J’aurais préféré ne jamais me réveiller
Je n’ai pas osé entrer dans la maison. Le toit est un bon compromis. Où puis-je aller d’autre? J’ai déjà tenté de fuir loi, de rouler sur l’autoroute jusqu’à… mais quand j’ai rouvert les yeux, après une nuit imposée, j’étais de retour chez moi. Chez lui? Oui, ce serait plus juste de nommer les choses ainsi. Sans mentir. Mon corps ne m’appartient presque plus, alors cet endroit… encore moins.
Aujourd’hui, je ne pense pas avoir perdu connaissance et lui avoir abandonné les commandes. Heureusement, il n’a pas faim chaque jour. Ça prend du temps, digérer un corps humain. Et mon âme, elle, combien ça lui prendra de temps pour l’engloutir, l’anéantir jusqu’à la dernière parcelle de vie?
Avant, j’étais endormie. Comme Bromptonville en ce moment, où les rues sont désertées peu à peu.
J’aurais préféré ne jamais me réveiller.
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Extraits de la novella SAM, publiée dans l’anthologie AGONIES, 2011
Photos : Jonathan Reynolds et Julie Ray, 2014

