Alan Spade's Blog, page 42
November 27, 2013
L'aventure américaine
Voilà une semaine, l'auteur de Science-Fiction Brian Stableford m'envoyait les fichiers complets de A Brief History of Ardalia et The Breath of Aoles. Eh oui, comme le laissait entendre cet article du 1er janvier 2013, j'étais décidé à prendre plus de risques financiers cette année, en faisant traduire en anglais Le Souffle d'Aoles et Une brève histoire d'Ardalia. Grâce au remarquable travail de Brian, c'est une nouvelle aventure, une aventure anglo-saxonne, et principalement américaine (because parts de marché de l'ebook aux States) qui est sur le point de débuter pour Le Souffle.
L'herbe est toujours plus verte ailleurs, dit-on. Pourtant, en échangeant par e-mail avec Brian Stableford, je me suis rendu compte que lui aussi avait l'impression de balancer son travail dans un trou noir chaque fois qu'il publiait quelque chose (il est l'auteur de plus de cinquante romans).
En étudiant le marché de l'ebook aux Etats-Unis, j'ai réalisé, hagard, qu'il y avait 3 millions d'ebooks qui paraissaient par an là-bas, soit environ 1000 par jour. Le marché américain est donc beaucoup plus dur à pénétrer que le marché français. Comparativement, il est plus aisé d'être visible sur le marché français.
J'ai observé les titres traduits en anglais sur Amazon.com d'un auteur pas totalement inconnu en France, un certain Guillaume Musso. Dans les profondeurs du classement.
J'ai ensuite examiné les classements sur Amazon.com des auteurs français traduits par Brian. Encore plus dans les profondeurs du classement.
Et pourtant, malgré toutes les évidences, malgré ma jeunesse en tant qu'auteur et malgré la quasi-certitude de me planter, j'ai investi 2200€ sur la traduction d'un roman et d'une nouvelle.
Pourquoi ?
Parce que c'est mon destin, comme dirait l'autre. Oui, il est plus facile d'être visible en termes de vente sur Amazon.fr que sur Amazon.com. Mais les possibilités d'en vivre sont aussi plus limitées : on se situe aux alentours des 20 000 - 30 000 ebooks vendus pour les best-sellers de l'autoédition en France. Chiffres que je n'ai jamais, au grand jamais approchés, soit dit en passant: avec mon livre le mieux vendu, Le Souffle d'Aoles, je viens juste de dépasser les 400 ebooks, pour plus de 1700 livres papier.
Cela étant, j'estime que si même Musso ne vend pas énormément en ebook aux Etats-Unis (en tout cas sur Amazon.com), c'est que les cartes y sont rebattues. Je ne dirais pas que tout le monde s'y retrouve sur un pied d'égalité. Ce serait plutôt que tout le monde part avec un énorme handicap, à savoir la concurrence effrénée outre-Atlantique.
Comme je le disais dans un e-mail à Brian, après avoir lu pendant toute mon enfance, et à l'âge adulte, une grande majorité d'ouvrages anglo-saxons (surtout des romans traduits, mais certains aussi en V.O.) dans le domaine de la SF, de la Fantasy et du Fantastique, j'estime que cela doit marcher dans les deux sens, c'est à dire qu'il doit y avoir aussi une présence française là-bas. Il faut renvoyer l'ascenseur.
Les différences culturelles sont-elles trop fortes? Je ne le crois pas. J'ai baigné et je baigne toujours dans les séries américaines. Alors oui, The Breath of Aoles va garder un côté "exotic frenchie" pour le public anglais, parce que plusieurs noms pour lesquels j'avais fait des jeux de mots (nidepoux, Durepeaux, tachefleur) sont restés francisés dans la traduction.
Mais je pense que l'important, c'est l'histoire et le rythme de celle-ci. A cet égard, le public anglo-saxon, si public il y a au final, devrait s'y retrouver.
Ce n'est pas pour rien que j'ai opté pour le nom de plume d'Alan Spade... Mais bien sûr, un nom de plume ne suffit pas. Là, depuis une semaine, j'ai pratiquement complètement arrêté l'écriture pour me consacrer aux corrections du fichier envoyé par Brian.
Plus je travaille dessus, et plus je me rends compte à quel point cette phase de relecture/correction est indispensable. Sans vouloir me lancer des fleurs, je suis un bien meilleur relecteur-correcteur en langue anglaise que je ne m'y étais attendu. J'ai été abonné au Times et à Newsweek pendant plusieurs années, j'ai lu des romans comme Lord of The Rings, Wheel of Time ou The Demon Apostle dans le texte, j'ai traduit l'édition anglaise de Advanced Dungeons&Dragons quand j'étais adolescent, et je lis et commente plus de blogs anglais que de français.
Et là, pour The Breath, c'est presque comme si le texte m'étais redevenu étranger avec la traduction, et comme j'ai un très bon oeil pour repérer les fautes des textes d'autres auteurs en français, je garde ce très bon oeil pour le roman en anglais. Et je sais exactement ce que j'ai voulu dire, ce qui est un plus par rapport à un copy editor.
