Tropic of Cancer/Tropic of Capricorn Quotes

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Tropic of Cancer/Tropic of Capricorn Tropic of Cancer/Tropic of Capricorn by Henry Miller
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Tropic of Cancer/Tropic of Capricorn Quotes Showing 1-30 of 34
“Living in the midst of a world where there was a plethora of the new I attached myself to the old.”
Henry Miller, Tropic of Cancer/Tropic of Capricorn
“The mere thought of a meal- another meal-rejuvenates me.”
Henry Miller, Tropic of Cancer/Tropic of Capricorn
“One more ray of sun and I will be rotten.”
Henry Miller, Tropic of Cancer/Tropic of Capricorn
tags: sun
“It seems wherever I go there is drama”
Henry Miller, Tropic of Cancer/Tropic of Capricorn
“Paris is like a whore.”
Henry Miller, Tropic of Cancer/Tropic of Capricorn
tags: humor
“J’ai besoin que l’on me promette presque tout, tant j’ai vécu longtemps, trop longtemps dans l’ombre du soleil. Je veux de la lumière et de la chasteté – et un feu solaire dans les tripes. Je veux la déception et la désillusion, pour qu’il me soit donné de compléter le sublime triangle et de ne plus avoir sans cesse à quitter la planète pour voler dans l’espace.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Le monstre de l’écran n’est rien, comparé au monstre de l’imagination ; même les monstres pathologiques, dont l’existence est un fait et qui trouvent leur voie dans les forces de police, ne sont que de faibles démonstrations de la réalité monstrueuse, qui est la compagne quotidienne du pathologiste. Mais être le monstre et le pathologiste ensemble – c’est là une condition réservée à certaines sortes d’hommes qui, déguisés en artistes, sont conscients au suprême degré du fait que le sommeil est un danger plus grand encore que l’insomnie. Afin de ne pas céder au sommeil, afin de ne pas être victime de cette insomnie qu’on appelle « vivre », ces hommes-là ont recours à la drogue : à d’interminables assemblages de mots. Cela n’a rien à voir avec un processus automatique, disent-ils, parce qu’ils gardent toujours présente à l’esprit l’illusion qu’ils peuvent y mettre fin à volonté. Mais il n’y a pas de fin possible ; le seul résultat qu’ils puissent atteindre, c’est de créer une illusion (et c’est déjà peut-être un petit quelque chose), mais qui n’a rien à voir avec la conscience de veille, pas plus qu’avec l’action ou l’inaction. Je voulais avoir une conscience bien éveillée, sans en faire l’objet de discours ni de livres, afin d’accepter la vie absolument.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Assis devant mon bureau, au-dessus duquel j’avais placé une pancarte portant ces mots : « N'abandonnez pas tout espoir, vous qui entrez ! » – assis et disant Oui, Non, Oui, Non, je me rendais compte, avec un désespoir qui confinait à la rage, que je n’étais qu’une marionnette entre les mains de laquelle la société avait mis une mitraillette. Que je fisse une bonne ou une mauvaise action revenait exactement au même, au bout du compte. Je ressemblais à un signe égal, par lequel passait l’essaim algébrique de l’humanité. Une sorte de signe égal plutôt important et actif, comme peut l’être un général en temps de guerre, mais peu importait le degré de compétence que je pouvais atteindre : jamais je ne parviendrais à me transformer en signe plus ou moins. Pas plus que personne d’autre, pour autant que je pouvais m’en rendre compte. Notre vie entière était bâtie sur ce principe d’équation. Les intégrales étaient devenues autant de symboles que l’on baladait au service de la mort. Pitié, désespoir, passion, espoir, courage, n’étaient que les réfractions temporelles dues à la diversité des angles sous lesquels on regardait les équations. Mettre fin à cette jonglerie interminable en lui tournant le dos ou en l’affrontant carrément et en en faisant le sujet de ses écrits n’était non plus d’aucun secours. Dans une galerie des glaces il n’y a pas moyen de se tourner le dos à soi-même. Non je ne ferai pas cela – je ferai autre chose ! D’accord. Mais êtes-vous capable de ne rien faire du tout ? Et vous empêcher de penser que vous ne faites