Thomas Desforges > Recent Status Updates

… rivage, entremêlaient leurs branches évanouies.

Les rideaux de la fenêtre avaient été tirés à l’avance. On apercevait à travers les vitres le paysage qui blêmissait. La chambre donnait directement sur la mer, une lumière laiteuse paraissait soutenir les amoncellements de nuages qui montaient haut dans un ciel enveloppé des ténèbres de l’aube. Les arbres dépouillés dans le jardin, comme des rebuts rejetés par les vagues de la nuit sur le …

Il sentit que le profil du beau jeune homme se détachait nettement dans l’instant pur qui sépare le jour et la nuit. Cette sculpture éphémère accéda à l’éternité. Le profil imprimait une forme éternelle au temps et il devint lui-même impérissable, après avoir fixé la beauté parfaite d’un instant.

Face à une œuvre antique, qu’il s’agisse d’un art spatial ou temporel, notre vie, pendant qu’elle est prisonnière de l’espace et du temps contenus dans cette œuvre, arrête ou abandonne la vie présente, ou du moins la partie qui ne relève pas de l’art. Nous vivons une seconde vie. Mais le temps intérieur consacré à vivre cette seconde vie est déjà calculé et résolu. Ce que nous appelons…

… d’une salle de bains… Yûichi détesta les cheveux blancs du gynécologue, tout imprégnés de la sagesse des ans. Le rapport rigoureux et sain que Yûichi entretenait avec la société s’appuyait sur le seul fait que son désir particulier n’avait aucune réalité dans cette société.

Un enfant est conçu sans désir. Quand un enfant est conçu dans le désir, il peut avoir la beauté de la révolte ; mais dans le cas contraire, de quels traits funestes il peut hériter. Même avec une insémination artificielle, le sperme vient d’un homme qui a désiré une femme. L’eugénisme, conception de réforme sociale qui ne tient aucun compte du désir, conception aussi brillante que les carreaux …

… les gestes imprévus, dans la précipitation spontanée plus que dans un texte maintes fois remanié.

… le goût des anecdotes constituent son seul credo. Les photographes vous disent « Soyez détendu », « Bavardez », « Souriez ». Le public des conférences partage ces exigences, s’attachant au vrai visage et à la nature authentique de l’orateur. Shunsuké méprisait ces tendances policières de la psychologie moderne selon laquelle la nature authentique devait apparaître dans les paroles et …

Il y avait à peu près deux mille personnes dans la salle. Shunsuké méprisait le public des conférences. L’assistance présentait les mêmes défauts que les principes de la photographie moderne, dans un système fondé sur la mauvaise foi : cette façon de vouloir saisir l’occasion, de vous prendre au dépourvu, de respecter le « naturel », le culte de l’état brut, la surestimation du quotidien, …

… aussi se perdait sans laisser de trace. De la cendre tomba sur la lame parfaitement polie du couteau et Yûichi souffla dessus. La cendre se posa alors sur la rose qui ornait la table.

Yûichi fuma une cigarette. De même qu’un soldat qui a reçu sa feuille d’appel se creuse la cervelle pour profiter au maximum de ses derniers moments de liberté et finit par ne rien faire, de même il faut que le plaisir soit précédé par des préliminaires infinis et par la peur de l’ennui. Yûichi pressentit que, comme les dizaines d’occasions qui lui avaient échappé jusque-là, ce désir lui …

C’était un garçon d’une surprenante beauté. Son corps, dont émanait une séduction douce, presque hésitante, évoquait plutôt qu’une statue grecque de l’époque classique, un Apollon qui aurait été l’œuvre d’un sculpteur sur bronze de l’école du Péloponnèse : il avait un cou majestueux, des épaules aux courbes délicates, une poitrine au galbe puissant, des bras d’une élégante…

… crépusculaire et l’étroit ruban de mer, on comprenait, par l’alternance régulière de l’extinction et du scintillement, qu’il s’agissait d’un phare. Une femme de chambre vint annoncer que le dîner était servi et l’homme et la jeune fille se quittèrent.

