Christophe Claro's Blog, page 10
April 10, 2025
Le billet fantôme de Thomas Pynchon
Alors qu'on a appris que Paul Thomas Anderson, après avoir adapté au cinéma Bleeding Edge, allait s'attaquer à Vineland, un nouveau roman de Thomas Pynchon est enfin annoncé chez l'éditeur Penguin, après douze ans d'attente.
Le titre de ce roman est Shadow Ticket une expression qui peut avoir plusieurs significations. Il peut s'agit d'un billet (d'avion, par exemple), réservé sans qu'on l'ait acheté, mais ce sens colle assez mal avec le contexte du livre de Pynchon, qui se déroule en 1932. Il peut avoir également un sens informatique, encore moins pertinent vu ledit contexte. Un autre sens, peut-être métaphorique, est envisageable. Un "shadow ticket" renverrait alors à une expression espagnole, et cet obscur billet serait celui réservé pour une "barrera de sombra", une place à l'ombre dans une arène pour assister à une corrida. Mais que ce "ticket" ait le sens de billet, de programme (ou liste) électoral, que ce "shadow" soit une ombre, un fantôme, ou renvoie à une filature (il est question dans le roman d'un "private eye"), voilà qui reste à déterminer.
On attend donc de mains fermes le texte de Pynchon. Sachant le secret qui entoure ses livres, il n'est pas sûr qu'on puisse disposer prochainement d'un pdf, qui pourrait aisément fuiter avant la date fatidique, pardon: bénie, du 7 octobre. Penguin imprimera plus vraisemblablement des épreuves papier, parcimonieusement distribuées juste avant la sortie. Mais après douze ans d'attente, on n'est pas à six mois près, non? On connaît au moins quelques ingrédients de ce nouveau plat sûrement relevé: fortune fromagère, Al Capone, activités paranormales, bandits à moto, paquebot accostant en Hongrie (!), espions anglais, Nazis nazis, big band…
Les trois cent quatre-vingt-quatre pages de Shadow Ticket paraîtront donc le 7 octobre prochain, et des négociations sont en cours en France afin d'en acquérir les droits en vue d'une traduction. En attendant de vous dire (très prochainement plus), voici les informations dont on dispose pour l'instant…
April 7, 2025
Perec de 8 Ã 10
L'Åil ébloui continue son exploration non de Perec, mais des nombreux Perec qu'écrivains et artistes ont reçus en héritage plus ou moins oblique. Trois nouveaux titres paraissent cette semaine, les numéros 8, 9, 10 (plus que 43 titres à paraître !)
Le numéro 8 nous donne à voir les photos que pris l'ami de Perec, Pierre Getzler, lors de deux des trois glorieuses journées d'octobre 1974, quand l'écrivain s'assit à une table de café et tenta de capter tout ce qui se passait et ne se passait pas place Saint-Sulpice. Chaque photo cadre un pan d'espace, plus ou moins habité, où souvent n'advient qu'un temps figé, souvent barré par une verticale (un arbre, un poteau, un panneau) comme si, telle une aiguille marquant un éternel midi, l'espace-temps était balisé par de concrets fuseaux horaires. Des voitures, des bus, des passants: une place qui ne laisse place qu'à elle-même, mais qu'il faut quand même décrire, c'est-à -dire, écrire, autrement dit déplier l'image en segments syntaxiques, tout comme les photos de Getzler réécrivent un ensemble en le sectionnant en parties.
Le numéro 9, signée Sophie Coiffier s'efforce de lire certaines images à la lueur de l'Åuvre de Perec. En partant de la grille mi-conceptuelle mi-ludique qu'est le jeu de taquin (en gros un puzzle aux pièces carrées ménageant une case vide par où faire passer les autres pièces), l'auteure de L'éternité comme un jeu de taquin, opère donc des rapprochements â comme on fait coïncider des bords â afin que le sens, magnétisé, attire d'autres aventures formelles. Ce pourrait être un exercice, c'est en fait une quête, entre vide et plein, où Perec, de cavalier seul, devient arpenteur de cases.
Le numéro 10, qui s'intitule Le timbre à un franc, est signé par le pataphysicien Jean-Louis Bailly. Il égrène divers croisements avec l'Åuvre et l'homme, entre autres comment le chapitre XXII de La Vie mode d'emploiI (qui était alors en cours d'écriture) lui est arrivé par la poste, suite à une démarche que Bailly avait faite auprès de GP, afin de publier un de ses textes dans une revue au titre rousselien, Nouvelles Impressions. C'est aussi, en creux (et en bosses, aussi) un portrait cubiste de Bailly, dont certains angles entrent en relation géométrico-affective avec les textes de Perec.
