Qui a tué mon père
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Read between February 27 - February 27, 2024
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Seul le fils parle,
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il essaye de s’adresser à son père mais on ne sait pas pourquoi c’est comme si le père ne pouvait pas l’entendre.
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le père est privé de la possibilité de raconter sa propre vie et le fils voudrait une réponse qu’il n’obtiendra jamais.
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politique, c’est la distinction entre des populations à la vie soutenue, encouragée, protégée, et des populations exposées à la mort, à la persécution, au meurtre.
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Le mois dernier, je suis venu te voir dans la petite ville du Nord où tu habites maintenant. C’est une ville laide et grise. La mer est à quelques kilomètres à peine mais tu n’y vas jamais.
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Au moment où tu m’as ouvert la porte je ne t’...
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Tu t’es excusé. C’est une chose nouvelle, les excuses, de ta part, je dois m’y habituer. Tu m’as expliqué que tu souffrais d’une forme de diabète grave, en plus du cholestérol, que tu pouvais faire un arrêt cardiaque à n’importe quel moment.
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Tu as à peine plus de cinquante ans. Tu appartiens à cette catégorie d’humains à qui la politique réserve une mort précoce.
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Tous les jours, quand je m’approchais de notre rue, je pensais à ta voiture et je priais dans ma tête : faites qu’elle ne soit pas là, faites qu’elle ne soit pas là, faites qu’elle ne soit pas là.
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appris à te connaître que par accident. Ou par les autres. Il n’y a pas si longtemps j’ai demandé à ma mère comment elle t’avait rencontré, et pourquoi elle était tombée amoureuse de toi. Elle a répondu : Le parfum.
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2002 – ce jour-là, ma mère m’avait surpris en train de danser, seul, dans ma chambre.
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Je m’attendais à un reproche ou à une moquerie mais elle m’a dit avec un sourire que c’était quand je dansais que je te ressemblais le plus.
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J’ai observé jusqu’au bout de la nuit ces images de ton corps, de ton corps habillé d’une jupe, de la perruque sur ta tête, du rouge sur tes lèvres, de la poitrine artificielle sous ton T-shirt que tu avais dû bricoler avec du coton et un soutien-gorge. Le plus étonnant pour moi, c’est que tu avais l’air heureux.
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Un jour, j’ai écrit dans un carnet à propos de toi : faire l’histoire de sa vie, c’est écrire l’histoire de mon absence.
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Est-ce que tu avais honte de pleurer, toi qui répétais qu’un homme ne devait pas pleurer ? Je voudrais te dire : je pleure aussi. Beaucoup, souvent.
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2001 – soirée d’hiver encore,
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Tous les adultes nous regardaient mais pas toi. Je chantais plus fort, je dansais avec des gestes plus violents pour que tu me remarques, mais tu ne regardais pas. Je te disais, Papa, regarde, regarde, je luttais, mais tu ne regardais pas.
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Quand tu conduisais la voiture, je te disais : Fais le pilote de Formule 1 ! et tu accélérais, tu allais à plus de cent cinquante kilomètres à l’heure sur les petites routes de campagne.
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toi tu me regardais dans le rétroviseu...
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Ça aussi je l’ai déjà raconté – mais est-ce qu’il ne faudrait pas se répéter quand je parle de ta vie, puisque des vies comme la tienne personne n’a envie de les entendre ? Est-ce qu’il ne faudrait pas se répéter jusqu’à ce qu’ils nous écoutent ?
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La violence ne produit pas que de la violence. J’ai répété cette phrase longtemps, que la violence est cause de la violence, je me suis trompé. La violence nous avait sauvés de la violence.
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1998 – c’est Noël.
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Je parle avec ma mère et avec mes frères et sœurs, mais pas avec toi. Toi tu ne parles pas.
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Mais cette nuit-là, vers minuit, on ne dormait pas, j’ai entendu, et tous les autres avec moi, une explosion dehors.
