Sur les chemins noirs Quotes
Sur les chemins noirs
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Sylvain Tesson2,337 ratings, 3.50 average rating, 253 reviews
Sur les chemins noirs Quotes
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“La crise de Parkinson de l’Histoire portait le nom de mondialisation. La traduction de ce phénomène dans nos vies quotidiennes mettait à notre disposition fruits et légumes tropicaux dans l’épicerie la plus modeste d’une campagne en marge. Une question venait alors : pourquoi n’acceptait-on pas qu’un voleur de pommes s’introduise dans un verger et pourquoi permettait-on à une mangue du Brésil de trôner dans une épicerie de l’Ardèche ? Où commençait l’infraction ?”
― Sur les chemins noirs
― Sur les chemins noirs
“Fuir, c’est commander ! C’est au moins commander au destin de n’avoir aucune prise sur vous. »”
― Sur les chemins noirs
― Sur les chemins noirs
“Quelque chose n’allait plus. Ma mauvaise humeur était née de la lecture du quotidien La Montagne – où n’écrivait plus Alexandre Vialatte – devant des tasses de café noir qui réparaient mon insomnie dans le bistrot de Pierrefort. « Le numérique est une opportunité pour renforcer l’innovation », disait l’article. Cela commençait mal : personne ne savait ce que signifiaient des trucs pareils. Mais tous les élus de la région applaudissaient. Ils s’étaient réunis en congrès à Murol, ils préparaient la connexion de leur campagne. Ils mettaient en place le dispositif. Le journal annonçait : « Le très haut débit au secours de la ruralité. » Ciel ! pensais-je, les voilà sauvés par cela même qui faisait clore les boutiques. « Ceux qui s’installent ici demandent le haut débit avant l’école », expliquait le maire d’un village dans l’interview, et il se félicitait par contrecoup de l’ouverture prochaine d’un « collège tout numérique ». Le nom de Mermoz serait donné à l’établissement. Personne n’ajoutait que le demi-dieu de l’Aéropostale qui avait réparé son avion pendant quarante-huit heures sur un piton des Andes avec une clef à molette n’aurait pas eu grand-chose à carrer du haut débit.”
― On the Wandering Paths
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“Dans la descente, ce panneau sous les poiriers prouvait combien l’administration maternait les citoyens : La praticabilité de cet itinéraire n’est pas garantie. On devrait annoncer cela à tous les nouveau-nés au matin de leur vie ! À Moustiers, sous le commandement de la chapelle d’Entre-Roches, rivée à sa falaise, je bus un double café noir et tombai sur le quotidien La Provence. Oh ! la tristesse des titres ! Et que je massacre les adorateurs du soleil en Irak, et que je détruise un temple grec, et que je foute du pétrole dans la mer profonde et bleue que barattent les baleines en sautant bizarrement. L’homme manquait de tenue. L’évolution avait accouché d’un être mal élevé et le monde était dans un désordre pas croyable. Moustiers se réveillait dans la lumière d’un matin à la Raoul Dufy : léger et court vêtu.”
― On the Wandering Paths
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“Un des lointains Premiers ministres de la Ve République (Jean-Marc Ayrault – période Anatole-France) avait commandé en son temps un rapport sur l’aménagement des campagnes françaises. Le texte avait été publié sous le mandat d’un autre ministre (Manuel Valls – période Offenbach) et sous le titre « Hyper-ruralité ». Une batterie d’experts, c’est-à-dire de spécialistes de l’invérifiable, y jugeait qu’une trentaine de départements français appartenait à « l’hyper-ruralité ». Pour eux, la ruralité n’était pas une grâce mais une malédiction : le rapport déplorait l’arriération de ces territoires qui échappaient au numérique, qui n’étaient pas assez desservis par le réseau routier, pas assez urbanisés ou qui se trouvaient privés de grands commerces et d’accès aux administrations. Ce que nous autres, pauvres cloches romantiques, tenions pour une clef du paradis sur Terre – l’ensauvagement, la préservation, l’isolement – était considéré dans ces pages comme des catégories du sous-développement.”
― On the Wandering Paths
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“Un des lointains Premiers ministres de la Ve République (Jean-Marc Ayrault – période Anatole-France) avait commandé en son temps un rapport sur l’aménagement des campagnes françaises. Le texte avait été publié sous le mandat d’un autre ministre (Manuel Valls – période Offenbach) et sous le titre « Hyper-ruralité ». Une batterie d’experts, c’est-à-dire de spécialistes de l’invérifiable, y jugeait qu’une trentaine de départements français appartenait à « l’hyper-ruralité ». Pour eux, la ruralité”
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“Le paysage était devenu le décor du passage. La ruralité s'instituait en principe de résistance à cet emportement général.”
― On the Wandering Paths
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“Comme les rois déments des contes allemands, coiffés d’un chapeau à grelots, abusés par les magiciens, les chefs des États globalisés erraient en leurs palais, persuadés que leurs moulinets de bras redessineraient l’architecture des sociétés hypertrophiées aux commandes desquelles ils étaient arrivés par la grâce des calculs et se maintenaient par la vertu des renoncements.”
― Sur les chemins noirs
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“tendre des écrans entre soi et le monde n’a jamais rien arrangé.”
