Vers le milieu du XIIe siècle, un juif originaire de Cologne, converti au christianisme et devenu prêtre à Cappenberg, en Westphalie, écrit en latin, sous le nom d' " Hermann l'ancien juif ", le récit de sa conversion (Opusculum de conversions sua). Cette " autobiographie " est l'une des toutes premières en Occident depuis les célèbres Confessions de saint Augustin. Ce texte singulier divise les historiens, les uns y voyant le " récit vrai " d'un authentique juif converti, les autres une pure " fiction " forgée par des clercs chrétiens. Jean-Claude Schmitt montre que la question est mal posée : ce récit à la première personne est à la fois " vrai " et " fictif ", et il est vain de lui chercher un auteur, fût-ce un juif converti. Hermann a bien pu exister et contribuer à la mise par écrit de sa propre histoire, mais l'Opusculum n'en est pas moins une œuvre collective, peut-être destinée à illustrer le rayonnement de l'abbaye prémontrée de Cappenberg. Plutôt que de se battre sur une question d'attribution, mieux vaut déplacer les questions et interroger le contenu du texte pour en comprendre les significations dans la société et la culture de l'époque. Qu'en est-il alors de l'autobiographie et de la subjectivité, de la fonction des rêves dans les cultures juive et chrétienne, de la légitimité des images religieuses dans un cadre monothéiste, de la conversion individuelle et collective, du nom et de l'identité ? Simultanément, l'auteur saisit l'occasion des débats suscités par l'Opusculum pour s'interroger plus fondamentalement sur les manières dont les historiens pensent et écrivent l'histoire. Ainsi, non seulement l'étude de cas est-elle guidée par une ample problématique, mais elle se double tout au long de la démonstration d'une mise en question critique du travail de l'historien, faisant de ce livre une leçon de méthode.
Jean-Claude Schmitt (born March 4, 1946 in Colmar) is a prominent French medievalist, the former student of Jacques Le Goff. He studies the socio-cultural aspects of medieval history in Western Europe and has made important contributions in his use of anthropological and art historical methods to interpret history. His most significant work has dealt with the relationships among elites and laymen in medieval life, particularly in the realm of religious culture, where he has focused on ideas and topics such as superstition, the occult and heresy in order to flesh out the differing world-views of the lay peasantry and the clerical elites who attempted to define religious practice. He has contributed numerous books, articles and encyclopedia entries on these and related topics. He has also written widely on the cult of saints, the idea of adolescence, visions and dreams, and preaching.
Among Schmitt's best known works translated in English are The Holy Greyhound (1983), about the strange cult of a holy dog in medieval France, and Ghosts in the Middle Ages (1998) about notions of death, the afterlife and paranormal visions in medieval culture. Both works are considered important examples of "historical anthropology," or the use of methods and approaches borrowed from anthropology and other social sciences to investigate the past. Schmitt has argued that this has helped correct for the tendency among medievalists in the past to focus on elites, political institutions and narrative history to the exclusion of the lower classes and their less well-documented experiences of life.
Schmitt is currently Director of Studies at the École des Hautes Études en Sciences Sociales and directs the society of professional historians, Groupe d'Anthropologie Historique de l'Occident Médiéval.