La photographie dite de la « Tondue de Chartres », prise par Robert Capa le 16 août 1944, est sans doute le document le plus représentatif du phénomène de l’épuration sauvage qui a entaché la Libération de la France. Victime sacrificielle, ou coupable avérée ? Au fil d’un long travail de recherche, il a enfin été possible de reconstituer l’itinéraire familial et politique de cette femme. C’est une société provinciale en proie aux déchirements idéologiques, mais aussi aux querelles de voisinage, aux rancœurs de tous ordres, qui resurgit devant nous. Poursuivant leurs recherches, les deux auteurs apportent dans cette nouvelle édition de nombreuses informations sur les personnages clé de cette histoire, le fiancé allemand de la jeune femme ou son amie, membre de la Gestapo.
Combien d’interprétations ont pu exister à partir du cliché de Capa ? Avant de découvrir la complexité du personnage de la Tondue grâce à cet ouvrage, je pensais en voyant la photo : « une femme tondue à la libération comme tant d’autres, car elle a fréquenté un peu trop intimement un ou plusieurs Allemands pendant l’occupation ». Aujourd’hui, après avoir découvert le parcours de cette femme avant, mais aussi après cette immortalisation de l’instant, je me rends compte que si elle a été victime de son époque, de son amour interdit pour un Allemand, de règlements de compte personnels basés sur des rumeurs, et d’une humiliation dont les conséquences psychiques furent indéniables, elle n’était peut-être pas totalement innocente. Pour autant, son emprisonnement, la séparation d’avec son enfant pendant des mois et son jugement tardif étaient-ils justifiés ? Force est de constater que plusieurs vies ont été gâchées à cause de suppositions, de traumatismes persistant encore après tant d’années quand on pense à l’enfant sur la photo. La démarche des auteurs aurait été impossible il y a 50 ans tant les générations ayant vécu ces tristes événements ont été marquées et sont sant doute restées partiales toute leur vie. Bref, il était temps de porter un regard neutre, moins sujet aux émotions à vif de l’époque, et peut-être plus moderne sur les actes commis durant ces heures sombres de notre histoire pour pouvoir les expliquer sans tomber dans le parti pris aux jeunes générations.