Christophe Claro's Blog, page 61
January 10, 2017
Lisbonne Trash-Pics
Sic transit
© Camilla Watson, largo dos Trigueiros
La niut, tard
Des hommes qui tombent
Racines d'ombres
But where is my fugu?
Published on January 10, 2017 21:30
Pourquoi les femmes sont payées moins que les hommes: la réponse du Barbier
Chers travailleurs de sexe masculin, soyez rassurés. Jamais les femmes ne seront payées autant que vous à compétence égale.C'est Christophe Barbier, de l'Express, qui nous l'a très sérieusement expliqué l'autre jour dans l'émission "C dans l'air" (et non "sédentaire" ou "c'est dentaire", comme on peut le croire au visionnage de l'émission). La raison? La voici:
"Le jour où des femmes bien payées arrivent à la retraite, ça explose en vol. Tout le monde va applaudir, mais les entreprises vont avoir beaucoup de mal à encaisser ce surcoût de main-d'œuvre."C'est vrai que dit comme ça, ça tombe sous le sens. Du coup, on comprend enfin pourquoi les hommes sont mieux payés que les femmes, à compétence égale. C'est pour permettre aux entreprises de supporter les coûts de la main-d'œuvre. Payer plus une femme, en gros, c'est dépenser plus de sous. Dingue, non? Ce n'est donc pas réaliste. D'où l'intelligence et la prudence économique du mâle qui a eu l'idée géniale de sous-payer les femmes à compétence égale pour éviter une catastrophe économique. Il ne l'a pas eue, cette idée, motivé par un détestable sentiment de supériorité, vous pensez bien, mais simplement poussé par une conscience économique imparable. Ah, Christophe Barbier, que votre analyse est juste. Dommage que les femmes ne l'aient pas eu avant, cette idée. Mais peut-être que pour avoir de telles idées, il faut être mieux payé qu'une femme, à compétence égale.
Ce qui est sûr, en tout cas, "à compétence égale", c'est que ce genre de conneries est sûrement plus payante. Bonjour, nous sommes vendredi 13 [sic] et ça ne s'arrange pas.
Published on January 10, 2017 06:31
La contribution, un piège à con ?
Cher Amazon.fr,Désolé de te déranger en pleines ventes forcenées, mais je voulais juste te signaler une petite erreur.
Sur la page correspondant à mon dernier livre paru, Hors du charnier natal, tu fais figurer, en regard de la mention de mon nom, ceci:
Alors forcément, ça instille en moi un doute, même si je me sais passablement broché. Parce que si je ne suis qu'un des contributeurs de mon livre, qui sont les autres? Pourquoi ne sont-ils pas nommés? Les connais-je seulement? Sont-ils morts, vivants, morts-vivants? Sont-ce des marcheurs blancs tout excités à la perspective de l'hiver qui vient? Mais peut-être est-ce ta façon post-moderne à toi de rappeler le subtil distinguo entre écrivain/auteur?
Quoi qu'il en soit, ça fait toujours plaisir d'apprendre qu'on a contribué à l'élaboration de son propre livre. Bref, sois assuré de ma confiance en ta gestion de l'information qualitative et la rotation techno-prophylactique des stocks. Et encore bravo à tous les amoureux de la littérature qui mettent des liens amazon.fr sur leurs blogs. Ils sont ainsi assurés d'être, eux aussi, de mystérieux contributeurs de ta gloire marchande.
En attendant ta précieuse rectification, je file chez mon libraire pour contributiner.
