Une autobiographie
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Read between February 1, 2024 - February 23, 2025
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J’ai donc ma « maison ». Le but de la chose est que je puisse y trouver un isolement total pour mes travaux d’écriture.
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Il est cependant vrai que les obstacles à la concentration ne manquent pas.
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Je suis censée m’atteler à un roman policier, mais, succombant à la tentation naturelle de l’écrivain d’écrire tout sauf ce dont il est convenu, me voilà prise du désir inattendu de rédiger mon autobiographie.
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D’ailleurs, autobiographie est un bien grand mot. Il suggère l’étude soigneusement pensée de toute sa vie. Il implique de ranger les noms, les dates et les lieux en un ordre chronologique rigoureux. Or, ce que je veux, moi, c’est plonger au petit bonheur les mains dans le passé et les en ressortir avec une poignée de souvenirs variés. La vie, me semble-t-il, se divise en trois parties. Le présent, en général agréable, qui nous absorbe et qui fuit de minute en minute à une vitesse effarante. Le futur, flou et incertain, pour lequel on peut toujours élaborer des plans aussi extravagants et ...more
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Ma mère était tout autre. Personnalité énigmatique et marquante – plus forte que celle de mon père –, elle avait des idées étonnamment originales mais, par timidité, manquait désespérément de confiance en elle. Je crois que, au fond, c’était une grande mélancolique.
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Comme le lui reprochait souvent mon père, elle n’avait pas le sens de l’humour. Accusation dont elle se défendait d’une voix offensée : « Ce n’est pas parce que je ne goûte pas toujours le sel de vos histoires, Fred… »
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On m’appela Mary comme ma grand-mère, Clarissa comme ma mère, le prénom d’Agatha ne venant qu’au dernier moment, suggéré sur le chemin de l’église par un ami de ma mère qui le trouvait joli.
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Je n’avais pas 5 ans et le monde des livres de contes m’était ouvert. À partir de ce moment, je commandai toujours des livres pour Noël et pour mon anniversaire.
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Je continuais, en somme, à tout garder pour moi. Non par amour des cachotteries, mais parce qu’il me semblait simplement que, la plupart des choses n’ayant aucune importance ou si peu, à quoi diable rimait-il d’en parler ?
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L’exubérance de la joie, la profondeur du désespoir, l’importance capitale de chaque instant de la vie sont l’estampille de la jeunesse. Accompagnés par le sentiment de sécurité et l’absence totale de pensée pour le lendemain.
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Je fus transportée de joie de voir mon poème imprimé, mais je ne saurais affirmer que cela me mit en tête des idées de carrière littéraire. D’idée en tête, je n’en avais qu’une, en fait : réaliser un mariage heureux. Sur ce point, je me faisais entière confiance. De même que toutes mes amies. Car c’était le bonheur qui nous attendait : nous avions hâte d’être aimées, choyées, adorées, admirées. Nous ferions ce qui serait de notre ressort comme nous l’entendrions, tout en plaçant la vie de notre mari, sa carrière, son succès, avant tout, ainsi que le commanderait notre fier devoir d’épouse. ...more
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Ce qu’il y avait d’excitant dans le fait d’être une fille – donc une chrysalide de femme – c’est que la vie était un merveilleux jeu de hasard. Vous ne saviez pas ce qui allait vous arriver. Là résidait tout le sel d’être femme. Vous n’aviez pas à vous préoccuper de ce que vous deviez faire ou être. C’était affaire de biologie. Vous attendiez l’Homme avec un grand H, et quand il venait, il changeait toute votre vie.
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Le monde entier vous était ouvert – pas pour votre choix, pour ce que le destin vous apporterait.
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Le temps. Rien n’est plus merveilleux à posséder, dans la vie. Les gens ne me semblent pas en avoir assez de nos jours. J’ai eu une chance incommensurable, dans mon enfance et ma jeunesse, d’en disposer à ce point. Vous vous réveillez le matin, et, avant même d’avoir complètement ouvert les yeux, vous vous dites : « Voyons, qu’est-ce que je vais faire de ma journée ? » Vous avez le choix, il est là devant vous, vous pouvez faire des projets comme vous l’entendez.
