Ce livre qui ouvre la période contemporaine s'attache à faire revivre un bref XIXe siècle, aujourd'hui bien oublié. De ces quelque 55 années qui séparent la Révolution française et l'Empire de la Troisième République, régime qui s'impose désormais, c'est la littérature et plus généralement la culture qui nous restent en mémoire. Les noms de Balzac, Chateaubriand, Hugo, Degas, Offenbach ou Haussmann sont plus familiers que ceux de Villèle, Ledru-Rollin, Persigny, Bertin, Pereire, quelques exemples parmi tant d'autres de ces hommes politiques ou de ces élites de la nouvelle société qui se met alors en place. Ce XIX` siècle est aussi celui des anonymes, hommes et femmes, siècle de l'émergence non plus menaçante de la foule mais des votants, des agents de l'Etat, des consommateurs et des employés. Bourgeois et ouvriers, avocats et épiciers se côtoient dans un monde de plus en plus urbain qui contemple encore avec sidération l'événement passé qu'est la Révolution et dont tous perçoivent l'inachèvement, l'incomplétude. L'ambition de cet ouvrage est de faire partager à travers le récit, les images et les problématiques de l'Atelier de l'historien, tout à la fois ce foisonnement et la façon dont se fabrique aujourd'hui l'histoire du XIXe siècle français. Il a également semblé nécessaire de mettre en question les grandes inflexions et ruptures traditionnelles qui séparent le premier et le second XIXe siècle, les césures de la monarchie parlementaire, la libéralisation du Second Empire. Ainsi, comment comprendre que la liberté, de tous les acquis de la Révolution le mieux ancré dans la société, ne s'impose pas comme le soubassement politique majeur des régimes qui se succèdent et donc n'étanche pas une soif de démocratie, déclencheur de deux nouvelles révolutions? Tout cela est souvent considéré comme constitutif de "l'exception française". La France est bien cependant connectée à un monde où l'expansion de la colonisation, les rivalités entre puissances, les enjeux économiques tissent une histoire globale qu'on doit affranchir du regard franco-français.
Ce volume couvre un petit dix-neuvième siècle, depuis la fin du premier empire en 1815 à Waterloo, jusqu'à la chute du second, en 1870 à Sedan. Ce n'était déjà pas une période qui m’intéressait beaucoup, mais le niveau de cet ouvrage par rapport aux autres ne m'a pas enthousiasmé outre mesure. Après l'excellent volume précédent sur la révolution et l'empire, c'est la douche froide. Brrr!
Parmi d'autres choses, c'est principalement l’intérêt tout à fait disproportionné accordés aux romans et aux romanciers qui m'a gêné, à tel point que j'ai eu l'impression qu'il s'agissait de la principale matière à partir de laquelle l'historien avait travaillé. A part ça, on a toujours d'assez belles illustrations, mais dans ce livre, toute cette époque déjà guère passionnante reste figée dans sa médiocrité bizarre et ennuyeuse. Moyen.
La révolution inachevée est le titre du dixième volume de la collection Histoire de France éditée chez Belin sous la direction de Joël Cornette. Ecrit par l’historienne Sylvie Aprile, il traite des années 1815 à 1870, c’est-à-dire la Restauration, la Monarchie de Juillet, l’éphémère Deuxième République, puis le Second Empire et sa chute.
Après la préface d’Henry Rousso et l’introduction par Sylvie Aprile, j’ai trouvé le menu plutôt alléchant : redécouvrir et éventuellement réhabiliter un court XIXème siècle méconnu, malaimé et souvent malmené par l’historiographie.
Le première chapitre, « De Louis XVIII à Louis-Philippe : une monarchie limitée » décrit et explique la période de la Restauration (1815-1830) : retour sur le trône de Louis XVIII qui concède une Charte constitutionnelle ; interlude des Cent-Jours voyant le retour puis la défaite définitive de Napoleon Ier ; règnes de Louis XVIII et de Charles X. Le chapitre s’achève à la veille des Trois Glorieuses.
Un deuxième chapitre long mais passionnant raconte la révolution des Trois Glorieuses en juillet 1830, qui fait chuter Charles X et aboutit à l’instauration de la Monarchie de Juillet, puis le règne de Louis-Philippe comme Roi des Français dans une monarchie constitutionnelle qui échouera en 1848. Le chapitre s’achève avec une longue partie sur l’opinion et ses espaces : parlement, rue, etc.
Après deux chapitres plutôt chronologiques, le troisième est thématique : « La France des champs et l’industrialisation » décrit la France et les transformations techniques et sociales qu’elle vit pendant la Restauration : un pays qui reste majoritairement rural, centré sur le « village », mais qui vit une modernisation faisant évoluer l’économie avec une industrialisation croissante.
