“In This Dead End” by Ahmad Shamloo

They come sniffing at your mouth

Lest the words ‘I love you’ lurk within

They come to search your heart

These are strange times, my darling

As for love,

They whip it bloody

All along the city ramparts

We bury Love in the back room of the house

In this gnarled and frozen dead end

They feed the flames

With the kindling of song and poetry

Do not risk a thought

These are strange times we live in, my darling

Whoever pounds on the door at night

Has come to murder light

We bury Light in the back room of the house

And now here the butchers come,

Stationed at every crossroad

They bring cutting boards and bloody cleavers

These are strange times we live in, my darling

They cut corners from smiling lips

Cut songs from the throat

We bury Joy in the back room of the house

The canaries are lain on the coals

Burning with lilies and jasmine

These are strange times we live in, my darling

Iblis triumphant,

Blind drunk at the banquet of our grief

We bury God in the back room of the house


“In This Dead End” by Ahmad Shamloo

Translation of a translation by Yann Rousselot



***


“En cette impasse” – Ahmad Shamloo


On vient sentir ta bouche

Que tu n’aies dit je t’aime

On vient sentir ton coeur

Quelle étrange époque vivons-nous, ma toute gracieuse

Quant à l’amour,

On lui donne le fouet

Le long des remparts sentinelles

L’amour, on l’enfouit au fond d’une arrière-cour

En cette impasse torve, torturée par le froid

Brille l’amour

Par la grâce nourricière des chants et des poèmes

Ne te risque pas à penser, ma toute gracieuse

Quelle étrange époque vivons-nous

Celui qui, nuitamment, martèle à notre porte

Est venu en meurtrier de la lampe

La lumière, on l’enfouit au fond d’une arrière-cour

Et voici que viennent les bouchers

Veillant à tout passage

Ils apportent la planche et les hachoirs en sang

Quelle étrange époque vivons-nous, ma toute gracieuse

Et ils équarrissent le sourire sur les lèvres

Et les chants sur la bouche

La joie, on l’enfouit au fond d’une arrière-cour

Les canaris sont couchés sur la braise,

brûlante de jasmin et de lys

Quelle étrange époque vivons-nous, ma toute gracieuse

Iblis est triomphant,

Ivre, attablé au banquet de nos deuils

Dieu, on l’enfouit au fond d’une arrière-cour.


Traduit pour Libération par Reza Afchar Naderi. Petits Chants de l’exil, 1980.


/



On renifle ta bouche

Pour savoir si tu as dit « je t’aime »

On renifle ton cœur

Drôle de temps, ami-e

Et à côté du garde-fou

On fouette

L’amour

Il faut cacher l’amour dans l’arrière-chambre de la maison

Dans cette impasse tortueuse du froid

Pour alimenter le feu

On brûle des chants et poésies

Ne te risque pas à penser

Drôle de temps, ami-e

Celui qui au crépuscule cogne à la porte

Est venu pour assassiner la lampe

Il faut cacher la lumière dans l’arrière-chambre de la maison

Voici que les bouchers

Se postent aux carrefours

Billots et haches ensanglantés à la main

Drôle de temps, ami-e

Et on mutile le sourire sur les lèvres

Et la chanson dans la gorge

Il faut cacher l’enthousiasme dans l’arrière-chambre de la maison

On fait griller les canaries

Sur un feu de lys et de jasmin

Drôle de temps, ami-e

Le diable ivre de victoire

Fait ripaille à notre banquet de deuil

Il faut cacher Dieu dans l’arrière-chambre de la maison


Traduit par Marie Ladier-Fouladi, à partir de celle de Chahrâchoub Amirchâhi et Alain Lance, Iran Poésie & autres rubriques, Paris, Maspero, 1980.


***


دهانت را می بویند مبادا گفته باشی دوستت دارم


دلت را می پویند مبادا شعله ای در آن نهان باشد


روزگار غریبی است نازنین


و عشق را کنار تیرک راهوند تازیانه می زنند


عشق را در پستوی خانه نهان باید کرد


شوق را در پستوی خانه نهان باید کرد


روزگار غریبی است نازنین


و در این بن بست کج و پیچ سرما


آتش را به سوخت بار سرود و شعر فروزان می دارند


به اندیشیدن خطر مکن


روزگار غریبی است نازنین


آنکه بر در می کوبد شباهنگام


به کشتن چراغ آمده است


نور را در پستوی خانه نهان باید کرد


دهانت را می بویند مبادا گفته باشی دوستت دارم


دلت را می پویند مبادا شعله ای در آن نهان باشد


روزگار غریبی است نازنین


نور را در پستوی خانه نهان باید کرد


عشق را در پستوی خانه نهان باید کرد


آنک قصابانند بر گذرگاهان مستقر با کُنده و ساطوری خون آلود


و تبسم را بر لبها جراحی می کنند


و ترانه را بر دهان


کباب قناری بر آتش سوسن و یاس


شوق را در پستوی خانه نهان باید کرد


ابلیس پیروز مست سور عزای ما را بر سفره نشسته است


خدای را در پستوی خانه نهان باید کرد


خدای را در پستوی خانه نهان باید کرد


                                               احمد شاملو

 •  0 comments  •  flag
Share on Twitter
Published on October 04, 2018 04:33
No comments have been added yet.