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Toujours, quand je me levais, j’éprouvais le sentiment qui doit, je suis sûre, être naturel en chacun de nous : la joie d’être vivant. Je ne dis pas qu’on le ressente consciemment, ce n’est pas le cas, mais vous êtes là, bien vivant, vous ouvrez les yeux sur une nouvelle journée. C’est un pas de plus, pour ainsi dire, dans votre voyage vers l’inconnu. Ce voyage excitant qu’est votre vie. Qui n’est pas forcément excitante en tant que telle, mais parce que c’est votre vie. Un des grands secrets de l’existence est de savoir apprécier le cadeau de vie qui vous a été fait.
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La condition des femmes, au fil des années, s’est manifestement dégradée. Nous nous sommes conduites comme des gourdes. Nous avons réclamé à cor et à cri le droit de travailler comme les hommes. Eux, pas fous, ont sauté sur l’occasion : pourquoi entretenir sa femme ? Quel mal y a-t-il à ce qu’elle subvienne elle-même à ses propres besoins ? Puisqu’elle en a tellement envie, laissons-la faire, sapristi !
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Bref, j’étais l’une de ces filles délurées qui, en 1912, portaient un col Claudine.
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Où cela va-t-il finalement mener ? À de nouveaux triomphes ? À la destruction de l’homme par sa propre ambition ? Cela, je ne le pense pas. L’homme survivra. Peut-être seulement dans quelques poches ici ou là. Une grande catastrophe est possible, mais toute l’humanité ne périra pas.
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Mon stage de formation auprès de Mr P. touchait à sa fin, mais je me suis souvent interrogée à son sujet par la suite. En dépit de ses airs de chérubin, il m’avait fait l’effet d’un homme potentiellement dangereux. Il m’avait tant marquée que son souvenir ne cessa de m’habiter jusqu’au moment où germa dans mon esprit l’idée d’écrire mon roman Le Cheval pâle : ce qui a dû se passer, je crois bien, pas loin de cinquante ans plus tard.
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Bref, je me décidai pour un détective belge. Je le laissai petit à petit s’installer dans le rôle. Il aurait été inspecteur, afin de posséder de solides connaissances en matière criminelle. Il serait méticuleux, très ordonné, me dis-je tandis que je faisais moi-même du rangement dans ma chambre en désordre. Je le voyais nettement comme un petit homme tiré à quatre épingles, aimant les choses qui vont par paires, carrées plutôt que rondes. Il serait très intelligent. Il ferait travailler ses petites cellules grises : c’était là une bonne phrase à retenir. Il aurait un nom qui sonne bien, dans ...more
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Je ne m’étais pas rendu compte que j’étais désormais enchaînée, non seulement au roman policier, mais aussi à deux personnages : Hercule Poirot et son Watson, le capitaine Hastings. J’aimais bien le capitaine Hastings. C’était une création stéréotypée, mais Poirot et lui correspondaient à ma conception d’un tandem de détectives.
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Une douleur continue vous abat complètement. Cela commençait au beau milieu de chaque nuit. Je me levais alors et marchais un peu, car cela semblait rendre le mal plus supportable. Il disparaissait une heure ou deux pour revenir avec une intensité redoublée.
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Nous restons tous ce que nous étions à 3, 6, 10 ou 20 ans. Surtout, peut-être, 6 ou 7 ans, parce que, à cet âge-là, on ne cherche pas à paraître comme à 20, où l’on met toujours un masque quelconque en fonction de la mode du moment. Si la tendance est l’intellectualisme, vous vous faites intellectuelle. Si les autres filles sont légères et frivoles, vous vous faites légère et frivole. Mais au fur et à mesure où vous avancez dans la vie, vous trouvez lassant de vous conformer à cette image fabriquée, alors vous retombez dans l’individualité et redevenez vous-même un peu plus chaque jour.
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J’ai appris que je suis moi, que j’arrive à faire les choses, si je puis dire, que ce moi peut faire, mais pas celles que ce moi voudrait faire.
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Après Le Meurtre de Roger Ackroyd, j’avais enchaîné avec Les Sept Cadrans, lui-même une suite d’un autre livre, Le Secret de Chimneys. Il faisait partie de ce que j’appelais les « thrillers légers ». Ceux-ci étaient toujours plus faciles à écrire et ne demandaient pas une intrigue et une composition trop élaborées.