Etant donné le temps bref qu'il a passé dessus par rapport à l'ampleur de la tâche, Brian a rendu une copie très propre, une traduction d'une vive intelligence, très proche de la version originale, et qui, sur certains détails, améliore la version originale. Mais oui, il y a des fautes de frappe et quelques fautes d'orthographe. Bien plus rares aussi, des fautes de sens. Brian m'a d'ailleurs fait part de certaines incertitudes, ce qui m'a permis de corriger très vite certaines choses pour me rapprocher de l'effet que je cherchais à produire en français.
En aucun cas je n'évoque ceci pour déprécier Brian, qui est un grand professionnel auquel je referai appel avec joie pour les autres romans si les ventes sont au rendez-vous. Ce que j'essaie de faire comprendre, c'est que si vous souhaitez vous épargner les frais d'un copy editor, il vous faudra une bonne maîtrise en anglais. Sinon, un copy editor est tout bonnement indispensable, et vient s'ajouter aux frais de traduction. L'auteur Joe Konrath fait justement la pub de son copy editor dans un article de son blog.
Je terminerais mes conseils par celui de base, mais qui vaut toujours d'être répété : prenez un traducteur dont la langue maternelle est celle dans laquelle le roman sera traduit. C'est dans ce sens-là que cela doit se passer pour obtenir les meilleures tournures de phrases, et tout simplement la meilleure traduction. Le meilleur moyen pour trouver celui-ci sera souvent de s'adresser à un auteur français, et de préférence un auteur français ayant une certaine maîtrise de l'anglais. En tous les cas, je recommande chaudement Brian Stableford.
Dernier point, il est possible que d'ici une à deux semaines vous voyiez surgir un article en langue anglaise de mon cru sur ce blog. Vous saurez alors pourquoi...
November 26, 2013
Ardalia, tome 3 : Le point sur les chroniques
Lorsque j'étais critique dans la presse jeux vidéo, quand on ne recevait pas un jeu, c'était en général mauvais signe : il se disait dans les rédactions que le produit était si mauvais que l'éditeur tentait de le vendre sans le soumettre à la critique. En passant de l'autre côté, en devenant créateur dans le domaine littéraire, je me rends compte que c'est un peu plus compliqué. L'univers du livre a tendance à fonctionner en vase clos et il y a des phénomènes de saturation, quand ce n'est pas d'autocensure. Explications et exemple concret avec un petit point sur les chroniques des Flammes de l'Immolé, troisième tome du cycle d'Ardalia.
Les Chroniques de l'Imaginaire : livre envoyé et chronique terminée. Avec une bonne surprise, la chroniqueuse considère ce troisième tome comme le meilleur roman de fantasy autopublié de ces dernières années. Personnages on ne peut plus attachants, rythme narratif soutenu, rebondissements à foison, on est (re)conquis dès la cinquantième page, à nouveau embarqué corps et biens dans le monde d'Ardalia.
Les Vagabonds du Rêve : livre envoyé et chronique terminée.
Beaucoup, beaucoup de péripéties et de retournements de situation inattendus qui ne faiblissent pas tout au long d’un peu plus de cinq cent pages. Un très bon moment de lecture donc (..)
Le blog de Flynn SFF : la chronique du troisième tome arrive en décembre 2013, donc très bientôt.
Rê-v-alité : la blogueuse-chroniqueuse a reçu les trois volumes. Le premier a été lu (version électronique). Elle note d'ailleurs avoir reçu la trilogie sur son blog. Aucune date pour l'instant, les chroniques sur le grill étant apparemment nombreuses.
Livresse et Accros à la lecture : deux autres blogs en plus de Rê-v-alité avec lesquels j'ai commencé un partenariat en envoyant les versions électroniques de la trilogie. Aucune date non plus, mais là encore, de très très nombreuses autres lectures en cours sur chacun des blogs.
Histoires de Romans : le troisième tome a été envoyé à la chroniqueuse qui avait rédigé les articles des deux premiers. Elle l'a lu et, selon ses dires, préféré aux deux premiers. Seulement, pas de date d'article prévue.
Psychovision : contacté, le chroniqueur des deux premiers volets a décliné la critique du troisième tome. Il m'a expliqué n'avoir pas aimé les deux premiers tomes et qu'il était sûr de démolir le troisième. J'ai négocié en lui demandant de lire les trois premiers chapitres en ligne des Flammes de l'Immolé. Il a accepté, pour au final me confirmer qu'il ne chroniquerait pas le roman.
Actu SF : une histoire de rendez-vous manqué. Le chroniqueur avait semblé apprécier les premier et deuxième tomes. Avant même que je ne lui donne rendez-vous pour lui remettre en mains propre le troisième volume, il avait commencé la lecture en ligne sur sa tablette numérique des trois premiers chapitres. Très bon signe, donc.
Sauf que le jour du rendez-vous, il me pose un lapin. Pour ne me contacter sur mon portable que plus tard, nettement après l'heure du rendez-vous. Déçu, je décide malgré tout, avec son accord, de lui envoyer la version numérique.
