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Kindle Notes & Highlights
Dans une rue du Plateau-Mont-Royal, une fille de treize ans marche, tirant derrière elle une valise bleue.
Dans mes toutes premières feuilles de notes sur ce projet, on retrouve déjà cette phrase. On m'a déjà demandé pourquoi la valise était "bleue", et je n'ai pas de réponse. La phrase est venue comme ça, adjectif compris, de manière instinctive.
Elle n’est pas de ces dégourdies maquillées trop tôt, douées d’une audace et d’un cran qui leur permettent de se jouer des règles et des professeurs.
L'influence derrière le personnage d'Astride est la Sarah du livre Little Princess. Le fait qu'elle serre les dents et travaille dans des conditions de misère plutôt que de se rebeller m'a frappé. J'ai soudain réalisé que la plupart des héros jeunesse modernes sont des rebelles, prêt à renverser les règles en place, et je me suis dit: "mais les jeunes ne sont pas tous comme ça... ce qui ne les empêche pas de pouvoir être des héros, à leur manière". C'est de cette réflexion que la résilience d'Astrid est née.
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J'ai considéré faire comme dans "the road" et ne pas expliquer la raison de la fin du monde. Mais finalement, j'ai fait des recherches pour voir ce qui venait après les études en nucléaires. C'est ainsi que je suis tombée sur la "neutronique", qui est l'étude de l'intérieur du neutron (élément du noyau de l'atome).
P.S: J'écris ces notes sur l'application Kindle de mon ordinateur, et ces pages noires sont absolument illisibles dans ce format! J'espère que ça marche mieux sur la liseuse, et que les lecteurs qui ont acheté mon livre en numérique ne se sont pas confrontés au même problème que moi!
Elle ramasse les peluches éparpillées: les poupées de chiffon, les marionnettes, le long serpent mou, les trois animaux tout ronds, et même les personnages de série télé pour enfants, qu’elle n’écoutait plus qu’en cachette, son bol de céréales sur les genoux. Elle les empile contre un mur, en un tas presque rectangulaire. Il lui vient une envie d’y sauter: de monter sur le banc de lecture formé par un surplomb du demi-mur pour atterrir dans cette flaque de toutous moelleux. Mais on ne fait pas ce genre de folies dans une bibliothèque. Même une bibliothèque vide dans une ville morte.
La bibliothèque du Plateau Mont-Royal est celle de mon quartier, et mes enfants ont déjà sauté dans les toutous, exactement comme Astride n'ose pas faire. En mère indigne, je les ai laissé faire. Si jamais vous passez à la bibliothèque un jour, ne cherchez pas les toutous, ils ont été retirés il y a longtemps.
Quinze mai École secondaire Jeanne-Mance Armand Beauséjour est assis à son bureau, un crayon dans les mains. Il se demande, pour la centième fois depuis qu’il s’est retrouvé seul survivant dans cette école, s’il ne serait pas plus raisonnable de retourner chez lui, dans le quartier Ahuntsic.
Pendant longtemps, Astride, cette fin du monde à Montréal, et la bibliothèque m'ont hanté... sans réussir à transformer le tout en manuscrit. Ce n'est qu'avec l'arrivée de M.Beauséjour que j'ai enfin eu l'impression de tenir assez de matériel pour écrire un livre.
Tout est propre, les membres de l’équipe de soir ont bien nettoyé avant d’aller rejoindre leur lit, que certains, peu matinaux, n’auront jamais quitté. Le réfrigérateur aura perdu sa fraîcheur, inutile d’y regarder, même si Astride aurait bien pris un verre de lait.
Dans mon premier jet, j'avais écrit "Le réfrigérateur aura perdu sa chaleur..." encore aujourd'hui, j'utilise cette erreur lorsque je rencontre des classes pour leur montrer qu'il faut se relire pour éviter les erreurs de logique.
Avant ou après la grande secousse, le coeur des hommes reste le même: les bleus contre les rouges, les rouges contre les bleus, et les petites filles sages, seules, cachées dans les bibliothèques.
C'est probablement ma phrase préférée de tout le livre. Quand on me demande de lire un extrait, je choisis souvent ce chapitre, juste pour terminer sur cette phrase.
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D’ailleurs, dans tous les films post-apocalyptiques, le dernier survivant solitaire possède toujours un chien. C’est comme ça.
J'aime bien jouer avec les clichés! Leur plus grande utilité est de permettre justement d'aller à l'encontre pour surprendre le lecteur. Je le fais à plusieurs reprises dans Victor Cordi aussi!
Ce soir-là dans la bibliothèque, en guettant sa valise, Astride pleure. Elle ne pleure pas son passé perdu. Elle ne pleure pas son présent désespéré de jeune fille ayant réchappé de justesse à une meute de chiens affamés. Elle pleure le futur rêvé qu’elle n’aura jamais plus.
En relisant (chose que je fais rarement!) je réalise à quel point cette scène, la première ou Astride se laisse aller à pleurer, est un moment pivot du livre. Si elle serrait les dents de manière désespérée avant, elle le fera désormais avec détermination. C'est son "fond du baril" après lequel elle prend sa situation vraiment en main.