rien du tout ? De vous arrêter net, et sans penser le moins du monde, de rayonner la vérité que vous savez être vraie ? Telle était l’idée qui s’était logée derrière mon crâne et dont le feu me dévorait de plus en plus, et peut-être alors étais-je au comble de l’expansion, à l’apogée de mon énergie rayonnante, au sommet de la sympathie, de la bonne volonté et de la charité, de la sincérité, de la bonté, peut-être était-ce cette idée fixe dont la lumière perçait à travers moi – et de répéter automatiquement : « Mais non, mais non, il n’y a pas de quoi… pas du tout, je vous assure… non, non, je vous en prie, ne me remerciez pas, ce n’est rien », etc., etc. À force de fusiller à jet continu des centaines de types par jour, peut-être finissais-je par ne plus même entendre les détonations ;”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Les fins essentielles ne me faisaient pas peur. Je les voyais clairement. Mais je me perdais dans les détails mesquins de la vie. Il me fallut assister à un cas d’égarement analogue, mais porté à une échelle gigantesque, avant de saisir exactement de quoi il retournait. Les hommes ordinaires mettent souvent moins de temps à mesurer une situation dans sa réalité pratique : entre leur ego et ce qu’on exige de lui, il existe une commune mesure. Le monde ne diffère pas tellement de l’idée qu’ils s’en font. Mais celui qui n’est pas au diapason avec le reste du monde, ou bien il souffre d’une colossale inflation de son ego, ou alors il voit son ego submergé au point d’en être presque anéanti. Il fallut à Herr Nagel perdre pied et plonger au plus profond du gouffre, en quête de son ego véritable ; son existence était un mystère pour lui-même comme pour tous les autres. Je ne pouvais me permettre de laisser les choses en suspens de cette façon – le mystère m’intriguait trop. Même s’il devait m’en coûter de me frotter comme un chat à tous les êtres humains que je rencontrais, il me fallait aller jusqu’au fond des choses. Il n’est que de frotter assez longtemps et assez dur, l’étincelle finit toujours par jaillir”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Et pourquoi les gens m’écoutaient-ils si volontiers, quand je venais leur demander un emploi ? Pourquoi me trouvaient-ils amusant ? Parce que, sans nul doute, j’avais toujours passé le temps avec profit. J’arrivais les mains pleines de cadeaux – heures que j’avais passées dans les bibliothèques, balades oisives dans les rues, expérience intime des femmes, après-midi au Burlesque, visites aux musées et aux galeries. N’eussé-je été qu’un âne, rien qu’un pauvre bougre d’honnête homme prêt à se casser les couilles à tant la semaine, jamais on ne m’aurait offert les places qu’on m’offrait, ni tendu un cigare, ni emmené déjeuner, ni prêté de l’argent, comme cela m’arrivait souvent. Je devais avoir quelque chose en moi, à offrir, qu’on mettait peut-être sans le savoir au-dessus du cheval-vapeur ou des capacités techniques. Du diable si je savais moi-même ce que c’était, j’étais trop dénué d’orgueil, de vanité ou d’envie.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“valu ma place. À bien des points de vue, je ressemblais à Herr Nagel. Pas moyen de dire, d’un instant à l’autre, ce que j’allais faire. Pas moyen de savoir si j’étais un saint ou un monstre. Comme tant d’hommes extraordinaires de notre époque, Herr Nagel était un désespéré – et c’était ce désespoir même qui avait fait de lui un type si charmant. Hamsun, lui-même, ne savait que faire de son personnage : il était sûr qu’il existait, sûr qu’il y avait en lui mieux qu’un simple bouffon et qu’un mystificateur. Je crois qu’il adorait Herr Nagel plus qu’aucun autre personnage qu’il eût jamais créé. Pourquoi ? Parce que dans Herr Nagel il y avait le saint inavoué qu’il y a en tout artiste – l’homme que l’on tourne en ridicule parce que les solutions qu’il apporte, qui sont vraiment profondes, ont l’air trop simples aux yeux du monde. Personne ne désire être un artiste – on y est poussé dans la mesure où le monde refuse de reconnaître que l’on montre la bonne voie et de suivre. Travailler n’avait aucun sens pour moi, parce que, face au véritable travail, on prenait la tangente. Les gens me trouvaient paresseux et changeant ; au contraire, je débordais d’activité. Ne fût-il question que de lever une femme, c’était toujours ça, et cela valait le coup, qui plus est, surtout si on le comparait aux autres formes d'activité – fabriquer des boutons, par exemple, ou visser des écrous, ou même trancher des appendices.