Christophe Claro's Blog, page 33

February 20, 2020

La Ronde et le Hasard: "Substance" enfin primé !

Certains d'entre vous le savent déjà: je ne suis guère friand des prix littéraires. Je veille donc à ne jamais figurer sur leurs listes (ce qui, somme toute, est assez facile, car j'y figure rarement…). C'est un choix personnel qui ne regarde que moi, comme on dit au miroir, et qui ne m'empêche pas de me réjouir parfois quand est primé.e un.e écrivain.e que j'apprécie. Bon, financièrement, ce n'est peut-être pas la décision la plus intéressante que j'ai prise dans ma vie, mais dit c'est dit, adieu lauriers, dansez muscade.
Hélas, les prix littéraire en France sont légion, et on ne vous avertit pas toujours que vous figurez sur leurs sélections. Ce qui devait arriver arriva, tagada. On m'a décerné un prix. Mais, heureusement, il s'agit d'un prix très particulier, le seul qu'il m'était possible, finalement, de recevoir avec joie et fierté. Ce prix m'est attribué par la revue La Ronde, qui paraît tous les premiers vendredis du moi et qui vaut le détour (abonnez-vous, soyez sympas). Le Prix me couronnant (ô César) est annoncé dans le numéro d'octobre 2019 (La Ronde a envoyé la revue à mon éditeur, mais ce dernier, estimant sans doute que rien ne presse, ne m'a remis ce courrier qu'hier), et apparemment cet événement n'a pas défrayé la chronique (ingrats médias), ce que je regrette amèrement. Je remercie donc ici avec un coupable retard tous les membres de la revue La Ronde. Leur lucidité les honore, et ma pudeur aussi.

Je dois quand même préciser que, si ce prix me comble à ce point, c'est qu'il est très particulier. Il s'agit en effet du "Grand Prix du Hasard". Le lauréat (moi!) a donc été tiré au sort parmi les 336 romans parus à la rentrée dernière. Le coup de bol au service de l'objectivité ! L'aléatoire rendu bienveillant ! La gloire au petit bonheur la chance ! En outre, pour être sûre ne pas influencer ce tirage au pif, La Ronde, nous dit-on, "s'est assurée de n'en lire aucun". Un choix à l'état pur. (Une vidéo rend même compte de ce miracle qu'est le hasard.)
Allez, champomi !
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Published on February 20, 2020 23:51

February 19, 2020

Lambert Schlechter : une rencontre à ne pas manquer

Jeudi 20 février 2020
nous vous invitons à venir rencontrer l'immense écrivain luxembourgeois
Lambert Schlechter
à la Librairie Charybde, à Ground Control (21 rue du Charolais, 75012),dès 19h30,
         à l'occasion de la parution de:::
Je n'irai plus jamais à Feodossia
paru aux éditions Tinbad (neuvième volume d'un magnifique et vaste projet intitulé "Le Murmure du Monde" entrepris il y a quatorze ans). Schlechter, c'est la page érigée en boîte noire, un phrasé unique, multiforme, à la fois généreux et solitaire, où humour et curiosité résonnent sur fond d'érudition et de musicalité.
J'ai déjà parlé à plusieurs reprises ici et de l'œuvre de Schlechter, qu'on pourrait à certains égards rapprocher de celle de Bernard Collin. N'hésitez à cliquer sur ces liens (ça ne coûte rien).
Rater cet événement serait se rendre coupable de non-assistance à la littérature, ni plus ni moins. On vous aura prévenus.
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Published on February 19, 2020 01:34

