Conte.. à régler

 J'ai toujours bien aimé Charles Perrault. Il paraît qu'après avoir perdu sa femme, il a élevé seul ses enfants, ce qui force l'admiration, surtout à son époque (mais pas seulement). Et non content de leur faire du riz au lait, il leur écrivait des histoires édifiantes.Je ne vous ferai pas de riz au lait, chers amis auteurs. Mais laissez-moi donc vous édifier... Voici mon conte. Il est en plusieurs parties. Si vous êtes sages, vous saurez la suite très vite !
"L'histoire de l'éditeur César "

Vous tous chers petits écrivains,  Qui ne publiez pas assezJe ne vous le dis pas en vain :Il convient d'être prudent
Et de ne pas vous précipiter !
Si vous voulez revoir vos textes
Et toucher vos petits DA
Regardez-y à deux fois,

Cette histoire vous le prouvera assez...


Il était une fois un vieux cahier qui...Non, il était une fois un livre.Ah, non ! Zut, ce n'est pas ainsi qu'il convient de commencer un conte. Il faut un héros. Même incompétent, un héros est un héros, et nous en avons un sous la main. Recommençons, donc.
Il était une fois, un éditeur. Il s'appelait, euh, mettons... César. Comme la cérémonie des César, quoi. Sauf qu'il aurait préféré la version américaine. Un jour, peut-être, parviendrait-il à changer de nom. Mais à ses débuts, le petit César n'en était pas là. Que nenni ! A ses débuts, armé de son plus bel atout (une épouse adorable) il arpentait les allées d'un célèbre salon du livre jeunesse de la région parisienne, afin d'approcher les auteurs dont il appréciait la plume et le talent tout en murmurant "Mmmm, je sens la chair fraîche !" A ces auteurs, il avait le bon goût de ne pas promettre de contrats faramineux. Il ne faisait pas miroiter des à-valoir mirobolants ni des chiffres de vente indécents : César avait le sens de la mesure.  Simplement, il caressait dans le sens de la plume des auteurs encore tout ébourrifées par leur première publication. Il savait aussi flatter le bec fin des vieux briscards. Que leur promettait-il donc ? Un publication. Faire vivre un livre, le faire exister, le rendre public : il n'est pas de plus beau rêve pour l'auteur, jeune ou vieux. Or, lequel d'entre eux n'a pas, dans ses tiroirs, quelque texte oublié qu'il rêve de voir publier ? Lequel d'entre eux, même le mieux servi par des éditeurs généreux, n'est pas tenté par le frisson de l'aventure et la perspective d'un texte facilement publié ? Voilà pourquoi, lorsque les portes du salon se refermaient à minuit sonné, on voyait les auteurs, tels de petits rats, suivre en file indienne le gentil César qui jouait du pipo.
(la suite, la suite ! réclament les enfants sages. Pas tout de suite, allons, il faut en garder pour demain !?)

Très rapidement, César l'ogréditeur amenait ses petits auteurs dans sa petite maison en pain d'épices où travaillaient une marraine-la-bonne-fée (son épouse, ores doncques) et une humble serviteuse qui leur servait de secrétaire-commerciale-attachée de presse-relations repré. Cette douce créature travaillait vingt-cinq heures par jour, en cela pareille à "ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit" dont nous parle Victor Hugo ("où vont tous ces enfants dont pas un seul Kiri", etc.) et faisait de son mieux pour mettre à l'aise le troupeau de petits rats envoûtés qui chaque jour, devenait de plus en plus gros (le troupeau, pas les rats). Gagnés par cette frénésie de travail et leur esprit critique anesthésié par le pain d'épices, ces auteurs acceptaient de relire et retravailler leurs textes dans l'urgence ("merci de relire le BAT pour demain 6h", "prière de nous écrire une 4eme de couv pour ce soir 19h" ) et de voir sortir leurs fonds-de-tiroirs romans, assortis parfois de quelques coquilles d'origine que nul n'avait eu le temps de rectifier, sous des couvertures à la jaquette flottante, si l'on ose dire, dont le graphisme mouvant, l'identité visuelle évanescente et la ligne éditoriale floue ne cessait de déconcerter les libraires qui sont, comme chacun sait, les austères mais pugnaces Gardiens de la Forêt du livre. Jusque là les auteurs avaient, somme toute, fort peu à se plaindre de César. Ce dernier, trop occupé à lancer ses filets dans toutes les directions, n'avait certes guère le temps d'assurer le suivi du livre, mais qui pouvait lui en vouloir ? César grossissait, grandissait : de mois en mois et d'année en année son catalogue enflait comme la bedaine de Shrek : 85 publications par an, dont 15 titres pour adultes et un chiffre d’affaires de 1 million d’euros en 2009. *
Et les petits rats étaient heurux. Un peu mal à l'aise, mais heureux.

Mais un jour...

(to be continued)
* source : Livres Hebdo, 7/01/11
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Published on April 13, 2015 10:04
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Anne Percin
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