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“J’aurais voulu pouvoir me justifier sur-le-champ aux yeux du monde entier : j’aurais sauté en bas du pont de Brooklyn si j’avais pu convaincre les gens, ce faisant, que je n’étais pas un salopard ni un sans-cœur. Du cœur, j’en avais, et gros comme une baleine ; je ne devais pas tarder à le prouver, mais personne ne se donnait la peine de regarder jusque dans mon cœur. Tous, je les laissais choir l’un après l’autre – non seulement les boîtes qui vendaient à tempérament, mais le propriétaire, le boucher, le boulanger, les salopards de l’eau, du gaz et de l’électricité, tous. Si seulement j’avais pu arriver à croire à cette histoire de travail ! Impossible d’y voir aucune chance de salut. Tout ce que je voyais, c’était que les gens se cassaient les couilles, faute d’intelligence.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Oui, m’sieur, parfaitement, je suis allé jusqu’au golfe du Mexique, droit dedans, et je me suis noyé. Et j’ai fait ça gratis. Quand on a repêché le corps, on a découvert qu’il était marqué FOB, Myrtle Avenue, Brooklyn ; on l’a renvoyé port dû. Quand on m’a demandé plus tard pourquoi je m’étais tué, tout ce que j’ai pu répondre ç’a été : parce que j’avais envie d’électrifier le cosmos ! Par là j’entendais une chose très simple – la compagnie Delaware, Lackawanna and Western avait électrifié son réseau, de même la Seaboard Air Line, mais l’âme humaine en était encore au stade de la cariole bâchée des émigrants. Né au cœur de la civilisation, je l’acceptais le plus naturellement du monde – que faire d’autre ? Mais la bonne blague était que personne à part moi ne prenait cette histoire au sérieux. J’étais le seul vrai civilisé de la communauté. Il n’y avait pas place pour moi – en tant que tel. Et pourtant les livres que je lisais, la musique que j’entendais, m’assuraient qu’il existait au monde d’autres hommes pareils à moi. Il a fallu que j’aille jusqu’au golfe du Mexique et que je m’y noie, pour trouver une excuse qui me permît de poursuivre une existence de pseudo-civilisé. Il a fallu que je m’épouille de mon corps spirituel en quelque sorte.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Je continue à m’accrocher… Il n’est pas plus facile de revenir en arrière que de pousser plus avant. Je n’ai plus du tout l’impression d’être un citoyen américain. La partie de l'Amérique d'où je venais, où j’avais tout de même certains droits, où je me sentais libre, je l’ai laissée si loin derrière moi qu’elle commence à se volatiliser dans ma mémoire. On dirait à me voir que j’avance sous la menace permanente d’un revolver braqué dans mon dos. Avance, avance, c’est tout ce que j’ai l’air d’entendre. Si quelqu’un m’adresse la parole, j’essaie de ne pas avoir l’air trop intelligent. Je m’efforce de feindre un intérêt vital pour les moissons, le temps qu’il fait, les élections. Si je m’arrête, si je reste debout, on me regarde, blancs ou noirs – on me perce du regard comme si j’étais un fruit juteux et comestible. Il me faut parcourir encore un millier de milles environ, en ayant l’air de nourrir un dessein secret, l’air d’aller vraiment quelque part. Il faut avoir l’air plein de gratitude, aussi, de ce que personne n’a eu encore l’idée de m’employer. C’est à la fois accablant et hilarant. On est repéré – pourtant personne n’appuie sur la détente. On vous laisse marcher sans vous molester jusqu’en plein golfe du Mexique, et noyez-vous si le cœur vous en dit !”