L'été 2013 passe. Après plusieurs relances, j'apprends que le "livre lui est tombé des mains" (heureusement pour sa tablette électronique, pas au sens littéral !). Il n'accroche pas, il n'y aura pas de critique Actu SF.
Comme on le voit suite à ces diverses expériences, les principaux écueils lorsque l'on souhaite obtenir une chronique sont la disponibilité des chroniqueurs et l'attrait que peuvent ou non susciter nos écrits. En cas de "désamour" du chroniqueur, l'autocensure est souvent privilégiée, c'est à dire que l'on préfère ne pas rédiger de critique plutôt que de pointer les défauts.
Pour Rê-v-alité comme pour Livresse et Accros de lecture, il s'agit de partenariats suite à ma présence sur le site Adopte un auteur.com. J'ai donc été contacté directement par une blogueuse, qui a mis en lien la présentation de la trilogie Ardalia sur un forum, où deux autres chroniqueuses se sont déclarées intéressées. Je dirais que malgré cela, mes chances d'être chroniqué sur l'un ou l'autre de ces blogs sont faibles : je me suis contenté d'envoyer les versions électroniques afin de limiter le budget "service presse". Je l'assume complètement.
Je tiens à le préciser, je n'en voudrais pas aux blogueuses de ne pas le chroniquer : une chronique est avant tout histoire de passion, et demande du travail à chaque fois. Il me paraît logique que les chroniqueuses (oui, ce sont en majorité des femmes) priorisent les articles pour lesquels elles ont reçu les livres papier. Et on connaît bien la saturation du marché. Le but de ce post n'est pas de leur mettre la pression mais d'expliquer les choses.
Pour Histoire de Romans, c'est un peu plus délicat puisque la chroniqueuse a reçu le livre papier et ne donne plus signe de vie. Mais bon, on va le classer dans les impondérables. Et puis, aucun chroniqueur n'a d'obligation autre que celle qu'il peut s'imposer à lui-même.
Pour Psychovision, c'est dommage, parce que les deux premiers articles étaient vraiment négatifs et constituaient de véritables contre-points par rapport aux articles plus positifs de la revue de presse. Ce n'est pas que je sois maso, mais même un lecteur ayant aimé le roman peut aussi se retrouver dans certains points négatifs d'une critique défavorable.
Pour Actu SF, je réalise après coup que le chroniqueur n'avait pas dû accrocher aux trois premiers chapitres mis en ligne, ce qui explique le lapin. Leçon du jour: toujours se raccrocher aux faits, qui parlent plus que les paroles.
En conclusion, je dirais tout de même que l'une des grandes différences entre la critique de jeux vidéo et celle de livres, c'est qu'en général, les chroniqueurs de jeux vidéo ne sont pas des programmeurs. Dans le champ littéraire, à l'inverse, de nombreux blogueurs sont aussi des auteurs.
Même chose pour les sites où l'on retrouve différents chroniqueurs/auteurs. Cela peut parfois même se faire de manière beaucoup plus structurée, avec des maisons d'édition liées à des sites internet, et des directeurs de collection qui sont aussi des chroniqueurs... Je ne serais pas surpris que la proportion de chroniqueurs-auteurs soit de 90% ou plus du nombre total de chroniqueurs livres.
November 15, 2013
Le baiser de la lionne
Aujourd'hui paraît Le baiser de la lionne, dernière nouvelle fantastique en date. Vous retrouverez ici le personnage principal de la nouvelle Le Vagabond, j'ai nommé Vick Lempereur...
Au fil de ses errances, Vick Lempereur, aventurier et surtout vagabond sans le sou, se retrouve à Kahama, cité tanzanienne en pleine expansion. A la recherche d’un moyen de subsistance, il rencontre Albert Granjean, photographe de son état, qui lui propose de devenir son chauffeur pour quelques jours. Vick ne peut refuser l’offre généreuse.
En se lançant à la poursuite de grands fauves dans un safari endiablé, il ignore encore quels fantômes vont le rattraper.
Le baiser de la lionne, nouvelle fantastique et thriller
Amazon Kobo (à venir) La Fnac (à venir) iTunes Store (à venir) Site d'auteur
November 12, 2013
La trilogie Ardalia, idée cadeau pour Noël
Ce petit billet pour rappeler que les deux offres spéciales sur mon site d'auteur sont plus que jamais valables. Pour 42 euros, frais de port compris, vous pouvez vous offrir, ou offrir à vos proches la trilogie Ardalia en version papier complétée de ses versions numériques (à votre choix, epub ou kindle). Pour 50 euros, vous pouvez aussi voir arriver chez vous, en cinq jours ouvrés, la trilogie Ardalia et le recueil de SF Les Explorateurs ainsi que leurs ebooks.
Toujours sur mon site d'auteur, vous pourrez accéder aux revues de presse, et aux différentes présentations et extraits des romans et du recueil.
Pour vous donner un exemple du fonctionnement de ces deux offres spéciales, je vais vous parler à présent d'une commande reçue la semaine dernière pour l'offre 50 euros pour les quatre livres. Pour l'anecdote, cette commande provenait des alentours de Metz, région au-delà de mon "rayon d'action habituel" pour les séances de dédicaces.
