Diglee's Blog, page 2
March 7, 2021
Les jolies choses
Pour mes trente trois ans, Alex m’a emmenée passer trois nuits dans le Vercors. Randonnée, raclette, feu de bois, lecture… Toujours dans cette recherche de calme et de ralentissement, donc.
L’émerveillement par les choses simples!
On a marché le long de la rivière, traversé la brume, bu du vin au coin du feu… et j’ai lu un très très joli roman, qui se passait lui aussi dans les montagnes et les pâturages, un roman plein de grâce, de silence et de poésie (merci à Salomé de la librairie du Tramway à Lyon pour cette belle reco!):
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Et le dernier jour, j’ai entendu une petite dame dire ceci à un enfant:
Voilà. Je voulais partager ici ces quelques instant de beauté gratuits, précieux, fugaces.
Bon week end à vous,
Maureen
February 13, 2021
La carte
L’autre jour j’ai commandé un livre sur Amazon.
Oui, jetez moi la pierre, j’ai péché, et je vais être transparente avec vous parce qu’en un sens, c’est ce qui rend l’histoire encore plus folle.
Je cherchais le roman Les débutants d’Anne Serre, une écrivaine dont je dévore tous les livres avec la même frénésie depuis quelques semaines.
Après avoir écumé Decitre et quelques librairies alentours sans succès, j’avais finalement trouvé un exemplaire d’occasion chez un revendeur particulier, par le truchement de Lucifer-Amazon. Je ne sais pas pourquoi cette urgence soudaine, ce besoin impérieux de lire ce livre-là, mais c’était presque viscéral.
Le colis est arrivé vite, dans une belle enveloppe en craft scellée de deux timbres de collection. Je n’ai même pas songé que ça puisse être mon livre, tellement c’était un envoi soigné et personnel.
Et puis, dans le livre, une carte, glissée entre les pages.
Une carte postale de Mexico, datant probablement des années 70 ou 80 (c’est celle du début de mon article).
Et sur cette carte, un mot qui m’a désarçonnée.
Il disait ceci:
MERCI MAUREEN
d’avoir offert une deuxième vie à ce livre
Je vous souhaite une belle vie pleine d’amour
de joie de sérénité exempte
d’angoisse et de manipulation
V.
Je suis restée interdite quelques minutes.
N’ayant pas lu le livre, j’ai pensé « peut être qu’il est question d’angoisse et de manipulation dedans, et qu’elle y fait référence », mais objectivement, non, enfin, je ne crois pas. Et si l’histoire d’Anne Serre m’a parlé à plein d’égards, parfois même de manière troublante, le contenu n’avait rien à voir de près ou de loin avec la manipulation.
Qu’est ce qui avait bien pu motiver cette inconnue à me présenter ses voeux de la sorte? Sans raison, comme ça, simplement de femme à femme? Le timbre de collection à l’effigie de Germaine Taillefer, le fait de citer mon prénom… Je me suis sentie étrangement protégée.
Puis, j’ai tapé dans Google le site Mexicain qui apparaît sur la carte.
Il s’agit d’un temple zapotèque, issu, je cite, d’une civilisation amérindienne précolombienne à structure…
matriarcale.
La messe était dite.
Scintillement sororal imprévu, incongru, qui a éclairé mon début d’année.
(Moralité: j’ai péché, mais l’univers semble m’avoir pardonnée)
February 11, 2021
Écriture automatique
Ces derniers jours j’essaie quelque chose.
Lorsque je me lève, avant toute chose, j’écris mes rêves.
L’exercice est ludique puisque, plus je les écris, plus je rêve, et parfois il se passe de longues minutes avant que j’émerge de ce silence pétri d’images incongrues. Mon thé Pleine Lune versé chaud dans une tasse blanche, j’écris d’abord, avant les réseaux, avant les mots, avant la vie du dehors. Parfois des bribes me reviennent face au papier, et parfois les quelques pas que je fais de mon lit à ma table suffisent à engloutir à jamais le souvenir. Si c’est le cas malgré tout j’attends, et si rien ne revient, alors je ferme le carnet doré.
Mais depuis deux jours, (oui, c’est extrêmement tôt pour en parler, mais je m’y risque), j’essaie autre chose. Une autre forme d’introspection.
J’ouvre une page blanche d’ordinateur, et j’écris. J’écris exactement comme je n’écris jamais, à savoir sans penser: je laisse s’épandre les mots que je porte, que je garde, ceux qui suppurent et demandent à sortir. Ça donne d’étranges contes, comme une langue inconnue, parfois même j’emploie un mot qui m’est étranger et qui pourtant, est juste. Comme ce matin par exemple, où j’employais le mot « ourdir » sans en connaître vraiment le sens.
Le matin il sort de moi une matière faite des mots lus dans les livres des autres et porteuse d’un message obscur. Ça ne dure pas longtemps, à peine quelques lignes, parce qu’écrire, doucement me réveille. Mais la personne enfermée en moi possède son propre langage, et c’est fascinant à observer.
Je suis très étrangère aux lignes que je relis ensuite, et j’essaie de ne presque pas les retoucher, parce qu’elles me racontent quelque chose de secret.
C’est drôle, l’écriture.
Parfois les mots engendrent les mots, et l’on s’approche de quelque chose qui aussitôt nous échappe. J’aime ce jeu, et j’ai bien envie de continuer pour comprendre qui parle.
Et vous? Avez vous déjà pratiqué l’écriture automatique au réveil ?
February 3, 2021
January 3, 2021
Bye Bye 2020
Voilà, ça y est: c’est arrivé.
L’année maudite est enfin terminée, et elle aura laissé une empreinte bien spécifique.
Année malade, année silence
Année sans baisers, pleine de gestes barrières
Mais aussi… année terreau
année blanche
année patience.
Cette année, au fond, j’ose dire…qu’elle m’a fait du bien.
En partie.
Du haut de mon privilège, celui d’être en bonne santé, de vivre dans un appartement que j’aime et de n’avoir perdu personne de ce drame, j’ose dire que l’immobilité forcée de cette pandémie m’a en quelque sorte rebâtie.
Je couvais tant de dissonances l’année dernière, tant de choses dans ma vie cherchaient désespérément une place. Il y avait des absents qui manquaient à crever, il y a eu drames familiaux, un accident, et des joues brûlées par l’incertitude.
Alors, juste avant que le monde ne parte en vrille, c’est moi qui suis partie.
Tout lâcher
Début 2020, j’ai décidé de faire un break avec ma vie, avec mon quotidien: la compta, les boulots en retard, les soucis d’argent, le ménage, les machines à lancer chaque semaine, le noir, puis le blanc, puis oh allez, cette culotte là elle peut bien aller avec le blanc, je mettrai un decolor stop, tous ces matins englués dans l’envie de rien: je leur ai dis tchao.
J’ai mis tout ça dans un coin de ma tête, j’ai arpenté internet en quête d’un endroit où hiverner le temps de la suture, et je suis partie. À l’autre bout de la france dans une abbaye Bretonne, seule.
Quand je suis revenue de ces cinq jours hors du monde, à marcher le long du sentier des douaniers et ramasser du mimosa, j’étais un peu comme un vieux mac n’ayant jamais connu de mise à jour et qu’on aurait soudain rebooté.
J‘avais un nouveau processeur tout neuf, de nouveaux outils, ça ne moulinait plus pendant des heures avant d’accomplir une simple tâche.
Transformée
Je suis revenue de ce séjour mi-février 2020, juste à temps pour enchaîner avec le confinement. (Reboot d’un autre genre, celui-là aussi. )
Dans la foulée et face à la crise, on a décidé de vivre ensemble avec mon mec, au moins le temps du confinement, chose insensée que seule une pandémie mondiale pouvait bien rendre possible.
