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Jodie lui disait qu’il était naïf. Mo-Maw disait qu’elle aurait aimé qu’il soit plus fute-fute, moins bonne poire. C’était curieux que le fait d’être honnête et de s’attendre à ce que les autres le soient aussi cause de la déception.
Il n’y avait rien de pire que d’être une tarlouze, impuissant, aussi faible qu’une femme.
Il montra sa paume repliée. « T’imagines bien. J’ai commencé à limer. Faire un peu baver le minou, quoi. » La question échappa à Mungo. « Quoi, elle avait un chat ? » Les hommes le regardèrent avec des yeux ronds. Puis ils éclatèrent de rire. « Mais non p’tit gars. Sa craquette, sa chatte quoi. La prochaine fois que tu fourres un doigt à une gonzesse, tu verras un peu comme c’est doux. »
T’es sûr que tu veux pas venir avec moi ? Je connais une nénette qui se laisse doigter si tu lui payes un rocher coco. » Mungo sentit à nouveau le bord de la plume. Il se demanda s’il atteindrait un jour un âge où une telle proposition lui paraîtrait être un plan sympa. « Nan. Nan merci.
Mungo s’approcha d’elle et la prit dans ses bras. Elle le fit tournoyer comme pour une valse. « Da-dii-da-dah. Ah t’es un vrai tendre, Mungo Hamilton. Le dernier des grands romantiques. »
Tous les jours, quand je rentrais de l’école, elle me prenait dans ses bras et ne me lâchait pas tant que j’avais pas raconté toute ma journée. Si Geraldine arrivait après moi elle devait faire la queue. Ça pouvait prendre des plombes. Ma mère appelait ça le pressage. Elle disait que si elle ne nous serrait pas fort, on l’ignorait. Elle nous comprimait le plus fort possible pour faire sortir toutes les bonnes choses. Elle ne nous laissait pas tant qu’on n’avait pas tout, tout raconté.
Mungo s’arrêta un instant pour regarder le château. Il arma son appareil jetable et prit le temps de cadrer une photo qui n’intéresserait personne.
Ce fut ce qu’ils ne dirent pas ensuite qui rendit Mungo nerveux. James ne le quittait pas des yeux mais se taisait. Son sourire grandit un peu et à chaque millimètre qu’il prenait, celui de Mungo s’élargissait d’autant. Ils restèrent assis là, à se sourire jusqu’à avoir mal au visage.
Mais si. Tu as l’air plus sympa. Quand tu t’y mets. » Il joua avec un brin d’herbe. « Tu devrais essayer d’avoir l’air moins triste tout le temps. » James tendit la main et écarta une mèche de cheveux qui tombait dans les yeux de Mungo. Il alla si vite que ce fut presque comme si rien ne s’était passé. Son geste était furtif et fugace, comme un pigeon qui fend l’air.
Une fissure que Mungo n’avait jamais perçue s’ouvrit dans sa poitrine et, en dessous, une impression de vide qui ne l’avait jamais gêné auparavant. C’était une torture de ne pas porter la main vers les cheveux que les doigts de James avaient effleurés. Ça le brûlait. Il ne désirait rien de plus que sentir la chaleur laissée par son toucher. Il ferma les yeux et dit : « J’ai mal au bide. »
C’était comme s’il passait sur le visage de James un ciel nuageux, chargé de pluie et de peur. Mungo remarqua le changement. Il lui fit relever les yeux. Ils étaient assis côte à côte sur le monticule mais ils s’envoyaient des signaux maladroits comme s’ils avaient été de part et d’autre de la vallée de la Clyde. James se pencha au-dessus de ce gouffre pour placer un baiser sur ses lèvres. Il était sec et ses dents raclèrent la lèvre de Mungo. Ils se cognèrent la tête. Mungo se frotta le front. « Tu m’as mis un coup de boule là ? – On pourrait dire que c’était ça si tu préfères ? » De nouveau
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Mungo se redressa sur ses coudes pour embrasser James. Plus que tous les autres, il avait l’impression que c’était là son vrai premier baiser, maladroit, avec trop de pression sur les lèvres. Il enfonça le bout de son nez dans la joue de James et eut le souffle coupé quand il sentit la chaleur secrète de sa langue. Un frisson le parcourut. Sa langue était sucrée comme de la crème et de la vanille en poudre, sa bouche, chaude comme un feu de tourbe et du tabac blond.
