Comme l’indique le sous-titre A History and a Memoir il s’agit pour Brian Kernighan – le K du célèbre K&R – de rédiger un livre de souvenirs qui tienComme l’indique le sous-titre A History and a Memoir il s’agit pour Brian Kernighan – le K du célèbre K&R – de rédiger un livre de souvenirs qui tient lieu à la fois d’histoire d’Unix – ou UNIX. C’est aussi à l’inverse un livre sur l’histoire d’Unix qui contient des anecdotes sur cette aventure et sur sa matrice, le Bell Labs et son fameux département 1127. Kernighan insiste d’ailleurs beaucoup tout au long du livre sur l’importance de cette structure et des personnes qui y ont été rassemblées. C’est-à-dire sur l’aspect organisationnel et collaboratif. Les membres de ce département formaient ce qui est appelé une jelled team dans le livre Peopleware et Brian Kernighan semble être du même avis que les auteurs de ce livre pour dire que ces liens ne se nouent pas de façon artificielle.
> Fun. It’s important to enjoy your work and the colleagues that you work with. [Department] 1127 was almost always a fun place to be, not just for the work, but the esprit of being part of a remarkable group. […] At the same time, there was zero, or even negative, enthusiasm for the kinds of team-building exercices that one often sees today. Most of us saw them as artificial, pointless, and a waste of time.
Il met aussi en avant d’autres facteurs qui ont permis au Bell Labs de devenir la formidable machine à innover qu’il fut. Le livre The Idea Factory en donne une vision plus exhaustive. Ces facteurs incluent un management doté d’une excellente connaissance technique laissant libre cours à l’innovation et à la créativité, mais il souligne également l’importance de la stabilité et du temps long qui nécessite une continuité dans le financement.
> Stable funding was a crucial factor for research. It meant that AT&T could take a long-term view and Bell Labs researchers had the freedom to explore areas that might not hava a near-term payoff and perhaps never would. That’s contrast with today’s world, in which planning often seems to look ahead only a few months, and much effort is spent on speculating about financial results for the next quarter.
Ce livre est aussi l’occasion de faire mieux connaissance avec les principaux créateurs du système d’exploitation dont les successeurs, Linux et Android, équipent l’écrasante majorité des périphériques que nous utilisons tous les jours, les lauréats du Turing Award de 1983: Ken Thompson et Dennis Ritchie. Voici par exemple une anecdote révélatrice de l’état d’esprit d’un personnage comme Ken Thompson.
> In 2006, he [Ken Thompson] moved to Google, where with Rob Pike and Robert Griesemer, he created the Go programming language. I heard about his move from Entrisphere to Google from someone else, so I asked for confirmation. His reply its true. i didnt change the median age of google much, but i think i really shot the average [all lower case in the original message]. ken
Tous les sujets sont abordés: Unix, sa philosophie (dont le fameux “do one thing and do it well”), les outils (grep, diff, etc.) et la puissance induite par la capacité à les combiner, le langage C, l’importance de la documentation et c’est dans ce domaine que l’auteur s’est beaucoup illustré puisqu’il a travaillé sur des outils permettant d’écrire de la documentation professionnelle et a lui-même publié de nombreux ouvrages de références dont les deux plus connus sont certainement
Le livre est à la fois simple et complet. Il présente les évènements dans un ordre chronologique en mêlant de l’histoire, de la technique, des anecdotes et des réflexions sur les raisons des succès ou des échecs. C’est agréable à lire, relativement court et définitivement un très bon livre sur ce sujet. Pour les amateurs, je conseille, en plus de The Idea Factory, et dans cet ordre
- Rebel Code si vous cherchez un livre sur l’histoire de Linux et plus généralement sur celle du mouvement open source, vous l’avez trouvé. - The Art of UNIX Programming bien plus technique à réserver à des lecteurs professionnels du domaine. - Hackers un peu trop complexe à mon goût – ou au moins pour mon niveau d’anglais.
