Christophe Claro's Blog, page 63

November 16, 2016

La badge de la raison 1966

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Published on November 16, 2016 22:57

L'indésamorçable : Antoine Boute au pays des pornolettristes

Heureusement, de temps en temps, sort un livre signé Frédéric Léal, ou Handschin, ou Antoine Boute, bref des noms que les jurés éclairés des prix littéraires subtils ne doivent pas connaître, trop occupés qu'ils sont par leur quête quasi daltonienne du livre déjà colorié. Aujourd'hui, donc, c'est un peu alléluia, la lit-price-binge est quasi finie
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Published on November 16, 2016 09:45

November 15, 2016

L'assiette fêlée de la traduction

Dans mon précédent post, je citais un peu vite l'incipit de la nouvelle de Fitzgerald, "La Fêlure", en donnant la traduction suivante, signée Dominique Aury :
"Toute vie est bien entendu un processus de démolition."
Pour Marc Chénetier, qui a retraduit Fitzgerald pour La Pléiade, il s'agit là d'un "contresens institutionnalisé" par le temps. En anglais, l'expression est la suivante: "a process of breaking down", ce qui pour Chénetier n'est donc pas "transitif et tourné vers le dehors comme l'impliquerait 'démolition' mais interne, intime". Voici d'ailleurs la traduction qu'il propose:
"Toute vie, bien sûr, au fil du temps, se délabre".

Effectivement, "processus de démolition" pourrait laisser entendre que la vie est une action consistant à démolir "autre chose" qu'elle-même. Mais ce qui est intéressant à noter, c'est que, dans le cas de Fitzgerald, vu le contexte-Fitzgerald, on lit cette formule, presque instinctivement, au sens passif, et qu'on comprend tout de suite qu'il s'agit d'une "auto-démolition". De même, on pourrait très bien imaginer qu'en anglais, le processus consistant à démanteler – " to break down" – s'applique à un élément extérieur, non spécifié, même si, là encore, on comprend que ce qui va faire l'objet d'un "démantèlement", ce sera la force agissant elle-même, la vie.
C'est peut-être le propre d'une fêlure – du fameux "crack-up" – que de rendre impalpable et indécidable la frontière entre l'actif et le passif, comme si une fêlure était un phénomène inhérent à la chose fêlée, comme si la fêlure – béance en devenir, ligne de partage, signature intérieure accédant à la surface… – était à la fois de l'ordre du catastrophique, renvoyant à un défaut, une faille, un échec (on subit la fêlure) et un mécanisme révélateur, dans la mesure où la fêlure, parce qu'elle traverse la matière-vie, met en relief si l'on peut dire ses parties constituantes, ou plutôt les crée, les isole et les distingue, rappelant combien est illusoire la pseudo-cohérence du je. La fêlure ne se contente pas de menacer l'intégrité: elle fabrique aussi du multiple. Elle est, en outre, mouvement.
Alors? Démantèlement? Délabrement? Démolition? Quel que soit le sens dans lequel on le brosse, il n'est pas interdit de penser que la traduction est, à sa façon, une fêlure, un processus permettant de séparer deux états de la matière textuelle, avec d'un côté, avant si l'on veut, un texte entier, mais seulement en apparence, et après, dès l'intervention de la traduction, un texte secrètement fêlé, dans lequel l'on peut lire l'ancien et le nouveau, ainsi que le processus de dédoublement. La traduction pourrait donc être considérée comme une cassure pratiquée dans le texte afin d'en révéler et prolonger la vie organique, donc fragile. Le texte ne peut faire l'expérience de la fêlure que s'il est manipulé, s'il accepte de continuer après la rupture.
Tout texte, bien entendu – bien sûr – au fil du temps – est un processus de traduction – se traduit.p.p1 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; font: 13.0px Arial; color: #232323; -webkit-text-stroke: #232323} span.s1 {font-kerning: none}
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Published on November 15, 2016 02:06