Le mardi 5 novembre, le site sécurisé Paypal me fait savoir que la somme m'a été versée, en me communiquant l'adresse email de l'acheteur, qui a bien renseigné son adresse postale dans le champ adéquat.
J'envoie un email de remerciement et de confirmation le mardi. Je précise dans ce mail qu'il faudra être présent au domicile pour réception du colis. Je déclenche l'impression des livres chez Lightning Source, mon imprimeur à la demande dans la foulée, en quelques clics très rapides.
Le jeudi 7 novembre, Lightning Source m'envoie un email selon lequel les quatre livres ont bien été expédiés, avec un lien pour suivre le colis chez DHL.
J'envoie un second email à la personne qui a passé la commande pour lui dire que le livre est en route. Je précise le numéro de colis et donne le lien DHL. Je demande à l'acheteur de me recontacter s'il constate un défaut sur les livres. Comme celui-ci ne s'était pas servi du bandeau déroulant sur le lien d'achat pour indiquer s'il désirait les versions ebooks en version epub ou kindle, je lui pose, par sécurité la question : désire-t-il aussi les versions ebooks gratuites, et si oui, sous quel format, kindle ou epub?
Le lendemain vendredi 8 novembre, je reçois un email de la personne ayant passé la commande qui me confirme avoir reçu les livres en bon état. La personne désire les versions kindle. Je les lui envoie aussitôt.
En quatre jours ouvrés, l'acquéreur a donc reçu ses livres brochés tout neufs et ses ebooks. Quant à moi, l'interruption dans mes travaux d'écriture a été minime : la commande sur le site LSI est très rapide, un copier/coller me permet d'envoyer à l'imprimeur l'adresse postale de l'acheteur, et il me suffit de deux autres copier/coller avec des emails type que je réadapte en fonction de chaque commande (notamment pour le numéro de colis DHL).
Pour être parfaitement transparent, je conclurais en disant que ma marge d'auteur indépendant (ce que je gagne moi) est d'un peu moins de 16 euros pour une commande sur les quatre livres et d'une douzaine d'euros pour la trilogie. A titre de comparaison, la trilogie en version ebook, vendue à 12,49€, me rapporte entre 8 et 9 euros (sauf chez Google Play, où elle me rapporte pour le même prix de vente moins de 6 euros).
Ces offres spéciales sont donc une formule gagnant/gagnant pour tout le monde.
November 10, 2013
Kindle Matchbook illégal en France ?
J'évoquais dans un récent billet la possibilité de bénéficier de la version ebook du livre papier gratuitement grâce à Kindle Matchbook. Hélas, cette offre serait en France rendue de facto illégale par la loi sur le prix unique du livre numérique, comme le précise cet article de Cnet. Une impossibilité qui, si elle est avérée, prouverait bien que la loi sur le prix unique du livre numérique, trop rigide, doit disparaître. Elle se met en porte-à-faux du progrès numérique et du droit du consommateur à ne pas acheter plusieurs fois le même contenu culturel sous différentes formes.
Les lois qui sont inapplicables ont tendance à disparaître d'elles-mêmes, et bien souvent, leur abrogation n'est qu'une reconnaissance du fait accompli. C'est, je pense, ce qui se passera avec la loi sur le prix unique du livre numérique.
D'après Florent Taillandier, qui a écrit l'article de CNet, Kindle Matchbook serait donc incompatible avec la loix sur le prix unique du livre numérique du 26 mai 2011. Mais au fait, que dit exactement cette loi?
Voici ce que stipule l'article 2 : Toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale en France est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d’offre à l’unité ou groupée. Ce prix est porté à la connaissance du public.
Ce prix peut différer en fonction du contenu de l’offre et de ses modalités d’accès ou d’usage.
Vous avez bien lu, à la dernière phrase : Ce prix peut différer en fonction du contenu de l’offre et de ses modalités d’accès ou d’usage.
En l'occurrence, le contenu de l'offre proposée (et pas imposée) aux éditeurs et auteurs indépendants par Amazon diffère des conditions de l'offre proposée par tous les autres détaillants : Amazon propose de vendre l'ebook pour moins de 3€ ou même de le rendre gratuit, si le livre papier a déjà été acheté par le client.
Les deux faits remarquables qui font, selon moi que Kindle Matchbook n'est pas illégal par rapport à cette loi sur le prix unique sont les suivants:
- c'est l'éditeur ou l'auteur indépendant qui valide ou non l'option Kindle Matchbook
- cette option fait suffisamment varier le contenu de l'offre pour faire légitimement différer le prix de l'ebook de ce que proposent les autres détaillants
Il est clair que la loi n'a pas prévu le cas de Kindle Matchbook. Ce que devront retenir les juristes qui se pencheront sur la question, c'est : y a-t-il détournement de la loi au détriment des consommateurs et/ou des autres revendeurs ?
Pour les consommateurs, il est clair que c'est non. Pour les autres revendeurs, sur Internet, beaucoup ne sont pas concernés parce que ne vendant que du livre numérique. Pour ceux qui vendent aussi du livre papier, comme le site de la Fnac, par exemple, rien ne l'empêche techniquement de s'aligner sur l'offre d'Amazon.