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Je m’aperçois à quel point je peux être civilisé, terriblement – je me rends compte du besoin que j’ai d’avoir des gens autour de moi, à qui parler, du besoin que j’ai de livres, de théâtre, de musique, de cafés, de boissons, etc. C’est affreux d’être civilisé ; quand on arrive au bout du monde on n’a rien pour vous aider à supporter la terreur de la solitude. Être civilisé, c’est avoir des besoins compliqués. Et un homme, dans toute sa force d’homme, ne devrait avoir besoin de rien. Tout le jour je m’étais promené dans les champs de tabac, me sentant de moins en moins à mon aise. Qu’ai-je à voir avec tout ce tabac ? Où veux-je en venir ? Partout les gens font pousser leur récolte, produisent des marchandises pour d’autres gens – et moi je ressemble à un fantôme qui glisse silencieusement parmi toute cette activité inintelligible. Je voudrais trouver du travail, n’importe lequel, mais je n’ai pas envie de m’associer à cette chose, à l’enfer de ce processus automatique. Je traverse une ville et je regarde le journal qui rapporte les événements de la ville et de ses environs. Il me semble qu’il n’y a pas d’événement, que l’horloge s’est arrêtée, mais que ces pauvres diables ne s’en sont pas aperçus”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“À chaque porte qui s’ouvrait je voyais un nouveau monstre. Et puis, enfin, je tombai sur un pauvre idiot qui avait vraiment envie de se cultiver, et cela m’acheva. J’eus honte de moi, de mon pays, de ma race, de mon époque. Il me fallut un temps du diable pour le convaincre de ne pas acheter cette sacrée Encyclopédie. Il me demanda innocemment pourquoi, dans ce cas, j’avais frappé chez lui – et sans une minute d’hésitation je lui racontai un mensonge gros comme moi, un mensonge qui devait par la suite se révéler exact : une grande vérité. Je lui racontai que je faisais semblant de vendre cette Encyclopédie, à seule fin de rencontrer des gens et d’écrire à leur propos. Cela eut le don de l’intéresser énormément, plus même que l'Encyclopédie. Il voulut savoir ce que j’écrirais sur son compte – pouvais-je le lui dire ? Il m’a pris vingt ans de ma vie pour répondre à cette question. Mais la voici, ma réponse. « Si cela vous intéresse encore de le savoir, chez M. X., de Bayonne, voici... Je vous dois beaucoup parce que après ce mensonge que je vous avais raconté, en sortant de chez vous, je déchirai le prospectus que m’avait fourni l'Encyclopédie britannique et le jetai dans le caniveau. Je me dis que jamais plus je n’irais trouver les gens sous de faux prétextes, fût-ce pour leur distribuer la Sainte Bible. Jamais plus je n’irais rien vendre, dussé-je en crever de faim. Je rentre chez moi maintenant pour m’asseoir à mon bureau et coucher sur le papier ce que je sais des gens. Et si quelqu’un cogne à ma porte et vient me vendre quelque chose, entrez donc, lui dirai-je, pourquoi diable faites-vous ce métier ? Et s’il me dit que c’est parce qu’il a besoin de vivre, je lui offrirai tout l’argent que j’ai en poche et le supplierai de réfléchir encore une fois à ce qu’il fait. Je voudrais empêcher le plus de gens possible de feindre d’avoir à faire ceci ou cela pour gagner leur vie. Rien de plus faux. Mieux vaut encore crever vraiment de faim. Quiconque se laisse volontairement crever de faim ajoute une dent à l’engrenage du processus automatique. J’aimerais mieux voir un homme empoigner son fusil et tuer son prochain pour se procurer la nourriture qui lui manque, que d’entretenir le processus automatique en prétendant que cet homme doit gagner sa vie. Voilà ma réponse, cher M. X. »”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Qui connaît le sens exact de la liberté, liberté absolue et non pas relative, est forcé de reconnaître qu’un tel instant est le plus près que l’on puisse arriver d’elle. Si je me dresse contre la condition actuelle du monde, ce n’est pas en moraliste – c’est parce que j’ai envie de rire plus, toujours plus. Je ne dis pas que Dieu n’est qu’un énorme rire : je dis qu’il faut rire dur avant de parvenir à approcher Dieu. Mon seul but dans la vie est d’approcher Dieu, c’est-à-dire d’arriver plus près de moi-même. C'est pourquoi peu m’importe le chemin. Mais la musique est très importante. La musique est tonique pour la glande pinéale. La musique, ce n’est pas Bach ni Beethoven ; la musique, c’est l’ouvre-boîte de l’âme.