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j’ai pleuré toute la nuit de Noël. Pourquoi est-ce que j’ai pleuré ? J’aurais dû pleurer parce que mes cadeaux avaient disparu – je l’avais compris, je savais que tu les cachais dans la voiture –, à sept ans je n’aurais pas dû pleurer à cause de la voiture, j’aurais dû, il aurait été logique que je pense à mes cadeaux.
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Il me semble souvent que je t’aime.
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et ma mère a connu le même bonheur quand elle t’a chassé.
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J’étais adulte, j’avais dix-huit ans. Je ne vivais plus avec vous mais elle me l’a raconté.
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à presque cinquante ans elle est partie vivre dans une grande ville pour la première fois de sa vie, elle a voyagé. Elle s’est découvert des passions, et surtout des dégoûts nouveaux.
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Tu ne t’es jamais remis de la séparation avec ma mère. Quelque chose en toi a été détruit. Comme toujours, c’est la séparation qui t’a fait comprendre à quel point tu l’aimais.
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Le soir du faux concert, est-ce que je t’ai blessé parce que j’avais choisi de faire la chanteuse - la fille ?
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La masculinité t’a condamné à la pauvreté, à l’absence d’argent. Haine de l’homosexualité = pauvreté.
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Ta vie prouve que nous ne sommes pas ce que nous faisons, mais qu’au contraire nous sommes ce que nous n’avons pas fait, parce que le monde, ou la société, nous en a empêchés.
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2004 – au collège, j’entends parler pour la première fois de la guerre froide,
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Tu n’avais rien à dire. J’ai commencé à voir que mon insistance te faisait mal. J’avais douze ans mais je disais des mots que tu ne comprenais pas.
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Tu avais honte parce que je te confrontais à la culture scolaire, celle qui t’avait exclu, qui n’avait pas voulu de toi.
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On nous apprenait l’histoire du monde et tu étais tenu à l’écart du monde.
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1999 – je compte sur mes doigts : une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit. Je me prépare à avoir huit ans.
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Non, non, c’est Titanic que je veux, et c’est après mon insistance, après ton échec, que tu as changé de ton. Tu m’as dit que puisque c’était comme ça je n’aurais rien, pas de cadeau.
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tu m’as laissé regarder ce film près d’une dizaine de fois par semaine pendant plus d’un an.
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Tu avais peur des rats et des chauves-souris.
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Tu rêvais de travailler dans une morgue. Tu disais : « Au moins les morts ne font pas chier les autres. »
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il y a ceux à qui la jeunesse est donnée et ceux qui ne peuvent que s’acharner à la voler.
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Il n’y a que ceux à qui on donne tout depuis toujours qui peuvent avoir un vrai sentiment de possession, pas les autres. La possession n’est pas quelque chose qu’on peut acquérir.
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même dans les moments les plus intenses de notre vie il me semble que nous continuons à imiter des scènes et des rôles vus dans la littérature ou dans les films,
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Il y a plus d’objets que de personnes dans nos souvenirs. Toi, tu vivais ta jeunesse à travers la jeunesse de ces objets.
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(je parle de toi au passé parce que je ne te connais plus. Le présent serait un mensonge.)
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(tu m’avais offert cette montre qui tournait à l’envers, celle que tu avais achetée à la brocante. Je l’ai perdue.)
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J’ai oublié presque tout ce que je t’ai dit quand je suis venu te voir, la dernière fois, mais je me souviens de tout ce que je ne t’ai pas dit. D’une manière générale, quand je repense au passé et à notre vie commune, je me souviens avant tout de ce que je ne t’ai pas dit, mes souvenirs sont ceux de ce qui n’a pas eu lieu.
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Tu m’as giflé la fois où j’ai dit que mon grand frère n’était que mon demi-frère. Tu m’as repris : « Ton frère. Il n’y a pas de demi-frère, moi je n’ai pas de demi-gosses. »
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