L'ennemi principal (Tome 1) Quotes

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L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat by Christine Delphy
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L'ennemi principal (Tome 1) Quotes Showing 1-30 of 49
“Toutes les sociétés actuelles, y compris les sociétés "socialistes", reposent, pour l'élevage des enfants et les services domestiques, sur le travail gratuit des femmes”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“On m'accordera que le premier empêchement à lutter contre son oppression, c'est de ne pas se sentir opprimée. Donc le premier moment de la révolte ne peut consister à entamer la lutte mais doit consister au contraire à se découvrir opprimée : à découvrir l'existence de l'oppression. L'oppression est découverte d'abord quelque part. Dès lors son existence est établie, certes, mais non son étendue. C'est à partir de la preuve qu'elle existe qu'on la cherche ensuite ailleurs, ici, là, en progressant de proche en proche. La lutte féministe consiste autant à découvrir les oppressions inconnues, à voir l'oppression là où on ne le voyait pas, qu'à lutter contre les oppressions connues. (p. 164)”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Le retournement de l'accusation de racisme est une réaction classiquement défensive et une défense classiquement réactionnaire. Et cela fait quelque temps déjà que l'on voit les femmes accusées de sexisme par des gens qui souvent n'en connaissent même pas le sens originel, mais qui ont l'excuse de ne pas poser aux « révolutionnaires », encore moins aux « féministes ». L'accusation de « contre-racisme » ou de « sexisme à l'envers » est typiquement réactionnaire ; elle l'est déjà a priori, avant tout examen, en cela seul qu'elle pose implicitement une symétrie entre oppresseurs et opprimés. Il est incroyable qu'on ose proférer de telles choses à propos des Noirs, dont le mouvement est plus ancien, plus connu et plus reconnu, que celui des femmes. Il est incroyable que quiconque se prétendant non seulement au courant des luttes, mais de surcroît « spécialiste », fasse preuve d'une telle ignorance, au sens premier d'absence d'information ; et que quelqu'un qui ignore des faits élémentaires de l'histoire contemporaine ose aborder le sujet. En effet, le « concept » de « contre-racisme » a été démystifié depuis longtemps pour ce qu'il est : une tentative d'intimidation. (p. 161)”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“L'« amitié » de nos amis est du paternalisme : une bienveillance qui comporte nécessairement une bonne dose de mépris, mieux, une bienveillance qui ne s'explique que par le mépris. Ils se mêlent de nos affaires parce qu'ils nous estiment incapables de nous en occuper. Mais « ce n'est pas tout » : la vérité - une autre vérité - c'est qu'ils ne peuvent se résigner, eux qui sont les premiers partout, à ne plus l'être aussi là ; or, là, ils ne peuvent manifestement pas l'être. Leur bienveillance n'est qu'une tentative de garder une place, de n'être pas exclus. Il existe une raison objective et majeure à leur tentative de contrôler la direction des mouvements : la peur qu'ils ne se dirigent contre eux ; mais de surcroît une tendance imprimée en eux dès leur naissance, et devenue une seconde nature, est plus forte qu'eux : il faut que cette place soit leur place, et leur place c'est devant. (p. 154)”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“On est en face d'un paradoxe : d'une part le mariage est le lieu - institutionnel - d'une exploitation pour les femmes, d'un part, précisément en raison de cette exploitation, leur situation potentielle (celle de toutes les femmes et pas seulement celle des femmes effectivement mariées) est si mauvaise que le mariage est encore la meilleure carrière - économiquement parlant - pour elles. Si une situation initiale ou potentielle est mauvaise, l'état de mariage ne fait ensuite qu'aggraver cette situation, et renforce donc sa propre nécessité. (p. 126)”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“La non-valeur de ce travail [ménager] est induite institutionnellement par le contrat de mariage et que le contrat de mariage est un contrat de travail. Plus précisément c'est un contrat par lequel le chef e famille - le mari - s'approprie tout le travail effectué dans la famille puisqu'il peut le vendre sur le marché comme le sien propre, comme dans le cas de l'artisan ou de l'agriculteur. Inversement le travail de la femme est sans valeur parce qu'il ne peut pas être porté sur le marché, et il ne peut l'être en raison du contrat par lequel sa force de travail est appropriée par son mari. Cependant, le tiers environ des femmes mariées travaillent à l'extérieure. On constate que ceci va de pair avec l'extension de la production industrielle - et donc du salariat - et la diminution de la production familiale, artisanale ou commerciale. Dès lors que la production destinée à l'échange (au marché) est effectuée hors de la famille, sur le mode du salariat, dès lors que l'homme ne vend plus un produit mais son travail, la production marchande ne peut plus incorporer le travail gratuit des femmes. Celui-ci ne peut plus être utilisé que dans la production destinée à l'autoconsommation : la production de services domestiques et d'élevage des enfants. (p. 123-124)”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Si un divorce est la fin d'un mariage en tant qu'institution. Il n'a pas été créé pour détruire le mariage puisqu'il ne serait pas nécessaire si le mariage n'existait pas. En ce sens, comme bien des auteurs l'ont montré, même la fréquence des divorces peut être