J’ai découvert pour la première fois l’espace « conjugal »: mon appartement n’était plus « mon » appartement, et je devais un peu lutter les premiers jours pour me sentir autorisée à poursuivre mes journées devant témoin. J’ai aussi découvert le sombre et vil enfer de la « charge mentale ». Il était temps!
Mais après la mise en place de quelques plannings de répartition des tâches ménagères et autres menaces de punition-pour-bol-de-céréales-non-lavé-le-matin, la vie est redevenue douce.
Ma chance c’était que, avec mon nouveau processeur tout neuf, j’avais moins besoin de distractions. J’étais beaucoup plus à l’aise avec le vide. Le rien. L’immobilité.
Mes immenses plaisirs étaient faits de petits rien: mes deux félins contre moi pendant un film, un bon livre, un bain chaud, un repas en tête à tête avec mon amoureux…
Enfin, c’était le cas pendant des mois, et je veux que ça dure.
Je lutte, car les mauvaise habitudes reviennent vite (coucou les réseaux sociaux créés pour nous rendre addicts et dépressifs!) (rappelons que Bill Gates et Steve Jobs ont élevés leurs enfants loin de la technologie… just saying!)
Je souhaite à tout le monde de pouvoir un jour s’extraire de sa vie. Pas nécessairement dans une abbaye évidemment, pas nécessairement pendant une semaine entière, mais déserter, parfois, ça a du bon. Lâcher. Dire: débrouillez vous sans moi.
De loin, tout est plus clair. Le départ solitaire, c’est comme un zoom vers l’arrière: on voit enfin la big picture.
Puis, le basculement
Et alors que tout allait bien, soudain… le virage.
J’ai acheté… mes premiers équipements de randonnée.
MOI.
Moi qui ai toujours détesté le sport, moi qui pleure en balade quand ça dépasse une heure et que je réalise qu’on n’a pas emporté de goûter, moi qui conspue l’effort physique et considère comme un crime contre la mode l’ensemble des gammes de fringues sportswear.
Eh bien, laissez moi vous dire qu’en 2020, Le vieux Campeur et Décathlon n’ont plus eu de secrets pour moi.
J’ai acquis mes première chaussures de marche, d’un vert turquoise infâme et qui se ferment avec un élastique, un sac à dos 30L avec armature pour le dos et filet résille anti-transpirant, et j’ai même cédé aux chaussettes à 20 balles en laine ultra respirantes, qui tiennent chaud en hiver et froid en été.
Si j’ai parfaitement assumé ma transition vers le no make up et mes poils sous les bras, ce cap là, il m’a fait mal. Très mal.
Qui suis-je donc devenue?
Certains accuseront la vieillesse, moi je mets tout sur le dos de 2020.
Et de mon mec, ce dingue de rando et d’escalade. Il m’aura eue à l’usure, le diable, et le pire c’est que je suis heureuse.
2020, l’année du rien à foutre
Je n’ai même plus honte, à vrai dire.
Pour nos cinq on est allés écouter le brâme du cerf en ponchos et short de sport dans la forêt de Tronçais, et pour l’anniversaire de son père on grimpait les côtes des monts d’or Lyonnais à vélo (même pas électrique). En 2020 j’ai téléchargé l’appli « Visorando » sur mon téléphone. De moi-même!
Quelque chose dans ce tsunami d’angoisses, d’évitement et de retrait, m’a finalement permis de lâcher.
Plaisirs simples. Raccourcis.
Ce que j’aime? Lire. Écrire. Dessiner.
Marcher en forêt, pour ensuite, l’écrire, le dessiner. Boucles d’inspiration et de création.
Basta.
Pas besoin de rester trois heures chaque jour à scroller sur les réseaux, pas besoin de changer toute ma garde robe à chaque saison (même si cet automne j’ai craqué pour un gilet lilas d’une marque de fast fashion, oups), pas besoin non plus de meubler ma vie de projets insensés toutes les cinq minutes ou de passer mes soirées entières sur Netflix (ou PIRE: à scroller des heures sur Netflix en quête de quoi regarder).
Pas besoin de sortir à tout prix pour valider mon week end, pas besoin de voir sans cesse du monde pour me sentir aimée.
Notre nouvel an, on l’a passé à deux: repas à 19h30, faux feu de cheminée sur Youtube et playlist 90’s, Friends le chéri roupillant sur mes genoux et sapin clignotant en toile de fond, un bisou à minuit, et hop, au lit.
Eh ben, je vous explique pas la pression en moins. Pas obligée de faire la fête. De choisir quel groupe d’amis « mérite » ma noble présence. Sans 2020, pas sûre que j’aurais osé m’en foutre autant.
Conclusion
2020, ça a été l’année de l’angoisse et du repli, mais… elle m’a plutôt fait du bien.
Evidemment, faudrait pas que ça dure 110 ans, mais là, comme ça, sur douze moi, je n’ai pas trouvé ça inintéressant. J’ai la chance d’avoir un métier qui me permet de continuer à travailler: je n’ai jamais été si heureuse de faire ce que je fais.
Et je n’ai jamais eu autant envie de m’en tenir à ce qui m’inspire et me motive. J’ai beaucoup moins travaillé, cette année, moins gagné d’argent aussi, mais je ne suis allée que vers des projets inspirants.
Un deuxième livre avec Ovidie, un livre sur l’astrologie avec Marie Sélène, une campagne de lutte contre les violences faites aux femmes avec le CIDFF, mon projet de recueil de poétesses qui sortira chez la Ville Brûle cet automne, et beaucoup, beaucoup d’écriture, aussi.
Ça je vous en reparlerai bien vite.
Voilà.
J’avais besoin d’écrire cette transition, de laisser ici une trace de cette métamorphose, amorcée bien avant la crise.
M’est avis que le retour en arrière est impossible, maintenant.
Amour et tendresse pour vous toutes et tous qui êtes resté.e.s là, malgré ma désertion.
Je vous aime, et j’espère que vous avez pu vous aussi, trouver un peu de légèreté dans tout ce chaos. J’espère que vos proches vont bien, que vous trouvez la force d’affronter ces temps difficiles.
On a le droit de partager du positif, de dire « moi ça va », comme on a le droit de dire « au secours, c’est le désespoir ».
Dans un cas comme dans l’autre, je vous envoie des torrents d’amour, de lumière, et de soutien.
Belle année à tou.te.s,
Diglee
August 20, 2020
Nouveau bébé!
Il est lààààà!
Il est beau, il est fluo, et c’est notre nouvelle collaboration avec Ovidie chez Marabulles!
Lorsque cette dernière m’a contactée pour m’annoncer qu’elle avait rédigé un nouveau texte, et qu’elle souhaitait à nouveau que je l’illustre, (dans la continuité de notre ouvrage « Libres! » sorti en 2017), j’ai tressailli: j’étais déjà engagée par monts et par vaux, j’avais peur de manquer de temps, alors j’ai paniqué. J’ai d’abord dit non, bêtement, lâchement, dévorée de regrets à l’idée de rater l’occasion de travailler de nouveau avec une acolyte si passionnante. Puis, le projet a évolué, notre éditrice est revenue vers moi, j’ai dit que je voulais bien mais que je ne voulais plus faire de planches de bande dessinée, alors on a imaginé un format illustré plus proche de ce dont j’avais envie…
Et aujourd’hui le voilà.
Je peux ENFIN vous révéler ce sur quoi j’ai travaillé pendant le confinement. Joie!
D’autant que je suis très fière de cette collaboration, du contenu de ce livre.
Résumé éditeur:
À l’heure de la libération de la parole, Ovidie choisit la forme épistolaire pour s’adresser aux hommes
et revenir sur des situations anormales vécues par presque toutes les femmes. Que leur dirait-on aujourd’hui ? Oserions-nous évoquer des comportements douteux à un moment de la relation ?
Quel est l’état des lieux de nos fantasmes ? Tout reste à reconstruire entre les sexes. De ce champ de ruines renaîtra peut-être une sexualité plus apaisée et plus joyeuse.
