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À présent, je découvrais la peur. Non pas la peur de mourir, qui est la plus partagée des abstractions, mais la peur de la crucifixion : une peur très concrète.
Je ne le répéterai jamais assez : avoir un corps, c’est ce qui peut arriver de mieux. Je me doute que demain, je penserai le contraire, quand mon corps sera supplicié. Puis-je pour autant renier les découvertes qu’il m’a données ? Les plus grandes joies de ma vie, je les ai connues par le corps.
C’est à cela que l’on sait si l’on est amoureux : à ce que l’on ne choisit pas. Les êtres qui ont un ego trop gros ne tombent pas amoureux parce qu’ils ne supportent pas de ne pas choisir. Ils s’éprennent d’une personne qu’ils ont sélectionnée : ce n’est pas de l’amour.
On dit que l’amour aveugle. J’ai constaté le contraire. L’amour universel est un acte de générosité qui suppose une lucidité douloureuse.
Préférer un sexe serait à mes yeux un signe de mépris.
J’ai peine à croire que je souffrirai plus quand je serai sur la croix que sous la croix, comme maintenant.
Le moment est venu : je m’allonge sur la croix. Ce que j’ai porté me portera désormais.
On me cloue les pieds et les mains. C’est rapide, j’ai à peine le temps de me rendre compte.
La règle, c’est surtout de ne pas bouger. Le moindre mouvement décuple une douleur déjà insoutenable.
L’amour est une histoire, il faut un corps pour la raconter.
Aimer, cela commence toujours par boire avec quelqu’un. Peut-être parce qu’aucune sensation n’est si peu décevante. Une gorge sèche se figure l’eau comme l’extase et l’oasis est à l’épreuve de l’attente.
L’amour de Dieu, c’est l’eau qui n’étanche jamais. Plus on en boit, plus on a soif.
Ce qui disparaît quand on meurt, c’est le temps. Étrangement, il faut du temps pour s’en apercevoir.
Ont-ils donc si peu de respect pour la portion de matière qui leur a permis de connaître la vie pendant tant d’années ?
Sur leur lit d’agonie, les mourants disent souvent : « Si c’était à refaire… » – et ils précisent alors ce qu’ils referaient ou ce qu’ils modifieraient. Cela prouve qu’ils sont encore vivants. Quand on est mort, on n’éprouve ni approbation ni regret par rapport à ses agissements ou ses abstentions. On voit sa vie comme une œuvre d’art.
Mourir, c’est mieux que la mort, de même qu’aimer est beaucoup mieux que l’amour.
Le coup de foudre, c’est le contraire : on a d’abord le souffle coupé et puis on respire à l’excès. On éprouve le besoin éperdu de humer la personne dont l’odeur nous chavire.