A History of Masculinity Quotes

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A History of Masculinity A History of Masculinity by Ivan Jablonka
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A History of Masculinity Quotes Showing 1-9 of 9
“Aujourd’hui, les procès en appropriation culturelle interdisent aux hommes de parler du féminisme, aux Blancs d’évoquer l’esclavage. C’est là une terrifiante régression qui oblige chacun à rester dans sa niche, au motif qu’il serait inapte à comprendre les oppressions qu’il n’a pas subies. Cet anathème condamne d’ailleurs l’ensemble des sciences sociales : tous les historiens n’ont pas ramé sur une galère, ni tiré à la mitrailleuse depuis une tranchée. Je suis fier d’avoir retracé la vie d’une jeune fille martyrisée dans Laëtitia ou la fin des hommes, paru en 2016, un an avant l’affaire Weinstein. Je n’ai aucun mérite à cela, mais je revendique le droit de parler, en tant qu’homme, du féminisme et de la justice de genre. « Je me révolte, donc nous sommes », écrit Camus. La dignité du masculin provient de la conscience de l’injustice sur laquelle il repose. Les hommes pourraient en tirer un sentiment d’appartenance plus puissant que les blagues de vestiaire. Les justes sont d’abord des révoltés, capables de protester contre eux-mêmes et le sort qu’ils se sont réservé – avant de participer aux luttes communes. C’est ainsi que, social-démocrate, je m’efforce d’inventer une utopie qui s’appelle la justice de genre.”
Ivan Jablonka, A History of Masculinity
“La masculinité n’est pas juste tant qu’elle n’a pas dénoncé sa position de pouvoir, tourné en dérision son arrogance ; et les hommes qui transgressent le masculin rompent avec l’iniquité. C’est pourquoi on peut intégrer à la masculinité non seulement le féminisme, mais le féminin. Il est des hommes qui se caractérisent par leur sensibilité, qui aiment écouter, qui sont érotiques parce qu’ils sont doux.”
Ivan Jablonka, A History of Masculinity
“Enfin, certains hommes sont en proie au doute. Si beaucoup ne se reconnaissent plus dans la virilité obligatoire, cet idéal n’a pas disparu pour autant. Les uns voudraient « bien faire », mais sans savoir comment ; les autres sentent qu’ils « font mal », mais sans identifier le lien entre leur situation personnelle et l’organisation de la société. Dans la forêt des injonctions contradictoires, il arrive que les hommes de bonne volonté se sentent perdus : ils ne savent plus quelle est leur place, leur rôle, leur statut, leur fonction – en un mot, ce qu’on attend d’eux. Personne n’a encore inventé la boussole féministe à usage masculin. En fait, les hommes sont moins troublés par le « déclin de l’autorité » ou la « féminisation du monde » que par l’avènement d’une société de l’égalité. Les failles du masculin sont élargies par la tectonique des genres qui secoue nos sociétés : une marche vers l’émancipation des femmes, leur rôle accru dans tous les domaines. La solution n’est pas d’abjurer humblement les valeurs viriles, ni de se les réapproprier avec éclat, mais d’entendre la critique que le féminisme lance aux sociétés démocratiques : leur inachèvement en matière de liberté et d’égalité – leur permanent déni de justice.”
Ivan Jablonka, A History of Masculinity
“Même au sein du couple, les rôles sont intervertis : une femme « libérée », qui gagne sa vie, qui sait changer une roue et monter un meuble, qui connaît son corps au point de se faire jouir seule, a-t-elle encore besoin d’un homme ? C’est le crépuscule du père de famille. Et si l’indépendance des femmes expliquait la misère sexuelle des hommes, leur consommation massive de pornographie dès l’adolescence ? Un quadragénaire, ex-soixante-huitard, observe avec amertume : Notre génération vit assez mal le rôle castrateur des femmes. On est passé d’une génération où c’était l’homme qui était dominateur, qui empêchait l’épanouissement sexuel et social de la femme, à une génération où ce sont les femmes qui empêchent l’épanouissement sexuel et social de l’homme23. Ces propos montrent à quel point la révolution féministe du XX e siècle a réussi à ébranler la complémentarité hiérarchique des sexes qui était à la base du patriarcat.”