Le livre est composé d’une quinzaine de chapitres rédigés sous forme de lettres, toutes inspirées de faits réels vécus par Ovidie elle-même ou certaines de ses connaissances.
Ces lettres sont toutes adressées à d’anciens amants, avec qui le rapport sexuel s’est mal déroulé, chaque fois pour des raisons que l’on peut qualifier de systémiques et non personnelles.
L’ouvrage interroge en effet les schémas toxiques et sexistes répétés, hérités d’une norme hétérosexuelle bien trop souvent centrée sur le plaisir masculin.
Le livre questionne les raisons qui poussent d’une part, certains hommes à agir de la sorte, et d’autre part, certaines femmes à ne pas identifier la violence subie.
Le ton d’Ovidie (savoureux!) est le même que dans « Libres! », une plume frontale, drôle, coup de poing.
À chaque lettre et pour chaque thématique, le livre propose nombre de références à creuser, de portes à enfoncer pour penser ensemble une autre sexualité.
Comment retrouver de la légèreté après tant de luttes, tant de news dévastatrices, d’actualité sordide, de poids patriarcal sur les épaules…
Une belle réflexion qui, je crois, fera un bien fou à celles et ceux qui croient encore que le sexe hétéro, s’il est souhaité, peut être un lieu apaisé. (ce qui, pour ma part, était loin d’être une évidence, après plus de cinq ans à militer)
Sur ce, je vous laisse avec quelques images que je me suis régalée à faire.
(toute ressemblance avec des personnes ou des chats existant.e.s serait fortuite)
Le livre est disponible partout en librairies depuis le 19 août, et j’espère vraiment qu’il vous plaira!
Merci de m’avoir lue!
Et belle fin d’été,
Xxxx
Diglee
August 12, 2020
Échappée
2020…
Quelle étrange année.
La menace invisible latente, tous ces temps suspendus, ce printemps qui a fleuri sans nous, ce monde qui semble foutre le camp, toutes ces étrangetés nouvelles avec lesquelles il faudra apprendre à vivre (ou qu’on oubliera aussitôt, parce que l’humain et sa putain de résilience amnésique…)
Déjà, quand elle a commencé cette année, je râlais. Je râlais parce que j’ai mauvais caractère je trouvais ça laid, « 2020 ». Laid à écrire, avec cette espèce de symétrie en miroir, ces deux vingt collés l’un à l’autre qui ne ressemblent pas à une date mais plutôt à une coquille.
Pourtant, depuis huit mois, je vis une profonde mutation.
2020 agit étrangement sur moi, elle devient le lieu d’une étonnante métamorphose.
Cette métamorphose passe par un ralentissement considérable (moins de sollicitations, de vie citadine, d’écrans), du temps consacré entièrement à la création, et une hygiène de vie nouvelle. Je questionne sans arrêt mes choix, notamment celui de vivre en ville. Le package inclut évidemment beaucoup d’angoisses, écologiques, humaines, politiques. Y’a comme un goût amer en nous, comme disait l’autre.
Alors… il a fallu que je disparaisse.
Des réseaux, j’entends.
Moi qui étais si présente sur Instagram, à grand renfort de posts dessinés, littéraires, féministes, félins ou ukulélesques, je suis aujourd’hui muette, ou presque (j’ai continué de poster quelques dessins et infos sur ma page, mais plus rien en story ni en DM), et ce depuis février. Il est fort probable d’ailleurs qu’à l’heure où j’écris ces lignes, l’algorithme d’instagram m’a déjà enterrée vivante, et que la plupart d’entre vous n’accèdent jamais à ce billet
Qu’importe.
Pourquoi donc avoir disparu?
Au départ, il s’agissait simplement d’une “pause”. D’un break. En février dernier, pour mes trente deux ans, je me suis offert une retraite dans une abbaye bretonne, seule. Loin de la foule, du bruit, du monde, perchée sur ma falaise de Saint Gildas de Rhuys face à la mer, j’ai appris à vivre… autrement?
En tout cas, à vivre au ralenti (ce qui m’a été bien utile lors du confinement).
À l’époque, j’étais guidée par un vague souhait de bobo à la mode: je voulais “expérimenter le silence”, “le vide”. Me « reconnecter à moi-même ». (je m’étais même mise à la méditation comme toute bonne trentenaire privilégiée 2.0)
Mais je ne pensais pas que quelque chose de définitif allait bouger, en moi.
Entre les murs de ce couvent, j’ai fait peau neuve, et j’ai vécu l’une des semaines introspectives les plus émancipatrices et salvatrices de ma vie.
Je suis revenue… changée.
Déployée.
Et Instagram, depuis, me fait horreur.
Le concept, l’urgence à poster, la dictature des likes, mais surtout, SURTOUT: …..
le temps volé.
Je passais en moyenne 3h40, rien que sur intagram, par JOUR.
Soit 28 heures, ou plus d’une journée par semaine,
Soit un peu plus de 4 jours entiers par mois.
Soit presque 50 jours par an, quasiment DEUX mois pleins, entièrement dédiés à Instagram chaque année.
Un temps précieux pendant lequel… je ne créais pas.
Tout ce temps passé à créer du contenu virtuel, des stories, des live, des chroniques de livres, à répondre aux messages reçus chaque jour par centaines, aux commentaires, à gérer des éventuels débordements (+ les heures à scroller à l’infini dans mon lit au lieu de faire quelque chose de productif…) … je ne l’ai pas passé à faire ce que j’aime: dessiner et écrire.
Aujourd’hui en plus, avec une telle actualité, un monde si abîmé et si menaçant, tout cela me paraît vain.
Ça me coûte, ça me suffoque.
Il me semble que la vraie vie est ailleurs.
Attention je suis heureuse que certain.e.s parviennent à tenir le cap, hein. Mais moi, pour l’instant, je n’y crois plus.
Bien sûr ça n’a pas été simple.
Tout est fait pour qu’instagram soit agréable, facile, et surtout paraisse vital: le fait est qu’il m’apportait du travail, des rencontres, que grâce à ce support j’ai pu faire d’immenses découvertes humaines comme professionnelles… j’étais persuadée que ces heures passées sur l’appli étaient nécessaires, prolifiques.
Je suivais des comptes artistiques qui, je le croyais, m’inspiraient, des comptes engagés qui participaient à ma déconstruction féministe, et surtout, je me sentais le devoir d’aider moi aussi, de relayer, de transmettre, d’informer.
Mais bon sang personne n’a besoin d’autant de stimulations!!
Personne n’a besoin d’autant d’informations vomies par heure, par minute, c’est trop, bien trop pour rester sain d’esprit.
Ce que j’ai fait pendant des années sur mon blog, à savoir créer du contenu gratuit et divertissant, militant ou culturel, je l’ai fait ensuite sur Instagram.
Or, le piège c’est qu’Instagram n’est pas un blog.
Ce n’est pas un endroit qui m’appartient, que je paie et que je maîtrise: Instagram appartient à Facebook. Et Facebook est une entreprise privée. Ce n’est pas un endroit neutre, comme un blog, une page blanche sur laquelle tout est possible. C’est un lieu régi par des règles.
Ce qui est normal, comme tout lieu privé d’ailleurs, sauf qu’en l’occurence, Instagram est gouverné par une censure de plus en plus puritaine, qui m’a déjà invisibilisée plusieurs fois, supprimant mes parutions et empêchant l’accès à mon travail.
Le plus souvent pour une ridicule histoire de tétons.
(Ce qui est assez ironique sachant qu’une image pornographique dont les parties intimes sont masquées reste, mais une illustration non sexualisée dont les seins ne sont pas floutés, elle, disparaît.)
On peut trouver ça injuste, cruel, stupide, mais on est peu légitimes d’exiger quoique ce soit de toute façon: car sur Instagram, nous ne sommes pas chez nous.