interprétée non comme un signe que l'institution du mariage est malade, mais au contraire comme un signe qu'elle est florissante. (p. 122)”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Notre hypothèse est que la raison pour laquelle le travail ménager n'est pas considéré comme productif et comptabilisé est qu'il est effectué - dans le cadre du ménage - gratuitement : il n'est pas rémunéré, ni échangé d'une façon générale. Et ceci, non en raison de la nature des services qui le composent - puisqu'on les trouve tous sur le marché - ni en raison de la nature des personnes qui le fournissent (puisque la même femme qui cuit gratuitement une côtelette dans son ménage est rémunérée dès qu'elle le fait dans un autre ménage) mais en raison de la nature particulière du contrat qui lie la travailleuse - l'épouse - au ménage, à son « chef ». (p. 63)”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Alors que le salarié dépend du marché (d'un nombre théoriquement illimité d'employeurs), la femme mariée dépend d'un individu. Alors que le salarié vend sa force de travail, la femme mariée la donne : exclusivité et gratuité sont intimement liées.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“L'un des axiomes, sinon l'axiome fondamental de ma démarche, est que les femmes et les hommes sont des groupes sociaux. Je pars du fait incontestable qu'ils sont socialement nommés, socialement distingués, socialement pertinents, et je m'interroge sur cette pratique sociale : comment est-elle réalisée ? À quoi sert-elle ? Même si l'on donne un poids minimal à cet aspect social, même si l'on se contente de constater la pertinence du sexe pour la société, on est obligé de considérer que cette pertinence est un fait social, qui requiert donc une explication elle aussi sociale. C'est pourquoi une partie importante de mon travail est consacrée à dénoncer les démarches explicitement naturalistes, qui cherchent une explication naturelle à un fait social. (p. 22)”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Une institution présente ne peut être expliquée par le simple fait qu'elle a existé dans le passé, même si ce passé est récent. Je ne nie pas que certains éléments du patriarcat d'aujourd'hui ressemblent à des éléments du « patriarcat » d'il y a cent ans : simplement cette durée - si tant est qu'il y ait durée, c'est-à-dire qu'il s'agisse bien de la même chose - ne constitue pas en elle-même un facteur explicatif. (p. 18)”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“La conscience de classe des prolétaires n'est pas le résultat de la théorie marxiste du capital ; au contraire, c'est la théorie marxiste du capital qui est fondée sur la prémisse nécessaire de l'oppression des prolétaires [...]
La lutte des femmes est un fait politique concret, qui ne fait pas qu'ajouter un élément nouveau au domaine politique, mais le bouleverse de fond en comble. On exprimerait la même chose en disant que la conscience des femmes opprimées change la définition même de l'oppression [...]
Comme le féminisme-mouvement vise la révolution sociale, le féminisme-point de vue théorique, et chacun est indispensable à l'autre, doit viser une révolution de la connaissance.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“L'échec de ses tentatives est dû à ce qu'elles ont toutes accepté la prétention exorbitante de la psychanalyse d'être, non pas un système d'interprétation de la subjectivité, mais la subjectivité même [...] Sous couvert d'introduire le matérialisme dans la subjectivité, on introduisait en fait l'ennemi dans la place, l'idéalisme dans l'histoire.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“L'échec de ses tentatives est dû à ce qu'elles ont toutes accepté la prétention exorbitante de la psychanalyse d'être, non pas un système d'interprétation de la subjectivité, mais la subjectivité même.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Une connaissance qui prendrait pour point de départ l'oppression des femmes constituerait une révolution épistémologique, et non une nouvelle discipline ayant les femmes pour objet ou une explication ad hoc d'une oppression particulière.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Toute connaissance est le produit d'une situation historique, qu'elle le sache ou non. Mais qu'elle le sache ou non fait une grande différence ; si elle ne le sait pas, si elle se prétend "neutre", elle nie l'histoire qu'elle prétend expliquer, elle est idéologie et non connaissance. Toute connaissance qui ne reconnaît pas, qui ne prend pas pour prémisse l'oppression sociale, la nie, et en conséquence la sert objectivement.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Toute science construit son objet. Ceci signifie que non seulement son contenu théorique mais les limites et la définition de son champ d'application, son domaine même, loin de préexister à la discipline, en sont une création.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“La psychanalyse et la sociologie ne prennent pas en compte l'oppression des femmes. Ne la prenant pas en compte, elles la reprennent nécessairement à leur compte : elles l'intègrent comme un donné.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“La psychanalyse et la sociologie ne prennent pas en compte l'oppression des femmes? Ne la prenant pas en compte, elles la reprennent nécessairement à leur compte : elles l'intègrent comme un donné.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Ce n'est pas parce que le capitalisme achète et exploite la force de travail du mari qu'il exploite du même coup la femme. C'est absolument faux. Elle est exploitée par son rapport de production [l'exploitation domestique], c'est évident, pas par celui de son mari.