Ce que devra avant tout retenir le législateur, c'est que le changement introduit par Amazon est à la fois favorable à l'essor du numérique et au pouvoir d'achat du consommateur. En l'espèce, la notion de "bien commun" devra l'emporter sur la notion de "protection corporatiste". D'autant qu'une fonction de type Kindle Matchbook peut stimuler l'intérêt pour le livre papier, l'ebook devenant alors la cerise sur le gâteau. Rien n'empêche les libraires de se doter d'un site pour offrir le même type d'offre, si un auteur indépendant comme moi est capable de le faire...
Articles sur le même sujet :
- Vous avez acheté le livre sur Amazon ? L'ebook est gratuit
- Pour mes lecteurs : l'ebook offert si vous avez le livre papier
November 4, 2013
Comment présenter ses livres et ebooks : le cas Shopping
La présentation des livres ou ebooks, ou description, ou quatrième de couverture est souvent un casse-tête. Cet exercice, qui revient à présenter sous son meilleur jour un livre sans pour autant en déflorer le sujet, est souvent ressenti comme maléfique par les auteurs en raison de son appartenance au domaine du marketing et commercial. Mais voilà, tout comme les couvertures et les extraits, la présentation est ce qui va permettre ou non de faire bouillir la marmite. D'accrocher le lecteur, si vous préférez. Il faut donc en passer par là. Voici un exemple concret avec deux présentations de ma dernière nouvelle parue, Shopping.
Ces derniers temps, comme à chaque fois que j'éprouve une contrariété au niveau des ventes, je me répète comme un mantra une phrase lue sur le blog de Joe Konrath : personne ne nous doit quoi que ce soit. En d'autres termes, ce n'est pas parce que l'on passe des milliers d'heures à écrire, que l'on déverse son âme et ses tripes dans ses mots, que l'on sacrifie certains aspects de sa vie pour son art que l'on mérite d'avoir, ne serait-ce qu'un seul lecteur.
N'y voyez pas de l'amertume, c'est une simple vérité artistique. Nous sommes tous, quelque part, en compétition pour du "temps de cerveau du public". Il ne s'agit pas, pour moi, de compétition individuelle, de faire mieux qu'untel ou unetelle. Au contraire, l'une des raisons d'être de ce blog est aussi d'aider d'autres auteurs, parce que je pense fermement que la littérature doit assumer son rang au sein des autres arts. C'est plutôt une forme de compétition globale.
Quand les temps sont difficiles, je me dis que je ne suis pas encore trop mal loti, et que je ne suis pas le seul, loin de là, en quête de visibilité. Dans un article intitulé Pourquoi les maisons d'édition sont pertinentes, selon Hachette, je citais en 2011 ces propos de l'auteur américain Barry Eisler, qui interprétait ainsi la philosophie de Hachette: On essaye de trouver des talents. Parfois nous loupons des talents. Parfois nous faisons éclore ceux que nous trouvons. Parfois nous les laissons se flétrir. Nous sommes un gros éditeur. Pour nous, c'est une histoire de chiffres. Pensez à des spaghettis collant au mur. Certains adhèrent. La plupart retombent.
En tant qu'autoéditeur, il est bien évidemment de mon devoir d'essayer de ne laisser se flétrir aucun de mes projets. Mais il faut bien reconnaître que moi aussi, je lance des spaghettis pour les coller au mur. Je crois bien que tous les auteurs indépendants et éditeurs en sont là. Le truc, c'est de les rendre le plus collant possible. Parfois, ils ne sont pas assez collants, et l'on se demande pourquoi.
Ainsi en est-il de Shopping, ebook qui à l'heure actuelle s'est vendu à trois exemplaires, l'un sur mon site, l'autre sur Amazon et le dernier sur le site de la Fnac. Il ne s'agit pas ici, bien sûr, de me plaindre. Autant d'ailleurs le dire tout de suite, je serais lecteur, je ne m'achèterais aucune de mes nouvelles à 0,99€. Pourquoi? Parce que j'attendrais la sortie du recueil. Cela me revient moins cher, et d'une, d'acheter le recueil complet (mon recueil fantastique sera vendu 2,99€ et devrait comporter six ou sept nouvelles), et de deux cela rapporte 70% à l'auteur à partir du moment où l'ebook est au-dessus de 2,60€ (sauf sur Google Play où l'on reste à 50%). Contre 35% seulement pour une nouvelle à 0,99€ (sauf sur l'iTunes Store d'Apple, où l'on reste à 70%).
Donc, je n'en voudrais pas aux quelques lecteurs de ce blog qui pourraient éventuellement être intéressés de ne pas la prendre tout de suite. Il me faut néanmoins arriver à intéresser la grande majorité des gens qui ne lisent pas ce blog, mais trouvent directement leurs ebooks en naviguant à l'aide de leur liseuse ou sur leur ordinateur. C'est mon boulot d'auteur indépendant. Il ne faut pas oublier que les nouveautés figurent pendant trois mois sur la rubrique correspondante chez Amazon.fr, par exemple, ce qui donne tout de même une certaine visibilité.
