Thomas Desforges > Recent Status Updates

Si tu remplis la tâche présente en obéissant à la droite raison, avec empressement, énergie, bienviellance et sans y mêler aucune affaire accessoire ; si tu veilles à ce que soit toujours conservé pur ton génie intérieur, comme s’il te fallait le restituer à l’instant ; si tu rattaches cette obligation au précepte de ne rien attendre et de ne rien éluder ; si tu te contentes, en ta tâche…

Pour toi donc, dis-je, choisis simplement et librement ce que tu vois de meilleur et persiste en ce choix. — Mais le meilleur, c’est l’utile. — S’il s’agit de l’utile se rapportant à toi comme à un être raisonnable, veille à sa garde ; mais s’il ne se rapporte qu’à ton être animal, déclare-le et, sans orgueil, maintiens ton jugement ; tâche seulement de mener cette enquête en toute sûreté

Il se souvient aussi que tous les êtres raisonnables sont parents et qu’aimer tous les hommes est conforme à la nature de l’homme, qu’il ne faut pas tenir compte de l’opinion de la foule, mais de ceux-là seuls qui vivent conformément à la nature. Quant à ceux qui vivent autrement, il se souvient constamment de ce qu’ils sont, chez eux et hors de chez eux, le jour durant comme durant la nuit, et…

Par là, la vie la plus longue revient à la vie la plus courte. Le temps présent, en effet, étant le même pour tous, le temps passé est donc aussi le même, et ce temps disparu apparaît ainsi infiniment réduit. On ne saurait perdre, en effet, ni le passé, ni l’avenir, car comment ôter à quelqu’un ce qu’il n’a pas ?

Qu’est-ce que mourir ? Si l’on envisage la mort en elle-même, et si, divisant sa notion, on en écarte les fantômes dont elle s’est revêtue, il ne restera plus autre chose à penser, sinon qu’elle est une action naturelle. Or celui qui redoute une action naturelle est un enfant. La mort pourtant n’est pas uniquement une action naturelle, mais c’est encore une œuvre utile à la nature.

Mais il faut enfin, dès maintenant, que tu sentes de quel monde tu fais partie, et de quel être, régisseur du monde, tu es une émanation, et qu’un temps limité te circonscrit. Si tu n’en profites pas pour accéder à la sérénité, ce moment passera ; tu passeras aussi, et jamais plus il ne reviendra.

… lumière dans la chaudière d’une locomotive. Jacky, tu vas mourir sans t’être retrouvé, perdu à toi-même, et tu oublieras – et tu sombreras, et moi aussi. À quoi bon tout ça alors ?

« Le brouillard tombera sur toi, Jacky, tu attendras dans les champs. Tu me laisseras mourir, tu ne viendras pas me sauver, je ne saurai même pas où est ta tombe, ni où était ta maison, ni ce qu’était ta vie, je ne me souviendrai même plus de comment tu étais et tu mourras sans savoir ce qu’est devenu mon visage, mon amour, ma jeunesse. Tu te brûleras comme un papillon de nuit qui cherche la …

… de la vallée aux lèvres pourpres de Merrimack Square et du Maine, tout se déversait dans ce grand trou mégaphonique du monde pour disparaître, je le savais, comme une bille de marbre qui vient de l’éternité et qui roule sur une piste débouchant sur les ténèbres, vers les ondes de choc des cellules télépathiques propulsées vers l’infini.

Par superstition, nous passâmes la première nuit à Brooklyn chez ma grand-mère, je restai éveille pendant des heures à écouter les craquements des fantômes de New York qui se baladaient dans la maison, j’entendais les petits bruits des rues de Brooklyn, comme ceux que faisaient ces amoureux en goguette qui se pouffaient de rire dans le cou sous la lune vagabonde, c’était un Lowell bien différent et, …

Le marcheur solitaire avance dans le vide de l’univers.

À l’intérieur d’une immense caverne, la vie est douce.

Les petits paradis prennent leur temps. Les petites fêtes ont une fin.