Et ça me fatigue, de tenter d’entrer dans un cadre qui ne me ressemble pas et qui prône des valeurs qui ne sont pas les miennes.
J’ai besoin d’art, j’ai besoin d’écrire, j’ai besoin de dessiner.
Mais avant tout, j’ai besoin de ma liberté.
Pendant cette retraite, j’ai constaté que j’étais, comme beaucoup de gens, tout simplement droguée à Instagram. Pas métaphoriquement: littéralement droguée.
Droguée à l’écran, à la sollicitation constante, à la création de contenu.
Il m’a fallu une désintoxication sévère! J’ai ressenti physiquement le manque, l’angoisse, la privation, l’anxiété liée à l’arrêt du réseau pendant environ une semaine.
Et, exactement comme une alcoolique qui s’interdit de reprendre ne serait ce qu’un tout petit verre, je me suis interdit d’y passer plus de 15 min par jour, en attendant de voir comment je me sentais au terme de cette privation.
Six mois plus tard, je suis toujours aussi écoeurée par l’application.
Qu’ai-je gagné de cette abstinence forcée?
Eh bien… je me suis transformée.
Après ma retraite, j’ai retrouvé un cycle de sommeil stable et réparateur, j’ai calmé certaines angoisses (y’avait du boulot, entre cette pandémie mondiale, les feux partout, les présidents tarés…), et j’ai ré-appris à m’ennuyer, à ne rien prévoir, à vivre lentement et à passer du temps simple avec ceux que j’aime.
(J’ai même acheté mes premières chaussures de randonnée, c’est vous dire le virage drastique qu’a pris ma vie)
Et tout ce temps que je n’ai pas passé à errer sur les stories instagram, eh bien, je l’ai passé entre autres à…
écrire un livre.
À mon retour de retraite, mi février, j’étais profondément bouleversée.
J’ai jeté sur papier tout ce que j’avais expérimenté là-bas, et tout ce que je vivais à ce moment là dans ma vie qui m’avait conduite vers ce choix si drastique de solitude.
C’est un texte très intime qui compte énormément pour moi, une ode à l’errance, à la nature, à la contemplation et aux souvenirs.
Pendant le confinement je l’ai peaufiné, retravaillé, puis progressivement je l’ai fait lire. J’ai trouvé l’aide précieuse d’une agente littéraire, qui l’a envoyé à plusieurs maisons d’éditions. J’ai reçu quelques refus bien sûr, dont certains encourageants, mais aussi, miracle, des réponses favorables.
À la rentrée, je devrais (si le virus le permet…) aller rencontrer les éditrices qui ont apprécié mon texte, pour discuter avec elles de sa forme un peu atypique, hybride comme d’habitude, car je ne fais jamais rien qui entre tout à fait dans les cases. (#verseau)
Rien n’est encore fait bien sûr, mais j’ai amorcé quelque chose de nouveau, j’ai fait un pas vers ce que j’aime plus que tout: l’écriture.
Un pas vers vous aussi, qui me suivez depuis si longtemps. Un pas plus intime, plus vrai, sans la mascarade insta/influenceuse. À l’ancienne, une confession brute, sans masques, que j’espère pouvoir partager bientôt.
Du temps, du vide, de l’espace mental, voilà ce dont j’avais besoin pour accoucher de ce projet.
Peut être que ce texte ne verra jamais le jour, peut être qu’il n’aura été qu’une amorce, un départ vers autre chose. Je n’en sais rien!
Mais ça m’a fait un bien fou d’écrire, de terminer quelque chose de si personnel.
Pour le moment je refuse toujours de me plier à l’injonction du bon gros roi Instagram, par choix militant mais aussi tout simplement parce que ça me BOUSILLE.
Je ne suis qu’une pauvre junkie en désintox’, mais par chance, internet m’offre d’autres voies d’expression, m’évitant d’avoir à disparaître pour de bon.
Peut être que je réussirai à y revenir plus apaisée dans quelques mois (au moins pour un petite reprise au ukulele et quelques actus, comme notre prochain livre avec Ovidie prévu à la rentrée!), ou peut être que je viendrai écrire ici un peu plus souvent.
Ou les deux.
WHO KNOWS?
L’idée c’est de réussir à me sauvegarder du temps.
En tout cas d’ici là, ne vous en faites pas… je vous tiendrai au courant sur Insta!
Des bisous
Diglee
March 21, 2020
Indécence?
Pendant toute cette première semaine officielle de confinement national, j’ai vu fleurir un peu partout des cris d’indignation contre les “chroniques de confinement” d’écrivain.e.s publiées sur quelques médias.
“Déplacées”, “Indécentes”, “Amorales”, ai-je lu.
Certains s’indignent de ce que certains écrivains et écrivaines osent donner leur vision bourgeoise du confinement pendant que le reste de la société lui, souffre.
Ce discours m’atterre.
Car oui, surprise, les écrivain.e.s écrivent.
C’est leur rôle, leur mission, leur passion, leur seul moyen de survivre. C’est aussi leur métier.
Evidemment qu’en de telles circonstances, uniques, terribles, dramatiquement romanesques et historiques, les écrivain.e.s produisent. S’en étonner et s’en indigner me semble d’une naïveté effarante.
Et finalement, quoi qu’ils écrivent ils auront toujours tort: s’ils souffrent, on leur hurlera que d’autres souffrent bien plus (or nous sommes TOUS le privilégié d’un autre), et s’ils tentent de nous communiquer un peu de leur sérénité, ils seront alors accusé d’indécence.
On interdit donc, somme toute, aux écrivain.e.s de donner leur avis.
Ensuite pour ce qui est de la notion de privilège, de cette “décence” invoquée par tant de gens sur leurs comptes twitter, je trouve l’argument bien ironique.
Le confinement, en France, pays développé et riche, consiste à rester chez soi dans des appartements qui, pour la plupart (en tout cas chez tous celles et ceux qui râlent sur les réseaux) disposent d’internet, d’eau courante, d’électricité, de plateformes de divertissement foisonnantes, de téléphones portables et d’ordinateurs, de lits, de draps, de vêtements…
Nous avons accès à l’hygiène, au confort, à la nourriture, ET au divertissement.
Où se situe l’indécence, au juste?
Le privilège n’est pas l’apanage des écrivains.
Nous qui mangeons à notre faim, pouvons nous laver, joindre nos proches grâce aux applications et réseaux, et décider chaque jour de quelle série ou quel film regarder pour combler l’ennui, nous qui sommes là sur instagram et twitter à répandre notre fiel, sommes-nous donc si légitimes à pointer l’indécence des autres?
Il suffit de penser à n’importe quel autre endroit du monde où survivre est une priorité viscérale pour se rendre compte de l’arrogance d’une telle réclamation.
Le Français, enfant gâté et capricieux, refuse simplement que certains de ses compatriotes adoptent un autre regard que le sien, souffrent moins et en soient reconnaissants.
“Je souffre, alors tu dois souffrir”… c’est ça la France?
(Ah non pardon, la France c’est ce pays faux-cul qui couronne allègrement un pédophile en fuite, j’avais oublié!)
Bref:
Indignons nous, s’il en faut, de voir les marchés et les rues encore grouillantes d’individus inconscients qui discutent et se baladent enfants à la main, comme aujourd’hui au marché de la croix rousse à Lyon. Indignons nous de constater qu’il n’existe pas de conscience responsable en temps de crise, et que les français préfèrent encore faire passer leur plaisir individuel devant la santé de tout le pays.
Mais pitié, cessons de taper sur celles et ceux qui tentent à leur manière, et avec leurs outils, d’apporter un peu de légèreté.
Moi je vais vous dire: non seulement les écrivain.e.s en rédigeant une chronique littérairo-poétique ne mettent personne en danger, mais en plus je suis heureuse qu’ils-elles le fassent.
