Christophe Claro's Blog, page 83
November 18, 2015
Perpignan Crash Test
Ce soir jeudi 19 novembre, je serai à la librairie Torcatis, à Perpignan, à 18h30, pour une ultime rencontre autour de mon livre
Crash-test
(l'adresse? Ah oui, la voici : 10, rue Mailly 66000 Perpignan).La librairie Torcatis est une librairie particulière en ce qu'elle fut très liée à la personne de Claude Simon, via Jean-Louis et Odette Coste. Aujourd'hui, c'est Roger qui a repris l'affaire avec sa femme Brigitte, et l'âme de Simon n'a pas cessé d'y flotter, on veut bien le croire. Torcatis a fêté cette année ses soixante-dix ans, excusez du peu.
On se réjouit d'y aller, d'autant plus qu'on peut y trouver nombre de livres de Simon (rares, épuisés) ainsi que quantité d'ouvrages critiques sur son œuvre. On va encore se ruiner, je le sens. En plus, il devrait faire 23 degrés. Donc, oui, on sera sûrement en terrasse. Avec un livre. C'est sans doute ce qu'il y a de mieux à faire en ce moment: lire en terrasse.
Published on November 18, 2015 21:30
Lâchons les chiens nos plaies ont soif
"quelques repères grammaticaux ici et là tout baigne
je ne peux plus m'arrêter je suis le mouvement et le
mouvement qu'il imprime papiers trop de papiers plus
de papiers nous avions la meilleure vue une goutte
d'eau sur le macadam a suffi ensuite je ne sais plus la
lune sur la pupille les cris des loups le sabre de la joie
venant enfin à bout du goulot d'être puis le sang du
champagne qui fuse rouge la nuit éteint le danger et
de sa base naît inconcevable l'abri qu'on n'a pas sur
garder quittons les cavernes de l'être c'est facile un swing
puis un autre c'était donc ça résister assez lâchons les
chiens nos plaies ont soif"
(extrait de Comment rester immobile quand on est en feu ,à paraître le 7 janvier aux éditions de l'Ogre)
Published on November 18, 2015 08:45
November 17, 2015
« Nous ne rapporterons pas le récit » : Soutter en sa nuit
En s’attachant au parcours de l’artiste Louis Soutter, Sereine Berlottier a réussi à éviter tous les pièges du puzzle biographique, préférant offrir à la trajectoire solitaire et cadenassée de cet artiste reclus une écriture procédant du même geste fragmenté qui fit de Soutter un peintre secret, isolé, tantôt interné tantôt nomade, mais dont le travail toucha en profondeur Giono, Le Corbusier et quelques autres.Louis sous la terre ne cherche pas à percer le mystère de cette vie silencieuse, qui semble basculer un jour, à la fin du dix-neuvième siècle, après un mariage malheureux qui conduisit Soutter en Amérique puis le vit rentré, quelque chose de cassé en lui. Plutôt à l’accompagner, cette vie, à en doubler certains contours, certaines lignes de fuite, dans l’espoir de les faire vibrer et, qui sait, nous faire parvenir quelque écho, même brouillé, de ce que Soutter éprouva dans la boîte noire de sa chair :