February 12, 2020

Jérôme, de Jean-Pierre Martinet

Texte lu lors de la soirée "Inculte & Michard" à la Maison de la Poésie le vendredi 7 février 2020
Jean-Pierre Martinet a eu une vie de merde – mais bon, il n’est pas le seul. Loin de là. C’est même la norme, si on y réfléchit bien. Statistiquement, vu le monde dans lequel on vit, les chances d’avoir une vie de merde sont littéralement écrasantes. C’est indéniable. C’est un fait. Et dire le contraire serait aussi con que de récuser le terme de violences policières en ce moment.Martinet a perdu son père alors qu’il était encore jeune, mais bon, là encore il n’est pas le seul. Et puis il faut bien que les pères meurent un jour. Il faudrait aussi que les violences policières cessent, mais c’est un autre problème. Ou pas.La mère de Martinet – appelons-la Madame Martinet – s’est donc retrouvée veuve – mais bon, elle n’est pas la seule dans ce cas-là. Les hommes vivent moins longtemps que les femmes, c’est connu, même si on se demande bien pourquoi, peut-être parce qu’au dernier moment ils se disent que ça suffit comme ça, qu’ils ont assez pourri la vie des femmes, qu’elles ont droit de respirer un peu. On aimerait parfois que les violences policières prennent modèles sur les pères qui meurent jeunes. Mais c’est peut-être trop leur demander.Deux des frères de Martinet étaient des arriérés mentaux, mais bon, il ne devait pas être le seul dans ce cas-là. L’arriération mentale est quelque chose de très courant. Elle existe sous de nombreuses formes. Il suffit de descendre dans la rue en ce moment et de se retrouver face à face avec des CRS pour s’en rendre compte.Madame Martinet, en plus d’être veuve, était complètement barge. Mais les mères barges, ça court les rues, ça n’a rien d’exceptionnel. Ce n’est pas parce qu’elles sont veuves qu’elles n’ont pas le droit d’être barges. D’ailleurs, tant qu’à être veuve, autant être barge. La mère de Martinet était barge, elle déboulait dans les bistros de Libourne armée d’un pistolet en bois, elle criait « haut les mains ! » puis elle sifflait quelques verres. Elle ne devait pas être la seule. On ne va pas en faire tout un fromage. Et puis un pistolet en bois c’est quand même moins dangereux qu’un LBD.Martinet, lui, n’était pas barge, du moins pas autant que sa mère. Il ne brandissait pas de pistolet en bois dans les cafés de Libourne, il ne tapait pas les gens à terre, il n’éborgnait personne pour le compte de le République. En revanche, il était persuadé que des oiseaux avec des becs d’acier allaient lui tomber dessus. Mais bon, il ne devait pas être le seul.Martinet a essayé de gagner sa vie comme il a pu. Parce que, même une vie de merde, il faut bien la gagner. Alors il a acheté un kiosque à journaux. Quelle drôle d’idée. Pas forcément une idée de merde, mais pas loin. Il a vite fait faillite. Mais il ne doit pas être le seul type à avoir acheté un kiosque à journaux et à faire faillite. Personne n’a dit qu’une vie de merde se devait d’être originale.Martinet a travaillé également à l’ORTF. Je vous passe les détails, mais le fait est qu’il a fini par démissionner. Là encore, on ne peut pas vraiment dire qu’il est le seul à avoir démissionné d’un boulot. Ç’aurait pu être pire. Il aurait pu se faire virer. Il aurait pu travailler pour BFMTV ou récuser le terme de violences policières. Mais non, il a juste démissionné, ce que certains devraient faire avant que tout leur pète à la gueule. Je ne citerai personne.Je ne crois pas l’avoir encore dit, mais Martinet écrivait. C’était un écrivain. Et comme tous les écrivains, il a annoncé un jour qu’il abandonnait la littérature. Par la suite, il a écrit encore deux livres. Il n’est pas le seul écrivain à avoir dit qu’il abandonnait la littérature et à continuer à écrire et publier. C’est triste, mais c’est comme ça. Enfin, je dis c’est triste, mais non, ce n’est pas triste, du moins dans le cas de Martinet, je suis ravi qu’il ait continué d’écrire. Ce qui est triste, c’est tous ces écrivains qui annoncent qu’ils n’abandonnent pas la littérature, alors qu’en les lisant il est clair que c’est la littérature qui les a abandonnés. Là encore, je ne citerai pas de noms. On est civilisés ou on l’est pas.Puis Martinet a sombré dans l’alcool. Et aussi dans l’alcoolisme. Les deux vont souvent de pair. Je dis « sombré » parce que c’est comme ça qu’on dit. On pourrait dire : il s’est hissé dans l’alcool, ou encore il s’est élevé dans l’alcool, mais en fait ça ne serait pas très crédible, alors on préfère dire « il a sombré ». Bien sûr, il n’est ni le premier ni le dernier écrivain à sombrer, que ça soit dans l’alcool, la nostalgie ou la gloire, vous vous en doutez bien. Tant qu’à avoir une vie de merde, autant faire les choses dans les clous. Et tant qu’à sombrer, autant le faire corps et âme.Ça tombe bien, parce que Martinet est mort d’une embolie cérébrale, mais bon, ce n’est pas très original, et des dizaines de milliers d’autres gens sont morts, meurent ou mourront d’embolie cérébrale. Martinet est mort seul, comme des centaines de milliers d’autres gens, qui bien qu’étant des centaines de milliers, meurent seul. Martinet est mort pauvre, comme des milliards d’autres gens, qui pourtant n’ont jamais entendu parler de la théorie du ruissellement. Bref, Martinet a coché à peu près toutes les cases du formulaire « Vie de merde ».En un sens, on peut dire que Martinet a vécu une vie de merde exemplaire – mais bien sûr il loin d’être le seul dans ce cas-là. Parce qu’il est assez courant de perdre son père jeune, d’avoir une mère folle, de faire faillite, d’être poursuivi par des oiseaux au bec d’acier, de se payer une embolie, etc.En revanche, Martinet a écrit Jérôme, et là, pour une fois, on peut dire qu’il est le seul. Le seul à avoir écrit Jérôme. L’unique personne sur cette terre pourrie à avoir écrit ce roman extraordinaire. Parce que Jérôme n’est pas un livre de merde, même si son auteur a eu une vie de merde. Jérôme est ce qu’on appelle un soleil noir, pas la peine de vous faire un dessin, vous savez ce qu’est le soleil et vous savez ce qu’est le noir, le noir absolu. (Et merde aux violences policières.)
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Published on February 12, 2020 11:02