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Sans la musique, j’aurais fini au cabanon comme Nijinski. (Ce fut justement vers cette époque qu’on s’aperçut qu’il était fou. Ne s’amusait-il pas à distribuer tout son argent aux pauvres – mauvais signe, toujours !) Mon esprit regorgeait de trésors extraordinaires, j’avais le goût aigu et exigeant, les muscles en excellent état, l’appétit vigoureux, le souffle bon. Je n’avais rien à faire que profiter, me perfectionner et je faisais tant de progrès tous les jours que j’en devenais fou. Même s’il se présentait un travail convenable, je ne pouvais l’accepter ; ce dont j’avais besoin, c’était, non de travail, mais d’une vie plus riche. Je ne pouvais perdre mon temps à donner des leçons, à devenir avocat, médecin, politicien, à répondre aux offres de la société. Mieux valait accepter des besognes serviles ; elles me laissaient ma liberté d’esprit. Je perdis ma place d’éboueur.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“« Par être fou, on entend perdre la raison. La raison mais non la vérité, car il est des fous qui disent la vérité alors que les autres se taisent… »”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“vous croyez que rendre à un homme son ancien emploi, c’est ça la générosité. Vous ne savez pas ce que veut dire ce fumier de mot, cons que vous êtes ! Être généreux, c’est dire Oui avant même que le type d’en face ait eu le temps d’ouvrir la bouche. Et pour dire Oui il faut d’abord être surréaliste ou dadaïste, parce que alors on a compris ce que signifie dire Non. Vous pouvez même dire Oui et Non ensemble, pourvu que vous fassiez plus que ce que l’on attend de vous. Docker, le jour, et Brummel, la nuit. Portez n’importe quel uniforme, du moment que ce n’est pas le vôtre. Quand vous écrivez à votre mère, demandez-lui de crachoter un peu de fric, de façon que vous puissiez vous payer une loque neuve pour vous torcher le cul. Ne vous troublez pas s’il vous arrive de voir votre voisin courir après sa femme, un couteau à la main : il doit avoir de bonnes raisons de le faire, et s’il la tue vous pouvez être sûr qu’il a du moins la satisfaction de savoir pourquoi. Si vous essayez de vous cultiver, stop ! On ne cultive pas son intelligence. Tournez-vous vers votre cœur et votre gésier – c’est dans le cœur que se tient le cerveau.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Et si l’on vous raconte qu’il fallait que ça arrivât, qu’il ne pouvait en être autrement, que la France avait fait de son mieux et l’Allemagne aussi, et la petite république du Liberia et le petit Équateur et tous les alliés donc ! et que depuis la guerre tout le monde a encore fait de son mieux pour raccommoder les choses et passer l’éponge, répondez que ce mieux-là ne suffit pas, qu’il y en a marre de cette logique du « faire du mieux qu’on peut » ; répondez que faire pour le mieux, si l’affaire est mauvaise, n’intéresse personne, que les affaires, bonnes ou mauvaises, on s’en fout, comme des monuments aux morts. Il y en a marre de la logique des événements et de toutes les logiques. « Je ne parle pas logique, a dit Montherlant, je parle générosité. » J'imagine que vous n’avez pas très bien compris : la citation était en français. Je vais donc la répéter dans la langue de Sa Majesté très britannique : « I’m not talking logic, I’m talking generosity. » C'est de très mauvais anglais, comme pourrait le parler Sa Majesté même, mais c’est clair. Générosité, vous entendez ? Une chose que vous ne pratiquez jamais, tous tant que vous êtes, à la paix comme à la guerre. Vous ne savez pas ce que ça veut dire. Vous croyez que fournir des canons et des munitions au gagnant, c’est ça la générosité ; ou envoyer des infirmières de la Croix-Rouge sur le front, ou l’Armée du Salut aussi bien. Vous croyez qu’une prime avec vingt ans de retard c’est ça la générosité ; une petite pension, un fauteuil roulant ;”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“J’écris un manifeste et je ne veux rien, je dis pourtant certaines choses, et je suis par principe contre les manifestes, comme je suis aussi contre les principes… J’écris ce