La couverture pourra déplaire, bien sûr, mais selon moi, elle est réussie et le fond blanc la fait même très bien ressortir sur une liseuse noir et blanc. A vrai dire, c'est celle de mes couvertures qui ressort le mieux.
Amazon La Fnac Site d'auteur iTunes Store Kobo
Tout cela pour dire que j'ai donc planché sur une nouvelle présentation. La difficulté que j'avais éprouvé avec la première, c'était les deux histoires parallèles qui s'entrecroisent. Il fallait qu'elles soient mieux imbriquées l'une dans l'autre dans cette présentation. Je devais aussi faire ressortir un certain niveau de conflit, ou de problème grave à surmonter pour au moins l'une des protagonistes. Il me fallait beaucoup mieux mettre en évidence ce qui selon moi fait la force et l'originalité de cette nouvelle, faire apparaître en premier l'aspect révolutionnaire de la technologie. Et le tout, bien sûr, en conservant du mystère et en dévoilant au minimum l'intrigue. Le résultat est sans doute tout sauf parfait, mais je crois qu'il y a une amélioration par rapport à la version précédente :
Nouvelle version :
Imaginez un logiciel qui soit un véritable reflet de votre âme, analyse vos points forts et vos points faibles, au physique comme au mental, identifie votre état d’esprit du moment et vous propose des vêtements qui vous soient comme une seconde peau. Dans lesquels vous vous épanouirez et donnerez le meilleur de vous-même dans n’importe quelle situation.
Ce logiciel, c’est Shopping. Karine Lagoumenie et son équipe de chercheurs et ingénieurs de Cyberzyme ont mis au point l’Intelligence Artificielle qui a développé Shopping. Un projet révolutionnaire nommé Code Miroir, susceptible de changer la face de l’humanité.
Pour Julie Brach, cela tombe à pic. Victime d’une terrible désillusion, cette accro du lèche-vitrine doit absolument retrouver goût à la vie. Et justement, un jour sa meilleure amie, Hélène, lui prête Shopping...
Ancienne version :
Karine est une scientifique de la société Cyberzyme, spécialisée dans la biotechnologie. Trop occupée, cela fait longtemps qu’elle se contente de faire son shopping sur Internet.
Julie, à l’inverse, pose dès qu’elle le peut une RTT pour aller faire du lèche-vitrine avec sa meilleure amie, Hélène. Un soir, Hélène, pourtant très peu portée sur les jeux vidéo, surprend Julie en lui prêtant un jeu intitulé Shopping. Révolutionnaire, le programme développé par Cyberzyme suscite l’engouement général. Il s’avère en effet capable d’analyser l’ADN de l’utilisateur pour s’adapter, anticiper ses désirs et réactions et fournir une expérience inoubliable.
Une expérience beaucoup plus marquante, d’ailleurs, que ne l’aurait souhaité Julie...
Voilà. Ai-je eu raison ou tort de changer la présentation? A vous de me le dire. Je pense qu'au niveau des ventes, ça ne sera de toute façon pas pire. C'est ce qu'il y a de merveilleux avec l'autoédition sous format ebook : on a droit à différents essais avant de trouver la bonne formule, il suffit juste d'y investir un peu de son temps.
Article sur le même sujet : Un effort de présentation
October 31, 2013
Vous avez acheté le livre sur Amazon ? L'ebook est gratuit
Tout est dans le titre : c'est désormais officiel, si vous avez acheté l'un de mes livres papier sur Amazon, vous pouvez bénéficier, pour zéro euro de plus, de l'ebook gratuitement. J'avoue que je ne sais pas trop bien comment cela fonctionne de manière pratique, si c'est Amazon qui vous contacte pour vous faire la proposition ou bien si vous devez faire la démarche de racheter l'ebook pour vous le voir proposer à zéro euro. Toute information à ce sujet serait la bienvenue. (Je sais que pour un album de musique, j'avais reçu un email d'Amazon me proposant le téléchargement gratuit des MP3 correspondants, je suppose donc que ce sera la même procédure.)
Rappel : le 9 septembre 2013, j'avais étendu cette proposition, non seulement aux lecteurs ayant acquis leur ouvrage chez Amazon mais à tous les lecteurs m'ayant acheté un ou plusieurs livre(s) papier. Les détails sur ce billet.
October 21, 2013
Y a-t-il un pilote dans l'avion Kobo ?
Kobo a modifié son site, permettant enfin une recherche des ouvrages par langues, et notamment sur la langue française, ce qui autorise une certaine visibilité d'ouvrages d'auteurs indépendants, dont les miens. Malheureusement, le site est en ce moment victime d'un abus de zèle de la censure interne, suite à un scandale concernant des ebooks pornographiques contenant des scènes d'inceste, de viol et de pédophilie ayant conduit au retrait de nombreux ebooks anglo-saxons d'auteurs indépendants - y compris des ebooks n'ayant rien à voir avec le scandale. La "tempête automutilatrice" qui déferle en ce moment sur Kobo semble bien nuire au service chargé de résoudre les problèmes techniques, ce qui a des conséquences aussi pour le site de la Fnac.fr.