February 9, 2020

In memoriam P.G.

à Pierre Chopinaud

C'était mon premier feuilleton de rentrée 2018 dans Le Monde des Livres, lors de la parution d'Idiotie, de Pierre Guyotat, mort il y a quelques jours à l'incessant mitan de son œuvre — une œuvre que j'ai découverte au début des années 1980 et qui, livre après livre, m'a été tuteur, défi, énigme, partition, horizon, scandaleusement proche et terriblement lointaine, une œuvre que je m'étais mise à relire intégralement et chronologiquement il y a deux ans, la redécouvrant comme si sa masse critique avait enfin libéré toute sa complexe énergie.
L'œuvre de Guyotat, dont chaque pan est un continent, dont chaque étape-livre réinvente un monde et notre façon de le lire, je l'ai vécue, année après année, comme un rendez-vous bouleversant et bouleversé avec une langue qu'il importait non de dompter mais d'ingurgiter, quel que soient les risques encourus. C'était un rappel, au sens d'une injection, une sorte aussi de dévoration, et bien sûr une errance, parfois une perdition. Comme tant d'autres, j'ai suivi son "évolution", ses transformations, ainsi qu'on suit la croissance unique d'un organisme langagier affranchie de toute littérature, fracassé par l'histoire, rongé par le sexe. Comme tant d'autres, j'ai "grandi" avec Guyotat, échoué sans prévenir sur les rives calcinées d'Ecbatane.
La seule fois où nous nous sommes rencontrés, pour une brève soirée à Nation, nous avons parlé électricité – ce qu'elle fait aux corps. Et je me dis que tout son travail était, à sa façon, une indispensable réinvention de l'électricité, tant il est vrai que chacun de ses livres, aussi impénétrable soit-il parce qu'à refaire du fond de la glotte, m'a traversé selon d'éblouissants voltages de plus en plus humains. 





