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Kindle Notes & Highlights
Je crois bien que la plupart de mes plaisirs d’alors, je les dus à l’argent :
Le goût du plaisir, du bonheur représente le seul côté cohérent de mon caractère.
Et votre examen ? – Loupé ! dis-je avec entrain. Bien loupé ! – Il faut que vous l’ayez en octobre, absolument. – Pourquoi ? intervint mon père. Je n’ai jamais eu de diplôme, moi. Et je mène une vie fastueuse. – Vous aviez une certaine fortune au départ, rappela Anne. – Ma fille trouvera toujours des hommes pour la faire vivre », dit mon père noblement.
tandis qu’il pressait sa bouche sur la mienne, je revoyais le visage d’Anne, son visage doucement meurtri du matin, l’espèce de lenteur, de nonchalance heureuse que l’amour donnait à ses gestes, et je l’enviais.
Les baisers s’épuisent, et sans doute si Cyril m’avait moins aimée, serais-je devenue sa maîtresse cette semaine-là.
Je me rendais compte que l’insouciance est le seul sentiment qui puisse inspirer notre vie et ne pas disposer d’arguments pour se défendre.
elle m’empêchait de m’aimer moi-même. Moi, si naturellement faite pour le bonheur, l’amabilité, l’insouciance, j’entrais par elle dans un monde de reproches, de mauvaise conscience, où, trop inexperte à l’introspection, je me perdais moi-même.
Je craignais que l’on ne pût lire sur mon visage les signatures éclatantes du plaisir, en ombres sous mes yeux, en relief sur ma bouche, en tremblements.
Ce terme me surprit : moi, patiente avec Anne... Il renversait le problème. Au fond, il considérait Anne comme une femme qu’il imposait à sa fille. Plus que le contraire. Tous les espoirs étaient permis.
J’éprouvais, en dehors du plaisir physique et très réel que me procurait l’amour, une sorte de plaisir intellectuel à y penser.
parce qu’il ne me laisserait pas être responsable et que si j’avais un enfant, ce serait lui le coupable. Il prenait ce que je ne pouvais supporter de prendre : les responsabilités.
Quand je parlais avec Anne, j’étais parfaitement absorbée, je ne me voyais plus exister et pourtant elle seule me mettait toujours en question, me forçait à me juger. Elle me faisait vivre des moments intenses et difficiles.
Mais je craignais l’ennui, la tranquillité plus que tout.
Je ne pensais pas à lui quand je formais le projet de rejeter Anne de notre vie ; je savais qu’il se consolerait comme il se consolait de tout : une rupture lui coûterait moins qu’une vie rangée, il n’était vraiment atteint et miné que par l’habitude et l’attendu, comme je l’étais moi-même.
Alors je compris brusquement que je m’étais attaquée à un être vivant et sensible et non pas à une entité. Elle avait dû être une petite fille, un peu secrète, puis une adolescente, puis une femme. Elle avait quarante ans, elle était seule, elle aimait un homme et elle avait espéré être heureuse avec lui dix ans, vingt ans peut-être.
Peut-on se suicider pour des êtres comme mon père et moi, des êtres qui n’ont besoin de personne, ni vivant ni mort ? Avec mon père d’ailleurs, nous n’avons jamais parlé que d’un accident.