« Tu couvriras la feuille sans plus rien savoir que le bruit de la plume qui écrase l’air. Tu grifferas. Tu respireras bruyamment. Tu seras seul. Tu regarderas l’ombre d’une branche dévorer le tronc qui la porte. Tu te nourriras de croûtes de pain. Tu partiras à la nuit tombée. Tu reviendras dix jours plus tard. Ou bien tu ne peindras pas. Tu laisseras la faim grandir en silence. Tu lui offriras des prises secrètes, des trophées inutiles. Tes os grésilleront sous le poids du vent. Tu auras mal. Tu ne sentiras rien du tout. »Ici, le temps du futur se veut moins tentative d’extrapolation que dépliage d’un possible, et Berlottier ne cherche pas à pénétrer la conscience de Soutter mais plutôt à créer les conditions de sa survie, à nous rendre à la fois tangible et incarnée l’obscurité tenace dans laquelle Soutter s’enfonça, jusqu’à la cécité qui ne l’empêcha pas de continuer à peindre, avec les doigts, et c’est sans doute dans la « description » – mais le mot est impropre, il faudrait plutôt parler de « relance » – des toiles de l’artiste que Berlottier réussit à nous faire voir son œuvre par la pure intellection de l’écriture, allant jusqu’à s’immiscer entre les silhouettes peintes :
« Des mains jetées en avant, tâtonnant dans le vide, ne se touchent pas. Pas de rencontre, pas de heurt, aucune griffure, rien d’autre que ce tourbillon d’impuissance où les corps plient, le crâne nu, l’œil vide, sans issue que mon œil où les coudes tentent de se frayer un passage, ongles pointus, mais je ne veux pas de vos larmes, ni de votre espérance,, il n’y a pas assez de place en moi pour toutes ces fuites, ni de quoi vous habiller tous, si nombreux, si nus. »S’avançant sous les ombres froissées de Van Gogh et Artaud, le Soutter de Sereine Bellotier nous devient immensément présent, réel. Et quand, dans les pages 77 à 84, l’auteur prend le risque de faire parler les formes mêmes de la peinture, on éprouve le rare et précieux sentiment d’être enfin passé de l’autre côté, ce qui paraissait impossible :
« Nous allons périr sur les chemins. Mais aucun de nous ne prend le même chemin. Nous ne nous tiendrons pas la main. Nous ne rapporterons pas le récit. Un œil coule, quelqu’un compte nos doigts peut-être, à quoi bon. Souplesse. Nous dansons dans un cercle rouge, simplifiés, nocturnes. Nos cheveux lents plongés vers la terre. »Louis sous la terre, certes, mais traversé dans ces pages par un soleil généreux et subtil._____________________________________Sereine Berlottier, Louis sous la terre, éd. Argol, 18 €
Published on November 17, 2015 21:30
La phrase du jour
«La France devrait bombarder Molenbeek» — Eric ZemmourEh bien, Eric, sache qu'on envisage sérieusement la chose. Mais laisse-nous le temps d'évacuer tous ses habitants, même ceux qui ne sont pas très recommandables. Laisse-nous aussi le temps de t'y assigner à résidence, seul avec tes idées qui doivent être un formidable rempart non seulement contre la barbarie mais également contre l'intrusion de la plus petite neurone existante. Mais peut-être ne penses-tu pas ce que tu dis, dans la mesure où tu ne penses pas vraiment, sauf si on appelle penser cette forme d'aérophagie verbale que tu sais vendre en parfait colporteur de tes nauséabondes opinions. J'espère que tes éditeurs t'approuvent et te soutiennent, vu que tes opinions n'en sont même pas, et relèvent désormais de l'incitation à la haine, voire au meurtre. Parce que s'ils ne soutiennent pas, ils devraient le faire savoir, et vite.