Alexandria est un livre sur le World Wide Web (WWW). Comme le souligne l’auteur il ne faut pas le confondre avec Internet qui est le réseau qui transpAlexandria est un livre sur le World Wide Web (WWW). Comme le souligne l’auteur il ne faut pas le confondre avec Internet qui est le réseau qui transporte le Web. Le Web c’est au tout début un langage (HTML) pour créer des documents multimédia (page web), des logiciels pour rendre disponibles ces documents (serveur Web) et les consulter (navigateur Web) et enfin une adresse pour les retrouver (URL). L’une des idées majeures est le concept d’hypertexte contenant des hyperliens permettant de naviguer aisément entre les documents sans qu’ils soient organisés en une structure prédéfinie comme les livres. Ça parait évident maintenant, mais ça ne l’était pas à la fin des années 80. QUENTIN JARDON s’intéresse plus particulièrement à son invention qui a eu lieu au CERN et qui est l’oeuvre de deux hommes : l’anglais (Sir) TIM BERNERS-LEE et le compatriote de l’auteur, le belge ROBERT CAILLIAU. Si le premier est entré dans la légende, ce n’est pas le cas du second qui a été oublié et qui s’est peu à peu emmuré dans le silence en voyant son invention de plus en plus dévoyée. L’un des suspense du livre est de savoir s’il acceptera d’accorder une interview à l’auteur.
C’est donc une sorte d’enquête qui se veut être un peu à la façon d’ EMMANUEL CARRÈRE – il est explicitement cité – mais qui n’y parvient pas – je suis un peu dur, il faut aussi concéder que le sujet n’est pas comparable. Mais c’est aussi un pan d’histoire qui est raconté. Avec l’expansion qu’a connu cette invention on peine à croire qu’elle est finalement si récente. Elle est certainement à l’heure actuelle l’une des inventions majeures de l’humanité puisqu’elle accélère tout. Elle est à la fois la bibliothèque et le véhicule de la connaissance, permettant à chaque instant à des millions de personnes d’accéder au savoir et de l’enrichir – et aussi de regarder des vidéos de chats et de poster un tas de commentaires débiles sur un tas de sujets qui le sont tout autant. Wikipedia est le parfait exemple de ce en quoi ROBERT CAILLIAU croyait, un univers dédié à la connaissance débarrassé de tout aspect mercantile où chacun pourrait contribuer librement de façon désintéressée – ce n’est pas dit, mais je pourrais me risquer à dire que Facebook doit en être le contre-exemple.
QUENTIN JARDON parvient bien à expliquer cet idéal, mais également l’aspect politique des choses. Il montre comment le CERN, et donc l’Europe, a perdu le contrôle du Web au profit du MIT et donc des États-Unis – le miroir de l’opposition entre Robert et Tim. Ce phénomène, cet handicap politique vis à vis de la technologie est certainement l’une des explications au retard qu’accuse l’Europe dans ce domaine. Au moment où le vieux continent voudrait réagir pour ne pas rater – alors qu’il est déjà dans le fossé – le virage de l’intelligence artificielle (IA), cette perspective historique est riche d’enseignements.
Il réussi par contre moins bien sur le plan technique où le livre reste très superficiel. N’étant pas du domaine, il passe à côté de certains points comme lorsqu’il explique comment Netscape a perdu la guerre des navigateurs il ne dit pas que les développeurs avaient entrepris une réécriture complète du logiciel. Pendant qu’ils étaient occupés à réécrire ce qui fonctionnait déjà, ils n’ont pas développé de nouvelles fonctionnalités et se sont fait distancer par la concurrence. JOEL SPOLSKY a écrit un article à ce sujet. Enfin, le livre se termine sur une ouverture très pessimiste puisqu’il évoque l’effondrement de la civilisation industrielle désigné par le néologisme collapsologie.
> Le terme collapsologie est un néologisme apparu au début du XXie siècle pour désigner l’étude de l’effondrement de la civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder.
Bref une lecture en demi-teinte, je suis définitivement intéressé par le sujet et j’ai été sensible à plusieurs aspects soulignés par l’auteur, mais je suis resté sur ma faim dans le registre technique et historique. Enfin les lecteurs intéressés par les début d’Internet (le réseau) pourront lire le très bon Where Wizards Stay Up Late.
Si vous cherchez un livre sur l’histoire de Linux et plus généralement sur celle du mouvement open source, vous l’avez trouvé. GLYN MOODY nous proposSi vous cherchez un livre sur l’histoire de Linux et plus généralement sur celle du mouvement open source, vous l’avez trouvé. GLYN MOODY nous propose une longue page d’histoire qui part des origines aux années 2000. Tout ou presque est abordé dans ce livre: la technologie, les hommes, la philosophie et l’économie.
