Est-il souhaitable de rassembler les autoédités dans un pôle unique ?
Je pensais faire un édito dans le Mag des Indés autour du débat qui s’est installé cette semaine autour de la fédération des auteurs autoédités, mais comme les avis, les discussions et les positions divergent, j’ai pris le parti d’apporter mon expérience et ma connaissance du sujet ici à la lumière des articles parus sur ces questions qui mettent en évidence des désaccords fondamentaux.
Il y a quelques mois, la romancière Elen Brig Koridwen, m’a contacté alors qu’elle créait la fédération des auteurs autoédités. Ce projet accompagné d’un site, Les auteurs indépendants auquel je me suis inscrite, se veut dans un premier temps, un site de ressources pour les auteurs autoédités et dans un deuxième temps, une organisation avec plusieurs ramifications. Il y a une semaine, Julien Simon (alias Neil Jomunsi) a annoncé la création d’un syndicat des auteurs indépendants l’Alliance des auteurs indépendants (AAIF), auquel je me suis inscrite aussi, Neil ignorant que le groupe d’Elen existait ainsi que certaines autres initiatives, et l’apprenant, a préféré s’effacer au profit de ce dernier.
Je n’ai pas pris part aux débats qui ont eu lieu et continuent. La raison principale de ma non-participation est
1. Parce que je suis en train d’écrire ma Saison 2 de Brooklyn Paradis et donc pas trop le temps même si le sujet semble important.
2. Mon expérience avec le Mag des indés et @Lundiblogs que je gère avec l’auteure Catherine Lang, me donne une connaissance et un recul que trop peu d’auteurs semblent avoir.
De fait, je commencerai par dire que toute initiative est bienvenue puisque tout est à construire dans l’autoédition et je regrette que les personnes avec des projets intéressants comme Elen et Julien soient parfois si mal informés sur ce qui existe déjà et sur lequel ils pourraient s’appuyer afin de reprendre ce qui a marché et laisser tomber ce qui n’a pas marché, ou encore en tirer des leçons positives pour aller plus loin ou trouver plus d’efficacité.
J’aimerais revenir en arrière et faire un historique des initiatives faites depuis 2011 et les groupes ou personnes qui ont œuvré pour l’autoédition. Ces projets sont encore actifs pour la plupart, mais n’ont pas forcement atteint le développement qu’on aurait pu espérer en 2011.
Je vais d’abord revenir sur le Mag des Indés.
Le Mag est né d’une pratique, ma pratique. Dès 2011, je me suis mis à lire en anglais les livres des auteurs qui s’aventuraient dans l’autoédition, il n’existait rien dans ce domaine en français. Au fur et à mesure de mes lectures et publications, je trouvais dommage qu’il n’y ait pas un blog qui réunissent tous ces billets et infos indispensables aux auteurs Indés. Alors, j’ai réfléchi et j’ai trouvé un moyen simple, mais efficace de partager mes lectures hebdomadaires avec d’autres auteurs Indés, j’ai ouvert un compte Scoopit et j’ai créé le Mag des Indés en février 2014. Sur ce compte, chaque semaine depuis trois ans, j’ai regroupé les meilleurs billets (bien souvent écrit par des auteurs indés) et les informations utiles sur l’autoédition et l’écriture, en anglais au début, puis en français, puisque petit à petit les auteurs français autoédités ont émergé sur les plateformes numériques. Les deux premières années j’écrivais un édito chaque weekend qui est aujourd’hui mensuel. Le succès du Magazine a été immédiat. Au bout de sept mois d’existence, le taux de fréquentation s’élevait de 400 à 1000 visites par semaine. Il y avait donc un réel besoin. Très vite, j’ai invité les auteurs à participer, à m’envoyer leurs liens, ou des articles, des actualités. Bref, tout ce qu’ils avaient envie de partager avec les autres. Sur trois ans, je peux compter sur les doigts de la main, peut-être des pieds, les auteurs qui ont envoyé un article au Mag, et très peu m’envoie le lien des articles de leur blog. Chacun estime-t-il que c’est à moi de trouver leurs articles ? Le Magazine en plus de rassembler toutes les informations nécessaires à un auteur auto-édité fait aussi office de vitrine depuis 2014. L’autoédition est restée peu visible jusqu’à récemment, donc si quelqu’un voulait ou cherchait à connaître ou rencontrer un auteur indé, il lui suffisait de scroller les pages du Mag et il était en mesure de localiser rapidement les sites des auteurs indés actifs et engagés puisque leurs articles y étaient repris.