Published on November 17, 2015 03:26
Quand Dicker fait la pub
J'apprends par Livres-Hebdo que Joël Dicker, l'auteur du Livre des Baltimore, va s'essayer "à la comédie dans une web-série publicitaire vantant les mérites de la nouvelle Citroën DS 4, et s'accompagnant d'une nouvelle inédite".J'espère de tout cœur que la nouvelle de Dicker mêlera élégance et dynamisme pour une expérience de lecture exceptionnelle. Sophistiquée et épurée, son écriture intègre on le sait les exigences d'une lecture réactive, agile et souple. Bref, encore une sortie de route comme on les aime…
Published on November 17, 2015 02:16
Comment rester immobile quand on est en feu
J'aurai aujourd'hui entre les mains mon prochain livre,
Comment rester immobile quand on est en feu
, une "anti-ode" d'une centaine de pages qui paraîtra le 7 janvier aux éditions de l'Ogre. Oui, je sais, c'est dans longtemps, mais l'urgence elle aussi aime à prendre son temps. (Et comme ce titre résonne étrangement après ce qui vient de se passer…) Immobile, donc. Mais en feu.C'est un texte commencé il y a six ans, hors les sentiers de la narration, pour tenter d'aller plus loin dans une langue que tout chahute et électrise, qui s'accroche à la voix mais renâcle au réel, et pense pourtant qu'est politique toute tentative pour écorcher les évidences que tisse la parole. En exergue, je cite ces vers de Claudel, extraits de la quatrième Grande Ode, La muse qui est la grâce:
« Que parles-tu de fondation ? la pierre seule n’est pas une fondation, la flamme aussi est une fondation, / la flamme dansante et boiteuse, la flamme biquante et claquante de sa double langue inégale ! »Ces vers, prenons-les comme une mesure musicale, une invitation à faire dialoguer entre elles deux aspirations en apparence contraires, l’une portée vers le temps de la grâce, l’autre attirée par le plancher des vaches. Deux régimes de langue, donc, l’une danse l’autre pas, mais toutes deux sont prêtes à en découdre. Il s’agit donc ici, aussi, d’en découdre, de découdre le langage, de faire craquer ses coutures. Comment rester immobile quand on est en feu est à la fois un questionnement – l’exercice est périlleux – et un mode d’emploi – essayons toujours… –, une entreprise de gai savoir, où l’abstrait donne des coups. C’est le langage qui parle ici, incarné dans deux voix prises entre deux feux, avec pour horizon tremblé le refus d’être dupe et la joie de résister.
Published on November 17, 2015 01:14
November 16, 2015
Peigné entre les lignes
Du fait des massacres survenus récemment à Paris, et suite à l'état d'urgence décrété dans tout le pays, le Clavier Cannibale ne voit aucune raison de cesser ses activités. Corollaire: La littérature n'est pas menacée: la littérature est une menace. Entre les lignes : cette expression, Colette Peigné, l’auteure de L’interlocutrice, l’a posée un jour à sa mère, mais elle ne pouvait se douter qu’elle en aurait un jour une explication éclatée, improbable — « vibratoire ». C’est pourtant ce qui s’est produit le jour où, passant en revue les affaires de sa mère, décédée après plusieurs années sous le joug cruel d’un Alzheimer, elle s’aperçoit que les livres que lisait sa mère, des romans policiers parus aux éditions du Masque – 23 au total, même s’il y en eu plus – portent en eux, entre leurs lignes, des notations manuscrites. Odette – la mère de l’auteur – sentant la mémoire et le langage lui échapper, se servait de ces récits populaires pour laisser des traces, recourant aux mots des autres, qu’elle commente, souligne, auxquels elle répond aussi, afin de continuer à exister autrement, d’insister en secret.L’interlocutrice est d’abord le livre d’improbables retrouvailles, celles, posthumes, entre la fille et la mère à travers le legs de tiers livres :