______________
Pierre Getzler, Place Saint-Sulpice les 18 & 19 octobre 1974
Sophie Coiffier, L'éternité comme un jeu de taquin
Jean-Louis Bailly, Le timbre à un franc
â tous trois parus à L'Åil ébloui, dans la série des 53 Perec.
Perec de 8 à 10
L'Œil ébloui continue son exploration non de Perec, mais des nombreux Perec qu'écrivains et artistes ont reçus en héritage plus ou moins oblique. Trois nouveaux titres paraissent cette semaine, les numéros 8, 9, 10 (plus que 43 titres à paraître !)
Le numéro 8 nous donne à voir les photos que pris l'ami de Perec, Pierre Getzler, lors de deux des trois glorieuses journées d'octobre 1974, quand l'écrivain s'assit à une table de café et tenta de capter tout ce qui se passait et ne se passait pas place Saint-Sulpice. Chaque photo cadre un pan d'espace, plus ou moins habité, où souvent n'advient qu'un temps figé, souvent barré par une verticale (un arbre, un poteau, un panneau) comme si, telle une aiguille marquant un éternel midi, l'espace-temps était balisé par de concrets fuseaux horaires. Des voitures, des bus, des passants: une place qui ne laisse place qu'à elle-même, mais qu'il faut quand même décrire, c'est-à-dire, écrire, autrement dit déplier l'image en segments syntaxiques, tout comme les photos de Getzler réécrivent un ensemble en le sectionnant en parties.
Le numéro 9, signée Sophie Coiffier s'efforce de lire certaines images à la lueur de l'œuvre de Perec. En partant de la grille mi-conceptuelle mi-ludique qu'est le jeu de taquin (en gros un puzzle aux pièces carrées ménageant une case vide par où faire passer les autres pièces), l'auteure de L'éternité comme un jeu de taquin, opère donc des rapprochements – comme on fait coïncider des bords – afin que le sens, magnétisé, attire d'autres aventures formelles. Ce pourrait être un exercice, c'est en fait une quête, entre vide et plein, où Perec, de cavalier seul, devient arpenteur de cases.
Le numéro 10, qui s'intitule Le timbre à un franc, est signé par le pataphysicien Jean-Louis Bailly. Il égrène divers croisements avec l'œuvre et l'homme, entre autres comment le chapitre XXII de La Vie mode d'emploiI (qui était alors en cours d'écriture) lui est arrivé par la poste, suite à une démarche que Bailly avait faite auprès de GP, afin de publier un de ses textes dans une revue au titre rousselien, Nouvelles Impressions. C'est aussi, en creux (et en bosses, aussi) un portrait cubiste de Bailly, dont certains angles entrent en relation géométrico-affective avec les textes de Perec.
______________
Pierre Getzler, Place Saint-Sulpice les 18 & 19 octobre 1974
Sophie Coiffier, L'éternité comme un jeu de taquin
Jean-Louis Bailly, Le timbre à un franc
— tous trois parus à L'Œil ébloui, dans la série des 53 Perec.
March 20, 2025
Ventriloques et caméléons, ou la traduction inéluctable
Quand on pense à des écrivains traducteurs, en général, le premier nom auquel on pense, câest Baudelaire, Baudelaire-traducteur-de-Poe. Mais le métier de traducteur est tellement pétri dâombre quâon a fini par oublier que tous les écrivains ou presque ont, au moins une fois, traduit. Pessoa ? Il a traduit Poe, justement. André Gide ? Blake. Boris Vian : Van Vogt. Maeterlinck : Ruysbroeck. Dâautres exemples ? Marguerite Yourcenar a traduit des negro spirituals ; Darrieussecq a traduit Woolf ; Vialatte a traduit Kafka ; Hölderlin a traduit Sophocle ; Proust a traduit Ruskin ; Artaud a traduit Lewis Carroll ; Beckett a traduit⦠Beckett ; William Gass a traduit Rilke ; Zenatti traduit Appelfeld ; Diane Meur a traduit Heine et Nizon; Bernard Noël a traduit Lovecraft et Shakespeare ; François Bon a traduit Lovecraft ; Paul Auster a traduit Sartre et Simenon ; Giono a traduit Melville ; Diderot a traduit Stanyan ; Maspero a traduit Alvaro Mutis ; Butor a traduit Hölderlin ; Nicolas Richard traduit Pynchon, Powers, Ginsberg ; Annie Saumont a traduit Salinger et Naipaul â STOP !!!