Ils passèrent devant la prison et, sans un mot, James se replaça sur la petite selle. Il combla l’espace entre eux et cette fois-ci appuya son dos contre la cavité laissée par Mungo. Chaque vertèbre osseuse était une phalange pressée contre les endroits qui lui faisaient le plus mal. Mungo expira dans ses cheveux couleur sable. Ses bras lui désobéirent et s’enroulèrent autour de la taille de James. Il posa son visage contre la laine shetland et inhala la graisse de la lanoline et l’odeur musquée de ses aisselles. James poussait vers l’arrière aussi fort que Mungo vers l’avant. Un camion diesel
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James se redressa et s’enroula autour de Mungo comme un singe – et c’était peut-être ce que celui-ci cherchait depuis le début. James passait la tête au-dessus de ses épaules pour essayer d’attraper le paquet. Mungo le tenait à bout de bras mais James avait les bras plus longs. « OK, c’est bon. Lâche-moi maintenant. – Tu n’as pas vraiment envie que je te lâche, avoue. » James était tout sourire mais fit ce que Mungo avait demandé.
James posa la cassette comme si elle n’avait pas grande importance à ses yeux. Mungo se tritura la joue. Il essaya de trouver la douleur qui tiraillait son muscle pour l’empêcher de se propager. Ce n’était qu’une cassette après tout, mais à la façon dont James l’avait bazardée, ç’aurait tout aussi bien pu être son cœur.
James se pencha vers lui pour l’embrasser. C’était un geste si familier désormais. Ils avaient passé la phase du bécotage et du pelotage maladroits. Mungo s’arrêtait fréquemment pour s’excuser tant il se sentait incompétent et James lui prenait le visage entre ses mains pour guider les lèvres de Mungo vers les siennes. Leurs baisers étaient maintenant doux et tendres et s’offraient sans peur du refus. Un même baiser durait des heures. Allongés bouche contre bouche, Mungo plaçait son nez dans le creux de la joue de James, puis ils se guidaient l’un l’autre dans une exploration silencieuse, l’un
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« On fait une petite pause ? » En général, James ne s’arrêtait pas, il embrassait sa pommette, passait derrière son oreille et sur la peau pâle sous son col de chemise. Ils avaient eu de la chance. Plusieurs fois, ils s’étaient laissés emporter et Mungo avait passé vingt minutes tendues devant le miroir à inspecter ses suçons, James tournant autour de lui, des glaçons dans les mains.
Il s’était mis à emprunter mine de rien des habits de James, des choses intimes, qu’il échangeait avec ses vêtements tout propres, quoique pas spécialement jolis. Ça avait commencé par une grosse paire de chaussettes, après qu’il se fut plaint d’avoir froid, alors même que l’appartement avait le chauffage central, ce qui le laissait toujours déshydraté et un peu migraineux. Puis il vola un caleçon trop grand sur le séchoir à linge et le porta trois jours de suite sous son pantalon d’école, replié en accordéon comme une culotte bouffante victorienne.
Les longues heures qu’il passait loin de James semblaient insoutenables. Il remuait les jambes avec une énergie frénétique qui agaçait Jodie. Ces heures n’étaient remplies de rien. C’était le moment de dormir et manger et de penser aux choses qu’il lui dirait quand il le reverrait, des petites choses idiotes qui méritaient à peine d’être répétées, mais il savait que ça ne dérangerait pas James.
Il y avait une tasse qu’ils partageaient, ça rendait l’eau plus douce de boire dans la même coupe. Mungo fit signe à James de la lui passer.
Mungo roula des yeux et désigna de nouveau le calice partagé. James lui tendit la tasse d’eau du robinet avec une componction papale. « Sois béni, mon fils. »
Ils avaient franchi cette ligne un ou deux jours auparavant. Ils avaient cheminé d’une tendresse timide à de l’affection enrobée dans des insultes. C’était un compromis idéal pour deux garçons : honnête, excitant, immature.
Mungo fit un croche-pied à James et le fit tomber facilement sur le tapis, l’eau se répandit partout. Il avait trouvé quelqu’un à qui il pouvait dire les choses les plus cruelles sans qu’il menace de partir. Il s’en fichait d’avoir les lèvres gercées. Ils s’embrassèrent et se suçotèrent et se mordillèrent allongés l’un sur l’autre pendant tout le JT et bien après qu’eurent retenti les trompettes aigrelettes de Coronation Street. Malgré tout le temps qu’ils avaient passé à s’embrasser, ils n’étaient jamais allés plus loin. Ça lui suffisait de passer la main sous le T-shirt de James et de sentir
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Ils se frottaient plus fort maintenant. Il sentit James se durcir sous son survêtement épais. Il déplaça sa main et avec le dos frotta là où c’était le plus chaud, puis il la retourna et posa délicatement sa paume dessus. James poussa un soupir bas. Il posa son front contre celui de Mungo, son haleine rendue douce par le sucre et le lait des céréales. « T’as envie ?