November 10, 2016

A pleine main la fourrure : le texte

Comment lit-on? Que lit-on quand l'œil s'efforce de glisser sur la phrase alors qu'il lui faudrait s'y enfoncer comme un soc audacieux? On prend la phrase comme elle vient, dans son apparente continuité qui dissimule mille ruines. On lit, mot à mot, en idiot rassuré, alors que sous le doigt imaginaire qui suit la ligne ce sont d'autres lignes qui tremblent, des fractures conçues au millimètre par un artisan à l'écoute de ses fièvres. On ne sait jamais ce qu'on va lire, et pourtant on y va, on se laisse entraîner, mais heureusement il se produit parfois autre chose, autre chose que le souple vernis de l'histoire étirée, cadencée, et soudain on devient lecteur, c'est-à-dire spéléologue, on cesse de caresser les reliefs pour humer la tourbe, mâcher le calcaire, se blesser au silex. Non, on ne sait pas lire, et c'est cette ignorance qui nous rend poreux et sensibles. Nous voulons désapprendre notre langue. Non pas gambader bêtement sur le toboggan des vocables mais saisir à pleine main la fourrure de cette bête qui croît à la lumière des terriers. La phrase est là, apparemment écrite, et à peine y avons-nous apposé nos empreintes mentales qu'elle révèle, sous la peau syntaxique, son univers vernaculaire. C'est cela que nous cherchions, cela dont nous avions besoin; non l'assurance d'être rassuré mais l'invitation à l'exil. Derrière la phrase: des corps sous-entendus, des chairs infra-perçus, des instants innervées de pensée, et des perspectives, des fuites, des explosions, des retournements.
Rappelez-vous le début de la nouvelle de Fitzgerald, intitulée La fêlure : "Toute vie est bien entendu un processus de démolition". De même, toute phrase est sous-tendue par des forces qui la minent et le menacent, puisque ce qui est dit en un point du texte devra être éprouvé en la circonférence du texte dans son ensemble, si l'on veut que cette "catastrophe" qu'est la nécessité d'écrire puisse donner, depuis le centre nomade, à entendre son expansion et son explosion dans l'espace ainsi offert. C'est pour ça qu'on relit les livres, pour mieux suivre à chaque fois les déplacement du nœud de conflagration: il change tout le temps. Il explose ici dans le pan de mur jaune proustien, semble fulgurer dans le vert-morve de la mer joycienne, ressort par l'œil du cancrelat kafkaïen, irrigue les veines de boue de la phrase-tranchée de Claude Simon. La fêlure est voyageuse; elle est aussi contagieuse. Sa science ne conçoit que des monstres.
Comment voudrait-on lire? A l'abri des glissements? Loin des effondrements. Chez Guyotat, le corps devient un habitat politique que la phrase décompartimente en cadences ourlées ; chez Genet, c'est une fleur s'inventant mille et une déchirures susceptibles de tester de nouvelles textures rebelles. Chez Perec, on joues à l'échec afin d'irriter la peau du damier et de voir en dessous. Faulkner enfonce sa seringue dans l'impensé. Balzac invente la broderie sanglante (et cicatrise le romantisme). Partout ça travaille, ça défonce, ça renaît. Peu importe le prix à payer. La démolition est technique, donc passion, et la passion propice à la syntaxe.p.p1 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; font: 18.0px Helvetica; -webkit-text-stroke: #000000} span.s1 {font-kerning: none}
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Published on November 10, 2016 12:46

November 8, 2016

Nine Eleven, bis

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Published on November 08, 2016 21:57