Cela fait environ deux semaines que j'ai demandé l'intégration de la version ebook du tome 3 du Cycle d'Ardalia, Les Flammes de l'Immolé, sur le site de la Fnac, sans résultat.
J'avais également opéré une promo (baisse de prix à 2,99 € du 16 au 20 octobre) sur Le Souffle d'Aoles, sans que cette baisse ne soit répercutée sur le site de la Fnac.
Depuis mardi, j'essaye de transférer l'ebook de ma dernière nouvelle, Shopping, sur le site de Kobo, sans résultat.
Dernier détail, mes statistiques de téléchargements d'ebooks gratuits, qui affichaient près de 700 ebooks au compteur, sont retombées de manière très vexante à un ebook tous mois confondus, et ne varient plus au jour le jour. Heureusement, les stats de vente n'ont quant à elles pas été modifiées.
Tout cela est-il lié au scandale des livres censurés (un type d'affaire qui a tendance à revenir de temps en temps, cela avait déjà eu lieu avec Smashwords) ? Scandale qui soit dit en passant, est en train de plomber pour de bon la crédibilité du site chez les auteurs indépendants. Amazon est en droit de se frotter les mains...
Est-ce lié à la refonte du site ?
Y a-t-il aussi des problèmes à la Fnac, qui ne semble pas au mieux en ce moment ?
Toujours est-il que le service technique de Kobo chargé de réagir aux questions des auteurs et éditeurs semble aux abonnés absent depuis quelques semaines. Ou alors, je suis le seul en France à avoir des problèmes avec eux, mais j'ai comme un doute...
October 17, 2013
Shopping
La nouvelle qui sort aujourd'hui devrait surprendre quelques-uns de mes lecteurs. En voyant la couverture, certains se demanderont certainement quelle mouche m'a piqué. Pourtant, si je cible en effet un public résolument plus féminin avec cette nouvelle, je reste dans le registre fantastique. Pour être plus exact, c'est en mettant un peu d'anticipation dans ce thriller technologique contemporain que je déclenche le côté fantastique. Un joli mélange des genres, donc, puisqu'on y trouve aussi de la romance. La nouvelle fait 22 000 mots, soit une soixantaine de pages.
Shopping, nouvelle de 22000 mots
Karine est une scientifique de la société Cyberzyme, spécialisée dans la biotechnologie. Trop occupée, cela fait longtemps qu’elle se contente de faire son shopping sur Internet.
Julie, à l’inverse, pose dès qu’elle le peut une RTT pour aller faire du lèche-vitrine avec sa meilleure amie, Hélène. Un soir, Hélène, pourtant très peu portée sur les jeux vidéo, surprend Julie en lui prêtant un jeu intitulé Shopping. Révolutionnaire, le programme développé par Cyberzyme suscite l’engouement général. Il s’avère en effet capable d’analyser l’ADN de l’utilisateur pour s’adapter, anticiper ses désirs et réactions et fournir une expérience inoubliable.
Une expérience beaucoup plus marquante, d’ailleurs, que ne l’aurait souhaité Julie...
Extraits :
« Karine Lagoumenie savait avoir contribué à donner naissance à une créature digne de celle de Frankenstein. Elle ne pouvait imaginer, cependant, que le monstre – son propre bébé – en viendrait à la dévorer. Née avec un clavier dans les mains, elle avait très tôt montré des prédispositions pour les matières scientifiques. Son affinité élective avec l’informatique lui avait permis de se faire courtiser, une fois son doctorat de sciences appliquées en poche, par les multinationales les plus prestigieuses. Elle avait pourtant préféré aux Google, Apple et autres Facebook une simple start-up, française qui plus est, du nom de Cyberzyme. Les efforts prodigués dans le domaine de la recherche fondamentale et l’audace que déployait cette start-up à trouver des applications pratiques l’avaient séduite, compensant le maigre salaire. »
« Son smartphone se mit à vibrer dans son sac. Elle en releva la coque rose. Il fallut un moment au MMS pour se charger, et pour qu’apparaisse le visage souriant d'Hélène, devant une boutique de la Part-Dieu.
« Je suis là dans cinq minutes », tapota-t-elle en réponse.
Des nuages s’ourlaient dans le ciel bleu. Son cœur devait être à peu près aussi léger que l’un d’eux.
Puis ce fut l’arrêt de bus, et après quelques centaines de mètres, la cohue incessante de la Part-Dieu. Elle s’y faufila comme un saumon frétillant qui aurait remonté le courant. Elle n’était peut-être pas très grande, mais elle savait où elle allait et était pressée. Le visage allongé d’Hélène, avec sa queue de cheval caractéristique, se repérait de loin. Son amie était en jupe, pour ne pas changer. Il faut dire que ses longues jambes de déesse – elle était à peu près aussi grande que Roland – le valaient bien. Elle les lui avait enviées au début, jusqu’au jour où Hélène lui avait révélé avec quelle régularité elle se les épilait. Avoir une taille moyenne comme la sienne ne présentait finalement pas que des inconvénients. »
« Un personnage 3D en rotation se matérialisa. Elle n’avait chargé aucune photo d’elle, ce qui rendait la ressemblance physique d’autant plus troublante. La figure à l’écran aurait pu être celle d’une sœur qu’elle n’avait jamais eue, mélange entre ses traits à elle – notamment le front, le nez et les oreilles – et ceux de sa mère pour les joues plus creuses que les siennes et le menton un peu plus large. La caméra prit du champ. Les seins de l’avatar étaient peut-être un peu plus rebondis, ses fesses plus galbées, mais le graphisme s’avérait d’une précision hallucinante. A sa stupeur, elle reconnut des grains de beauté à l’emplacement exact de certains des siens.