Et cette chose lui apparut sur la page suivante : un homme sur le dos, jambes en l’air, en train de s’explorer avec les doigts. Ça avait l’air de faire mal. « Eh ouais. » James posa la tête sur l’épaule de Mungo. « C’est ça qu’on fait. – Qui ça, on ? plaisanta Mungo. – Les gens comme nous. – Eh beh. Qui fait l’homme et qui fait la femme ? demanda-t-il très sérieusement. – Bah c’est toi la femme. » Il secoua l’épaule de James. « Non, c’est toi. »
Je ne sais pas comment tu fais. » Mungo retirait des bouloches sous ses orteils. « C’est plus facile depuis que je te connais. » Il essayait de lui arracher un sourire. « Ohoh. Tu veux être ma copine ce week-end quand mon père rentrera ? – De quoi ? Je me trouve une perruque ? Je dirai que je suis la petite Mairead d’Alexandra Parade ? – Je le savais. Je savais que c’était toi la femme. » James eut son rire à demi étouffé.
D’abord venait la douleur, ensuite le baiser. L’enveloppant de ses longs bras, James souleva Mungo du sol dans une étreinte. Il le serra de toutes ses forces jusqu’à ce qu’il ne puisse plus respirer. Mungo espérait que ça ne se termine jamais.
James se couvrit les oreilles. « J’aurais bien aimé que quelqu’un me les recolle. Tu sais pas ce que ça fait. Essaie un peu d’aller à l’école avec des oreilles comme ça. Et pas la peine d’imaginer t’asseoir devant. – Elles me dérangent pas. » James s’envoya de la sauce brune dans la bouche. Il s’enfourna un autre roulé et sourit, la bouche pleine de chair à saucisse. « Je crois que tu m’aimes bien. – Peut-être bien. » Mungo baissa le menton vers l’eau. « J’ai plus que trois jours à les regarder.
Il essaya de détourner la conversation de ses oiseaux. Il voulait faire disparaître l’inquiétude sur le front de Mungo. « Mais ça fait plaisir d’avoir quelqu’un qui s’inquiète pour moi. » Mungo mit lentement la tête sous l’eau et essaya de cacher son grand sourire. Il revint à la surface. « Ah ouais ? Tu penses que t’es mon mec ? – Seulement si toi t’es ma meuf. » Mungo poussa sur les cuisses de James avec ses genoux. Le blond se tortilla pour le soumettre. « OK ! On dira pas ça à Mo-Maw mais ouais. Je veux bien être ton mec, Mungo Hamilton, pour les trois prochains jours en tout cas. »
Tu peux tenir. Tu as déjà tenu jusqu’ici. J’irai n’importe où avec toi. Mais si je m’en vais avant d’avoir seize ans, ça va faire des histoires.
Mais putain, Mungo. Tu planes ou quoi ? T’as oublié comment c’était dehors ? S’ils savent, ils nous plantent ! Ils nous ouvrent des couilles au menton rien que pour avoir un truc à raconter au pub. – Je sais. – On vaut pas plus qu’une merde pour eux. – Je sais. – Ces gonzesses-là. Je le ferais pour toi, c’est tout. – Moi ? Je t’ai rien demandé. »
James serra Mungo dans ses bras jusqu’à ce que son tic cesse et que son désir de fuite reflue. Ils luttèrent un moment. Il essayait de basculer le menton de Mungo pour le regarder dans les yeux. Mais à chaque fois Mungo se libérait et enfonçait son visage dans son cou. Il ne voulait pas qu’on le raisonne. Il ne voulait pas être adulte. « Mais fais pas la gueule putain.
De quoi ? De quoi ? » James le chatouilla. Il ne voulait qu’un autre sourire. Mungo laissa couler des filets de bave sur sa peau. James n’essuya pas son épaule, il ne demanda pas à Mungo de bouger, même après que leurs bras se furent engourdis et que des fourmis eurent commencé à remonter dans leurs jambes. Ils restèrent enveloppés l’un avec l’autre un bon moment, assez longtemps pour que la fraîcheur du soir gagne la pièce. Ils entendirent la musique du camion du glacier au loin. James l’embrassa. « T’as pas à t’inquiéter. T’es ma meuf maintenant. Jusqu’à ce que tu puisses partir avec moi.