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Le passage le plus direct vers l’arrière s’effectue à travers la galerie d’expositions artistiques adjacente.
Il y a bel et bien un espace d'exposition à l'arrière de la bibliothèque du Plateau. J'y suis allé souvent avec mes enfants, profitant d'une collecte de livres pour y faire un tour. Je me souviendrais toujours de la face du préposé lorsque je lui ai demandé s'il y avait une sortie vers la ruelle par la salle d'exposition. J'ai dû avoir l'air terriblement louche ce jour-là!!!
Une fois ses yeux habitués à la pénombre, elle découvre l’ oeuvre d’art en vedette cette saison: une ville miniature posée à même le sol. Toutes les maisons sont blanches. Les humains, les voitures, les arbres réduits à l’échelle aussi. Une ville immaculée, faite de carton recyclé peinturé à la main.
À ce jour, je ne sais plus si j'ai déjà vu une telle exposition, ou si j'ai tout imaginé dans ma tête avec tant de clarté qu'un faux souvenir s'est fabriqué.
À partir de ce geste délibéré, une fureur destructrice s’empare d’elle. Elle en écrase une troisième, puis un arbre, puis un personnage de carton blanc. Avec une rage jusqu’ici contenue, Astride se déchaîne sur la maquette, se vengeant ainsi de cette ville fantôme qui la retient prisonnière, de cette civilisation proprette qui s’est autodétruite, la laissant seule au monde. Elle devient à son tour l’onde de choc, pulvérisant tout sur son passage, balayant un monde de carton de ses souliers de course. Lorsqu’il ne reste qu’un unique personnage encore intact, elle lui imagine une valise bleue à
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Comme je l'écrivais au début, c'est mon livre de deuil, et le deuil, c'est beaucoup de peine, mais aussi de colère. J'ai été la première surprise, à la fin de l'écriture de ce livre, de réaliser à quel point la colère y est présente. Vous me direz que c'est une des étapes du deuil, ce qui ne veut pas dire qu'on s'y attend lorsque ça nous arrive. Astride est fâchée contre la situation, mais surtout contre ses parents pour l'avoir sauvée, pour l'avoir abandonnée seule dans ce monde difficile.
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Sur le comptoir de la caisse, il aperçoit trois livres de bibliothèque. Il s’y attarde, caresse les couvertures, trace du doigt l’étiquette «Plateau-Mont-Royal». Les deux premiers traitent de la torréfaction du café, le troisième contient des recettes de petits fours. Monsieur Beauséjour s’émerveille de la passion du restaurateur pour son art, et n’y prête guère plus d’attention.
Ce bout, c'est de la pure cruauté d'auteur sadique! J'ai vraiment eu beaucoup de plaisir à imaginer les différents sentiments qui animeront les lecteurs avec cet espoir (ou cette peur) vite déçu qu'Armand aille à la rencontre d'Astride.
De manière surprenante, l'idée de survivre à l'onde de choc en étant dans l'eau ne m'est pas venue de nulle part. Elle découle d'un mix de quelques épisodes de Mythbusters, écoutés au début des années 2000. Il y en avait un qui validait que plonger dans une piscine permettait de survivre si on vous tire dessus, un autre qui vérifiait si se cacher dans le bain protégeait d'une explosion, et un dernier, finalement, qui avait tenté de vérifier la fameuse scène du frigidaire dans Indiana Jones 4!
Sent-il sa présence? Comme ces personnages de romans dotés d’un instinct sans faille?
Ça m'énerve, dans un roman, lorsqu'un personnage fait quelque chose parce qu'il "sent qu'il doit le faire". Je trouve que c'est une sorte de paresse de la part de l'auteur, qui n'a pas réussi à justifier le geste du personnage autrement! Je devais être fâchée contre un livre en particulier lorsque j'ai écrit cette phrase... mais je ne me souviens plus lequel.
La jeune fille prend les livres. Elle sort une étampe de sous le comptoir et tamponne le mot «retourné» sur la dernière page.
J'ai une certaine nostalgie de cette méthode: le tampon aux dates rotatives appliqué sur l'enveloppe à l'arrière. Ça me fascinait, plus jeune, et j'aimais regarder si le livre était souvent emprunté ou s'il avait longtemps traîné sur les tablettes avant que je ne le prenne.
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L’ esprit ainsi occupé, elle en oublie sa peur, en oublie sa rage. l’espace d’un instant, elle oublie même d’en vouloir à ses parents de l’avoir sauvée. Ce soir-là, elle se couchera sans son appareil dentaire.
On me reproche parfois que ce livre soit trop court. J'ai même un éditeur (pas mon actuel) qui aurait voulu que je le continue. J'en étais incapable. Cette soudaine envie d'un futur, envie de vivre, est la fin de ce que je voulais raconter avec ce livre. La fin de mon propre deuil, peut-être, aussi? Ce qui ne veut pas dire que c'est la fin de l'histoire, puisqu'un deuxième tome paraîtra bientôt!
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