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Published on February 09, 2020 23:17

February 6, 2020

Memento mori (encore bien vivant) – ou: Ce que j'ai lu entre 1985 et 1997 (2)

Livres lus en 1985 (suite):

Michel Serres, Les Cinq Sens (Grasset)
Jorge de Sena, Le physicien prodigieux (Métaillé)
Horacio Quiroga, Contes d'amour, de mort, de folie (Métaillé)
Gavarry, Légendes des dames (POL)
Delmas, Chronique des guerres occitanes (POL)
Kaplan, Le livre des ciels (POL)
Laporte, Moriendo (POL)
Anne Portugal, Les commodités d'une banquette (POL)
Jacques Géraud, L'empereur (POL)
Marc Cholodenko, La tentation du trajet Rimbaud (POL/Hachette)
Blecher, Aventures dans l'irréalité immédiate (Denoël / LN)
Gustaffson, Musique funèbre (Presses de la renaissance)
Gomez de la Serna, Gustave l'incongru (Champs Libre)
Altenberg, Esquisses viennoises (Pandora)
Karin Reschke, La vocation du bonheur (Actes Sud)
Gadenne, L'intellectuel dans le jardin (Actes Sud)
Berberova, L'Accompagnatrice (Actes Sud)
Musset, Confessions d'un enfant du siècle (Garnier)
Torga, Lapidaires (L'Equinoxe)
Schneider, Lenz (Flammarion)
Guibert, Des aveugles (Gallimard)
Kleist, La Marquise d'O (Phébus)
James Joyce, Giacomo Joyce (Gallimard)
Grasset, La chose littéraire (Gallimard)
Gomez de la Serna, Echantillons (Grasset)
Rilke, Chant de l'amour et de la mort (Emile Paul)
Laporte, Tournoyer (Indifférences)
Voltaire, Le taureau blanc (L'oiseleur)
Thévenon, Une intoxication alimentaire (Dilettante)
Holder, Nouvelles du nord (Dilettante)
Soupault, Paolo Ucello (Rieder)
Harry Matthews, Conversions (Gallimard)
James Purdy, Je suis vivant dans ma tombe (Albin Michel)
Jean Paulhan, Traité du ravissement (Périples)
Les Mémoires du baron Mollet (Gallimard)
Hans Erich Nossack, Nekya (Gallimard)
Cendrars, Moravagine (Grasset)
Emmanuel Carrère, L'amie du jaguar (Flammarion)

[à suivre…]
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Published on February 06, 2020 10:23

February 4, 2020

Memento mori (encore bien vivant) – ou: Ce que j'ai lu entre 1985 et 1997 (1)

J'ai retrouvé un carnet où j'ai noté tout ce que j'ai lu entre janvier 1985 et février 1997. Je ne sais pas trop si ça a le moindre intérêt, mais je doute qu'une liste de livres puisse avoir un effet néfaste sur d'éventuels lecteurs. Est-ce un memento mori? une liste de courses déjà faites? une note de blanchisserie extraite de l'obscurité? C'est la trace d'un parcours, des empreintes de pas laissés par les yeux (oui, je sais, l'image est absurde…), une guirlande de souvenirs souvent déchirés par l'oubli. Au mieux, c'est une partie de moi, à la fois détachée et rattachée. J'en livre ici la liste non pour me vanter d'avoir lu tous ces livres (dont certains n'ont dû être lus qu'en traviole, incomplètement, ou peut-être pas du tout, allez savoir). C'est une liste, et si c'est aussi ma peau, alors autant la sauver.
1985Thomas Pynchon, Michel Rio, Les jungles pensives Antonio Lobo Antunes, Le Cul de JudasBaptiste-Marrey, Les Papiers de Walter JonasDeleuze, L'Image-Mouvement t. IIToussaint, La salle de bainsCéline, Maudits soupirs pour une autre foisCatherine Lépront, Une rumeurArtaud, Lettre contre la cabaleDecoin, La dernière nuit (aucun souvenir…)Suarès, Voyage du Condottiere (il m'inspira mon premier roman)Sollers, LoisLaurent Danon-Boileau, La StupeurVenaille, La Tentation de la saintetéCholodenko, Histoire de Vivant-LanonRenaud Calus, Notes sur les manières du tempsCholodenko: MeurtreTsepeneag, Exercices d'attenteLeslie Kaplan, Le CriminelMichel Bernanos, La montagne morte de la vie (une claque)Pierre Marcelle, La démolitionAlain Nadaud, L'envers du temps (une claque)Perec, Je me souviens (je m'en souviens)Perec: Penser/ClasserDanielle Mémoire, Dans la tourDanielle Sallenave, Les portes de GubbioPaul Morand, Lewis et IrènePaul Morand, Hécate et ses chiensCalvino, PalomarQueneau, Mon ami PierrotQueneau, Les Fleurs bleuesScarpetta, L'ImpuretéHenric, La peinture et le malMiller, Jours tranquilles à ClichyRilke, Histoire pragoisesRilke, Les Cahiers de Malte Laurids BriggeBorgen, LillelordRudigoz, Les infirmières d'OrangeHocquard, AereaOlivier Rolin, Phénomène Futur (une claque)Manganelli, CenturieChesterton, Un nommé JeudiJohn Buchan, La centrale d'énergieJohn Buchan, Le 26ème rêveBeaussant, L'archéologueKipling, Histoires comme çaCahier Georges Perec t. 1Lupasco, La Tragédie de l'énergieReumaux, Comment cuire les bébésGadenne, La CoccinelleMendoza, Le Labyrinthe aux olivesMendoza, La Crypte ensorceléeDuras, La douleur
TO BE CONTINUED
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Published on February 04, 2020 11:35

