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Il est certain qu’apparemment, pour avoir vu cent fois le même acteur, je ne l’en connaîtrai personnellement pas mieux.
Je comprends alors pourquoi les doctrines qui m’expliquent tout m’affaiblissent en même temps. Elles me déchargent du poids de ma propre vie et il faut bien pourtant que je le porte seul. A
Or si l’absurde annihile toutes mes chances de liberté éternelle, il me rend et exalte au contraire ma liberté d’action. Cette privation d’espoir et d’avenir signifie un accroissement dans la disponibilité de l’homme.
Ainsi l’homme absurde comprend qu’il n’était réellement pas libre. Pour parler clair, dans la mesure où j’espère, où je m’inquiète d’une vérité qui me soit propre, d’une façon d’être ou de créer, dans la mesure enfin où j’ordonne ma vie et où je prouve par là que j’admets qu’elle ait un sens, je me crée des barrières entre quoi je resserre ma vie. Je fais comme tant de fonctionnaires de l’esprit et du cœur qui ne m’inspirent que du dégoût et qui ne font pas autre chose, je le vois bien maintenant, que de prendre au sérieux la liberté de l’homme.
Les mystiques d’abord trouvent une liberté à se donner. A s’abîmer dans leur dieu, à consentir à ses règles, ils deviennent secrètement libres à leur tour. C’est dans l’esclavage spontanément consenti qu’ils retrouvent une indépendance profonde. Mais que signifie celle liberté?
Depuis le moment où il sait, son rire éclate et fait tout pardonner. Il fut triste dans le temps où il espéra.
Don Juan, autant qu’un autre, sait que cela peut être émouvant. Mais il est un des seuls à savoir que l’important n’est pas là. Il le sait aussi bien: ceux qu’un grand amour détourne de toute vie personnelle s’enrichissent peut-être, mais appauvrissent à coup sûr ceux que leur amour a choisis. Une
Mais de l’amour, je ne connais que ce mélange de désir, de tendresse et d’intelligence qui me lie à tel être.
A cet égard, la joie absurde par excellence, c’est la création,
Dans cet univers, l’œuvre est alors la chance unique de maintenir sa conscience et d’en fixer les aventures. Créer, c’est vivre deux fois.
On comprend ici la place de l’œuvre d’art. Elle marque à la fois la mort d’une expérience et sa multiplication. Elle est comme une répétition monotone et passionnée des thèmes déjà orchestrés par le monde: le corps, inépuisable image au fronton des temples, les formes ou les couleurs, le nombre ou la détresse.
Ce sont moins en effet les conclusions identiques qui font les intelligences parentes, que les contradictions qui leur sont communes.
L’idée d’un art détaché de son créateur n’est pas seulement démodée. Elle est fausse.
L’œuvre absurde exige un artiste conscient de ces limites et un art où le concret ne signifie rien de plus que lui-même.
Pour finir, le grand artiste sous ce climat est avant tout un grand vivant, étant compris que vivre ici c’est aussi bien éprouver que réfléchir.
L’expression commence où la pensée finit.
L’Ethique elle-même sous l’un de ses aspects, n’est qu’une longue et rigoureuse confidence.