Je suis heureuse que les mots ou la musique de certain.e.s puissent nous apporter un peu de lumière dans cette période figée et anxiogène.
La parole du “vrai peuple” est partout: nous disposons TOUS d’une tribune où crier notre rage, tout le monde aujourd’hui possède un compte facebook, instagram ou twitter où venir crier sa souffrance. Il n’y a pas de censure, personne n’empêche quiconque veut hurler de le faire.
J’écoute chaque soir la psychologue Caroline Dublanche sur RTL soutenir les gens qui souffrent d’angoisse et de solitude, celleux qui ne peuvent plus voir leurs parents âgés et affaiblis confinés dans les EHPAD, celles dont le conjoint est violent ou celleux qui, faisant partie du personnel soignant, luttent dans le brouillard pour tenter de survivre à l’épuisement et à la peur de mourir.
L’émission Les Pieds sur Terre sur France culture a consacré l’un de ses épisodes à deux soignants révoltés et la chaîne Arte regorge de capsules concernant le virus, cette parole de souffrance et de douleur est là, partout, légitime, solide, inattaquable et imperturbable.
L’expression de cette angoisse est saine, utile, et personne, jamais, n’a menacé de nous la supprimer.
Nous devons pouvoir dire notre souffrance, nous devons pouvoir nous unir, nous entendre, nous soutenir les un.e.s les autres.
Mais il faudrait par ailleurs que personne, jamais, n’ose venir apporter un peu de souffle à cette angoisse collective?
Que personne, jamais, ne tente de transmettre un peu de lumière?
On ne nous servira donc pendant les mois à venir que du noir, du gouffre, de l’asphyxie et de l’ennui?
Triste tableau.
Moi je remercie du fond du coeur Leila Slimani de tenter chaque jour de trouver de la poésie dans cette inertie blanche, je remercie Lou Doillon de lire des poèmes à sa communauté chaque soir à 17h sur son instagram, je remercie tout.e.s ces artistes bienveillant.e.s et tendres de nous transmettre généreusement une part de rêve, une part de leur force si nécessaire à notre survie à tou.te.s.
Parce que je suis persuadée que la littérature apaise, soutient et console, faute de mieux.
Je sors de mon silence pour contrer cette vague de haine et vous dire que moi, eh bien je suis ravie de savoir que certains ont des jardins et peuvent admirer le printemps qui fleurit.
Je suis ravie de savoir que des enfants peuvent encore courir libres dans une prairie couverte de jonquilles, soulagée que tous, nous ne soyons pas logés à la même enseigne, celle d’être confinés dans de minuscules appartements ternes perchés sur le bitume gris des villes.
Je suis apaisée de savoir que certains peuvent encore respirer la mer ou caresser l’herbe grasse de ce début de printemps, tant qu’ils le font en conscience, chez eux, sans menacer la santé d’autrui.
À ma hauteur je suis heureuse de voir mon orchidée s’ouvrir et mes tulipes pousser sur le bord de ma fenêtre, d’être témoin de cette vie végétale imperturbable qui poursuit sa route, et j’aime regarder niaisement mes deux chats, peu concernés par ces questions existentielles, s’endormir sereinement l’un contre l’autre.
#passionBasileetPaillette
J’ai besoin d’air. De clarté. D’espoir. Pour tenir.
Alors:
Gloire à celleux qui survivent grâce à la poésie
Gloire à celleux qui généreusement la diffusent
Gloire à celleux qui nous tendent une main gantée d’espoir
Gloire à l’art vain
Gloire à la beauté gratuite
Qui résiste.
Prenez soin de vous, et des autres.
Diglee
February 15, 2020
Retraite
Pour la première fois de ma vie, la semaine dernière, je suis partie faire une retraite dans une abbaye bretonne, l’abbaye de Rhuys. Ouverte aux laïcs, elle propose un cadre de tranquillité et de poésie incroyable, en bord de mer, dans le calme du petit village de Saint Gildas de Rhuys. Je suis restée là bas cinq jours, à marcher, écrire, dessiner et lire. J’ai rencontré des personnes formidables, qui comme moi, venaient se reposer entre les murs de l’abbaye.
Je n’arrive pas encore vraiment à en parler, je savoure, beaucoup de choses en moi ont bougé que je tente d’écrire. J’ai fait cette retraite à un moment particulièrement dense et difficile de ma vie, et elle a été salutaire. Je suis revenue sevrée des réseaux sociaux, de mon téléphone, du stress.
(Pour combien de temps?)
En attendant de re-céder à l’appel chronophage d’instagram et consoeurs, voici, à l’ancienne, un post ici, avec tous les dessins du petit carnet que je tenais sur place.
Bonne lecture!
Et voilà!
Je vous dis à tout bientôt, quand j’aurai remis le pied à l’étrier des réseaux sociaux (ou non…).
En tout cas, je ne peux que dire : bon sang, c’était extraordinaire. Vivement la prochaine.
Maureen
January 5, 2020
Lectures 2019- Part 2
Bonjour à tou.te.s!
Sans plus attendre, voici la suite de mes lectures de l’année 2019. Je n’ai pas intégré dans ce classement mes lectures BD, ni les nombreux recueils de poésie que j’ai lus cette année. Ils feront peut être l’objet de posts à part, bientôt (deux recueils sont en revanche présents dans ma vidéo « coups de coeurs littéraires de 2019 »)
La première partie est lisible ici, et ma vidéo coups de coeur de l’année 2019 ici!
22) Soif, Amélie Nothomb
J’ai eu la chance de recevoir ce texte en avant première, quelques mois avant sa sortie.
Immense fan d’Amélie Nothomb depuis mon adolescence, j’ai mon petit rituel de fin d’été: le jour de la sortie du nouvel opus d’Amélie, je me rue en librairie et le dévore d’une traite (puis je lui en parle dans une lettre, à laquelle elle répond évidemment, et cela depuis plus de 13 ans).
Mais là, j’ai lu ce texte avant sa sortie. Sans savoir si j’étais autorisée à révéler (ce qui le rend si déconcertant) le fait qu’il s’agit de l’histoire de … Jésus. Racontée à la première personne.
Jésus nous raconte sa crucifixion.
Depuis que j’ai écouté Amélie en parler dans diverses émissions de radios , j’ai pu appréhender avec plus de sérénité le sujet, comprendre toutes les subtilités d’un tel projet.
Amélie nous dit qu’elle s’est toujours sentie trahie par cet épisode Biblique de la crucifixion. Jésus nous dit d’aimer l’autre comme soi même. Or comment peut il s’aimer lui-même, en acceptant de se faire crucifier?
C’est un livre fondamentalement différent de ses précédents, et savoir qu’elle y pensait depuis toujours, comme l’ultime défi, LE livre impossible à écrire, le rend encore plus magique, plus dense, plus nécessaire. Il est le lieu de toutes ses obsessions (la privation, le corps, la mort), et nous emporte fébrilement vers la sublimation (de la soif, privation ultime, on parvient à éprouver physiquement la foi)
Un texte mystique et poétique, sur la solitude, la foi donc, mais aussi l’amour…
(Ah, et évidement comme chacun de ses romans depuis le début, on retrouve bien le mot « pneu »).
Lecture ovni et lumineuse!
23) L’invitée, Simone de Beauvoir
//Coup de coeur// (j’en parle dans ma vidéos ici à partir de 10:25!)
Bouleversant. Bou-le-ver-sant.
Ce livre m’a accompagnée tout le mois de juillet, et m’a secouée (j’ai pleuré et souligné plein de passages). Je savais que le récit était inspiré de l’histoire de Simone de Beauvoir et Jean Paul Sartre avec Olga Kosakievicz, à qui le livre est dédié et avec qui ils ont vécu une sorte de trio amoureux… mais en fait, le livre raconte bien plus que ça.
