Ce volume regroupe les quatre premiers livres de poésie de Jacques Dupin : Gravir, L'embrasure, Dehors, Une apparence de soupirail.Jacques Dupin est originaire de l'Ardèche. Bien que vivant et travaillant à Paris depuis 1944, où il est arrivé à l'âge de dix-sept ans, il ne s'est pas éloigné de son territoire de pierres sèches et de buissons. Il écrit toujours avec et contre les éléments du paysage qui le constitue, avec et contre l'âpreté d'une langue opaque, qu'une vive lueur réussit parfois à traverser.Nul repos, nul sursis, une volonté qui s'active dans les muscles, les nerfs et le souffle pour naître à l'effraction du jour. Recommencement sans fin, matérialité déchirée, réitération ouverte, piétinement nécessaire : Dupin souligne lui-même le ressac, l'acharnement qui tente, par surprise, de saisir le réel, d'y inscrire une trace impossible.Sitôt l'empreinte avérée, elle s'efface dans un autre pas, vers une nouvelle empreinte, elle aussi à détruire ou à distancer. Comme si le silex disparaissait dans son éclat. Dure et foudroyante absence, qui accède, par brefs instants apaisés, à l'évidence d'un bleu intense, d'un bleu qui tourne le dos au ciel.La terre et les mots, le roc et l'impatience, la bourrasque et l'affrontement, le silence et le cri tué des douleurs, la poésie de Jacques Dupin, sans compromis ni nostalgie, est une profération sans prophétie ni message, un surgissement d'autant plus brutal qu'il ne se soucie pas de ses ravages.
Le jeune Jacques passe son enfance en Ardèche, dans un asile psychiatrique — dont son père est le directeur —, élevé avec les pensionnaires, dont l'un notamment donnera son nom à un poème, Chapurlat. À la mort de son père, il est élevé par son grand-père, notaire à Lyon. C'est pour embrasser cette carrière qu'il monte à Paris faire des études de droit. Étudiant à Paris, il consacre une part importante de son temps à l'écriture. À Paris, il rencontre René Char, qui préface son premier recueil publié, Cendrier du voyage, chez Guy Levis Mano (GLM). Char lui fait rencontrer de nombreux galeristes, par le biais desquels il devient le biographe officiel de Miró. Très tôt attendu comme le successeur de Char, il prend le contre-pied de celui-ci en imposant, de livre en livre, une écriture atypique, souvent en ruptures. Ses textes suscitent l'admiration d'auteurs, de peintres comme Antoni Tàpies. Paul Auster traduit ses poèmes en anglais. Mais c'est dans l'ombre qu'œuvre Dupin, dans le retrait. Jamais tenté par le roman, à peine écrira-t-il une pièce de théâtre, proche tout de même de la forme poétique, L'Éboulement. Il travaille d'abord pour la galerie Maeght, puis, à la mort d'Aimé Maeght, fonde avec Jean Frémon et Daniel Lelong la galerie Lelong. Cela l'amène à rencontrer de nombreux artistes de son temps, au premier rang desquels Alberto Giacometti et Joan Miró occupent une place majeure dans son œuvre. Expert de l'œuvre de Miró, il est président du comité de l'ADOM (Association pour la défense de l'œuvre de Joan Miró), qui promeut l'œuvre du peintre et statue sur l'authenticité des œuvres qui lui sont soumises. Chez Maeght, il participe à la revue L'Éphémère, mêlant critique d'art et poésie, avec Gaétan Picon, Louis-René des Forêts, Yves Bonnefoy et André du Bouchet. Il meurt le 27 octobre 2012 à Paris, à l'âge de 85 ans1.