Douteusement,Claro
Published on January 10, 2017 01:12
January 9, 2017
Dernier stratagème avant la fin du monde
Jeudi 12 janvier, à 20hLa librairie Le Comptoir des Mots p.p1 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; font: 12.0px Arial; color: #fa5615; -webkit-text-stroke: #fa5615} span.s1 {font-kerning: none} (239 rue des Pyrénées 75020 Paris)vous convient à une rencontre
avec Jason Hrivnak et Claro (son traducteur)
à l'occasion de la parution de
La Maison des épreuves(éditions de l'Ogre)
« Ce livre a juste besoin d’une sorte de bandeau – dans les librairies, dans l’espace virtuel, n’importe où – indiquant ce qu’il a l’intention de faire : Je veux extirper de tes pires cauchemars quelque chose qui y est tapi et ne pourra plus jamais y être renfermé. » — Jason Hrivnak
p.p1 {margin: 0.0px 0.0px 18.9px 0.0px; text-align: justify; font: 18.0px Helvetica; color: #323333; -webkit-text-stroke: #323333} span.s1 {font-kerning: none} « Première règle de La Maison des Épreuves : tout le monde parle de La Maison des Épreuves. Hrivnak écrit comme un ange déjanté et signe un premier roman aussi addictif qu’ahurissant. » — Lynn Crosbie
p.p1 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; font: 12.0px Arial; color: #fa5615; -webkit-text-stroke: #fa5615} p.p2 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; font: 12.0px Arial; -webkit-text-stroke: #000000; min-height: 14.0px} p.p3 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; text-align: center; font: 14.0px Arial; color: #fa5615; -webkit-text-stroke: #ff2500} p.p4 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; text-align: center; font: 14.0px Arial; color: #fa5615; -webkit-text-stroke: #000000} p.p5 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; font: 14.0px Arial; color: #0433ff; -webkit-text-stroke: #0433ff} span.s1 {font-kerning: none} span.s2 {font-kerning: none; -webkit-text-stroke: 0px #000000} span.s3 {font-kerning: none; -webkit-text-stroke: 0px #fa5615} span.s4 {font-kerning: none; color: #ff2500} span.s5 {font-kerning: none; color: #ff2500; -webkit-text-stroke: 0px #ff2500} span.s6 {text-decoration: underline ; font-kerning: none} span.s7 {font-kerning: none; color: #fa5615; -webkit-text-stroke: 0px #fa5615}
Published on January 09, 2017 23:36
January 4, 2017
Une femme léopard à Charybde
"Ce livre fait partie d’une histoire familiale plus vaste, un système circulatoire comportant des morphinomanes et des héroïnomanes, des réfugiés, des comtes ioniens, une des plus riches familles des Etats-Unis ayant dilapidé sa fortune en essayant de ressusciter le théâtre grec antique, des Juifs lithuaniens, une demi-douzaine de musiciens, un peintre, plusieurs poètes (dont l’un candidat au prix Nobel) et des lesbiennes, des trafiquants d’opium, des faussaires, des serveuses, des entraîneuses de bastringue, une effeuilleuse du nom de Melena la Fille-Léopard (un de ses nombreux noms de scène), et un nain (un de ses cinq époux), qui tous finirent par échouer sur les rivages de notre patrie américaine. Cette histoire débute en des temps et des lieux ignorés de nous – dans les plaines ambrées d’Anatolie, sous la lumière dorée de l’Attique, dans les ombres de la Forêt Noire, avec des mariniers et des beaux esprits –, serpente à travers les premiers arpents de l’histoire écrite sur ce continent, parcourt l’Europe bohème et l’Amérique, et s’écrase contre l’histoire ordinaire de tous ces gais projets familiaux qui ont mal tourné."
Ainsi débute Animale machine, d'Eleni Sikelianos, qui paraît cette semaine en traduction aux éditions Actes Sud – certains d'entre vous ont peu-être lu Le Livre de Jon, dans lequel l'auteure explorait l'image-souvenir, à jamais diffractée, de son père. Dans Animale machine , la figure centrale bien que sans cesse décalée est sa grand-mère Melena, la Fille-Léopard. Des faubourgs de Smyrne au désert américain, des soirées bouzouki aux pierres semi-précieuses du rêve, Eleni Sikelianos s'attache à l'ombre fuyante de cette "féline" insaisissable, en tissant documents d'époques, récits fragmentaires, poèmes, digressions, souvenirs, entretiens, créant ainsi un vivant cabaret mnésique pour que danse une fois de plus Melena, et avec elle d'autres femmes fortes.