Il parle de la jalousie évidemment, il questionne les limites de l’amour libre, le danger de la fusion dans l’autre, la peur de fantasmer l’amour que l’autre nous porte, ou la sensation de ne pas exister hors du couple… il parle de cruauté, aussi.
Depuis quelques temps je creuse davantage l’oeuvre romanesque de Beauvoir (j’avais adoré ses mémoires d’une jeune fille rangée, texte fondateur pour moi et qui m’a inspiré le titre de mon 1er roman), et je me régale: l’année dernière j’ai lu simultanément les Mandarins puis ses Lettres à Nelson Algren, qui m’ont inspiré énormément de dessins et de notes ça et là, et qui m’ont accompagnée tout l’été.
Chaque fois j’ai été vraiment impressionnée par la capacité de Beauvoir à décrire si bien les sentiments de ses personnages.
Chacun est si complexe, si riche, chaque dialogue sonne terriblement juste… C’est définitivement une écriture que j’aime: qui dissèque un peu froidement les choses du coeur, avec une tendresse sévère et pudique.
Et cette fin!
24) Antigone, Jean Anouilh
Parce que je me demandais si je serais capable de relire du théâtre aujourd’hui.
Parce que j’en avais un souvenir diffus de mes années de lycée.
Et parce que quelque chose en moi avait besoin de la rébellion et de la détresse idéaliste d’Antigone.
J’ai été secouée.
« Rien n’est vrai que ce qu’on ne dit pas ».
25) Le Horla, Guy de Maupassant
Coup de coeur aussi! (J’en parle dans ma vidéo à 4:30)
Aaaaah, quelle découverte!
Des ombres, des présences menaçantes, des fous, des chiens qui hurlent à la nuit, des cauchemars, des réflexions sur l’invisible et les limites de l’humain pour le percevoir… tout ce que j’aime!
En plein siècle féru de spiritisme et de tables tournantes, je n’ai été guère étonnée de lire ces lignes « pro-paranormal »: ces nouvelles contiennent certes, l’angoisse d’un écrivain malade des nerfs et obsessionnel, mais aussi tout le courant d’une époque qui cesse de croire en Dieu pour tenter de croire en l’au delà et ses manifestations.
C’est noir et romantique, c’est étouffant, c’est poétique, c’est occulte. Je suis convaincue que ces lignes traduisent les convictions de l’écrivain, et sûrement même ses propres expériences avec l’invisible.
J’ai aussi aimé le petit clin d’œil à Huysmans, dans la dernière (fabuleuse!!) nouvelle, qui confirme mon idée que l’auteur trempait sûrement dans le milieu ésotérique de son temps.
Lu pendant l’orage, d’une traite: y’a t’il meilleur moyen de lire un livre?
26) Le miroir, Edith Wharton
Deux petits contes lus un soir en me couchant.
Deux nouvelles à propos de fantômes et de revenants en tout genre… mais surtout pleines d’ironie, face aux croyances un peu superstitieuses. Écriture acide et mordante, sans pitié!
Petit livre découvert dans la super box littéraire féministe Glory Box!
27) Rebecca, Daphné du Maurier
Mon premier roman de Daphné du Maurier!
Parfait livre pour m’accompagner pendant mon périple envoûtant dans le Finistère gris, pluvieux et sauvage cet été.
Rebecca, c’est l’histoire d’une jeune mariée gauche et naïve, fraîchement débarquée dans l’immense manoir de son mari, veuf depuis peu.
Plane dans ce domaine des côtes anglaise l’ombre mystérieuse et magnétique de la défunte épouse.
J’ai été.. partagée.
La narratrice m’a beaucoup BEAUCOUP agacée (et son histoire d’amour encore plus, mais j’ai essayé de remettre dans le contexte: le texte date de 1939). Si l’histoire m’a saisie dès les premières pages, l’ambiance aussi, l’univers, la lenteur d’esprit et la naïveté CRIANTE de l’héroïne m’ont vite agacée. Je me sentais ralentie dans l’avancée de l’intrigue, j’aurais aimé qu’elle soit plus curieuse, plus futée, moins empotée. Certaines scènes sont frustrantes tant on sent venir la catastrophe avant le personnage principal.
Mais malgré tout, l’intrigue se dénoue avec panache, et j’ai été agréablement surprise par la fin: j’ai lu les 60 dernières pages d’une traite, sourire aux lèvres. J’ai même eu plaisir à relire le début ensuite.
Je lis très peu de thriller ou de roman de ce type (celui ci a été adapté par Hitchcock, et l’autrice est aussi celle qui a écrit la nouvelle « les oiseaux »), et l’expérience a quand même été délicieuse, ne serait-ce que pour l’atmosphère gothique pleine de brume, de roches grises et de secrets.
Surtout en vacances, et dans un cadre aussi semblable à celui du récit.
Passion Bretagne et cotes sauvages!
28) Souvenirs de l’avenir, Siri Hustvedt
Comment parler de la notion de temps et de souvenirs, comment écrire le temps et ses boucles, les résonances entre passé/présent/futur, quand l’immatérialité de deux d’entre eux les rend si insaisissables?
Et quand, précisément, l’écriture crée une forme linéaire qui empêche la circulation libre entre l’avenir, le passé et le présent?
Ce livre est indescriptible, et il m’a été d’abord très très difficile d’entrer dedans.
Puis je ne l’ai plus lâché.
Difficile parce que Siri Hustvedt (que j’adore) nous déconcerte, en utilisant plusieurs narrations, plusieurs personnages, plusieurs temporalités.
Au départ j’ai été dérangée et éprouvée par ces allers et venues, par ces virages brutaux au sein d’un même chapitre. Puis doucement, avec effort, j’ai compris que c’était voulu. Puis j’ai oublié, et j’ai pénétré chacun des personnages avec la même empathie et la même douleur.
Ce que me dit Siri dans ce livre, c’est que ces histoires à priori si différentes, sont les rouages d’un même récit.
Les mécanismes du patriarcat, qui enseignent aux femmes la dévalorisation essentialisée (« tu seras une bonne infirmière », lui dit son père médecin, quand petite elle se passionne pour le corps humain et rêve de l’imiter), la sororité, la philosophie, la poésie, la sorcellerie, le féminisme, les femmes rendues invisibles dans l’histoire, l’écriture, la vieillesse, la maladie mentale, le deuil, les violences sexuelles, Marcel Duchamp et l’urinoir volé… plus j’avançais dans ces pages denses et tentaculaires, plus j’y trouvais une musique familière et enivrante, et des sujets qui me passionnent.
Ni tout à fait autobiographie, ni tout à fait essai, ni tout à fait roman… ce livre est inclassable. Il est difficile, je crois, il est éprouvant aussi, comme peut l’être la déconstruction féministe ou le militantisme, parfois. Ça mord un peu l’âme, mais on en sort grandie et si puissante.
Siri, mon héroïne. (Je l’ai rencontrée ensuite à la maison de la poésie… c’était fabuleux!)
(et merci Actes Sud de m’avoir permis de découvrir ce texte si bouleversant avant sa sortie.)
29) Tout quitter, Anaïs Vanel
Autre coup de coeur mentionné dans ma vidéo (à partir de 14:38)!
Je savais ce que contenait ce livre: Anaïs Vanel, c’est mon ancienne éditrice, celle qui a cru en moi pour Forever Bitch et pour Libres!, et celle avec qui j’ai parlé tant de fois de féminisme et de littérature autour d’un BoBun ou d’un thé.
Et pourtant, dans le train, endroit où j’ai terminé son roman, l’envie de pleurer ne me quittait pas.
Une envie de pleurer qui n’était pas triste je crois, mais qui m’a ravagée. Son livre m’a déployée.
Anaïs raconte avec poésie et dépouillement sa nouvelle vie dans le Sud Ouest, à surfer et écrire, elle qui vivait jusque là dans le tumulte du milieu éditorial parisien. Elle raconte non pas ce qu’elle a quitté, mais ce qu’elle a trouvé, dans cette vie simple pleine d’embruns et de marches en forêt.