Ce soir là, il lui sembla que la pénombre s’installait bien tôt dans le jardin. À mesure que l’obscurité les gagnait, en face d’eux, les formes douces du pic Myôjô et du Mont Taté se faisaient de plus en plus menaçantes. La mer d’Odawara s’étendait à leurs yeux entre les deux hauteurs. Ce qui parut tout d’abord être une étoile du soir, à la vague frontière qui séparait le ciel …

Que faire donc que ne font pas tous les autres dans cette vie qui ressemble tant à un néant et nous avertit cependant que nous mourrons dans la souffrance, la décrépitude, la vieillesse, l’horreur ? Une sale blague, disait Emingway.

Il est déjà assez ardu dans ce monde nébuleux de savoir pourquoi les gens existent ; alors, savoir pourquoi ils se comportent comme ils le font…

Quand tu es jeune, tu travailles parce que tu crois que tu as besoin d’argent, quand tu as vieilli, tu sais déjà que la seule chose dont tu aies besoin, c’est la mort, alors à quoi bon travailler ? D’ailleurs, « travailler », c’est toujours faire le travail d’un autre, on se coltine les caisses d’un type et on se demande : « Pourquoi est-ce qu’il ne se les coltine pas lui-même ? »

Bon Dieu ! Mais qui a demandé à venir au monde ? Que faire des passants à la triste figure ?

L’Éternité et le Jour-le-jour, c’est la même chose.

… l’on discutera à jamais du désespoir ?

… d’espoir à côté de son fils qui, lui non plus, n’a pas demandé à naître et qui réfléchit désespérément, qui prie désespérément dans un véhicule terrestre cahotant à travers la nuit de nulle part à nulle part et c’est encore pire à midi sous l’éclat bestial des routes du Gulf Coast. – Où est le rocher qui sera notre assise ? Quel absurde collège organisera un séminaire où …

De quoi est-ce que je parle ? Je parle du désespoir humain, de l’incroyable solitude de la naissance et de la mort ténébreuse et je pose la question : « En quoi cela prête-t-il à rire ? Comment peut-on faire le malin quand on est dans le hachoir à viande ? Qui nargue la misère ? » Il y a ma mère, un tas de chair qui n’a pas demandé à naître, elle dort d’un sommeil agité, peuplé de rêves …

« Pourquoi te caches-tu brusquement comme ça ? » Comment l’expliquer à Simon sans lui dire qu’ils m’embêtaient, eux comme tout le reste ? Allez donc dire ça à des gens avec lesquels vous avez vécu pendant des années, oh ! toutes les lacrimae rerum du tendre compagnonnage à travers les ténèbres d’un monde sans espoir ! Alors, vous ne dites rien.

Évite le Monde, il n’est que poussière et poids mort, il est au bout du compte dépourvu de signification. Mais que faire ? Et je me retrouvais là, en pleine mer, inexorablement poussé vers de nouvelles « aventures ».

Je commande du bourbon et du whisky. J’ai la vision de visages hagards, visages effroyables, sépulcraux, défilant l’un après l’autre dans le bar du monde, mon Dieu, c’est un train, un train sans fin qui roule sans fin vers le cimetière. Que faire ?

– Oui ! Je le dépense ! Et pourquoi pas ? L’argent est mensonge alors que la poésie est vérité. Est-ce que je peux payer mon ticket de bus avec de la vérité ? Est-ce que le chauffeur comprendrait ? Non ! Parce qu’il est comme toi, Duluoz, c’est un sale grippe-sou, le cochon, il a les fesses à zéro et de l’argent planqué dans ses chaussettes de prisunic. Tout ce qu’il veut c’est MOURIR !

… pins sinistres et les sinistres usines de Roanoke Rapids avec un désespoir définitif, le désespoir de celui à qui il ne reste plus d’autre issue que de quitter la terre à jamais.

… vous donne un sentiment de culpabilité. Un nouveau roman (Les Anges de la Désolation), un recueil de poèmes et les derniers chapitres d’un autre roman (à propos de Tristessa), mes toiles, sans parler de mon matériel, tout ce que je possédais au monde (sac de couchage, polo, sweaters, fruit de longues années de réflexion) : tout était envolé. Je me mis à pleurer. Levant les yeux je contemplai les …