Inculte & Michard : une soirée unique (heureusement)

Vendredi 7 février 2020, à 20h, nous vous proposons d'assister à une soirée pas-comme-les-autres à la Maison de la Poésie. En effet, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, et pour la première fois dans l'histoire de la littérature, des écrivains vont monter sur scène pour vous parler de livres qu'ils ont lus et aimés et même parfois cornés. La chose n'avait encore jamais été tentée, de mémoire animale ou humaine. C'est donc une grande première (et sans doute une petite dernière). Il y a fort à parier que cette soirée, par sa magnitude, son audace et sa pluralité, marquera les esprits, son temps, voire infléchira le cours jusqu'ici tranquille de la chose écrite. Rares sont les occasions de bouleverser un paysage qu'on pensait immuable. On peut parler dans le cas présent d'un tsunami, et même d'un tiramisu.


Bon, cela dit, il est fort possible que j'exagère la portée de l'événement, et il serait sans doute un peu prématuré d'avancer que les présentations d'auteurs et les lectures de textes qui auront lieu vendredi 7 février 2020 à la Maison de la Poésie à partir de 20h changeront du tout au tout notre et votre perception de ce vaste continent en apparence figé qu'est le monde des lettres. Il est même très vraisemblable que nos brèves quoique rémunérées (enfin j'espère…) interventions ce vendredi 7 février 2020 à la Maison de la Poésie à partir de 20h laisseront de marbre quiconque aura l'idée saugrenue, lors d'un vendredi soir ordinairement dédié au délassement et à la fête, d'aller s'enfermer dans une salle plus ou moins chauffé pour y écouter des écrivains, pour certains fort peu connus, vous parler d'écrivains pas forcément connus non plus, et en plus hélas il n'y aura personne pour jouer de l'ukulele afin de donner une dimension artistique à ce non-événement. A vrai dire, on pressent même une sorte de naufrage, une salle aux trois quarts vides, un public blasé qui part en plein spectacle, préférant affronter une éventuelle ondée et un froid certain plutôt que de rester à se farcir d'ineptes élucubrations littéraires.
(Le but de cette soirée était au départ, je le précise quand même, de donner une vision de la littérature autre que celle plébiscitée par le groupe Lagarde & Michard. Et de vendre autant qu'eux, tant qu'à faire. Voire de finir réifiés dans un académisme universitaire de bon aloi. On n'est pas des saints et on a des familles à nourrir, et parfois aussi des chats et des chiens et, paraît-il, des sarcoptes.)
Mais bon, on ne saurait rien prédire avec certitude, ce monde est si instable, nous le savons bien, alors qui sait?  peut-être certains d'entre vous, s'ils n'ont rien de mieux à faire (et à boire), auront envie d'écouter Arna Bertino disserter librement sur Du moyen de parvenir, de Béroalde de Verville, ou Mathiard Enas se livrer à d'habiles digressions sur Casanova, ou Maylal de Kerangis refaire le portrait de Louise Labé, ou encore Mathaudie Larnieu délirer tranquillement sur le groupe des Hydropathes, ou Hélèny Gaude s'autoriser quelques lumières sur Lydia Tchoukovskaïa, ou, le pire étant toujours envisageable, moi-même me penchant sur le cas de Jean-Pierre Martinet et de son effroyable et sublime Jérôme. Bref, c'est vous qui voyez, ça coûte cinq euros, c'est ça aussi l'happy hour…
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Published on February 04, 2020 00:45