― Sur les chemins noirs
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“Le ciel roulait un air de gaz pur, lavé par les pluies de la nuit, premiers essorages de l’automne. Les herbes claquaient, électrocutées de vent, le soleil tournait et les rafales, chargées de photons, épluchaient mes idées noires, emportaient les ombres.”
― Sur les chemins noirs
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“Le dispositif était la somme des héritages comportementaux, des sollicitations sociales, des influences politiques, des contraintes économiques qui déterminaient nos destins, sans se faire remarquer. Le dispositif disposait de nous. Il nous imposait une conduite à tenir insidieusement, sournoisement, sans même que l’on s’aperçût de l’augmentation de son pouvoir. Il existait un petit ver, la douve, qui infectait les fourmis et contrôlait leurs mouvements, pour les contraindre à l’immobilité sur un brin d’herbe afin qu’elles s’offrent en pâture aux herbivores, qui devenaient alors les nouveaux hôtes du parasite. La douve était le dispositif de la fourmi. Les puces au silicium étaient nos propres douves. Chacun de nous portait son parasite, de son plein gré, sous la forme d’un de ces processeurs technologiques qui régulaient nos vies.”
― Sur les chemins noirs
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“Il existait un petit ver, la douve, qui infectait les fourmis et contrôlait leurs mouvements, pour les contraindre à l’immobilité sur un brin d’herbe afin qu’elles s’offrent en pâture aux herbivores, qui devenaient alors les nouveaux hôtes du parasite. La douve était le dispositif de la fourmi. Les puces au silicium étaient nos propres douves.”
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“Le dispositif était la somme des héritages comportementaux, des sollicitations sociales, des influences politiques, des contraintes économiques qui déterminaient nos destins, sans se faire remarquer. Le dispositif disposait de nous. Il nous imposait une conduite à tenir insidieusement, sournoisement, sans même que l’on s’aperçût de l’augmentation de son pouvoir.”
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“Messieurs, dit-il, selon une habitude contractée en Russie d’user d’une langue châtiée devant les abrutis, nous sommes confus de vous contraindre à exercer votre sens de l’observation.”
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“Notre époque consacrait soudain un « âge du flux ». Les avions croisaient, les cargos voguaient, les particules de plastique flottaient dans l’océan. La moindre brosse à dents faisait le tour du monde, les petits Normands partaient au djihad pour poster des vidéos sur YouTube. Les hommes dansaient sur l’échiquier.”
― Sur les chemins noirs
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“L’évolution était une drôle de chose. En trente mille ans, elle avait conduit une race de chasseurs-cueilleurs à multiplier les réflexes de petits propriétaires.”
― Sur les chemins noirs
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“je notais la propension de l’homme à placarder ses injonctions. Chaque lisière portait ses « chasse gardée », « propriété privée », « accès interdit » et même « dernier avertissement”
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“je notais la propension de l’homme à placarder ses injonctions.”
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“Internet paracheva la mue en fermant les dernières écoutilles. Après les Trente Glorieuses, on aurait pu donner aux deux premières décennies du XXIe siècle le nom de Vingt Cliqueuses.”
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“Le temps des maisons individuelles était venu. Chacun aurait son paradis. Le rêve pavillonnaire moucheta le territoire. Vu d’avion, on aurait dit que le sucrier renversé avait craché ses cubes sur la nappe.”
― Sur les chemins noirs
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“Vu d’avion, on aurait dit que le sucrier renversé avait craché ses cubes sur la nappe.”
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“C’était un moment que je chérissais dans la vie : les basculements dans l’obsession.”
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“nous devenions « le corps social le plus docile et le plus soumis qui soit jamais apparu dans l’histoire de l’humanité ».”
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“Elles remodelaient la psyché humaine. Elles s’en prenaient aux comportements. Déjà, elles régentaient la langue, injectaient leurs bêtabloquants dans la pensée. Ces machines avaient leur vie propre.”
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“carte désignait sous le nom des Maurels, allongé dans l’herbe, je contemplais les strates calcaires. Elles convulsaient en ondulations. Le paysage n’est jamais drôle, cela je l’avais remarqué autour du monde, mais parfois il semble ivre. Torturé par les soubresauts des plissements, il devient fou. La tectonique est l’opium du paysage.”
― Sur les chemins noirs
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“Et nos vies ordinaires s’exposaient ainsi sur les écrans, se réduisaient en statistiques, se lyophilisaient dans les tuyauteries de la plomberie cybernétique, se nichaient dans les puces électroniques des cartes plastifiées. Naissions-nous pour alimenter les fichiers ?”
― Sur les chemins noirs
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“Nous étions nombreux à développer une allergie aux illusions virutuelles. Les sommations de l'époquenous fatiguaient : "Enjoy! Take care ! Be safe !Be connected !" Nous étions dégoûtés du clignotement des villes. Si nous écrasions à coups de talon les écrans livides de nos vies high-tech s'ouvrirairnt un chemin noir, une lueurde tunnel à travers le dispositif. [...] vivre me semblait le synonyme de "s'échapper". Napoléon avait dit au général de Caulain-court dans le traîneau qui les ramenait à Paris après le passage de la Berezina : "Il y a deux sortes d'hommes, ceux qui commandent et ceux qui obéissent." [...] l'Empereur avait oublié une troisième colonne : les hommes qui fuient. "Sire!" lui aurais-je dit si je l'avais connu' "Fuir, c'est commander ! C'est au moins commander au destin de n'avoir aucune prise sur vous.”
― Sur les chemins noirs
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