Ivan Jablonka, A History of Masculinity
“Et cela dure toute la vie : bébé, enfant, adolescente, lycéenne, étudiante, salariée, épouse, mère de famille, une femme est traitée comme une femme, jusqu’à ce que le sexe et le genre coïncident parfaitement, selon l’idéal que chaque société se fixe : serrer les jambes quand on est assise, ne pas parler trop haut, être belle et avoir honte des imperfections de son corps, ne jamais faire le premier pas en amour, brider son ambition professionnelle. À l’issue d’un long enseignement silencieux, les femmes deviennent des créatures-pour-autrui, oblates empathiques, douloureusement réflexives, privées de cette légitimité de naissance que le masculin confère aux hommes. Même le langage incorpore les apprentissages de genre : aux États-Unis, les femmes ont davantage recours aux protections (I think, sort of, like), aux questions (isn’t it ?) et aux intensifiants (so, really, oh my God), de telle sorte que leur discours apparaît à la fois trivial et dépourvu d’autorité.”
Ivan Jablonka, A History of Masculinity
“Voici le coût de l’aliénation collective : une violence qui s’exprime contre les autres, mais aussi contre soi-même. En fin de compte, la surmortalité masculine révèle une souffrance qui est la somme des injonctions incorporées par les hommes depuis l’enfance : exhibition virile, culture de l’excès, surinvestissement dans le travail, refus de la plainte, choix de la taciturnité, inaptitude à exprimer ses émotions. Une figure du destin masculin dans les sociétés patriarcales : trimer pour les siens et mourir avant eux. Non seulement les hommes sont vulnérables, mais de surcroît ils le nient et on le nie. Les souffrances du masculin reposent sur des inégalités de genre, et c’est une ultime injustice que de ne pas le reconnaître. Personne n’a envie de voir que la virilité construit autant les hommes qu’elle les détruit. La masculinité de domination paie, mais elle se paie aussi. Son coût, c’est l’insécurité de l’ego, la vanité puérile, le désintérêt pour la lecture et les choses de l’esprit, l’étiolement de la vie intérieure, le rétrécissement de l’horizon social (depuis le choix d’un métier « masculin » jusqu’à l’imbécillité misogyne et homophobe) et, pour finir, la diminution de l’espérance de vie.”
Ivan Jablonka, A History of Masculinity
“Pourtant, on sent bien qu’on est encore au milieu du chemin : si les inégalités de sexe sont battues en brèche, tout particulièrement en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, il en reste encore de nombreux vestiges. Pourquoi la révolution des droits n’a-t-elle pas détruit les structures patriarcales héritées du Néolithique ? L’émancipation des femmes s’est faite grâce à une extension du cercle patriarcal, laquelle leur a permis de sortir de leur foyer, mais en emportant avec elles les attributs de la fonction-femme. Au XIX e siècle, le féminisme maternaliste revendique des droits pour les femmes en tant que femmes. Au XX e siècle, le développement de l’État-providence prolonge les compétences de la mère-épouse. C’est ce que Jon Eivind Kolberg appelle le théorème de la « famille devenue publique » : ce qu’on trouvait jadis au sein de sa famille, on le reçoit aujourd’hui des secteurs publics féminisés, la santé, l’éducation et le social. Le même phénomène s’est produit dans le secteur privé.”
Ivan Jablonka, A History of Masculinity
“Dans les années 1860, Anna-Maria Mozzoni, grande figure du féminisme italien, honore les noms de Fourier, Saint-Simon, Leroux, Morelli : « Merci, hommes généreux qui défendez toutes les libertés et toutes les libérations […] et qui, par la parole, la plume et l’œuvre, affirmez les droits de la femme ! » Peu nombreux, ils ont accompli beaucoup. Cet état des forces invalide la biologisation du féminisme, tendance qui consiste à croire que n’importe quelle femme est féministe au motif qu’elle est une femme. Comme le dit la rabbine Delphine Horvilleur – qui sait de quoi elle parle –, le féminisme n’est pas le discours d’une femme qui parle depuis sa tradition, mais une pensée critique, portée par une femme ou par un homme, contre un système qui aliène les femmes et le féminin.”
Ivan Jablonka, A History of Masculinity
“À travers une histoire, une pensée, des cultures, des rites, des mots et des institutions, le patriarcat distribue les préséances, mais ce n’est pas au bénéfice de tous les hommes, ni au détriment de toutes les femmes. Non seulement les masculinités de domination haïssent les masculinités inférieures, aussi illégitimes et défaillantes que le féminin, mais la fabrique des mâles peut également dévorer ses propres enfants : ce sont des hommes qui ont été humiliés par les rites de Sparte et de Nouvelle-Guinée, et ce sont des hommes qui ont péri par dizaines de milliers le 1 er juillet 1916, au premier jour de la bataille de la Somme. Le patriarcat n’est donc pas une machination, mais une machinerie, et tous les hommes n’en sont pas les suppôts, ni toutes les femmes les victimes.”
Ivan Jablonka, A History of Masculinity