January 31, 2020

A paraître le 11 mars…


(En costume noir, l'architecte Léon Claro, grand-père de l'auteur,devant "la Villa du centenaire", à Alger, 1930)
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Published on January 31, 2020 02:56

January 29, 2020

De la construction du consentement


Ce qui est intéressant dans l’affaire Matzneff, telle qu’on peut désormais l’appréhender à sa juste infamie après lecture du puissant récit de Vanessa Springora, c’est qu’elle est très souvent et très insidieusement détournée de sa leçon première – entendre la voix de la victime – afin de permettre la réactivation d’une dialectique permissivité-interdit. Comme si, pour mieux encaisser l’abjection dévoilée dans Le Consentement, certains avaient à cœur de remettre au goût du jour l’ancien clivage droite-gauche. Ainsi, on a pu lire récemment, venant justement de cette « droite » d’autant plus décomplexée qu’elle se veut diffuse, que les abus subis par l’auteure du livre étaient directement liés à un climat libertaire instigué et soutenu par les penseurs de 68 (je schématise à peine). S’il est vrai qu’il y eut, dans les années 70, tout un discours remettant en cause l’appréhension de la sexualité des enfants, allant jusqu’à une critique de la pénalisation de certains rapports, discours qu’il serait d’ailleurs intéressant d’analyser, il est assez étonnant de voir que la conclusion qu’en tirent ceux qui n’ont jamais digéré le mouvement de libération des mœurs d’alors se résume à ceci : la rigidité morale de la droite était en fait un saint rempart contre la perversion ; l’esprit libertaire de la gauche masquait un impur désir de transgression. Ergo : les pervers n’étaient pas les cathos coincés de droite mais les soi-disant émancipés de gauche. Ergo, encore : libérer les mœurs n’était qu’une stratégie visant à justifier des exactions sur des mineures. De là à en conclure que le pédophile est le fruit des amours incestueuses entre Mai et 68, il n’y avait qu’un pas, qui a été très vite franchi…
Pour intéressant que soit ce débat (qui n’a pas vraiment lieu, tant il semble déjà tranché), on a l’impression que ses conclusions n’ont d’autre but que de se refiler une indésirable patate chaude. Comme s’il fallait à tout prix désigner les responsables « politiques » ou « historiques » d’abus sexuels qui, pourtant, ne sont en rien la marque de fabrique d’un mouvement de pensée particulier, mais demeurent intimement liés à la domination masculine. Vouloir faire croire, par un tour de passe-passe assez primaire et nauséabond, que l’inceste ou la pédophilie ne sont que des pratiques plébiscitées par la fameuse (et mythique) « pensée 68 », c’est ni plus ni moins affirmer qu’un des aspects de la domination masculine (l’abus sexuel sur mineure) est le pratique produit d’une époque et non une constante universelle. Est-il besoin de rappeler la systématisation du viol comme arme de guerre, la pandémie des agressions sexuelles au sein de la communauté religieuse, l’omniprésence de l’inceste quelle que soit la classe sociale ? En faisant l’économie d’une réflexion collective et d’un vaste examen de conscience, on en arrive à la situation suivante : le refrain « On ne peut plus rien dire (et donc, faire…) » côtoie le couplet « voyez où nous a menés votre soi-disant libération des mœurs ».