November 7, 2016

La chasse à la sorcière Difficulté

Il est révélateur de voir que certains livres sont qualifiés d'"exigeants", leur lecture "demandant" du lecteur "une participation plus qu'active". Et tout ça est souvent dit avec un moue un peu contrariée, comme si, finalement, un livre ne devait rien attendre du lecteur, et tout donner, avec la générosité d'un bienfaiteur ayant tout intérêt à ce que ceux à qui il fait charité de son talent s'en repaissent sans remuer autre chose que les babines passives de leurs yeux.
La chasse à la sorcière Difficulté ne date pas d'hier, mais il semblerait qu'on veuille faire rentrer le livre, et avec lui une certaine idée de la littérature, dans la grande arène du divertissement.
Le problème, c'est qu'un livre est censé être composé de langage, et que le langage est ce qui structure notre monde, fonde le réel et permet aux autorités de toutes sortes de donner à nos échines la forme servile d'une rampe de lancement à leurs ambitions. Le langage ne nous appartient pas, il est l'air sans cesse renouvelé et en permanence vicié au moyen duquel nous respirons notre rapport au monde, à l'autre. Il nous est donné dès l'enfance comme une pâtée pré-mâchée, assortie de tous ces tendons-propagande et ses nerfs-préjugés, puis continue de nous manipuler et de nous déformer, nous rendant esclaves de ses mots d'ordre et compulsions d'obéissance. La littérature est-elle un contre-pouvoir à cette vaste entreprise de régulation des cerveaux et des corps? Rien n'est moins sûr. En revanche, il est clair qu'écrire c'est s'engager en toute connaissance de cause dans une aventure linguistique, syntaxique, grammaticale, et qu'il est de toute évidence malhonnête de faire comme si on avait juste une histoire à raconter, comme s'il existait une longueur d'ondes inoffensives pour pénétrer la matière du vivant et les forces de la pensée.
Que ce soit la fiction ou la poésie, il s'agit d'entrer par effraction dans une langue donnée, et d'en secouer plus ou moins discrètement les membranes sensibles. La chose est bien entendue vouée à l'échec, elle est même, sans doute, l'échec porté à son point d'incandescence le plus extrême. Mais elle ne saurait se faire innocemment, sous couvert d'un prétendu pacte auto-nettoyant avec le lecteur. Même le plus terne roman de gare porte en lui, sur lui, la marque des compromis de son temps. L'écrivain fait de son lecteur un complice, et comme c'est le cas bien souvent, il arrive que le complice soit berné; il suffit pour cela que le contrat proposé n'ait l'air de comporter aucune perte, et de ne proposer qu'un tranquille profit.
Mais lire, c'est accepter de perdre: perdre de soi, de ses assurances, de ses croyances, de ses poses. Un livre "exigeant" n'exige en fait rien, ce n'est pas un tyran – les tyrans caressent la tête des petits enfants et jouent avec leur chien devant l'objectif… –, s'il exige quelque chose, c'est avant tout l'être entier de l'écrivain, et ce qu'il donne à voir et à ressentir, c'est cette exigence infligée librement à son corps consentant. En l'occurrence, l'exigence dont nous parlons ici n'est un exercice en pénibilité, ce n'est pas une peine, mais un travail, au sens d'un tourment: car il faut vouloir être tourmenté si l'on veut briser la roue et la rouerie du langage. La littérature-ventriloque a beau jeu de se faire passer pour distrayante, alors qu'elle cherche juste à faire de la pensée un réflexe en accord avec les lois consuméristes de la passivité.
L'exigence, puisqu'il faut apparemment en revenir à ce mot, consiste à donner chair ce qui paraît obscur, afin que même à tâtons on puisse sentir que des pulsions, même couchées par écrit, continuent de travailler, de déranger, de réveiller. 
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Published on November 07, 2016 11:37

November 3, 2016

Le gagnant du prix Goncourt est…


… Marius-Ary Leblond ! Ah non, pardon, ça c'était en 1909. Enfin, le plus important, je crois, que c'est que personne ici n'a oublié l'œuvre immortelle de Marius-Ary Leblond, n'est-ce pas? Et maintenant, chantons tous en chœur "Au suivant" de Brel…
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Published on November 03, 2016 04:37

October 27, 2016

L'homme chauve sourit enfin


"Sur l’écran hyper sensible du ciel s’affiche le logo breveté de sa gloire, la cape découpée de sa nécessaire intervention, projetée habilement par son ami le preux commissaire Gordon, lequel lutte en permanence contre de vicieux éléments internes, magouilles en sous-main, pots-de-vin soûlant tous les vieux grigous au bord de la retraite, trafic de drogues afin de rendre les gens plus joyeux. Cette fois-ci, la mission proposée à l’ami Batman est : Empêcher un dépeceur schizophrène de dépouiller la ville de son nom. Faire que Gotham reste Gotham et ne devienne pas juste New York, Trieste ou Barcelone. On craint en haut lieu un retour de la réalité. Une montée de la fange matérialiste. N’envenimons pas les choses. Mettons un terme aux crimes qui défigurent, renomment, déforment. Ok, c’est compris. Batman, de son vrai nom Bruce Wayne, repousse l’assiette pleine d’œufs brouillés que lui a apportée son fidèle Alfred. Master n’aime plus mes œufs brouillés ? demande le majordome en prenant l’accent mouillé de Michael Caine."
(extrait de L'homme chauve sourit enfin, à paraître peut-être quelque part)
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Published on October 27, 2016 22:00

