Martin Page's Blog, page 29
January 8, 2014
Postface à L’apiculture selon Samuel Beckett
(publiée dans la version Points Seuil du livre qui sort ces jours-ci)
Les livres surgissent dans notre vie comme des accidents positifs. Les imprévus viennent de nous-mêmes. C’est la rencontre du connu et de l’inconnu, du réel et du fantasmé. Ces quatre forces se heurtent, se mélangent et produisent quelque chose de l’ordre de l’incarnation d’un fantôme. Le livre apparaît, fruit d’une magie qui embrase le monde.
Ce livre a fait irruption dans ma vie. Ce n’était pas prévu. Mais qui prévoit quoi que ce soit ? J’ai été emporté dans l’aventure et j’ai fait croire que je la menais. J’ai bien donné quelques coups de rame, j’ai agi, mais j’ai surtout organisé des forces et des esprits. Un livre me construit autant que je le construis. C’est parce que je me laisse sculpter que je suis capable de sculpter quelque chose.
Je dois commencer par dire : certains faits dans ce livre sont vrais (En attendant Godot joué en prison, le metteur en scène Suédois, l’évasion des prisonniers acteurs), un fait est quasiment vrai (la rencontre de Beckett et de Suzanne). Le reste, y compris les mots que je mets dans la bouche de Beckett, je l’ai imaginé.
Ce livre est paru en Allemagne (et en allemand), deux ans avant sa sortie française. Je l’ai écrit alors que j’étais dans une résidence d’artistes (l’Akademie Schloss Solitude), située dans les dépendances d’un château. C’est un lieu idyllique qui accueille chaque année une trentaine d’artistes du monde entier et de toutes les disciplines. On y est isolé géographiquement parlant. Les artistes et les membres de l’équipe forment une communauté cosmopolite. On a la possibilité de rester dans son appartement et de ne voir personne pendant plusieurs jours, comme on peut se mêler aux autres, dîner, projeter un film, présenter son travail.
Cette année fut une parenthèse enchantée dans ma vie. J’avais du temps et aucune obligation. Le directeur de la résidence m’avait dit que, si je souhaitais écrire un livre, il se ferait une joie de le co-publier avec une maison d’édition spécialisée dans l’art contemporain. J’étais libre du sujet, de la forme.
J’ai l’habitude d’être libre. Je n’ai jamais écrit que les livres que je désirais écrire. Là pourtant c’était différent : une petite maison d’édition allemande allait accueillir ce texte. Mon livre resterait invisible dans ma bibliographie. Comme si je le faisais en cachette. Il ne serait pas lu par le public français.
Cette occasion d’écrire un roman secret m’a donné le désir de mettre en scène un écrivain pour réfléchir à ma propre condition. Je connaissais l’histoire de ce metteur en scène Suédois qui avait fait jouer En attendant Godot à des prisonniers. C’était l’occasion d’en faire quelque chose.
J’ai mis du temps à aller vers Beckett. Pour tout dire, j’ai mis du temps à aller vers pas mal de livres. La France prend la littérature au sérieux, c’est rare et c’est bien, mais elle la prend trop au sérieux, à tel point que les livres deviennent un instrument de pouvoir. Ils sont récupérés pour servir cette religiosité violente que les athées ont reportée dans l’art. Un peu comme si on mettait un panneau « défense d’entrer ». On oppose la littérature à la littérature populaire. Cette polarisation et ce mépris sont une catastrophe.
Je ne viens pas d’une famille sans lien avec la culture. Ma mère a été actrice et institutrice, mon père était peintre. Il y avait des livres chez chacun d’eux. Mais ça n’avait rien d’impressionnant ni de respectable. C’étaient des amis. Ma famille excentrique n’était pas dans la fascination : elle essayait de survivre.
On découvre la littérature dans la joie, la joie nécessaire à ceux qui sont mal partis dans la vie. C’est un lieu pour reprendre des forces, on y trouve des armes pour se battre. Pas pour des conquêtes, mais pour des victoires simples et quotidiennes : respirer, vivre, désirer.
Beckett est une des grandes figures de la littérature. Certains le transforment en saint ou en statue, ce qu’il n’était pas. Il faut lire les biographies des artistes pour les retrouver, les nettoyer des couches de sédiments d’admiration et de commentaires.
J’ai kidnappé Samuel Beckett pour me l’approprier, en faire un être familier à mes yeux. La piraterie est un acte de liberté et d’amour. Les morts, on les sort de terre, on entre en conversation avec eux.
J’ai écrit ce livre pour dire que la littérature et les grands écrivains sont pour tout le monde. Le génie ne doit pas impressionner, il doit ouvrir l’appétit. On doit se réapproprier les chefs-d’œuvre et les artistes. Ils sont propriété commune. Chaque fois que je croise un adolescent ou un adulte qui pense que les livres ne sont pas pour lui, ça me fait mal au cœur. Les grands artistes doivent devenir des compagnons quotidiens et chaleureux. Les statues, ça se détruit.
