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C'était le 15 juin 52. La première date précise et sûre de mon enfance. Avant, il n'y a qu'un glissement des jours et des dates inscrites au tableau et sur les cahiers.
Après, ce dimanche-là s'est interposé entre moi et tout ce que je vivais comme un filtre. Je jouais, je lisais, j'agissais comme d'habitude mais je n'étais dans rien. Tout était devenu artificiel.
On n'y est pas vraiment chez nous, parce qu'on ne connaît personne.
Les gens paraissent s'habiller et parler mieux. À Rouen, on se sent vaguement « en retard », sur la modernité, l'intelligence, l'aisance générale de gestes et de paroles.
Les gens n'arrêtent pas de se souvenir.
Être comme tout le monde était la visée générale, l'idéal à atteindre. L'originalité passait pour de l'excentricité, voire le signe qu'on en a un grain. Tous les chiens du quartier s'appelaient Miquet ou Boby.
L'enseignement et la religion ne sont séparés ni dans l'espace ni dans le temps.
D'année en année, chaque jour, l'école privée nous fait revivre la même histoire et nous entretient dans la familiarité de personnages invisibles et omniprésents, ni morts ni vivants, les anges, la Sainte Vierge, l'Enfant Jésus, dont nous connaissons mieux la vie que celle de nos grands-parents.
La religion était la forme de mon existence. Croire et l'obligation de croire ne se distinguaient pas.)