Je ne suis pas la seule à avoir œuvré pour les indés et l’autoédition. Dès 2013, Bruno Challard a créé le site auto-edition avec quelques fonctions remarquables pour l’époque : une boutique de vente, des promos saisonnières, des échanges de services et un système de mise en avant. L’auteur Charlie Bregman avec le site, Auteurs indépendants , a informé longtemps la communauté et proposé des livres techniques sur l’autoédition et l’écriture. L’auteur Fréderic Clementz a tenu pendant plus d’un an un blog, écrire et s’enrichir très complet sur les étapes de l’autédition aussi bien numérique que papier, Jacqueline et Jacques Vandroux partagent leur expérience d’auteur bestseller sur un blog. En 2014, Laure Lapègue à créer un outil de communication, Booknseries qui permet aux auteurs de trouver des lecteurs, Kouvertures à été créée par David Forrest et propose aux auteurs des couvertures pro à un prix raisonnable pour un autoédité. En 2016 des blogueuses littéraires passionnées ont créé le hashtag #JeudiAutoEdition sur Twitter, compte @JeudiAutoEditio et Cyril Godefroy a démarré ebookbang, une plateforme de mise en avant des promotions d’e-books d’auteurs indés pour le marché francophone, Laurent Bettoni a monté une structure éditoriale intitulée Les indés, une structure au croisement de l’indépendance de l’autoédition et la rigueur de l’édition. Prochainement, le site Indylicious va proposer des services gratuits relations presse et promo pour les auteurs indépendants. Plusieurs groupes sur Facebook, privés ou publics permettent des échanges d’infos et conseils sur des étapes spécifiques de l’autoédition…
D’autres plateformes ou sites nous ont apporté de la visibilité dès les premières heures de l’autoédition, je pense à IDBOOX, MontBestSeller. D’autres sont venus s’y ajouter comme Scribay…
Je vais donc présenter le Mag des indés en chiffres ce qui vous donnera une idée du nombre d’auteurs qui s’y informent de manière régulière :
Sur Scoopit
Nombre de vues depuis l’ouverture : 60.7 K pour le compte dont 60 K pour le Mag des indés le reste des vues allant à la partie tutoriel.
Nombre d’abonnés : 205
Sur Google
Le Mag y est depuis 1 an. J’ai créé un compte Google pour le Mag des Indés afin de permettre aux auteurs qui souhaitaient s’y abonner et n’avaient pas un compte Scoopit de le faire.
Nombre d’abonnés : 31
Ça fait au total 236 abonnés au Mag.
Le compte @Lundiblogs géré par Catherine Lang (@ecrivayon) et moi-même (@Qrisimon)
580 abonnés
587 abonnements
4 913 tweets à ce jour
Tous les lundis, vous pouvez tweeter vos articles films, photos… Avec le hashtag : #lundiblogs cela permet d’être retweeté, de participer à la mise en avant d’articles, les vôtres, mais ceux des autres en les retweetant.
Les chiffres ont parlé, il faut ajouter les non-abonnés et les suiveurs occasionnels que je ne peux hélas quantifier. Nombreux des articles sont re-scoopés et partagés sur cette plateforme et sur les Réseaux Sociaux, donnant ainsi de la visibilité à l’autoédition en général et faisant connaître les auteurs qui partagent leur expérience à une audience plus large. Le magazine est en accès libre, ouvert à tous. Et je suis toujours étonnée que les groupes qui se créent ne m’envoient pas systématiquement un article sur la création de leur projet et leurs objectifs afin d’en informer la communauté d’autoédités. Les abonnés du Mag sont à 100 % leur cible. J’ai créé une page, il y a 2 ans sur mon blog, sur laquelle vous trouverez toutes les informations sur le Mag des indés et son fonctionnement, ainsi que sur le fonctionnement de @Lundiblogs
Je ne vais pas argumenter sur les réponses et convictions des uns et des autres déployées autour de la création d’une ou deux fédérations ou syndicats, vous trouverez les liens des articles qui apportent des points de vue au cours de cet article. Je vais seulement partager mon expérience d’auteur qui s’est engagé dans l’autoédition.