On pourrait continuer ainsi sur des pages et des pages â en fait, le jeu le plus difficile consisterait à citer des écrivains qui nâont pas traduit. Ãa serait vite vu, croyez-moi. Et je ne parle pas des traducteurs qui sont devenus écrivains à force de traduire. Peut-être parce que pour traduire, il faut être écrivain ou du moins accepter de le devenir le temps dâune traduction.Les raisons, du moins au vingtième siècle, qui ont poussé des écrivains à traduire sont nombreuses. Il y a la raison financière, évidemment. Le fait que certains écrivains fréquentent les éditeurs, voire travaillent pour eux, et sont donc susceptibles de se voir proposer des traductions. Nâoublions pas lâintérêt, la curiosité, la passion, le hasard des rencontres. Mais à chaque fois, force est de reconnaître que si lâécrivain se met à la traduction, câest parce quâil veut faire lâexpérience dâun déséquilibre ; lui qui sait écrire dans sa langue, dès quâil traduit, voit ses certitudes vaciller, constate quâil nâa jamais autant traquer ses mots, pédaler dans la semoule de la syntaxe, vacillé dans la compréhension du sens. Traduire le bouscule, le déséquilibre, il doit réapprendre à partir de sa langue, à la fois neuf et ancien dans le métier, le même et différent.
Il découvre aussi dâétranges similitudes entre lâacte dâécrire et lâacte de traduire : non seulement il fait exactement les mêmes gestes (il écrit dans les deux cas en français), mais fait parfois appel aux mêmes mécanismes mentaux pour aider la phrase à arriver à son terme. Son cerveau, qui contient en principe (même à son insu) dâinnombrables formes syntaxiques et un vaste lexique, travaille comme un ordinateur en béate surchauffe. Oui, il le comprend à présent : il a toujours traduit. Quand il écrit, il traduit, il traduit le texte quâil rêve dâécrire et qui, une fois sur le papier, une fois traduit en mots, change évidemment. Les contresens, les faux-sens, il connaît, câest son lot. Le traître câest lui, le trahi aussi. Le translateur impénitent, câest lui. Passer dâune langue à une autre ? Mais oui, câest sûrement ça, écrire.
Ventriloques et caméléons, ou la traduction inéluctable
Quand on pense à des écrivains traducteurs, en général, le premier nom auquel on pense, c’est Baudelaire, Baudelaire-traducteur-de-Poe. Mais le métier de traducteur est tellement pétri d’ombre qu’on a fini par oublier que tous les écrivains ou presque ont, au moins une fois, traduit. Pessoa ? Il a traduit Poe, justement. André Gide ? Blake. Boris Vian : Van Vogt. Maeterlinck : Ruysbroeck. D’autres exemples ? Marguerite Yourcenar a traduit des negro spirituals ; Darrieussecq a traduit Woolf ; Vialatte a traduit Kafka ; Hölderlin a traduit Sophocle ; Proust a traduit Ruskin ; Artaud a traduit Lewis Carroll ; Beckett a traduit… Beckett ; William Gass a traduit Rilke ; Zenatti traduit Appelfeld ; Diane Meur a traduit Heine et Nizon; Bernard Noël a traduit Lovecraft et Shakespeare ; François Bon a traduit Lovecraft ; Paul Auster a traduit Sartre et Simenon ; Giono a traduit Melville ; Diderot a traduit Stanyan ; Maspero a traduit Alvaro Mutis ; Butor a traduit Hölderlin ; Nicolas Richard traduit Pynchon, Powers, Ginsberg ; Annie Saumont a traduit Salinger et Naipaul – STOP !!!
On pourrait continuer ainsi sur des pages et des pages – en fait, le jeu le plus difficile consisterait à citer des écrivains qui n’ont pas traduit. Ça serait vite vu, croyez-moi. Et je ne parle pas des traducteurs qui sont devenus écrivains à force de traduire. Peut-être parce que pour traduire, il faut être écrivain ou du moins accepter de le devenir le temps d’une traduction.Les raisons, du moins au vingtième siècle, qui ont poussé des écrivains à traduire sont nombreuses. Il y a la raison financière, évidemment. Le fait que certains écrivains fréquentent les éditeurs, voire travaillent pour eux, et sont donc susceptibles de se voir proposer des traductions. N’oublions pas l’intérêt, la curiosité, la passion, le hasard des rencontres. Mais à chaque fois, force est de reconnaître que si l’écrivain se met à la traduction, c’est parce qu’il veut faire l’expérience d’un déséquilibre ; lui qui sait écrire dans sa langue, dès qu’il traduit, voit ses certitudes vaciller, constate qu’il n’a jamais autant traquer ses mots, pédaler dans la semoule de la syntaxe, vacillé dans la compréhension du sens. Traduire le bouscule, le déséquilibre, il doit réapprendre à partir de sa langue, à la fois neuf et ancien dans le métier, le même et différent.
