Le Dernier Jour d'un condamné

by Victor Hugo

s’amusait à me les dérouler les unes après les autres, sans ordre et sans fin, brodant d’inépuisables arabesques cette rude et mince étoffe de la vie.

mon esprit est en prison dans une idée.

a1

figure du soldat de garde dont la giberne reluit à travers la grille du cachot,

ralliaient chaque matin une nuée de spectateurs, qui venaient s’abattre sur les bancs de la salle d’audience comme des corbeaux autour d’un cadavre

Cette fois il ne suffit point du pas lourd et des souliers ferrés du guichetier, du cliquetis de son nœud de clefs, du grincement rauque des verrous ; il fallut pour me tirer de ma léthargie sa rude voix à mon oreille et sa main rude sur mon bras.

l’œil fixé sur cette douce réverbération dorée qui diaprait le plafond.

le fer à cheval des juges chargés de haillons ensanglantés,

En cet instant je m’aperçus que j’étais sans fers ; mais je ne pus me rappeler où ni quand on me les avait ôtés.

Il fallut que l’indignation fût bien forte, pour se faire jour à travers les mille émotions qui se disputaient ma pensée.

tandis qu’on m’emmenait, tout ce peuple se rua sur mes pas avec le fracas d’un édifice qui se démolit.

Les hommes, je me rappelle l’avoir lu dans je ne sais quel livre où il n’y avait que cela de bon, les hommes sont tous condamnés à mort avec des sursis indéfinis.

Et puis, qu’est-ce que la vie a donc de si regrettable pour moi

portion de bouillon maigre puisée au baquet des galériens, être rudoyé, moi qui suis raffiné par l’éducation, être brutalisé des guichetiers et des gardes-chiourme,

voilà à peu près les seuls biens que puisse m’enlever le bourreau.

à rouscailler bigorne,

Ces feuilles les détromperont.

qu’ils n’aillent pourrir à la pluie, collés en étoiles à la vitre cassée d’un guichetier.

Que ce que

à laquelle d’épaisses toiles d’araignée pendent comme

Puis il sortit et referma sur moi serrures, cadenas et verrous.

En un clin d’œil le préau se vida de tout ce qui n’était pas argousin ou galérien.

puis se prit à rire en montrant le poing au ciel.

mince qu’elle fût, je sentais se dissiper peu à peu cet horrible froid de la moelle des os dont j’avais pris l’habitude.

voir le grand puits et les fous !

Tout est prison autour de moi ; je retrouve la prison sous toutes les formes, sous la forme humaine comme sous la forme de grille ou de verrou.

Ce prêtre n’était pas l’aumônier de la prison.

Mais le voyage vaut la peine d’être conté.

de moyenne taille

friauche.

ma sorbonne

Je forçais une boutanche, je faussais une tournante[13]

mais vous avez là une belle redingote qui ne vous servira plus à grand’chose ! le taule la prendra.

et vous seriez mouillé ; et puis il faut être décemment sur la charrette.

paraît qu’il y a une bascule et qu’on vous couche sur le ventre… – Ah ! mes cheveux blanchiront avant que ma tête ne tombe !

Vous choisissez un singulier vase pour y puiser du bonheur.

J’étais déjà étourdi d’avoir monté le sombre escalier en colimaçon, d’avoir parcouru la frêle galerie qui lie les deux tours,

qu’au lieu d’être comme pour les yeux vivants des paillettes d’or sur du velours noir,

tapissées de ténèbres,

Nous l’avons remuée du pied, puis deux de nous l’ont relevée et de nouveau appuyée au mur.

soufflé la bougie avec un souffle glacé.

Je la serrais violemment contre ma poitrine enflée de sanglots.

est-ce que tu ne me connais point ?

remmenée

elle regarde la foule par la portière du fiacre, et ne pense déjà plus à ce monsieur.

J’ai eu beau me roidir, beau me crisper, le cœur m’a failli.

Tout à coup l’un des valets m’a enlevé ma veste, et l’autre a pris mes deux mains qui pendaient, les a ramenées derrière mon dos, et j’ai senti les nœuds d’une corde se rouler lentement autour de mes poignets rapprochés.

Ma chemise de batiste, seul lambeau qui me restât du moi d’autrefois, l’a fait en quelque sorte hésiter un moment ; puis il s’est mis à en couper le col.

j’ai vu brusquement tout à la fois, à travers la pluie, les mille têtes hurlantes du peuple entassées pêle-mêle sur la rampe du grand escalier du Palais

J’ai fait trois pas, et j’ai paru sur le seuil du guichet.