Un syndicat des indés ?
Oui – Pour défendre les droits des auteurs, pour peser sur les décisions d’un statut juridique de l’autoédition, pour aussi faire valoir nos droits auprès de syndicats déjà existants comme la SNAC. Les droits des auteurs indés ont une souche commune avec les droits des auteurs. Je constate que les auteurs indés qui font un bestseller sont rapidement publiés par une maison d’édition, donc leur statut juridique change. Le syndicat qui représenterait les auteurs indés doit travailler en partenaire avec un syndicat d’auteurs existant. De fait de plus en plus d’auteurs seront hybrides et de nombreux auteurs ont déjà un statut, salarié, travailleur indépendant, auto-entrepreneur, fonctionnaire, chômeur… À ce propos lisez l’excellent billet de Lizzy Crowdagger qui donne des pistes de réflexions sur ce qu’un syndicat pourrait prendre en charge et défendre : Ce que j’aimerais dans une association (syndicat?) d’auto-édité·e·s
Quelle est l’étape fondamentale pour un livre de qualité : la correction professionnelle et une couverture qui utilise les règles de graphisme de base, mais pas seulement, c’est juste le minimum. Cependant continuer de développer l’initiative de Bruno Challard qui consiste a échanger des services entre auteurs me semble une bonne chose. On ne sait pas tout faire et l’entraide et une des qualités des auteurs indés. Bruno Challard a mis en place d’autres services auxquels, je suis favorable, car ils sont efficaces et pourraient l’être beaucoup plus, si on y passait plus de temps. À continuer, à reprendre, à professionnaliser.
Les divergences ont beaucoup tourné autour d’un label de qualité. Bruno Challard avait créé un label de qualité en 2013. Je me souviens que quelques livres ont reçu ce label, le label a été vite abandonné. Il serait intéressant de demander un retour d’expérience à Bruno et les auteurs qui avaient obtenu ce label pour leur roman. Je n’y crois pas trop à ce label. D’une part comme Julien Simon le démontre dans Pourquoi je suis contre la création d’un label de qualité pour l’édition indépendante, je pense que c’est une attribution difficilement gérable et d’autre part je dirai comme Alan Spade Nous sommes nos propres labels concept qu’il explique dans son article.
De plus, il me semble que la proposition de Laurent Bettoni remplit cette fonction et que donc les auteurs qui se sentent le besoin d’être épaulés dans leur démarche peuvent proposer leur manuscrit à la structure Les Indés.
L’autoédition ne peut pas empêcher les livres mal faits ou médiocres d’exister, de même que l’édition ne semblent pas pouvoir le faire non plus ;–) !
Créer des prix et des magazines littéraires est me semble t-il une façon plus efficace de mettre en avant ce qui se fait de mieux en autoédition. Et comme le suggère Alan Spade, un autre auteur qui partage aussi son exérience d’autoédité sur son blog, ces prix pourraient être à l’initiative de lecteurs et/ou de libraires qui vendent nos livres. Il y en a – La librairie Le comptoir Livresque à Bordeaux par exemples qui ne vend que les livres des auteurs et éditions indépendants –. De plus, ils sont d’excellents véhicules de communication auprès des médias.
Quelle est la plus grande difficulté d’un auteur indé après avoir écrit et publié son livre ? Le rendre visible et trouver ses lecteurs. Si vous avez de l’énergie à dépenser, du temps, un talent pour le marketing en ligne, la technologie et la programmation, ou encore l’organisation d’événements, c’est là-dessus qu’il faut plancher aujourd’hui. Créer des outils valables pour nous pour mettre en avant nos livres. Quand je vois le nombre d’initiatives aux États-Unis ou au Royaume-Uni sur ces questions et qu’en France il n’y a presque rien en 6 ans… Je m’interroge. Après 6 ans d’autoédition, je sais ce dont j’ai besoin et ce que j’aimerais trouver en français pour mes lecteurs :
Un service qui envoie automatiquement à mes lecteurs qui s’abonnent à ma newsletter le livre que j’offre.