A l'occasion de la venue d'Eleni Sikelianos, à Paris, une rencontre-lecture à ne pas manquer :le samedi 7 janvier 2017Rencontre avec Eleni Sikelianosà la libraire Charybde – 19h129 rue de Charenton, 75012 Paris(en présence de son éditrice et de son traducteur)Venez nombreux!__________________________________________Eleni Sikelianos, Animale machine, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Claro, éd. Actes Sud
Note: Rappelons que, outre Le Livre de Jon et Animale machine, plusieurs recueils d'Eleni Sikelianos ont été traduits en français par les soins de Béatrice Trotignon – Le poème Californie et Du soleil, de l'histoire, de la vision (éd. Grèges) – un autre recueil est en préparation. Par ailleurs, la librairie Charybde a déjà reçu Eleni Sikelianos, lors de la parution du Livre de Jon, le 16 mai 2012.
Published on January 04, 2017 22:30
January 3, 2017
Jamais sans mon glow: la magie Beauman
Je pourrais essayer de vous résumer l’intrigue de
Glow
, le nouveau livre du jeune prodige anglais Ned Beauman, mais ça risquerait de prendre trois cents pages, autrement dit autant de pages qu’en comporte ce roman qui se déroule si on peut dire en temps réel – quinze jours de mai 2010, découpés en heures précises, plus une coda. Pourquoi ? Parce que en plus d’être le digne successeur du Pynchon de La vente à la criée du lot 49,
Glow
semble se nourrir de sa propre substance – clairement illicite – pour faire de l’intrigue un processus chimiquement instable. On pourrait d’ailleurs dire de ce roman ce qu’un des personnages, Isaac, dit de sa vision rêvée du corps :« Imagine que ton corps soit presque entièrement composé de doigts, et que ces doigts puissent se plier, se tordre et se tortiller dans tous les sens, qu’ils aient des ventouses au bout et qu’ils soient truffés de fibres sensorielles. Imagine un peu la densité synaptique qu’il te faudrait pour gérer tout ça. »
Eh bien, le lecteur va apprendre à jouer du synapse grâce à la prose hyper dopée de Beauman, pour qui toutes choses ou presque peut s’expliquer de façon chimique, qu’il s’agisse des sentiments, des motivations humaines, des renards, de la lumière, etc., sans que pour autant son univers en soit dé-poétisée. C’est en fait le contraire qui se produit, et les drogues – présentes sous d’innombrables formes dans le roman – ne font que rehausser la grammaire du réel que Beauman change tambour battant en attraction psycho-foraine. Au départ, ce pourrait être une simple histoire de ravers en quête d’ectasy qui fricotent autour d’une radio-pirate, mais très vite ça devient un techno-thriller où tout est plus birman qu’on ne le croie. Ça commence par un couple nu dans le tambour d’un sèche-linge et ça finit en extase boréale. La terre tourne, les têtes tournent, et la bille du récit n’en finit pas de rebondir sur les différentes cases de la roulette folle que fait tourner l’auteur.
Il faut dire que le personnage principal – Raf, 22 ans – souffre du syndrome hypernycthéméral. Son rythme circadien est donc déréglé, ce qui veut dire en gros que son horloge interne comporte 25 heures, d’où un décalage plutôt fâcheux avec le train-train jour-nuit. Pas de traitement connu – alors autant s'exploser en marge. C’est ici qu’intervient une nouvelle substance, aussi rare que mythique – le « glow » –, dont la seule rumeur (et les enjeux qu’elle semble avoir mis en branle) équivaut à une menace. Apparemment, le glow intéresse une société minière, Lacebark, qui cherche à diversifier ses activités (et éponger ses dettes), suite une aventure industrielle assez calamiteuse en Birmanie. Lacebark ne reculera devant rien pour imposer sa loi au marché. Et le pauvre Raf se retrouve pris entre l’écorce complotiste et son idylle avec Cherish. En plus, il doit s'occuper d'un chien et apprendre à réussir le curry. J’arrête là le résumé, qui, je l’ai dit, nous emmènerait trop loin.