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Mo-Maw avait besoin de si peu et il produisait tant que tout ça donnait l’impression d’un insupportable gâchis. Son amour était une récolte que personne n’avait semée et il mûrissait sur une vigne que personne n’avait entretenue. Il aurait dû se flétrir depuis des années, comme l’amour de Jodie, comme celui d’Hamish. Mungo avait tout cet amour à donner et il traînait autour de lui comme des fruits mûrs que personne ne venait ramasser.
Ce qu’on veut, c’est une vie simple. Et l’amour, c’est tout sauf simple. »
Mungo essaya de respirer pour faire passer sa douleur. Tout ce qu’il voulait, c’était que ces longs doigts s’enroulent autour de son torse, qu’ils le tiennent en place, l’empêchent de partir, lui fassent comprendre que quelqu’un se souciait de lui.
James semblait irrité. Il se mit à ramasser les granules des oiseaux avec un gobelet. « Je la déteste un peu en fait. Tout ce qu’elle dit, soit c’est débile, soit c’est pour parler d’elle. Elle râle si je lui montre pas toutes les cinq minutes que je fais attention à elle. On dirait qu’elle a tout le temps les cheveux mouillés mais ils sont secs et durs comme de la pierre et quand elle me touche, je vois bien qu’elle fait des comptes dans sa tête, comme si elle ajoutait ça à ma note.
James se mordit l’intérieur de la joue. C’était pire que ce qu’il pensait. Il passa la main au-dessus de Mungo et referma la porte. Dans le noir, ses doigts puissants encerclèrent Mungo, puis appuyèrent sur ses côtes et se promenèrent sur sa colonne tandis qu’il l’enlaçait de ses longs bras. Mungo suffoqua contre le torse de James, il trouvait le picotement de la laine shetland solide et réconfortant. Il sentait le souffle chaud de James sur le sommet de son crâne. « J’ai écouté ta cassette. Je me mets à ma fenêtre tous les soirs, dans le noir, pour l’écouter. Je croyais que c’était le Top 40,
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Sans doute parce que Glasgow ça rime avec que dalle. Bref, chaque fois que je l’entends, je pense à toi. Petit beau gosse, va. » Il inclina son visage vers celui de Mungo et l’embrassa sur la bouche. Puis il le repoussa à bout de bras et le secoua légèrement. « Allez fais pas la gueule. Je t’aime, Mungo Hamilton. – Arrête. » Quelque chose en lui ne supportait pas d’être aimé. « Pourquoi ? Je t’aime si je veux.
Toutes les bonnes choses ne partent pas en couille. » Mungo avait envie d’y croire.
T’en fais pas, mon gars, laisse sortir tout ça. Tous les petits soldats courageux finissent un jour ou l’autre par craquer et pleurer. »
Mungo voulait lui dire qu’il avait fait ça pour lui. Pour qu’Ha-Ha ne s’en prenne pas à lui, qu’il laisse en paix la seule chose que Mungo ait aimée. Mais à quoi bon désormais ? Dans tous les cas, il l’avait perdu. Mungo essaya une dernière fois, mais le mot lui échappa, aussi silencieux qu’un soupir. « S’il te plaît. »
Mungo secoua la tête malgré lui. « Non, j’ai été égoïste. Ça va aller pour toi. Tu peux aller sur les plateformes. Tu peux avoir des gosses avec Ashley. » James plaqua ses mains de part et d’autre de la tête de Mungo. « C’est trop tard. » Mungo fit la grimace. Puis il sourit, un sourire tremblotant, fragile. « T’es sûr ? – Ouais. » Il caressait la lèvre de Mungo avec ses pouces. « Je pense que j’ai assez d’argent, plus qu’il n’en faut. On peut aller dans le Nord et louer une caravane pour l’été. Je peux trouver du boulot. On va s’en sortir. »
Hamish lui avait appris à jouer la montre en listant tous les animaux qu’il connaissait en débutant par la lettre A puis, quand il avait fini, en recommençant avec les fruits. Hamish disait qu’énumérer des listes de légumes, de noms de chiens et de pays était le meilleur moyen de garder une expression insondable.
L’attelle rendait son geste sommaire, illisible, mais Mungo comprit. Il ne lui fit qu’un seul signe. Un seul, c’était bien assez. Viens, disait-il. On s’en va.