More on this book
Community
Kindle Notes & Highlights
le racisme est l’exposition de certaines populations à une mort prématurée.
la politique, c’est la distinction entre des populations à la vie soutenue, encouragée, protégée, et des populations exposées à la mort, à la persécution, au meurtre.
faire l’histoire de sa vie, c’est écrire l’histoire de mon absence.
la réalité est comme les rêves, plus j’essaye de la saisir et plus elle m’échappe.
je crois que tu fais semblant de haïr le bonheur pour te faire croire que si ta vie a les apparences d’une vie malheureuse, c’est toi qui l’as choisi, comme si tu voulais faire croire que tu avais le contrôle sur ton propre malheur, comme si tu voulais donner l’impression que si ta vie a été trop dure, c’est toi qui l’as voulu, par dégoût du plaisir, par détestation de la joie. Je crois que tu refuses d’avoir perdu.
Ce qu’on appelle l’Histoire n’est que l’histoire de la reproduction des mêmes émotions, des mêmes joies à travers les corps et le temps,
La masculinité t’a condamné à la pauvreté, à l’absence d’argent. Haine de l’homosexualité = pauvreté.
Ta vie prouve que nous ne sommes pas ce que nous faisons, mais qu’au contraire nous sommes ce que nous n’avons pas fait, parce que le monde, ou la société, nous en a empêchés. Parce que ce que Didier Eribon appelle des verdicts se sont abattus sur nous, gay, trans, femme, noir, pauvre, et qu’ils nous ont rendu certaines vies, certaines expériences, certains rêves, inaccessibles.
j’essayais d’imaginer le mur posé au milieu d’une route que le jour d’avant des femmes et des hommes pouvaient traverser sans réfléchir.
Tu avais honte parce que je te confrontais à la culture scolaire, celle qui t’avait exclu, qui n’avait pas voulu de toi. Où est l’histoire ? L’histoire qu’on enseignait à l’école n’était pas ton histoire à toi. On nous apprenait l’histoire du monde et tu étais tenu à l’écart du monde.
Ils étaient passé sans transition de l’enfance à l’épuisement et à la préparation à la mort, sans avoir le droit aux quelques années d’oubli du monde et de la réalité que les autres appellent la jeunesse
il y a ceux à qui la jeunesse est donnée et ceux qui ne peuvent que s’acharner à la voler.
Mécanisme classique : comme tu as eu l’impression de ne pas avoir vécu ta jeunesse jusqu’au bout tu as essayé de la vivre pendant toute ta vie. C’est le problème avec les choses volées, comme toi avec ta jeunesse, on ne peut pas réussir à penser qu’elles nous appartiennent vraiment, et il faut continuer à les voler pour l’éternité, c’est un vol qui n’en finit pas. Tu voulais la rattraper, la récupérer, la revoler. Il n’y a que ceux à qui on donne tout depuis toujours qui peuvent avoir un vrai sentiment de possession, pas les autres. La possession n’est pas quelque chose qu’on peut acquérir.
Il y a plus d’objets que de personnes dans nos souvenirs.
quand je repense au passé et à notre vie commune, je me souviens avant tout de ce que je ne t’ai pas dit, mes souvenirs sont ceux de ce qui n’a pas eu lieu.
volonté de passer pour un bon père devant les autres ou amour pur, la frontière entre les deux est toujours trop mince pour pouvoir juger.
Les autres, le monde, la justice n’arrêtent pas de nous venger sans se rendre compte que leur vengeance ne nous aide pas mais nous détruit. Ils pensent nous sauver avec leur vengeance mais ils nous détruisent.
puisque la violence, tu ne l’appelais pas violence, tu l’appelais la vie, tu ne l’appelais pas, elle était là, elle était.
Est-ce qu’il est normal d’avoir honte d’aimer ?
Tu étais autant victime de la violence que tu exerçais que de celle que tu subissais.
Ton père ne voulait pas raconter son passé parce que ce passé lui rappelait qu’il aurait pu devenir quelqu’un d’autre et qu’il ne l’est pas devenu. »
Tu prenais conscience de l’existence de ton corps dans la douleur, par elle.
tu as vécu à côté de ta vie, à
Chez ceux qui ont tout, je n’ai jamais vu de famille aller voir la mer pour fêter une décision politique, parce que pour eux la politique ne change presque rien. Je m’en suis rendu compte, quand je suis allé vivre à Paris, loin de toi : les dominants peuvent se plaindre d’un gouvernement de gauche, ils peuvent se plaindre d’un gouvernement de droite, mais un gouvernement ne leur cause jamais de problèmes de digestion, un gouvernement ne leur broie jamais le dos, un gouvernement ne les pousse jamais vers la mer. La politique ne change pas leur vie, ou si peu. Ça aussi c’est étrange, c’est eux
...more
On ne dit jamais fainéant pour nommer un patron qui reste toute la journée assis dans un bureau à donner des ordres aux autres.
qu’il y a des meurtriers qui ne sont jamais nommés pour les meurtres qu’ils ont commis, il y a des meurtriers qui échappent à la honte grâce à l’anonymat ou grâce à l’oubli,
Est-ce que tout finit toujours par être oublié ?
Hollande, Valls, El Khomri, Hirsch, Sarkozy, Macron, Bertrand, Chirac. L’histoire de ta souffrance porte des noms. L’histoire de ta vie est l’histoire de ces personnes qui se sont succédé pour t’abattre. L’histoire de ton corps est l’histoire de ces noms qui se sont succédé pour le détruire. L’histoire de ton corps accuse l’histoire politique.
un de mes amis dit que ce sont les enfants qui transforment leurs parents, et pas le contraire.