Elle parle de sa quête d’identité, des choses de l’enfance qui restent et qui nous colorent. Elle dit que sourire nécessite le travail de quinze muscles. « Sourire à quelqu’un, ce n’est pas rien ». Elle parle de Restless de Gus Van Sant et de Rilke, elle parle du pouvoir des maisons, et du besoin de s’appartenir, de savoir être seul avec soi.
Merci Anaïs pour cette vague d’émotion et de rêve dont j’avais tant besoin!
30) Paulina 1880, Pierre Jean Jouve
J’ai lu ce livre parce qu’Anaïs Nin en parle dans son journal Comme un arc en ciel, que je relisais à ce moment là.
Elle raconte avoir dévoré cette œuvre d’un bout à l’autre avec frénésie, et comme j’aime Anaïs Nin et m’évertue à la percer à jour, la comprendre, la décrypter, je suis allée me l’acheter en librairie il y a quelques semaines.
Et… je suis incapable de me prononcer sur ce texte.
Incapable.
L’univers, l’ambiance, le décor disons, me plaisent. Une jeune femme mystique et passionnée du 19e siècle, qui cède au « péché » de luxure… Rien de nouveau sous la lune, mais le thème m’a séduit. Certains passages étaient très poétiques, un peu fiévreux, mais… bon sang… Incapable d’en parler, je vous dis.
Je l’ai lu presqu’en une fois, et pourtant j’étais extérieure à la lecture.
Témoin neutre et sans élans.
J’ai été parfois gênée par la narration en discours indirect libre, et le mélange de formes que prend le récit.
Maaaaais…
quelque chose en reste malgré tout, je crois.
Ce quelque chose est probablement nourri par le portrait que fait Anaïs de son auteur, poète passionné d’ésotérisme et de curiosités, collectionneur de bizarreries magiques, d’étoffes de velours brodé de fils d’or, de lampes en verre soufflé, d’encens, de cristaux rares et d’animaux empaillés.
Une lecture bien singulière, qui m’a sortie de ma zone de confort, et dont je garde l’emprunte vaporeuse quelque part, tapie en moi.
32) La maison, Emma Becker
J’ai découvert Emma Becker avec son premier roman « monsieur », sorti en 2011, qu’à l’époque j’avais adoré (et évoqué rapidement sur mon blog).
Bon: Emma Becker écrit sur le sexe. C’est ce qui la caractérise, ce qui l’a fait connaître, ce n’est plus un secret. Et pour aller au bout de son exploration des thèmes relatifs au sexe, elle a choisi d’intégrer une maison close Berlinoise, et s’y est prostituée pendant plus de deux ans.
Dans le souci, d’abord, de donner la parole aux concernées, de parler d’elles de l’intérieur, comme ne l’ont jamais fait tous ces hommes de lettres férus de bordels au 19e qu’elle a tant lus adolescente: en devenant elle même l’une d’entre elles, en évoluant parmi elles, non pas comme une journaliste mais comme l’une d’entre elles, à égalité. Le documentaire devient témoignage, et elle a à coeur de dresser des portraits de femmes réalistes, saisissants et émouvants, sans complaisance: elle tente de leur rendre la dignité que tant leur arrache.
Là où évidemment l’exercice n’est qu’un leurre intellectuel, c’est qu’Emma est d’abord écrivaine. Qu’elle est libre.
Qu’elle peut à loisir revenir à sa vie indépendante, loin de la prostitution qui pour tant de femmes, n’est pas un choix. Et contrairement à ce que je peux lire à droite à gauche sur elle, elle en est bien consciente.
Elle se demande d’ailleurs au fil des pages à quoi pensent ses consoeurs, le soir, quand la journée se termine sous le poids physique et psychique des 6,8 hommes qui les ont chevauchées, abîmées, écrasées, et que tout recommencera le lendemain, sans échappée possible. Le récit n’est pas uniquement idyllique.
Sa voix dans le livre est plus réaliste, plus sombre, plus engagée que ce qu’elle en dit (ce que lui font dire, parfois) dans les médias.
Et si son expérience dans « La maison » est positive, elle raconte aussi pendant une centaine de pages l’expérience effrayante vécue dans le premier bordel qu’elle intègre, autrement différent, tenu par deux hommes étrangers et duquel elle part chaque soir en pensant qu’elle va peut être mourrir, être privée de papiers ou kidnappée. Il n’est pas question de chanter la gloire de bordel en tant que tel: ce n’est qu’en arrivant à La Maison, second bordel à l’accueillir et tenu par une femme, qu’elle va trouver son sanctuaire, sa famille d’adoption pour les deux ans à venir.
Elle reconnaît donc ce privilège, celui d’avoir trouvé un lieu « safe » et bienveillant (dans les limites de ce que lui demande la profession), et réclame le droit de raconter cette expérience.
Au delà même du contenu de ce livre en tout cas, je remarque qu’encore une fois sa plume m’a fait le dévorer avec avidité.
Et il aura eu le mérite de me faire me questionner sur la complexité de ces sujets, bien trop souvent abordés sans écouter la parole des concernées.
Emma nous livre ici son expérience, sa vision d’une maison close, ses rencontres avec des femmes subjuguantes et terriblement humaines, qu’elle tente de raconter au mieux, sans fards.
Que le livre nous dérange ou nous agace, et que le thème soit sensible, complexe, je l’entends: mais il me semble primordial concernant ces sujets de violences sexuelles ou de prostitution, de laisser la parole aux femmes. De ne pas hurler à la traitrise, ou à la mauvaise féministe à la moindre sortie des clous, et de ne pas invalider la parole des concernées parce qu’elle nous semble en désaccord avec nos principes.
Que son expérience ne soit pas celles d’autres prostituées, c’est une évidence, et sa parole n’invalide absolument pas celle des autres: il y a la place, surtout en littérature, pour les expériences de chacune: plurielles, antagonistes, opposées… chaque témoignage a sa place dans le débat.
Un lecture adipeuse, dérangeante, touchante et donc, oui, parfois agaçante.
33) L’amant de Lady Chatterley, D.H Lawrence
Des années que j’avais ce livre chez moi, acheté après être tombée sur l’adaptation cinéma de Pascale Ferran sur Arte, il y a bientôt dix ans. Après avoir regardé le fabuleux documentaire Arte sur les nombreux procès qu’a engendré la sortie du livre, j’ai décidé d’enfin le lire.
En grande passionnée d’Anaïs Nin, j’avais aussi envie de comprendre ce qui lui avait tant plu dans ces pages, au point qu’elle publie un essai, à 27 ans, sur l’érotisme novateur qu’elles contiennent.
Mais ce que je ne savais pas, c’est qu’il existe TROIS versions de ce texte, rédigées, d’après la femme de D.H Lawrence presque toutes en même temps, prévoyant la censure.
Il y a donc la toute première version, « Lady Chatterley », puis « Lady Chatterley et l’homme des bois », version dont est tirée le film de Pascale Ferran, et enfin la plus connue de toutes, « l’amant de Lady Chatterley », que j’ai lue. Je n’ai compris qu’après cette lecture, en trouvant la première version sur un marché aux puces, qu’il en existait d’autres versions: et entre la 1ère et la 3ème, tout change. Le nom de l’amant, son caractère, son langage, leurs rapports intimes, le passé de Constance Chatterley… Plusieurs bibliophiles défendent que la 2e version est la meilleure. Plus tendre, mais aussi très érotique.
Je ne peux parler que de la 3ème que j’ai lue en entier.
Ce qu’il est important de comprendre, c’est le positionnement de Lawrence au moment de l’écriture: il a tenté (même si maladroitement…) de valoriser le plaisir féminin, persuadé que, si les femmes s’en emparaient, l’exploraient, elles gagneraient en liberté.