Un service qui me permet comme sur Booklaunch par exemples d’avoir une launch page (page de lancement) pro pour chacun de mes livres e la possibilité de collecter leurs adresses emails.
Un service de diffusion qui placerait mes livres papier en librairies ou en boutiques.
Un service qui me trouverait des salons du livre adaptés à mon genre de livres, à mes thèmes, mes critères, ma géolocalisation.
Un site qui vend des articles, des pubs, ou des envois de newsletter à des milliers ou millions d’abonnés lecteurs (un bon service doit vous montrer des chiffres de conversions).
Ce ne sont là que mes suggestions, vous aimeriez sans doute en ajouter, vous voyez donc ce que je veux dire. On manque d’outils pour améliorer notre visibilité, augmenter nos ventes, être plus présents sur le terrain, nous professionnaliser.
À travers Le Mag des Indés, j’ai donné ce que je savais faire, partager des infos, j’ai tenté de donner une image des indés à travers un magazine. Je n’ai fait que partager un talent, nous avons besoin de tous les talents pour construire nos outils, donc toute initiative est bonne. Cohabiter en bonne intelligence, c’est apporter un plus, et non pas refaire ce qui existe déjà.
Je ne suis pas une syndicaliste, je suis une individualiste qui pense aux autres, j’ai pour philosophie le Make it fit. Il y a une dizaine d’années aux puces de Manhattan (le Garage), j’ai remarqué un homme qui se baladait avec une veste très cintrée et neuve, dont les coutures des emmanchures étaient sérieusement déchirées, et dont la longueur des manches tombaient trop courte sur ses poignets. Il était coiffé de longs dreadlocks d’une brillance et d’une propreté remarquable, j’aimais bien son allure, mince et longue. Sa démarche était souple. J’avais l’habitude de le voir tous les samedis. Petit à petit, nous avons discuté, sympathisé. J’ai appris qu’il était photographe de mode, qu’il s’appelait Mark et que ses vêtements reflétaient sa manière de penser et de vivre. Il n’essayait pas de rentrer dans un vêtement, il adaptait le vêtement à lui. “You make it fit” me répétait-il avec cette jolie bouche épaisse et soyeuse. C’est ainsi qu’il se promenait le vêtement déchiré, élégant et fier. J’ai retenu la petite phrase. MAKE IT FIT!
À quoi bon vouloir rentrer dans un moule ? Il serait plus judicieux de fabriquer des outils pour les indés, plusieurs si c’est possible. Toute initiative est bonne, car nous manquons encore de beaucoup de choses. Vouloir regrouper tout en une seule entité est un risque, l’autoédition a plus de chance de survivre si elle possède plusieurs centres, groupes, pôles. L’autoédition grâce à la technologie (numérique, POD, réseaux sociaux) est une irruption dans le système éditoriale. Elle fonctionne bien en système de cellules indépendantes, en réseaux car elle est plus proche de l’ADN d’une guerilla que d’une corporation. Je ne suis pas sûre qu’ele fonctionnerait en une structure qui engloberait entièrement. De plus l’autoédition me semble plus gérable en petites unités qui communiquent, car le bénévolat à ses limites et ne peut être ériger en un système quand le temps de chacun est limité.
J’encourage Elen Brig Koridwen, et Julien Simon à poursuivre leur projet et à les inscrire dans une continuité. Leur projet apportera un nouvel élan d’énergie, de nouvelles solutions, propositions. Ils ne le feront pas seuls, mais avec nous tous.
Le monde du livre s’adaptera à nous, et non pas le contraire si nous voulons durer.
Nous avons une occasion pendant le Salon Livre Paris 2017 de nous retrouver le samedi 25 mars. Je vous invite à l’After Party des Auteurs Indépendants, une initiative de Ghaan Ima, dont ce sera la deuxième année. Venez partager votre talent, proposer des services, échanger des idées, boire un verre, débattre de cette incroyable opportunité qu’est l’autoédition. bestsellers ou débutants nous traversons les mêmes joies et les mêmes difficultés.
Entrée libre de 20h30 à 23h30
N’hésitez pas à mentionner dans les commentaires les outils que vous proposez ou dont vous rêvez !