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128 pages, Hardcover
First published December 1, 2008
On lui confie, à Prague, un poste en sous-sol au Centre d’information des sports.
Bon, dit le doux Émile. Archiviste, je ne méritais sans doute pas mieux.
il paraît courir sans se soucier de ses bras dont l’impulsion convulsive part de trop haut et qui décrivent de curieux déplacements, parfois levés ou rejetés en arrière, ballants ou abandonnés dans une absurde gesticulation, et ses épaules aussi gigotent, ses coudes eux aussi levés exagérément haut comme s’il portait une charge trop lourde. Il donne en course l’apparence d’un boxeur en train de lutter contre son ombre et tout son corps semble être ainsi une mécanique détraquée, disloquée, douloureuse, sauf l’harmonie de ses jambes qui mordent et mâchent la piste avec voracité.
« J’ai toujours voulu que vous admiriez mon jeûne », dit le jeûneur. « Mais nous l’admirons ! » dit l’inspecteur, conciliant. « Mais il ne faut pas l’admirer ! », dit le jeûneur. « Bon, dans ce cas-là, nous ne l’admirons pas », dit l’inspecteur, « et pourquoi ne faut-il pas l’admirer ?» « Parce que je suis forcé d’avoir faim, je ne peux pas faire autrement », dit le jeûneur. « Voyez-moi cela », dit l’inspecteur, « et pourquoi ne peux-tu pas faire autrement ? » « Parce que », dit le jeûneur, (en soulevant un peu sa petite tête et en avançant les lèvres comme s’il voulait donner un baiser ; il parlait à l’oreille de l’inspecteur, afin qu’aucune de ses paroles ne se perdît), parce que je n’ai pas pu trouver d’aliment qui me plaise. Si j’en avais trouvé un, crois-moi, je n’aurais pas fait tant de façons et je m’en serais repu comme toi et les autres. »