Il a pour cela questionné à maintes reprises son épouse, pour qu’elle lui décrive par exemple la sensation que lui procurait un orgasme. Le texte a été écrit en 1922, mais n’a été publié eu royaume uni qu’en 1960 tant il a fait l’objet de procès, censure et critiques: pourtant, il s’agit avant tout d’une histoire d’émancipation féminine, d’une critique acide de l’aristocratie, et d’une histoire d’amour.
Si beaucoup de passages m’ont ennuyée, j’ai tout de même apprécié le projet de ce livre. Je n’ai pas bien cru au personnage de Mellors, l’amant, ancien lettré devenu paysan au langage rustre: il paraît qu’il est plus convainquant dans les premières versions. Mais j’ai aimé l’omniprésence de la nature, et la légèreté rieuse de certains ébats.
À creuser davantage!
34-35) Le feu, et Comme un arc en ciel, d’Anaïs Nin
Dois-je rappeler, encore, mon amour inconsidéré pour Anais Nin?
J’ai emporté ces tomes partout avec moi pendant toute l’année, (re)lus en « à côté », en parallèle de toutes mes autres lectures.
Je les avais déjà lus une 1ere fois en 2009, réunis dans « le journal de l’amour », et la découverte du contenu de ces pages m’aura transformée à jamais, sans retour en arrière possible.
Depuis, je lis, relis, décortique, épluche chaque mot de cette magicienne, toujours aussi (obsessionnelle…) éblouie.
Dix ans plus tard donc, j’ai pris plaisir à la relire lentement, et à annoter des centaines de pages, à creuser et déterrer les mystères de l’écrivaine du moi la plus complexe et insaisissable que le monde ait porté.
Je pourrais en parler des heures, expliquer en quoi ces lignes sont addictives et passionnantes à mes yeux, mais je l’ai déjà fait sur ce blog ça et là, sur mon instagram et dans le magnifique podcast du Book Club Louie disponible ici.
36) Pierre, Christian Bobin
Lire Bobin, c’est toujours une vraie échappée lumineuse.
Dans ce court livre, il raconte son périple en train dans le sud, une nuit de 24 décembre, vers la maison de son ami le peintre Pierre Soulages.
La visite nocturne à son vieux camarade est finalement un prétexte pour aborder le silence d’un voyage intérieur autant qu’extérieur, pour Bobin qui déteste quitter sa maison. Le train devient une créature d’acier ronflante, qui troue la nuit et son silence.
On y croise des fantômes, une aubépine, de la neige…
Aaaah, c’était si beau!
37) La ballade du café triste, Carson Mc Cullers
Petite (tout petite) déception: j’ai moins aimé la ballade du café triste que Frankie Adams, de Carson Mc Cullers, lu cette année. Je me suis un peu accrochée pour le terminer, déconnectée de l’histoire.
Pourtant l’ambiance était là, ce petit village perdu des États Unis, sa propriétaire géante et brusque, son bossu, ce café chaleureux où tout le monde vient s’offrir un moment d’humanité les rides soirées d’hiver… mais pour moi la sauce n’a pas vraiment pris.
Je ne suis pas une grande lectrice de romans, et cette année j’ai voulu sortir un peu de ma zone de confort.
Parfois, ça a donné de vrais bouleversements (cf Le mur invisible), et parfois je suis passée à coté.
Mais je sais que j’aime cette autrice, et que je vais continuer à la lire, parce que son univers à la Diane Arbus me fascine et m’attire énormément (et surtout, j’ai ADORÉ Frankie Adams).
Je prévois de lire « reflets dans un œil d’or », ainsi que sa bio par Josyane Savigneau).
Affaire à suivre donc!
38) Sisyphe est une femme, la marche du cavalier, Geneviève Brisac
…En revanche j’ai adoré « la marche du cavalier » de Geneviève Brisac, ré-intitulé Sisyphe est une femme pour son édition augmentée de 2019.
Il s’agit d’un essai sur les écrivaines, et sur l’oubli teinté de sexisme dont elles sont victimes depuis des millénaires.
Mais l’axe principal du livre, au delà même du féminisme, c’est l’écriture. La langue.
Qu’est ce qu’écrire, (de surcroît quand on est une femme), qu’est ce que la musique des mots, comment raconter l’intime.
À quel point lire d’autres femmes aide à se construire, à se déployer, en tant que lectrice.
Le livre s’articule autour de plusieurs chapitres chacun dédié à une écrivaine.
Geneviève Brisac nous plonge dans l’univers littéraire de chacune, dans son histoire intime parfois, décortique son style, son vocabulaire, ses thèmes fétiches, puis raconte son expérience à elle, autrice, avec chacun de leurs livres.
Une belle manière d’enrichir sa bibliothèque et de se donner de nouvelles références littéraires féminines!
Joli podcast France Culture à écouter, dans lequel Geneviève Brisac revient sur la naissance de ce livre.
39)Le dimanche des mères, Graham Swift
Voilà un petit roman (par sa taille) qui m’a beaucoup plu!
Je ne savais absolument pas à quoi m’attendre puisque je l’ai acheté au hasard d’une ballade à la @librairierivegauche… belle surprise!
Le récit se déroule un bel après midi férié de mars, dans la campagne anglaise.
Jane, une domestique orpheline et Paul, son amant artisocrate promis à une autre, s’enlacent et offrent leur nudité moite aux rayons du soleil. Il est question de départ, des différences de classe, de solitude, d’affront, de littérature, de la trace indélébile que laissent à jamais certains instants.
D’écriture aussi, beaucoup…
De la difficulté de dire la vérité. De l’écrire.
J’ai adoré!
40) La nausée, Sartre
Lecture qui clôture mon année 2019… un tout autre défi!
Si j’ai pas mal lu Beauvoir récemment, je connais moins bien l’univers de Sartre.
J’ai de vagues souvenirs de ma terminale L et des cours sur l’existentialisme, et j’ai récemment renoué avec sa pensée en lisant le (GÉNIAL, INDISPENSABLE, RÉVOLUTIONNAIRE) essai: On ne naît pas soumise, on le devient, de Manon Garcia docteure en philosophie et spécialiste en philosophie féministe. Tout cela a réveillé ma curiosité, et je suis allée me procurer son premier roman.
Sartre écrit La Nausée à 33 ans.
La forme du livre, publié en 1938, déstabilise complètement: il ne peut être vraiment qualifié de « roman », puisqu’il ne s’y passe quasiment rien. Ou en tout cas, ce ne sont pas les événements romanesques en soi qui nous intéressent, mais le déroulement intérieur de la pensée du narrateur.
Antoine Roquentin tient un journal dans lequel il décrit son sentiment de nausée récent: un sentiment d’angoisse et d’écœurement l’assaille depuis qu’il a réalisé que, d’une part, son existence est vaine, et que d’autre part, chaque chose autour de lui existe, aussi fort que lui, et sans plus de raison que lui.
Le texte est jalonné de percées poétiques (voir photos suivantes), de réflexions philosophiques sur notre rapport aux autres et au monde, sur la solitude et sur l’amour (passages d’une beauté et d’un fatalisme éblouissant), mais il comporte aussi quelques passages franchement soporifiques.
Ça fait partie du charme du livre, lent, méticuleux, lourd, ennuyeux et faussement spontané, qui se fait passer pour un journal intime réel, qui aurait été retrouvé et publié tel quel
Belle porte d’entrée dans l’œuvre de Sartre qui m’a donné envie de poursuivre avec l’Être et le néant…
Affaire à suivre, donc!
Voilà, c’est tout pour 2019…
Je vous dis à l’année prochaine pour un compte rendu littéraire, je l’espère, aussi riche et passionnant que celui de 2019.
Et en attendant, retrouvez moi sur Instagram, où je poste mes lectures en direct, en plus de mes dessins et de (trop) de photos de Basile et Paillette, mes chats, qui s’aiment beaucoup trop.
Love,
Maureen
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