On verra comment le travail d’un étudiant a fini par être adopté par l’ensemble des fabricants de machines professionnelles et fait aujourd’hui tourner Internet et tous les vendeurs de cloud – même Microsoft vient de sortir son propre Linux (Azure Sphere), c’est dire ! Cette véritable prouesse n’a été rendue possible que par un subtil équilibre entre des bénévoles, des militants et des entreprises. Les bénévoles sont la cheville ouvrière, ils ont toujours contribué avec enthousiasme. Les militants, dont la figure de proue est Richard Stallman, peuvent être considérés comme les gardiens du temple du monde libre. Enfin, les entreprises sont les émanations des intérêts économiques, elles ont irrigué cet écosystème avec de l’argent, mais elles ont aussi contribué d’une autre manière. Elles ont donné la caution, les garanties professionnelles nécessaires à l’adoption de ces logiciels à grande échelle au sein des entreprises. Je pense en particulier à Red Hat, mais aussi à IBM qui a fait le choix courageux d’abandonner certaines lignes de produits comme les serveurs web au profit de leur équivalent open source. En faisant ce choix ils ont envoyé un message fort, mais ont aussi très concrètement contribué à leur développement en investissant des moyens humains importants dans leur développement. Cette politique a donné le jour à un logiciel comme Apache – et à la fondation qui porte son nom – qui est devenu la référence dans le domaine.
Ce mode de développement n’appartient pas au passé, il a plus que jamais de l’avenir. Il permet de développer des logiciels fiables et performants confrontés dès le départ à une communauté non seulement d’utilisateurs, mais surtout d’experts qui a la possibilité – de façon de plus en plus aisée – de contribuer pour les améliorer. Des entreprises peuvent s’appuyer sur ces socles, ces briques de base, pour fournir des solutions clés en main, des distributions, des services ou simplement du support et répondre ainsi aux besoins des utilisateurs professionnels. La récente acquisition de GitHub par Microsoft en est la meilleure illustration. Un symbole de l’open source racheté par le symbole du closed source (code source non publié).
mais celui-ci est de loin le meilleur tant sur le fond que sur la forme. Je le conseille sans réserve. Si vous êtes intéressés par le sujet de l’open source je conseille également la lecture du très bon Dreaming in Code
Si vous prenez Steve Jobs pour un vulgaire fabriquant de gadgets, vous devriez lire ce livre de toute urgence. Vous vous rendrez alors compte du génieSi vous prenez Steve Jobs pour un vulgaire fabriquant de gadgets, vous devriez lire ce livre de toute urgence. Vous vous rendrez alors compte du génie d’un personnage hors-norme qui a modifié durablement le monde de l’informatique et très certainement le cours de nos vies – je n’exagère même pas.
Enfant abandonné à sa naissance, il semblerait qu’il ait toujours été animé pour une rage de revanchard. Le livre le répète assez – bien trop en fait –, il n’avait pas un caractère facile. Pour qualifier son tempérament, Walter Isaacson emploie souvent l’adjectif mercurien qui semble être un doux euphémisme lorsqu’il est appliqué à Steve Jobs.
> Se dit d’un caractère imprévisible, ayant des sautes d’humeur.
Par contre, il avait une foi inébranlable en sa vision des choses, une passion brulante pour son travail et était doté d’un courage à tout épreuve lorsqu’il s’agissait de défendre ses convictions. C’est-à-dire le produit parfait. Beau, simple d’utilisation celui que tout le monde rêve d’avoir. Pour y parvenir il faut avoir de l’égo ce qui n’est pas gênant lorsqu’il est proportionnel au talent.
> Le jour où il a montré au monde le Macintosh, un journaliste du Popular Science lui demanda s’il avait fait une étude de marché. Et le père du Mac a répondu : “Vous pensez que Graham Bell a fait une étude de marché quand il a inventé le téléphone ?”
La simplicité l’a toujours animé, dès ses débuts (lors du lancement de l’Apple II) cette citation de Léonard de Vinci fut imprimée sur une brochure publicitaire et elle deviendra son mantra.
> La simplicité est la sophistication suprême.
C’est un but qu’il rechercha sans cesse, il était un grand fan du designer allemand Dieter Rams. Le credo de Rams était “less is more”. Pour y parvenir il ne faisait aucune concession. Il était prêt à remettre en cause un produit déjà bien avancé, faire refaire un nombre incalculable de fois un design pour une simple question de biseautage d’angle, le perfectionnisme poussé à son paroxysme à l’échelle d’une grande entreprise – tout simplement incroyable quand on connaît les pressions que peuvent exercer un conseil d’administration. Pour parvenir à ses fins, il usait et abusait d’une arme redoutable, le champ de distorsion de la réalité ou CDR.