manifeste pour montrer qu’on peut faire les actions opposées ensemble, dans une seule fraîche respiration ; je suis contre l'action ; pour la continuelle contradiction, pour l’affirmation aussi, je ne suis ni pour ni contre et je n’explique car je hais le bon sens… Il y a une littérature qui n’arrive jusqu’à la masse vorace. Œuvre des créateurs, sortie d’une vraie nécessité de l’auteur, et pour lui-même. Connaissance d’un suprême égoïsme, où les lois s’étiolent. Chaque page doit exploser, soit par le sérieux profond et lourd, le tourbillon, le vertige, le nouveau, l’éternel, par la blague écrasante, par l’enthousiasme des principes ou par la façon d’être imprimée. Voilà un monde chancelant qui fuit, fiancé aux grelots de la gamme infernale, voilà de l’autre côté : des hommes nouveaux.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Soyez indulgents quand vous nous comparez À ceux qui furent la perfection de l’ordre. Nous qui quêtons partout l’aventure, Nous ne sommes pas vos ennemis. Nous voulons vous donner de vastes et d’étranges domaines Où le mystère en fleur s’offre à qui veut le cueillir.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“La mort est aussi une chose merveilleuse – après qu’on a fini de vivre. Seul, celui qui comme moi a su ouvrir la bouche et parler, seul, celui qui a su dire Oui, Oui, Oui et encore Oui ! a le droit d’ouvrir tout grands les bras à la mort, sans avoir peur d’elle. La mort en tant que récompense, oui ! La mort en tant que fruit de l’accomplissement, oui ! La mort en tant que couronne et bouclier, oui ! Mais non pas la mort qui vous prend aux racines, qui isole les hommes, qui les rend amers et peureux et solitaires, leur donne une énergie stérile et les emplit d’une volonté qui ne sait dire que Non ! Le premier mot que trace quiconque a fini par se trouver soi-même, par trouver son rythme, qui est le rythme de vie, ce premier mot c’est Oui ! Tout ce qu’il écrira ensuite, ce sera Oui, Oui, Oui – Oui de mille et mille façons.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“J’étais seul sur ce grand hémisphère de violence, sauf pour ce qui était de l’espèce humaine. J’étais seul dans un monde de choses qu’illuminait de sa phosphorescence la cruauté. Je délirais d’énergie, d’une énergie qui ne pouvait se donner libre cours qu’au service de la mort et de la futilité. Impossible de me lancer dans une profession de foi totale, sinon c’était la camisole de force ou la chaise électrique. Je ressemblais à l’homme qui a été incarcéré trop longtemps dans une oubliette – il me fallait chercher mon chemin à tâtons, lentement, en trébuchant, de peur de buter et de me faire écraser. Je devais m’accoutumer graduellement aux sanctions qu’entraîne la liberté. Je devais me revêtir d’un nouvel épiderme pour me protéger contre la lumière éclatante qui brûlait dans le ciel.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Les idées, les mots, la faculté de m’exprimer ne me manquaient pas – ce qui me manquait était beaucoup plus important : c’était la manette qui me permettrait de couper le courant. Pas moyen d’arrêter cette sacrée machine et c’était là qu’était la difficulté. Je n’étais pas seulement au milieu du courant ; le courant passait par moi et je n’avais pas le moindre moyen de le contrôler.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Quand je pense aux efforts titanesques que j’ai dû fournir pour canaliser la lave brûlante qui bouillonnait en moi, aux efforts répétés mille et mille fois que j’ai dû faire pour lui forer une cheminée et saisir au passage un mot, une expression, je pense inévitablement aux hommes du premier âge de pierre. Cent mille, deux cents, trois cent mille ans pour arriver à l’idée de la pierre taillée. Lutte fantôme, car ils ne rêvaient même pas de ce qui deviendrait un jour la pierre taillée. Cela se fit tout seul, en une seconde, miraculeusement pourrait-on dire, si tout ce qui arrive n’était miracle. Les choses arrivent ou n’arrivent pas, un point c’est tout. Rien ne sert de suer, de lutter. Presque tout ce que nous appelons la vie n’est fait que d’insomnie, d’agonie, parce que nous avons perdu l’habitude du sommeil. Nous ne savons plus nous laisser aller, en prendre et en laisser. Nous ressemblons à ces diables en boîte, perchés au sommet d’un ressort, et plus nous luttons, plus il est difficile de rentrer dans la boîte.”