« La fille est transportée de joie. Elle va la retrouver – Odette. La comprendre. Elle va vivre avec elle de ce corps nourricier qui est celui de la lecture. C’est le legs. La découverte laissée à votre intention au fond d’un coffre. Comme dans les contes de fées. Certes de quoi exulter. »Bien sûr, le legs est douleur, même s’il demeure présence. Et il y a toujours le risque d’enfermer la personne disparue dans « le miroir des livres ». Mais les mots laissés par Odette ne font pas que signaler, faiblement, la persistance d’une conscience amoindrie, tordue, ils fondent aussi, malgré eux (?), une poétique dont sa fille doit rendre compte et laquelle, par ce livre, elle rend justice. Et si la lecture mêlée des textes d’Exbrayat, Agatha Christie où s’interpose la voix d’Odette, révèle un « tel charroi de peines », on y sent physiquement, aussi, la force d’une femme cherchant, en secret, à dialoguer avec le langage, profitant in extremis du « tourniquet des significations, des intuitions, des presciences », ainsi que l’exprime admirablement Geneviève Peigné, qui finit par dire ceci à propos des mots qu’écrit sa mère : « C’est calciné et clair. »Et l’auteure finalement de redoubler le geste maternel en s’immisçant à son tour dans les pages commentées, afin d’ajouter épaisseur et empathie à cette tresse interrompue. Parlant des livres retrouvés, Geneviève Peigné dit « les livres écrits par Odette ». D’une certaine façon, celle-ci continue d’écrire dans les livres cette fois-ci de sa fille, non par le sec artifice de la citation mais sous l’emprise d’un flux plus puissant, et dont seule la lecture – en tant que dialogue décalé – peut rendre compte.___________________Geneviève Peigné, L’interlocutrice, Le Nouvel Attila, 16 €
Published on November 16, 2015 21:30
November 8, 2015
Quelque part au-delà de l'arc-en-ciel (et des ondes)
Le problème avec les très beaux endroits, c'est que souvent on ne capte pas internet. Mais l'intérêt des très beaux endroits, souvent, c'est qu'on n'y capte pas internet. C'est quelque part dans le Lot, dans un hameau perdu (mais pas pour tout le monde), et la vue est magnifique. Donc le Clavier Cannibale va faire une petite pause jusqu'au 16 novembre… Dans la valise, un peu trop de lectures, mais on ne sait jamais, de toute façon trop c'est mieux:• Sarah Bahr, Embâcle, éd Les petits matins
• Fred Léal, Le Mont Perclus de ma solitude, POL
• Georges Dibi-Huberman, Ecorces, éd. Minuit
• Marie-Hélène Lafon, Histoires, Buchet-Chastel
• Sereine Berlottier, Louis sous la terre, Argol
• Gilbert Sorrentino, L'abîme de l'illusion humaine, trad. Hoepffer, Cent Pages
• Edouard Levé, Œuvres, POL
• Pierre Lepori, Comme un chien, éd. d'En bas
• Marie Cosnay, L'allée du bout du monde, Publie Papier
• Geneviève Peigné, L'interlocutrice, Le Nouvel Attila
Au programme, également, côté traduction, fin de la relecture de ma traduction de A Naked Singularity, le roman monstre de Sergio De La Pava, à paraître chez Lot 49. Côté écriture, on va avancer sur le livres en cours, sur Soudain Proust et sur quelques autres projets fuligineux dont on vous parlera quand le moment – ce fils du dahu et de la tarasque – sera venu.
Published on November 08, 2015 22:00
November 7, 2015
Onfray quoi sans lui
"L'euthanasie, c'est la possibilité d'éviter le spectacle de sa mort". — Michel OnfrayCette phrase, prononcée par le moniteur de philosophie Michel Onfray, m'a frappé, non par sa profondeur abyssale et sa sémillante générosité, mais par l'espoir qu'elle semble porter à bout de neurone telle une flamme ignifugée (euh?). Je me demandais comment on pourrait s'y prendre pour éviter le spectacle de la mort de la pensée qu'incarne, en son pénible goutte à goutte mental, Onfray. Eh bien, nous avons maintenant une amorce de réponse, je crois.
Bon, sinon, sachez qu'un recueil de textes de Gilles Deleuze vient de sortir aux éditions Minuit, sous le titre Lettres et autres textes. Quel rapport avec Onfray, me direz-vous? Aucun, vous répondrai-je. Onfray dévale les pentes de sa poudreuse pensée tandis que Deleuze réinvente, à chaque page, le concept de flocon.
Published on November 07, 2015 09:53
November 5, 2015
Wanted !
Published on November 05, 2015 22:00
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