Ned Beauman a le chic pour bombarder son lecteur d’informations scientifiques, relatives aux diverses réactions chimiques que notre corps expérimente à son insu ou non, sans pour autant jamais nous égarer, et ce grâce à un bon sens didactique qui fonctionne à la fois au carburant trivial et aux vitamines poétiques. Par exemple, la copine de Raf s’enfile une rasade de vodka pour d’excellentes raisons :
« J’ai eu deux orgasmes, alors j’ai le cerveau rempli d’ocytocine […], ce qui ne va me donner envie d’établir un lien de couple avec toi et ensuite, disons, de pleurer quand tu n’appelleras pas. Mais l’alcool contrarie la production d’hormones de l’hypothalamus et de l’hypophyse. Donc si je bois une substance neurotoxique juste après qu’on a baisé, je n’établis pas autant de lien avec toi. »
CQFD ? Tout comme. Après cette info, on peut aller s’égarer entre Mandalay et la frontière avec le Yunnan, à Gandayaw. Oui, c’est parti. Kidnapping, curry, renard intelligent, fourgonnettes blanches, neurotransmetteurs catécholiques, Lotophages, jungle birmane… Avec Beauman, le trip est le message, et le lecteur a vite « les pupilles du diamètre d’un obusier ». C'est à peine une exagération, S’il ne vous reste plus d’éthylbuphédrone, n’hésitez pas : défoncez-vous à Glow. C’est la meilleure façon qu’on ait trouvée jusqu’ici de bien commencer l’année.
____________________________
Ned Beauman, Glow, traduit (avec brio) de l’anglais par Catherine Richard-Mas, éditions Joëlle Losfeld, 22 €
Published on January 03, 2017 21:30
December 29, 2016
Rentrée littéraire janvier 2017: un aperçu
Published on December 29, 2016 02:10
December 28, 2016
La maison des épreuves: dans l'air dès le 5 janvier
Published on December 28, 2016 02:24
December 17, 2016
Deux maux et le compte est bon
De quoi souffre notre littérature? Quels sont ses deux ennemis (les ennemis vont toujours par deux…)? A ces questions, un écrivain a récemment répondu, et très clairement. La menace vient "du déferlement des best-sellers anglo-saxons et de l'auto-fiction névrotique parisienne". Oui, c'est Andreï Makine qui le dit. Avec passion. Peut-être a-t-il même raison. Peut-être faudrait-il ne traduire que des livres anglo-saxons qui se vendent mal et ne publier que de l'auto-fiction névrotique provinciale, ou de l'auto-fiction parisienne psychiquement équilibrée… Le problème, c'est que ce genre de propos paraît presque risible quand il est proféré en habit vert d'académicien confectionné par Armani, et qu'il s'adresse à des pointures comme Xavier Darcos, Alain Finkielkraut, Marc Lambron, Jean-Marie Rouart, Michel Déon, Max Gallo, Valéry Giscard d'Estaing, etc. On a presque envie, après ça, d'aller lire un best-seller névrotique auto-saxon et anglo-parisien à la terrasse d'un Flunch. Mais bon, comme l'a dit Dominique Fernandez lors de l'intronisation de Makine sous la Coupole, ce qu'on sent surtout chez ce pourfendeur des névroses littéraires, c'est le "charme russe". Ainsi paré, on est tranquille: pas de risque de sombrer dans le cliché. Ouf. Vive la langue française, vive l'âme russe et vive Armani!p.p1 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; font: 17.0px Helvetica; color: #323333; -webkit-text-stroke: #323333} span.s1 {font-kerning: none} p.p1 {margin: 0.0px 0.0px 0.0px 0.0px; font: 14.0px Helvetica; color: #0645ad; -webkit-text-stroke: #0645ad} span.s1 {font-kerning: none} span.s2 {font-kerning: none; color: #252525; -webkit-text-stroke: 0px #252525} span.s3 {font-kerning: none; color: #0645ad; -webkit-text-stroke: 0px #0645ad} span.s4 {font: 11.7px Helvetica; font-kerning: none; color: #252525; -webkit-text-stroke: 0px #252525} span.s5 {font: 11.2px Helvetica; font-kerning: none}
Published on December 17, 2016 06:52
December 15, 2016
Un éléphant en forme de colifichet