October 26, 2016

L’eau, sans honte

"L’eau, c’est l’absence totale de vergogne. Sa propension à jaillir d’entre les pierres et planches de nos maisons et de nos barques – mais aussi des yeux qui ne veulent plus voir, de la barrique d’où elle coule rouge, depuis la source qu’elle feint de prendre pour mère, etc. – est le signe profondément insultant d’une liberté – d’une franchise outrée – acquise à un prix dont nous n’avons pas encore conscience mais que nous payons à notre insu, par cette grande soif de chaque instant qui fait de nous des sacs rêches et sans voix, des pénitents sans cesse agenouillés devant la flaque où elle – l’eau – fabrique à grands renforts de vase, de mousse et d’orbes gras, le visage dont nous lui offrons le niais reflet. Tu en as dans ton verre, elle coule dans l’intestin de tes radiateurs, sens-la qui suinte ici et là, touche son passage à même les murs de ta cave, elle transhume, suit tout ce qui fait pente, aussi paresseuse que têtue, et froide, et tiède, s’enivrant de bactéries comme toi d’espoirs, même si, à ta différence, elle en fait quelque chose. Qui ne l’a pas entendue calomnier le peuple épars de ses noyés ? Dans ton café, même, elle complote, suçant le marc pour en chanter l’amer. Ton enfant a d’étranges yeux ! et son ventre est gonflé ! tu l’as oublié dans le bain, mais le bain, lui, ne l’a pas oublié, et l’a roulé dans son linceul mousseux pour en faire une blanche rainette. Pleure, c’est encore de l’eau qui te prend à témoin, de sa force, de son mépris. Tes souvenirs, s’ils cherchent l’amont, ne rencontrent que clapotis, quand tel un nénuphar hideux tu flottais sans flotter, buvais sans boire, avant que crève la digue et déchire la peau. Allons, c’est l’été, tu pars, tu t’éparpilles, tu ruisselles sur les routes en imitant les rires de ta radio, appelé par qui tu sais. Tu freines et tu t’élances, déjà ta valise s’enlise, déjà le sable habite tes plaies. Là, devant toi, mais comme souverainement autour de toi, sa vaine et lâche forme ou masse peuplée des mille pus et possibles de la création. Tu penses scintillements, ondulations, mystères. Tu y enfonces le corps comme dans un aucun autre de ton vivant. Quelle naïve confiance en le grand partout ! L’eau alors t’étreint, tel un poing cataracte, une vessie univers, tu coules, tu renonces, les méduses glissent leurs langues de dentelle dans l’anus de ton antique bouche, des poissons plus sournois que tes pensées s’ébattent dans les gousses de tes poumons, et toi tu chantes, comme on rame, tu chantes les rixes océanes et les tangos diluviens, sans voir, à même la vitre derrière laquelle il n’y a plus rien, la goutte de ton être qui va s’étrécissant. — Et vivant en buée tu meurs dans ton souffle."
(extrait de La nature des choses, à paraître peut-être quelque part)
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Published on October 26, 2016 21:00

October 25, 2016

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur "Jérusalem" d'Alan Moore sans oser le demander



"Alma Warren, au saut du lit et nue dans le monstrueux miroir de la salle de bains, en train de fixer d’un air vague la peau détendue de son corps de cinquante-trois ans, mais adorant ce qu’elle voit. Elle trouve que sa vanité frôle l’héroïsme, vu l’illusion dont elle se berce. Elle est prête toutefois à regarder la réalité en face, sachant très bien que ladite réalité se contentera de s’enfuir en hurlant. Tout bien balancé, c’est une sacrée nana."
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Published on October 25, 2016 20:30

Christophe Claro's Blog

Christophe Claro
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