Thomas Desforges > Recent Status Updates

À Tarrou qui avait eu l’air de s’étonnee de la vie cloîtrée qu’il menait, il avait à peu près expliqué que selon la religion, la première moitié de la vie d’un homme était une ascension et l’autre moitié une descente, que dans la descente les journées de l’homme ne lui appartenaient plus, qu’on pouvait les lui enlever à n’importe quel moment, qu’il ne pouvait donc rien en faire et…

« Ah ! si c’était un tremblement de terre ! Une bonne secousse et on n’en parle plus… On compte les morts, les vivants, et le tour est joué. Mais cette cochonnerie de maladie ! Même ceux qui ne l’ont pas la portent dans leur cœur. »

— Bon ! remarquait Cottard, sur un ton aimable qui n’allait pas avec son affirmation, nous allons tous devenir fous, c’est sûr.

Ainsi, la première chose que la peste apporta à nos concitoyens fut l’exil. Et le narrateur est persuadé qu’il peut écrire ici, au nom de tous, ce que lui-même a éprouvé alors, puisqu’il l’a éprouvé en même temps que beaucoup de nos concitoyens. Oui, c’était bien le sentiment de l’exil que ce creux que nous portions constamment en nous, cette émotion précise, le désir déraisonnable…

…les hypothèses, en science comme dans la vie, étant toujours dangereuses.

Même lorsque le docteur Rieux eu reconnu devant son ami qu’une poignée de malades dispersés venaient, sans avertissement, de mourir de la peste, le danger demeurait irréel pour lui. Simplement, quand on est médecin, on s’est fait une idée de la douleur et on a un peu plus d’imagination. En regardant par la fenêtre sa ville qui n’avait pas changé, c’est à peine si le docteur sentait naître en…

Le mot de « peste » venait d’être prononcé pour la première fois. À ce point du récit qui laisse Bernard Rieux derrière sa fenêtre, on permettra au narrateur de justifier l’incertitude et la surprise du docteur, puisque, avec des nuances, sa réaction fut celle de la plupart de nos concitoyens. Les fléaux, en effet, sont une chose commune, mais on croit difficilement aux fléaux lorsqu’ils vous…

La presse, si bavarde dans l’affaire des rats, ne parlait plus de rien. C’est que les rats meurent dans la rue et les hommes dans leur chambre. Et les journaux ne s’occupent que de la rue.

Question : comment faire pour ne pas perdre son temps ? Réponse : l’éprouver dans toute sa longueur.

On eût dit que la terre même où étaient plantées nos maisons se purgeait de son chargement d’humeurs, qu’elle laissait monter à la surface des furoncles et des sanies qui, jusqu’ici, la travaillaient intérieurement. Qu’on envisage seulement la stupéfaction de notre petite ville, si tranquille jusque-là, et bouleversée en quelques jours, comme un homme bien portant dont le sang épais se mettrait…

Nous savons tous comment ça marche. Si nous ne faisons rien, alors tout désastre qui pourrait s’abattre sur les Gziltes dans les quelques heures qui viennent sera entièrement de leur responsabilité. Si nous intervenons, nous serons au minimum complices. C’est une vérité que personne n’a demandée. Même les détenteurs originaux, les Z-R., ont clairement indiqué qu’ils seraient très heureux si…

En fait, je crois que je ne comprenais pas que, bien que ce fût un secret de nature à… ébranler la fois, disons, c’était en fait très théorique. Dans la pratique, les gens ne croient pas pour de bonnes raisons. Ils croient, un point c’est tout, de même que nous n’aimons pas pour de bonnes raisons. Nous aimons simplement parce que nous avons besoin d’aimer.

— Oh, non, fit Ximenyr d’un air presque sérieux. On ne doit jamais regretter ses excès, seulement les fois où on a eu les nerfs qui flanchaient.

Le Véhicule Système Général Empiriste eut le sentiment d’arriver dans l’espace gzilte à un mauvais moment – un mauvais moment censé être le début d’un (bref) bon moment, un moment d’une importance considérable, mais qui semblait prendre une mauvaise tournure. Ma foi, au bout du compte, il fallait bien s’y faire. Quelquefois, on était obligé d’adopter l’attitude qu’on pouvait résumer…

— La Présidente est morte ? dit-elle.
— En fait, répondit Berdle, voilà le nouveau Président. (L’avatar désigna le vieil homme à l’écran.) On dirait que ça marche un peu comme avec les rois. Il y en a toujours un, quel que soit le nombre qui se fait tuer. Jusqu’à ce qu’il y ait une révolution, ou un machin comme ça.

— Je dors chaque nuit comme une droguée, septame. Je ne suis qu’un humble officier qui obéit aux ordres. Personne ne m’a ordonné de me faire du souci. Ni de perdre le sommeil.

Toutes les grandes promesses sont des menaces, j’imagine, pour la façon dont les choses étaient jusque-là, pour certains aspects de nos vies, et nous devenons soudain tous des conservateurs, même si en même temps nous avons besoin de ce que la promesse comporte, même si nous souhaitons ardemment le changement promis.

— Merci. Je crois que je vais retourner en Stockage, maintenant. Sommeil profond. Pas de rêves.
— Absolument.
— Et la prochaine fois que vous voudrez me réveiller…
Mais le vaisseau l’avait déjà endormie. Il avait une bonne idée de la façon dot Tefwe aurait terminé sa phrase… « Ne le faites pas. »
Oui, mais… elle ne l’avait pas vraiment dit, décida le vaisseau.

— Eh bien non, pas du tout. Sens-toi libre de me prendre en pitié, si tu veux, pour ta propre satisfaction sentimentale, mais en aucune façon pour moi. J’ai vécu dix mille ans. J’y suis habitué. Les amours meurent, les civilisations meurent… on acquiert une sorte d’indifférence divine à tout ça, sur un plan intellectuel. Heureusement, on conserve les émotions qui permettent de jouir des…

— De toute façon, reprit le drone, je ne suis pas convaincu que les souvenirs ne fassent que s’accumuler. Même sans les limitations intrinsèques d’un cerveau biologique conventionnel, ce qu’on oublie peut être aussi important et aussi formateur que ce dont on se souvient.

Le Problème des Sims se ramenait à ceci : jusqu’où pouvait-on simuler la vraie vie de façon moralement justifiable ?

— Je ne me souviens pas. J’ai oublié ce que je ne suis pas.
— Ma foi, c’est mieux que d’oublier ce qu’on est.

— Quelquefois, ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, répondit l’avatar en souriant.

— Une sorte de jubilation. Une fois qu’on s’est remis de la dépression provoquée par la prise de conscience que, quoi qu’il arrive et sans doute pour toujours, les gens vont continuer d’être stupides et cruels les uns envers les autres – si on arrive à s’en remettre, parce que, à ce stade, beaucoup décident de se suicide –, on change d’attitude et on se dit, bon, après tout, tant pis. Ce…

Il faut toujours éviter de se créer des occasions futures de se faire des reproches.