Status Updates From Histoire d'un trésor perdu ...

Prolongeant les thèses naguère soutenues par l'abbé Barruel, Augustin Cochin résume la Révolution française à un complot ourdi par les sociétés de pensée, dont les Jacobins et les francs-maçons. Très diffusées dans les années 1920 et 1930, minées par la peur du complot, ce n'est que dans les années 1980, grâce à François Furet, qu'elles parviennent au grand public.

A l'opposé des choix narratifs sévères de l'histoire civique républicaine, l'histoire victimaire contre-révolutionnaire s'appuie donc sur l'empathie, l'identification, le témoignage et la nostalgie, répondant aux goûts du public du début du XXe pour les faits divers.

Du point de vue d'un historien du début du XXIe, la permanence et la force des clichés, inventés et transmis de génération en génération comme des évidences pleinement intégrées dans le roman français, peuvent se révéler désespérantes. Depuis deux siècles, le ressac de la mémoire a submergé les historiens.

Marat et sa baignoire. Louis XVI, pathétique roi falot. Marie-Antoinette, frivole victime. La Terreur et la guillotine. Les sans-culottes et leur violence. Les poissardes et leur vulgarité. Malgré l'impression d'une lente tombée dans l'oubli, la Révolution française demeure la «machine à fantasmes» qu'elle n'a cessé d'être depuis 200 ans.

«Messieurs, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, et toujours de l'audace, et la France est sauvée!» Le même jour commençaient les massacres de septembre et Danton les laissa faire. Il poussa à la création du Tribunal révolutionnaire et du Comité de Salut public.

Les textes historiques de Marx, en ce qu'ils prétendent instaurer une différence de nature entre révolutions bourgeoises et révolutions prolétariennes, et dans la mesure où ils réduiraient toute reprise du langage de la Révolution à une forme d'aliénation, contribuent à rendre difficilement compréhensible la reprise de l'héritage.

À partir des années 1880, émane de la Révolution une aura sans égal depuis son avènement. Le centenaire de 1889, que surplombe au sens physique la Tour Eiffel, sorte de Marianne réduite à son squelette, en est en quelque sorte le couronnement.

En 1848, le spectre de la Terreur s'ajoute à la peur de la question sociale. C'est ce que condense Flaubert dans L'éducation sentimentale. La République est à la fois terreur et faiblesse pour l'opinion conservatrice, dont la peur est comme l'indice de sa bêtise.

Certains historiens comme François Furet ont donné une lecture téléologique : menace continuée d'une matrice totalitaire. Cette lecture fait paradoxalement écho à la lecture antérieure et fondatrice de Marx, métaphorisant un mouvement cyclique perdant son rapport au réel.

Un éloge de la Convention, voire du régicide, est réalisé sur la tombe de l'abbé Grégoire, par le conventionnel Thibaudeau, et le discours de Robespierre du 8 thermidor devient «l'évangile» des Amis du Peuple. C'est dans ce contexte que s'opère la réhabilitation de Robespierre et la 1ère publication de ses œuvres.

La réinvention du passé conduit certains groupes à se construire ou à se reconstruire une identité victimaire, autre modalité de la transmission. La droite parlementaire ultra se définit comme une grande famille de victimes, contre l'évidence statistique.

Les protestations suivant les élections du 13 juin 2009 en Iran donnaient un contexte idéal au docudrame britannique, dans lequel inscrire sa comparaison entre le «règne de la vertu et de la terreur» de Robespierre et l'intégrisme islamique.

La «fin du tyran» est parfois l'introduction à une représentation, àun récit, comme le récent docudrame de la BBC, Terror! Robespierre and the French Revolution, célébrant les vingt ans du bicentenaire de la Révolution.

Hilary Mantel, auteur de A Place of Greater Safety (1992) explique dans des termes naïfs et simplistes la représentation de Robespierre face à Desmoulins: «When he lost Camille, Robespierre lost his childhood self.»

Le «Jeu de Paume» de Versailles a été investi comme un temple.«Nos enfants iront un jour en pèlerinage à ce temple comme les musulmans vont à la Mecque. Il inspirera à nos derniers neveux le même respect que le temple élevé par les Romains à la piété filiale.»

Nous n'appartenons à personne sinon au point d'or de cette lampe inconnue de nous, inaccessible à nous, qui tient éveillée le courage et le silence.

L'objectif est alors de fustiger l'école dite jacobine alliée au communisme français au profit d'une deuxième gauche rocardienne qui élabore ses points de vue au sein de la fondation Saint-Simon, créée et présidée par François Furet en 1981, et qui les diffuse dans Le Nouvel Observateur.

Si dans cette période traversée de 1789 à 1945, la Révolution française a été une référence politique fondatrice de la modernité émancipatrice, son image et l'imaginaire qu'elle recèle sont devenus de plus en plus fragiles, de 1945 aux années 1960.