La question, pourtant, n’est pas seulement de stigmatiser des contextes socio-culturels qui auraient œuvré à la banalisation de crimes sexuels, mais plutôt de mettre à jour les mécanismes d’impunité élaborés afin de protéger ceux qui assimilent jouissance du pouvoir et pouvoir de la jouissance. A cet égard, notre déni de complicité semble impossible à rassasier. Ne serait-il pas plus intéressant, plus vital, plus nécessaire que chacun fasse, en son for intérieur, le fructueux procès de tous ces automatismes qui, par leur prolifération, ont permis de frelater jusqu’à la notion de consentement ? Sur ce point, le livre de Springora (tout comme les déclarations d’Adèle Haenel) apporte une indispensable lumière : le consentement n’est pas juste un pur fait binaire (oui/non), mais peut se révéler également une construction masculine, puisque pour jouir plus impunément de certains privilèges, entre autres sexuels, il importe au dominant de manipuler l’autre afin que ce dernier (et lui-même ?) adhère à l’illusion de son assentiment. Empêcher la victime de se penser comme telle, c’est faire d’elle la complice d’un bourreau qui n’en serait plus un. Une stratégie qui, rappelons-le, ne sert pas la diffusion d’une pensée politique particulière mais participe au maintien d’une domination généralisée. On ne s’étonnera donc pas que la « dénonciation » mise en œuvre par de nombreuses femmes soit assimilée, très perversement, à une forme de « délation », et que certains prennent un malin plaisir à parler de « chasse aux sorcières » alors qu’il s’agit plutôt, si l’on veut vraiment tenir cette note folklorique, d’une « exposition des ogres ». Une fois de plus, c’est en se plaçant en victime potentielle que l’homme espère échapper à un éventuel statut de bourreau. Le fumeux « concept » de « compassion impitoyable », bricolé à la hâte par Finkielkraut, en dit long sur cette peur viriliste – comme si le mâle, en sa qualité d’expert en « dérapages », n’avait qu’une angoisse : se voir infligé un traitement qu’il ne connaît que trop bien pour l’exercer sans ambages au quotidien. Certains ont beau jeu de brandir l'épouvantail de foudres, pénales ou médiatiques, allant même jusqu'à parler de "représailles" alors qu'il s'agit juste de la simple application d'une loi. Que ces hommes se rassurent, la "curée" dont une petite dizaine s'estime l'objet reste assez modéré au regard des 200 000 cas de violences conjugales subies par des femmes et des cent vingt-deux féminicides recensés l'an dernier en France…
Au final, ce que le mâle alpha refuse de voir, c’est moins la criminalité de certains de ses actes que le continent caché des conséquences desdits actes, c’est l’abîme des répercussions que creusent ses exactions dans le corps et la psyché d’autrui, s’ingéniant à considérer certains délits comme des « écarts », alors qu’hélas ceux-ci se révèlent tellement systématisés, et systémiques, qu’on ne saurait lutter contre eux qu’en exigeant de chacun non un vulgaire mea culpa mais le renoncement conscient et délibéré à ce vaste droit de cuissage, aussi bien physique que mental, qu’on voudrait nous faire passer pour un « moment d’égarement ». Admettre qu’on prend parfois ses pulsions pour des droits, cesser de confondre exercice du désir et pratique de la force, prendre l’exacte mesure de ses convoitises, etc : ce travail à effectuer sur soi est la condition première d’un respect de l’autre qui reste à bâtir. Les femmes nous y enjoignent – ne faisons pas comme si elles nous y forçaient. Ne les obligeons pas à nous y forcer pour mieux renverser le rapport de forces.
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Published on January 29, 2020 01:02

January 25, 2020

Genet / Riboulet (autour de): rencontre à Charybde


!!! LA DATE DE LA RENCONTRE EST LE 29 JANVIER (ET NON LE 20 !) !!!
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Published on January 25, 2020 07:03

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Christophe Claro
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