J’ai ensuite beaucoup aimé le quatrième chapitre consacré à l’histoire des idées et des arts pendant la Restauration : essor du libéralisme (dans ses dimensions politique et économique), l’esprit de réforme, l’invention de nouveaux modèles de société (socialisme, anarchisme, catholicisme social, etc.), et la vie intellectuelle et artistique (avec un long passage sur le romantisme).
Le cinquième chapitre, sobrement intitulé « La France, l’Europe et le monde » traite de la place de la France de la Restauration et de la Monarchie de Juillet dans le concert international : les suites du congrès de Vienne de 1815, la rivalité anglo-française, la reprise d’une politique coloniale, et enfin un aperçu de l’Europe à la veille de 1848.
Pendant les fêtes, je n’avais pas avancé dans la lecture de ce livre, avant de m’y remettre avec un 6ème chapitre consacré intégralement à la révolution de 1848 : ses origines, l’insurrection de février mettant fin au règne de Louis-Philippe, la proclamation de la Seconde République (qui ne sera finalement que la deuxième), les élections au suffrage universel (masculin), l’abolition de l’esclavage, et la fin de la révolution en juin 1848.
Suite à la Révolution de 1848 décrite au chapitre précédent, le 7ème est consacré à la Deuxième République : l’établissement de la Constitution, l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la Présidence de la République, la lutte entre le président et l’opposition parlementaire, jusqu’au coup d’État de décembre 1851. L’autrice présente bien cette Deuxième République, en prenant soin de ne pas la limiter à une parenthèse menant nécessairement au coup d’État est à l’Empire.
Le huitième chapitre inaugure la partie consacrée au Second Empire, avec pour commencer le thème de l’autorité impériale : mode de gouvernance de Louis-Napoléon, proclamation de l’Empire, et musellement de l’opposition.
Le neuvième chapitre détaille la politique impériale, avec ses deux piliers : l’économie (modernisation de l’économie, transformation de Paris, prospérité) et la guerre (renouveau de la diplomatie française, avec la guerre de Crimée puis la question italienne), mais aussi la politique coloniale (implication en Amérique latine et achèvement de la conquête de l’Algérie).
Le dixième chapitre décrit la société du Second Empire, dans ses constantes et ses transformations : une France qui reste principalement rurale, mais qui voit l’essor du monde ouvrier ; la place des notables ; le style Second Empire dans l’art et la culture ; le retour des oppositions ; la religion et l’Église ; un parlementarisme timide.
Le onzième et dernier chapitre relate les trois dernières années du Second Empire : libéralisation du régime (parlementarisme accru, relative liberté de la presse) ; les élections de 1869 aux résultats contrastés, et le plébiscite de 1870 ; la guerre contre la Prusse de Bismarck, la défaite de Sedan et la chute de l’Empire.
Comme tous les volumes de cette collection, l’ouvrage s’achève avec d’impressionnantes annexes (chronologie, biographies, bibliographie, références iconographiques, textuelles et documentaires, et évidemment un abondant index), mais surtout le désormais traditionnel Atelier de l’historien, cette fois autour de quatre thématiques : revisiter le XIXe siècle ; l’Histoire et les historiens du XIXe siècle ; usages et mésusages de la littérature : faire de l’histoire avec Balazac, Flaubert, Hugo, etc. ; le premier siècle du regard photographique.
Je ne peux pas achever cette critique sans souligner la richesse et la qualité des illustrations et de la documentation de cet ouvrage : que ce soit les caricatures, les photographies, les documents, les cartes, les graphiques, tout s’accorde parfaitement avec le texte et l’illustre parfaitement.
Le livre lui-même est passionnant à lire, sur une période peu connue ou en tout cas mal connue en dehors du cercle des spécialistes. Il m’a clairement permis de redécouvrir un XIX° siècle que je connaissais mal alors qu’il s’agit sans doute d’une des périodes les plus intéressantes de notre histoire.
Je vais désormais pouvoir poursuivre mon voyage dans le temps et me rapprocher doucement mais sûrement de notre époque, avec le prochain volume consacrée aux années 1870-1914 et La république imaginée.
Excellent, rigoureux, passionnant, ce livre donne des repères essentiels pour comprendre cette période finalement jamais étudiée pendant la scolarité, faute de temps pour finir le programme. Et pourtant, ce 19ème siècle est tellement important pour comprendre la suite ! Merci à l'autrice !
Comme tous les livres de la collection, il était très bien fait. Cependant, je n'ai pu m'empêcher de noter un certain nombre de fautes d'orthographe, à croire que le livre n'a pas été relu (et pourtant j'ai la version révisée hum...) !