Vous avez L’Apiculture selon Samuel Beckett entre les mains, son destin caché ne s’est donc pas réalisé. Quand j’en ai parlé à mon éditrice, je pensais que ce texte court et fou ne pourrait pas intéresser, je pensais qu’un tel roman serait détesté. Je ne me faisais pas d’illusion sur le milieu littéraire. J’avais tort.
Les réactions ont été très positives. Quelques personnes ont bien sûr hurlé au sacrilège. Je m’y attendais. Chose rassurante, des amis de Beckett et des gens qui l’ont connu ont aimé le livre : Erika Thopoven, Dominique Dupuy, Bogdan Manojlovic. Ils ont eu une générosité et une gourmandise à l’égard de mon livre qui m’a rassuré. Cela me confortait dans mon amour pour Beckett et pour ses livres. Pour les livres. Ils sont là, disponibles, désirables et pleins de ressources pour résister à la réalité. Et parfois, répliquer.
Martin Page, 3 septembre 2013, Ouessant
December 21, 2013
Livres des amis
J’ai reçu deux livres qui vont compter à leur sortie. J’en reparle début janvier.Merci à Thomas Vinau et à Christophe Carpentier.
Ces derniers temps thés verts (les récoltes datent mais la conservation est bonne) : Hebizuka Gyokuro et Hon Yama Hebizuka (Hojo Tea), Ling Yun Yin Zhen, Cui Lo, Yun Feng et Taipink Houkui, Huangshan Mao Feng, Master Luo’s West Lake Long Jing (pre Guyu) et Master Luo’s West Lake Long Jing (Ming) (Postcard Teas).
December 13, 2013
Pornic
Je suis ce soir à la médiathèque de Pornic pour une rencontre autour de mes livres. C’est à 20h.
December 9, 2013
Autres lectures
Le Walter Benjamin de Bruno Tackels. Passionnant et inspirant. Des extraits bientôt.
Et le On n’y voit rien de Daniel Arasse offert par mon ami Christophe Maout. J’ai déjà ce livre et je l’ai lu plusieurs fois, je le relis pourtant, et je le redécouvre. C’est une bonne chose de se voir offrir des livres que l’on a déjà. La chance d’une redécouverte.
Les livres des amis
En ce moment je lis les livres de deux amies :
La mariée était en en rouge, d’Anilda Ibrahimi (éditions Books).
Les théories sauvages, de Pola Oloixarac (éditions du Seuil).
Retour
Rien de mieux que de rentrer chez soi. Beaucoup de déplacements ces dernières semaines, et je suis fait pour la sédentarité. Mais de belles rencontres et des retrouvailles. Une amitié qui se fissure sans que je comprenne pourquoi. Il y a des sujets dont il est impossible de parler sans que tout devienne passionnel et violent (la langue française, la prostitution, par exemple).
Parfois il est important de ne pas penser qu’on a raison. Avoir raison c’est le début de la catastrophe. Laissez les choses en suspend. Se mettre à distance. Relire Jean-François Billeter.
Coline travaille à dompter le dessin avec stylet numérique, et nous travaillons à un livre ado en commun.
Retour aussi à Maison des Trois Thés où je n’étais pas allé depuis un moment. Toujours la même qualité, des thés exceptionnels (en particulier les oolongs de Taïwan -et nouveauté certains en biodynamie- et les pu-ers). Ces temps-ci : Shui Xian de Taïwan, Beauté Académique 2, Milan Xiang 1 (un Dan Cong), Baling Fuyan (biodynamie), et le vrac n°37 de 2002 (pu-er entre deux âges, passionnant, et pas cher). Chez Hojo Tea, le Deep fermented oolong, chez Postcard Teas, Edo Bancha et Yimu Red, deux thés singuliers.
Mon récit autofictionnel sur la création littéraire devrait sortir au printemps. Des nouvelles bientôt.
Belle période malgré les tremblements de terre. On trouve de nouveaux alliés. Je dois apprendre à me poser. Bonne résolution : à ne rien faire.
December 4, 2013
Pit Agarmen
Ce bon vieux Pit sort de sa retraite. Il y aura un nouveau roman aux éditions Robert Laffont fin août début septembre. Le contrat est en cours. Titre et thème secrets pour l’instant (une chose est sûre : il ne sera pas question de zombies). Pour suivre les infos, la page facebook est ici.
November 30, 2013
Montreuil
Je suis au salon du livre de Montreuil aujourd’hui samedi de 14 à 15-16h, sur le stand des éditions du Rouergue.
(et lundi pour un débat à la mi-journée)