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“peut-être faudrait-il des mois et des années pour cheminer d’un lieu à l’autre, mais on n’aurait besoin ni de visa ni de passeport ni de carte d’identité, parce qu’on n’aurait besoin de figurer sur aucun registre, qu’on ne porterait pas de numéro et que si l’on avait envie de changer de nom toutes les semaines, qui l’empêcherait ? Ça ne ferait pas la moindre différence vu qu’on ne posséderait rien que ce que l’on pourrait emporter avec soi, et pourquoi diable aurait-on alors envie de posséder quoi que ce soit puisqu’il ne serait plus question de rien posséder ?”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Pourquoi diable me soucierais-je du prix des choses ? Ma raison d’être est de vivre, non de calculer. Et c’est précisément ce que cette bande de vaches ne veut pas que l’on fasse – vivre ! Ce qu’ils veulent c’est que l’on passe sa vie à aligner des chiffres. Ils comprennent ça, les chiffres. Ça vous a un air raisonnable, intelligent. Si c’était moi qui tenais la barre du gouvernail, peut-être l’ordre ne régnerait-il pas, mais bon Dieu la vie serait plus drôle ! On ne passerait pas le temps à chier dans sa culotte à propos de choses qui n’en valent pas la peine. Peut-être n’y aurait-il pas de macadam dans les rues, ni de voitures aérodynamiques, ni de haut-parleurs, ni de trucs ni de machins de mille millions de sortes ; peut-être même n’y aurait-il pas de vitres aux fenêtres, peut-être devrait-on dormir à même le sol ; peut-être n’y aurait-il pas de cuisine à la française, à l’italienne, à la chinoise ; peut-être les gens s’entretueraient-ils quand ils seraient à bout de patience, et peut-être personne ne les en empêcherait-il parce qu’il n’y aurait pas plus de taule que de flics ni de juges, et qu’il n’y aurait certainement pas de ministres ni de gouvernement, ni de question d’obéir ou de désobéir à leurs saloperies de lois ;”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer
“Pourquoi diable me soucierais-je du prix des choses ? Ma raison d’être est de vivre, non de calculer. Et c’est précisément ce que cette bande de vaches ne veut pas que l’on fasse – vivre ! Ce qu’ils veulent c’est que l’on passe sa vie à aligner des chiffres. Ils comprennent ça, les chiffres. Ça vous a un air raisonnable, intelligent. Si c’était moi qui tenais la barre du gouvernail, peut-être l’ordre ne régnerait-il pas, mais bon Dieu la vie serait plus drôle ! On ne passerait pas le temps à chier dans sa culotte à propos de choses qui n’en valent pas la peine. Peut-être n’y aurait-il pas de macadam dans les rues, ni de voitures aérodynamiques, ni de haut-parleurs, ni de trucs ni de machins de mille millions de sortes ; peut-être même n’y aurait-il pas de vitres aux fenêtres, peut-être devrait-on dormir à même le sol ; peut-être n’y aurait-il pas de cuisine à la française, à l’italienne, à la chinoise ; peut-être les gens s’entretueraient-ils quand ils seraient à bout de patience, et peut-être personne ne les en empêcherait-il parce qu’il n’y aurait pas plus de taule que de flics ni de juges, et qu’il n’y aurait certainement pas de ministres ni de gouvernement, ni de question d’obéir ou de désobéir à leurs saloperies de lois ; peut-être faudrait-il des mois et des années pour cheminer d’un lieu à l’autre, mais on n’aurait besoin ni de visa ni de passeport ni de carte d’identité, parce qu’on n’aurait besoin de figurer sur aucun registre, qu’on ne porterait pas de numéro et que si l’on avait envie de changer de nom toutes les semaines, qui l’empêcherait ? Ça ne ferait pas la moindre différence vu qu’on ne posséderait rien que ce que l’on pourrait emporter avec soi, et pourquoi diable aurait-on alors envie de posséder quoi que ce soit puisqu’il ne serait plus question de rien posséder ?”
Henry Miller, Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer

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