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Lutte révolutionnaire, dans ce contexte, c'est d'abord le contraire de l'aménagement ou du réformisme. On a l'habitude d'entendre "révolutionnaire" dans le sens "lutte des classes". Or, être révolutionnaire, à n'importe quel plan, c'est être extrémiste par rapport à l'objet qu'on poursuit. Dans mon texte, c'était je crois, très clair : lutte révolutionnaire signifiait lutte en vue de détruire complètement et absolument le patriarcat? Ce qui ne veut pas dire qu'on sait comment s'y prendre, ni ce qu'il faut détruire pour le détruire. Le découvrir fait partie intégrante de la lutte.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Le grand danger qui guette la lutte des femmes aujourd'hui est celui-ci : que l'en deça de la question féministe soit présenté et vécu, comme son au-delà, permettant ou visant à permettre, l'économie...de la lutte tout simplement.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“En effet, sous couvert de poser une question historique, on pose une question a-historique : "quelles sont les raisons naturelles qui ont causé la suprématie des hommes ?". On postule donc que la "société originelle" serait, auraité été, moins "sociale" que les sociétés qui lui ont succédé. D'autre part, on pense, sans le dire, que si l'on peut "prouver" que l'oppression des femmes est due en dernier recours à leur "faiblesse", on établit du même coup que cette oppression est légitime. Dans ce cas et dans ce cas seulement, on pense que le fait que la domination soit matériellement possible la rend moralement juste.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“La première division du travail est naturelle, c'est la division du travail entre le sexes". C'est aussi la première - ou disons la plus importante - erreur d'Engels, et A. Leclerc, qui n'a pas cité ses sources, la reprend entièrement à son compte. Ayant montré que toute division du travail est la conséquence et le moyen de la hiérarchie et de l'oppression, Engels trouve cependant que celle entre les sexes est "naturelle", et que dans ce cas mais dans ce cas seulement, [...] la hiérarchie suit et ne précède pas. Il renie sa propre méthode et jette ainsi une ombre non seulement sur cette analyse mais sur toutes les autres. Car si on peut renverser l'ordre causal pour les femmes, pourquoi pas pour les autres ? Le ver est dans le fruit. Cent ans se sont écoulés depuis et de nombreuses études ont montré que le contenu de cette division était variable, donc pas naturel.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Toute démarche qui tend à nous faire mieux accepter les contraintes sociales est dangereuse, et ne peut en aucun cas être qualifiée de "libératrice". C'est pourquoi la "revalorisation du corps des femmes", sans autre précision, est un projet extrêmement ambigu.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“La récupération d'une image positive de nous ne passe pas seulement ni principalement par la récupération d'une image positive de nos fonctions "procréatives". Elle passe aussi et surtout par la capacité de nous définir autrement que par ces fonctions : par la récupération, comme spécifiques des femmes - c'est-à-dire partie aussi intégrante et définissante de nous-mêmes - de nos organes et fonctions non-procréatives.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“On reconnaît là le raisonnement même qui a permis à Saint Paul, Freud, Suzanne Lilar (1969), Saint-Augustin, Ménie Grégoire, et j'en passe, de fonder leur théorie de la "féminité". On reconnaît là le raisonnement qui permet d'inférer "scientifiquement" la "passivité" des femmes, êtres totaux dotées de conscience, de la passivité imputée à... l'ovule dans le procès de procréation, et l' "activité" des hommes, êtres totaux, etc., de l'activité prêtée à... un spermatozoïde qui n'en peut mais, lors du même procès.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“[L'idéologie masculine, du sexisme] produit et se manifeste par, entre autres, le déplacement de la haine de l'oppresseur - le capitaliste - sur les serviteurs et possessions de celui-ci. La "bourgeoise" est la cible favorite des "révolutionnaires" mâles.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“Car quelles que soient leurs "opinions", les femmes sont opprimées. Leur antiféminisme étant a) un obstacle à la prise de conscience de leurs intérêts objectifs et b) plus directement le reflet de leur oppression dans leur subjectivité est donc l'un des moyens du maintien de cette oppression.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat
“La source première de la pensée matérialiste étant l'action politique, il est logique de penser que le point de vue matérialiste sur une question donnée sera produit par un mouvement politique engagé sur cette question, à partir des lieux sociaux où existe un intérêt objectif à démasquer l'idéologie, c'est-à-dire par ses victimes [...] On retrouve la même négation de la réalité politique dans les implications de la proposition selon laquelle la ligne ne passe pas entre hommes et femmes, mais entre féministes et antiféministes [...] l'antiféminisme des hommes correspond à leurs intérêts objectifs, il n'y a rien de plus à dire sur ce sujet. En revanche, l'antiféminisme des femmes diffère radicalement de l'antiféminisme des hommes ; il lui est même diamétralement opposé. Ce qui est racisme chez l'oppresseur est haine de soi chez l'opprimée.”
Christine Delphy, L'ennemi principal (Tome 1) : économie politique du patriarcat

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