Il découvre aussi d’étranges similitudes entre l’acte d’écrire et l’acte de traduire : non seulement il fait exactement les mêmes gestes (il écrit dans les deux cas en français), mais fait parfois appel aux mêmes mécanismes mentaux pour aider la phrase à arriver à son terme. Son cerveau, qui contient en principe (même à son insu) d’innombrables formes syntaxiques et un vaste lexique, travaille comme un ordinateur en béate surchauffe. Oui, il le comprend à présent : il a toujours traduit. Quand il écrit, il traduit, il traduit le texte qu’il rêve d’écrire et qui, une fois sur le papier, une fois traduit en mots, change évidemment. Les contresens, les faux-sens, il connaît, c’est son lot. Le traître c’est lui, le trahi aussi. Le translateur impénitent, c’est lui. Passer d’une langue à une autre ? Mais oui, c’est sûrement ça, écrire.
March 12, 2025
First, we take the train, then we take Genève
La semaine prochaine, les 21 et 22 mars, histoire de marquer le cou du printemps, je serai présent au Salon du Livre de Genève (qui se déroule à Genève, je le précise au cas où ça ne serait pas évident). Vous pourrez venir m'écouter, ou faire semblant de m'écouter (on est en démocratie) lors de deux rencontres (l'une avec Eric Fottorino, l'aute avec Blandine Rinkel), ainsi qu'acheter (ou soupeser) mes livres pendant que je suis en dédicace (mais je ne me fais pas trop d'illusions).
Mais bon, le plus important, si vous allez au Salon du Livre de Genève (toujours situé à Genève, je le rappelle), c'est quand même d'aller sur le stand des éditions Zoé pour acheter les Åuvres complètes de Gustave Roud ou, si vos finances ne vous le permettent pas, l'extraordinaire "La Vache" de Beat Sterchi.
First, we take the train, then we take Genève
La semaine prochaine, les 21 et 22 mars, histoire de marquer le cou du printemps, je serai présent au Salon du Livre de Genève (qui se déroule à Genève, je le précise au cas où ça ne serait pas évident). Vous pourrez venir m'écouter, ou faire semblant de m'écouter (on est en démocratie) lors de deux rencontres (l'une avec Eric Fottorino, l'aute avec Blandine Rinkel), ainsi qu'acheter (ou soupeser) mes livres pendant que je suis en dédicace (mais je ne me fais pas trop d'illusions).
Mais bon, le plus important, si vous allez au Salon du Livre de Genève (toujours situé à Genève, je le rappelle), c'est quand même d'aller sur le stand des éditions Zoé pour acheter les œuvres complètes de Gustave Roud ou, si vos finances ne vous le permettent pas, l'extraordinaire "La Vache" de Beat Sterchi.
February 8, 2025
Des milliers de ronds dans l'eau, et dans le Sud
Trois rencontres la semaine prochaine en librairie autour de mon dernier livre, Des milliers de ronds dans l'eau (Actes Sud). Voici les dates, les lieux, les infos:
• JEUDI 13 FÉVRIER – TOULOUSE ::: Librairie Ombres Blanches – 18h / Rencontre modérée (ou animée) par Nicolas Vives –
• VENDREDI 14 FÉVRIER – PORT-VENDRES ::: Librairie Oxymore – 18h / Rencontre animée (ou modérée) par Claudre Faber
• SAMEDI 15 FÉVRIER – LAGRASSE ::: Librairie Les Arts de Lire – 17h / Rencontre animée et modérée par Dominique Larroque
February 3, 2025
Des milliers de ronds dans l'eau à la Maison de la Poésie: image, son et java.
Le vendredi 24 janvier, je présentais avec le comédien Bruno Blairet une "rencontre" un peu particulière autour de mon livre Des milliers de ronds dans l'eau (Actes Sud), rencontre intitulée "Parler me semble ridicule". Une captation a eu lieu, la voici pour ceux et celles qui n'ont pas pu venir et pour ceux et celles qui avaient mieux à faire â vidéo disponible sur le site de la Maison de la Poésie, qu'on remercie ici chaleureusement pour son accompagnement:
LIEN: https://maisondelapoesieparis.com/sce...
Des milliers de ronds dans l'eau à la Maison de la Poésie: image, son et java.
Le vendredi 24 janvier, je présentais avec le comédien Bruno Blairet une "rencontre" un peu particulière autour de mon livre Des milliers de ronds dans l'eau (Actes Sud), rencontre intitulée "Parler me semble ridicule". Une captation a eu lieu, la voici pour ceux et celles qui n'ont pas pu venir et pour ceux et celles qui avaient mieux à faire – vidéo disponible sur le site de la Maison de la Poésie, qu'on remercie ici chaleureusement pour son accompagnement:
LIEN: https://maisondelapoesieparis.com/sce...
Christophe Claro's Blog
- Christophe Claro's profile
- 12 followers