Pareil aux pyramides d’Egypte, le roman croit encore qu’il lui suffit de dresser sa tente de pierre dans le désert de notre écoute pour qu’on contemple, depuis sa cime pourtant impropre à la position assise, les vastes paysages qui ne parlent plus. Nulle crainte là-dessus : Le roman est un véhicule qui continuera de rouler même quand il n’y aura plus de route, il lui suffira d’imiter le bruit du moteur et celui du vent dans les arbres abattus en gonflant les joues de ses chapitres. Le roman est un roc de carton-pâte, et certains aiment à le pousser en haut de la montagne pour mieux le voir rouler dans la vallée sans faire de bruits – et tant pis s’il finit sa course dans le lac des banalités communes. Le roman est notre joyeux badaboum, notre amusant tralala, la pataugeoire de nos modernes ennuis. C’est un éléphant en forme de colifichet, ou le contraire, on ne sait trop, bref un monstre sorti de la brousse qui barrit dans l’interphone en suçant des dragées. S’il lui arrive de croiser la poésie, il oublie souvent de la saluer, la prenant à tort pour un oiseau ou un rostre, alors qu’elle a huit pattes et le regard aigu du tisserand. Il rime avec lui-même en une discordance à jamais décomplexée. Mais la poésie, qui prend le langage pour argent mécontent et le dépense à nos frais, n’aura eu de cesse – nous le savons, l’oublions, le savons – de se faire et se défaire, parce que plus ancienne, parce que plus instable. Certes, elle aussi a baigné dans le charnier des épopées, elle aussi a conté autant que chanté, mais elle en est ressortie trempée du cauchemar du dire ainsi qu’un acier épris de rouille. Elle a toujours préféré être la lame plutôt que le manche, histoire de rester insaisissable, car trancher est sa grande affaire, tandis que le roman, lui, passe ses après-midi pluvieuses à faire des nœuds de tout et de rien dans le salon de la complaisance.Les corsets que la poésie a pris coutume de serrer sur son abdomen d’abeille, les longs voiles dont elle a joui comme si c’étaient des rideaux qu’il suffisait d’écarter pour qu’on admire sa transparence de feu, les chaînes dont elle s’est parée afin de jouer les hercules de foire en tutu – tout cela a fini remisé dans les coulisses d’un théâtre, le théâtre de la tradition. Or les traditions, comme les fleurs dont on étouffe les morts, sont périssables. Le vers, longtemps en petit et grand apparat, a su se libérer à temps des contraintes métronomiques pour mieux ramper dans les tranchées de 14, monter à bord du Transsibérien et singer la fête nucléaire.La poésie est une flèche qui prend pour cible la vibration même de l’arc. Le roman, lui, a d’abord été charrette, puis locomotive, c’est aujourd’hui une promotion et un sac à dos, on le porte en guise de coquille sans se formaliser du boulevard baveux qu’il laisse derrière lui. Il fanfaronne, sifflote, tambouille sa popote, fait claquer sa culasse et tire au flanc. Il se rend au supermarché des émotions comme dans un bordel, étend ses calques vitreux sur les vieux livres d’histoire, s’assoit devant l’âtre et compare les bûches à des crocodiles, et les flammes à des lianes – regardez-le tisonner son propre reflets dans la cendre, c’en est presque émouvant. Le roman est une aubaine, une barrique à malices, c’est un géant d’un mètre soixante et onze qui vous donne l’accolade en vous faisant les poches, qui se déguise en gondolier pour vous faire croire que Venise est partout, et chie des miroirs pour renforcer l’impression de profondeur qu’il dégage. Fardé comme une brute, il a de quoi tenir bon jusqu’au soir, et vous donne du fil à retordre comme si vous étiez la reine des brodeuses abruties. Mais la poésie, elle, dont nous serions bien incapable de donner la moindre définition, dont la définition même est une hérésie, est la sœur de cette charogne décrite par Baudelaire au détour d’une strophe qui est aussi un chemin : à la fois vive et inerte, se nourrissant de ce qui la dévore, tour à tour ignoble et splendide, comme il se doit aux révélations qui ne sauvent de rien. A jamais déserteuse, et sans doute désertée, parce qu’ayant compris et accepté que le désert, en elle et autour d’elle, croît, elle n’en finit pas d'ourdir à l’écart de l’ombre du roman, cet effaré satisfait.________________Photo: Salam sphinxé devant l'HP.
Published on December 15, 2016 09:28
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