romans de type thrillers avant de revenir vers la SF.
April 20, 2014
C'est dans la poche !
Un petit tour au pays des kangourous, pour observer la crème de ces spécimens, et ça repart ! Non en Australie, mais bien au château de Chantilly, d'où est issue la crème du même nom...
Le château de Chantilly
April 9, 2014
Harcèlement au travail : du boulot de psychopathe ?
Coïncidence, au moment même où, sur le conseil de l'auteur de thrillers Joe Konrath, je suis en train de lire The Gift of Fear, de Gavin de Becker, ma femme se met en arrêt maladie (15 jours) pour overdose de stress au boulot. Bien qu'un surcroît de stress ne signifie pas dans son cas qu'il y ait harcèlement au sens strict du terme, cela m'a amené à me poser des questions à ce sujet. On sait que dans nos sociétés, il est beaucoup plus difficile de changer de boulot, ce qui génère une souffrance énorme au travail. Les Trente Glorieuses sont loin. On dit qu'une personne sur trois en activité sera victime de harcèlement au travail, c'est énorme. Le fait de ne pas avoir de "p'tit chef" est d'ailleurs une grande motivation pour moi en tant qu'auteur. Or, le livre de Gavin de Becker parle non seulement de psychopathes et autres tueurs en série, mais aussi de harcèlement au travail. Et certains rapprochements peuvent clairement être établis entre psychopathes et harceleurs.
Chaque homme porte en lui-même la forme entière de l'humaine condition, disait Montaigne. L'un des points importants qu'il faut retenir à propos de The Gift of Fear est que Gavin de Becker met en garde contre l'étiquetage. Ainsi, en nommant certains "psychopathes", on met l'étiquette "monstre" et "anormalité" sur ces personnages, alors que l'on devrait pourtant rechercher ce que nous avons en commun avec eux, pour mieux les connaître et les contrer.
Une phrase en particulier m'a mis en éveil. La traduction est de ma pomme, n'hésitez donc pas à vous faire votre propre opinion en lisant le livre dans sa version originale.
Certaines personnes fonctionnent sans écouter leur conscience; elles ne se soucient pas du bien-être des autres, point. Dans les salles de conférence en entreprise nous pourrions appeler ceci de la négligence; dans la rue nous nommons cela criminalité. La faculté d'agir au mépris de sa conscience ou de son empathie est l'une des caractéristiques que l'on attribue aux psychopathes. Le livre clairvoyant de Robert Hare, Without Conscience, identifie plusieurs autres caractéristiques. Ces personnes sont:
- désinvoltes et superficielles
- égocentrique et grandiloquentes
- dépourvues de remords (scrupules) ou de culpabilité
- fourbes et manipulatrices
- impulsives
- en quête d'excitation
- dépourvues de sens de la responsabilité
- émotionnellement creuses
Est-ce que certaines personnes dans votre entourage au travail répondent à certaines de ces caractéristiques? Je pense que le fait de s'en rendre compte peut remettre les choses en perspective, et vous aider à déculpabiliser, tant il est vrai que ce sont les personnes qui mettent le plus de coeur à l'ouvrage qui sont les plus à même de se retrouver en arrêt maladie pour cause de stress, sans même parler de harcèlement caractérisé.
Là où il existe des métiers qui privilégient en principe l'empathie, ou qui devraient en tout cas le faire (par exemple assistante sociale), certains autres métiers, et je pense à "trader", privilégient le manque d'empathie. Le problème, c'est que si ces personnes sont amenées à occuper d'autres postes, cela nuit gravement au "vivre ensemble".
Peut-on corriger les défauts d'un psychopathe? Je n'en suis pas sûr du tout quand ce sont des non-spécialistes du sujet qui l'ont en face d'eux. Gavin de Becker cite à un moment dans son livre l'exemple d'une femme enlevée dans la voiture de sport de son petit ami par un inconnu, et qui à force de lui parler d'elle, a réussi à susciter en quelque sorte son empathie, et à faire en sorte qu'il ne la tue pas. Mais il s'agissait d'une situation ponctuelle, et non de contacts quotidiens au travail.
Néanmoins, je suis convaincu que le fait d'identifier très clairement le problème peut déjà permettre de contrer une partie de ses effets dévastateurs.
April 3, 2014
Goodreads giveaways: so few readers!
I have recently listed my Science Fantasy YA novel, Ardalia: The Breath of Aoles on a Goodreads giveaway. I didn't have great hopes with that, and I'm grateful for the 120 persons who participate (the giveaway ends on may 9th). What struck me, however, was the low number of registered persons for the most popular giveaways on Goodreads. As the site only accepts paper books for giveaways, I'm wondering if the time has not come for Goodreads to change its policy, by allowing authors to send ebooks for giveaways.
On July 2013, Goodreads claimed to have reached the 20 millions readers threshold. The website is an international one, but if it was only for the title of the site, it would be clear for me that the majority of its users are English-speaking people. And, more importantly, English-reading people.
On Goodreads, every user can enter a giveaway for a paper book just by clicking on a button. Given the number of readers, you can imagine my surprise when I realized that the most requested book for a giveaway, Prince of Fool in April 2014, had just 5,500 persons interested!
Even if you take into account various divisors from the initial 20 millions of users, such as language, genre of the book, number of persons really active on Goodreads, total number of giveaways (competition), that's still seem, in my humble opinion, a very low number. What the hell? When JA Konrath does a KDP Select, his ebook is downloaded more than 60,000 times, and the most popular book listed in the giveaways has just 5,500 persons interested in it?
So would it be wise for Goodreads to change its policy, allowing authors to list ebooks as giveaways? I think so. Is the fact that Amazon own Goodreads preventing that, because Amazon wants the free ebooks to remain exclusive to KDP Select? Quite possible, alas.