Ils peuvent nous voir, Maggie et moi, à travers les fenêtres embuées et le rideau de neige, l’un à côté de l’autre sous un porche comme des gens qui attendent et qui se transforment soudain en amoureux fougueux pour redevenir peu après des gens qui attendent un taxi en piétinant sur place.

… à râler contre la circulation qui défile sur le parebrise de l’écran télévisé de notre temps ? Car nous bondissons par-dessus les congères sur les trottoirs secs et dégagés du centre-ville pour nous précipiter dans les portes à tambour des débits de limonade bondés à minuit.

… ils prenaient l’autobus et allaient au spectacle à pied lorsque tout n’était pas emprisonné derrière les étranges murs de taule aux regards angoissés qui donnent sur les trottoirs déserts de l’Amérique d’aujourd’hui. Est-ce qu’on aurait pu rire, sauter, et s’amuser autant, papa, Pauline et moi, si nous avions été tous les trois lugubrement entassés sur le siège avant d’une voiture, …

… massifs, vivants, sans leur accorder un regard. Nous nous joignons au flot des passants qui descendent vers la ville – en direction de Lobster Cot, Merrimack Street, le Strand –, le centre de la ville, dense, presque tumultueux, est embrasé des lumières du samedi soir ; à ce moment-là, il y a seulement quinze ans, chacun n’avait pas sa voiture et les gens marchaient pour aller faire leurs courses, …

Et nous voilà partis dans la nuit scintillante et glacée, les lames acérées des étoiles claires tombent sur les maisons de briques rouges recouvertes de neige – les grands arbres vigoureux aux serres profondément enfouies sous les trottoirs pointent leurs branches argentées vers le ciel, si loin qu’elles se perdent dans les hauteurs, les gens passent sous les réverbéres à côté de leurs troncs …

… cratère insondable et obscur de l’espace vide.
Auxquelles néanmoins, pendant ce long trajet, j’offre toutes mes chansons, mes paroles et mes soupirs, comme si elles pouvaient m’entendre, savoir, s’en soucier.

Je rentre chez moi dans la solitude de la nuit de Lowell – cinq kilomètres, pas d’autobus –, la terre sombre, la route, le cimetière, les rues, caniveaux, cours d’usines. Les millions d’étoiles hivernales – immensité au-dessus de moi – comme autant de perle de glace, soleil de glace amassé en un riche univers harmonieux, pluie de lumière, palpitant, palpitant comme de grands cœurs dans le …

Je prends le bus – j’ai évité le regard de mon père au dernier moment en me disant : « Mais je le verrai demain, bon Dieu ! » Pendant tout le trajet je me sens coupable, déprimé, je fixe le sol, encore cet aiguillon dégueulasse qui me laboure l’âme et me gâche les plaisirs – pourtant rares – de la vie – si belle et si courte.

…les enfants s’aiment comme des amants, nous ignorons leurs petits drames dans le courant de notre vie d’adulte.

Un garçon et une fille, enlacé, Maggie et Jack, dans la triste salle du bal de la vie, découragés d’avance, les coins de la bouche lâchant prise, les épaules qui commencent à s’affaisser, le regard inquiet, déjà prévenus – l’amour est amer, la mort est douce.

… dans la mélasse argentée des voies lactées de janvier, voiles de givre dans le silence, elles clignotent, immenses, palpitant au rythme lent du temps et du sang universel.

Il vivait avec sa mère, son père et sa sœur ; avait sa chambre à lui dont les fenêtres du quatrième étage donnaient sur des océans de toits et sur les vagues scintillantes des nuits d’hiver lorsque ondulent sourdement les lumières des maisons sous la blancheur vive et resplendissant des étoiles – ces étoiles qui, dans le Nord, lorsque les nuits sont claires, pleurent des larmes gelées par millions,…

— Ça t’arrivera quand ta tête basculera au-dessus de ton nez : tu tomberas, c’est ce qu’on appelle la mort. Tu éprouveras des colères angulaires et des chambardements solitaires parmi la Bête du Jour, dans des circonstance brûlantes et aveuglantes rendues grinçantes par l’heure de l’horloge — connus sous le nom de Civilisation. Tu rouleras tes pieds ensemble dans la griserie…