> C’était un effet de distorsion qui modifiait le réel,[…]. Vous réalisiez l’impossible parce qu’il vous avait convaincu que vous pouviez le faire.
Si vous vous intéressez de près ou de loin à l’informatique et à son histoire, au design, au monde de l’entreprise à l’ingénierie ou tout simplement à des personnages hors normes, lisez ce livre. Il vous donnera une belle leçon d’humilité. Il vous montrera que certaines rencontres peuvent changer le monde (Steve et Woz), qu’il faut croire en ses convictions même si elles sont loin de l’évidence ou de la pensée unique et que l’on peut tout simplement avoir un rêve et le mener à bien. Evidemment ce livre ne fait pas qu’encenser Steve Jobs, j’ai pourtant la faiblesse de croire que l’auteur a trouvé le juste équilibre. L’histoire est tellement prenante et diversifiée que cette biographie se lit comme un roman. Certaines critiques se plaignent du style d’écriture. C’est quand même du délire, on ne lit pas une biographie de Steve Jobs comme de la poésie. Le livre est suffisamment bien écrit et clair pour profiter pleinement de ce que l’auteur a à nous dire et c’est tout ce qu’on lui demande. Le seul reproche que je pourrais éventuellement faire concerne les répétitions sur la caractère de Jobs. Au bout d’un certain temps on a cerné le personnage et il n’est pas nécessaire de resservir à chaque fois un passage ou une anecdote à ce sujet.
C’est le récit d’une aventure, celle de la création d’un logiciel Open Source, le plus génial de tous les temps. Un agenda révolutionnaire qui pourraiC’est le récit d’une aventure, celle de la création d’un logiciel Open Source, le plus génial de tous les temps. Un agenda révolutionnaire qui pourrait tout faire, qui serait l’outil ultime de toute personne bien organisée. Les utilisateurs pourraient partager leurs calendriers, les synchroniser sur différentes machines et tout cela sans serveur, l’indépendance et la flexibilité totale. Et ce n’est pas tout, il permettrait de gérer les e-mails, de les transformer en autre chose (des notes ou des rendez-vous), du polymorphisme à l’état pur. Il serait extensible en permettant d’ajouter des fonctionnalités sous la forme de plugins pour gérer d’autres choses comme des collections par exemple – pourquoi pas en effet. De cette façon, il pourrait répondre aux besoins des utilisateurs privés (calendrier personnel), public (les universités) et professionnels – où il supplanterait allègrement Outlook. Oups, j’oubliais un détail, il devrait fonctionner sur toutes les plate-formes de Windows aux Unix sans oublier Mac OS – et encore les plate-formes mobiles n’existaient pas sinon elles auraient été dans la cible.
Bon ça c’est la théorie et vous vérifierez en lisant ce livre que la pratique est légèrement plus compliquée et que l’excellente maxime d’Albert Einstein est souvent vraie.
> In theory, theory and practice are the same. In practice, they are not.
Cet outil merveilleux s’appelle Chandler – oui oui comme l’excellent personnage de Friends, mais ici le nom a été emprunté à celui d’un chien. Comment ça, vous ne le connaissez pas, vous ne l’utilisez pas tous les jours, il n’est pas installé sur votre poste ?
C’est Mitch Kapor le créateur d’un agenda qui fut l’une des première killer app: Lotus Agenda. Un logiciel intelligent, en avance sur son temps qui a fait la fortune de son entreprise – et la sienne. Idéaliste incorrigible et visionnaire, il a souhaité faire encore mieux et comme on peut l’observer souvent, le mieux est l’ennemi du bien.
J’avais entendu dire que ce livre n’était pas destiné aux codeurs, mais c’est faux. Nous seulement, il raconte un morceau de l’histoire de l’informatique, mais Scott Rosenberg ne se contente pas de jouer au journaliste, il analyse et cite beaucoup de références, des livres notamment. Il prend aussi le temps de revenir sur certaines grandes étapes de l’histoire de l’informatique. La partie sur la méthodologie (cycle en V, CMMI, méthodes agiles) est particulièrement intéressante. Je trouve que l’on apprend beaucoup de choses sur la culture informatique et les initiés reconnaitront certains écueils si flagrants ici qu’ils semblent avoir été caricaturés – et pourtant ce n’est pas le cas, c’est une histoire vraie. Une lecture que je conseille à ceux qui s’intéressent au développement logiciel et à son histoire – à ceux-la, je conseille également la lecture du très bon Joel on software.