Elle donna un nom à son avatar.
Une voix suave masculine la salua et l’invita à le suivre. Elle se mit à bouger la souris d’après les indications de flèches qui apparaissaient et s’évanouissaient tout aussi soudainement. Son personnage virtuel, même nu, se mouvait avec une grâce ensorcelante. Si les boutiques que lui fit visiter le programme avaient un aspect extérieur assez sommaire, les vêtements, chaussures et accessoires à l’intérieur révélaient des couleurs, des motifs et un design qu’elle n’avait jamais vus ailleurs. »
October 1, 2013
Pour qui est-ce que j'écris ?
La question "pour qui est-ce que j'écris" peut supposer deux niveaux de réponse. L'un purement marketing, qui varie selon les livres. La trilogie Ardalia s'adresse par exemple à un public "de 12 à 112 ans." L'autre niveau est plus intime, et il est en lien avec la motivation profonde derrière l'écriture.
La question "pour qui est-ce que j'écris" se rapproche ainsi de l'autre interrogation, "pourquoi est-ce que j'écris". A partir du moment où la quête du succès est tout de même extrêmement évasive dans ce domaine, une carrière dans l'écriture se rapproche évidemment bien plus d'un art de vivre, ou d'un sacerdoce. Il me paraît donc établi qu'à partir du moment où l'on veut s'inscrire dans la durée, on écrit d'abord et avant tout pour soi.
J'écris ainsi pour expérimenter, vivre des choses différentes, me surprendre, m'émouvoir, rendre hommage à des oeuvres formidables qui m'ont marqué, trouver mon propre chemin, mon style, bâtir et faire oeuvre, mais aussi, bien sûr, faire partager toute cela. Sans cette notion de partage, ma prose aurait toutes les chances d'être stérile. En ce sens, j'ai à l'esprit en écrivant ma Lectrice Idéale, qui se trouve être ma femme.
J'essaye de ne pas fonctionner avec des règles trop astreignantes, mais l'une des choses qui pour moi demeure fondamentale est de ne pas insulter l'intelligence du lecteur. Je veux du solide, ou au moins une apparence de solidité. Pour cela, je travaille sur la cohérence par rapport au réel, le bon sens, et sur la cohérence interne, c'est à dire, sur la logique du fonctionnement de l'univers et de l'histoire et sur l'homogénéité de la personnalité des personnages.
Il est possible que ce grand principe m'ait empêché par le passé de "me lâcher" complètement, mais je l'assume. Et si l'on y réfléchit, même un univers totalement déjanté comme celui du Disque Monde de Terry Pratchett, s'il se transformait l'espace de deux ou trois chapitres en livre sérieux du style Germinal, trahirait tout à la fois ses lecteurs et sa cohésion interne.
En d'autres termes, le fait de respecter l'intelligence du lecteur n'est pas une entrave au degré de fantaisie d'un univers, à partir du moment où les règles sont posées dès le départ et où le pacte tacite s'est effectué entre l'auteur et le lecteur. Il est vrai que la cohérence par rapport au réel ne peut plus être assumée dans un univers déjanté, mais il faut alors assumer l'inverse, c'est à dire l'incohérence par rapport au réel.
Il ne faut pas oublier, non plus, que le réel se montre parfois autrement facétieux, imprévisible ou irréaliste que dans la fiction. Par exemple, si l'on m'avait dit il y a quelques semaines qu'il y aurait un rapprochement entre les Etats-Unis et l'Iran, je n'y aurais pas cru. Mais c'est aussi parce que je ne suis pas un spécialiste des affaires internationales : il y avait une probabilité que ce rapprochement s'opère, puisque le président iranien actuel est plus modéré que les précédents.
La surprise, le côté irréaliste, improbable, vient de l'ignorance d'un grand nombre de paramètres, dans la vraie vie. Un trop grand nombre de paramètres pour qu'un seul individu les intègre tous. Et dans les romans, si le romancier est le guide, c'est bien parce que le lecteur doit être guidé pour aller au-delà de son ignorance, ou en tout cas au bout du chemin. D'où les effets à ménager, les vérités à cacher, y compris en ce qui concerne la personnalité ou le passé, les allégeances, les antagonismes ou les déchirures de certains personnages.
Après, il y a différentes écoles, entre ceux qui planifient tout à l'avance et ceux qui se laissent entièrement guider par leurs personnages. J'oscille entre les deux, je dois dire. Il est très important de se laisser de la liberté et de la marge de manoeuvre si l'on veut se surprendre, pour surprendre les autres.


