Zoë Hababou's Blog, page 5
December 4, 2021
Le Coin des Desperados fête ses 1 An !
Quand j’ai ouvert ce blog, je connaissais que dalle au blogging. J’avais vaguement entendu dire que disposer d’un site d’auteur était le truc à faire en tant qu’écrivain, histoire d’avoir une sorte de vitrine pour ses livres, et depuis mon dernier trip, je caressais l’idée de pouvoir partager mes expériences de voyage et de chamanisme, et mes ressentis sur l’art…
Je commençais aussi à en avoir marre de dépendre de la susceptibilité des algorithmes des réseaux sociaux pour faire passer mes messages. Ras le cul de devoir limer les angles de mon discours pour éviter le lynchage publique. Et puis, fatiguée de voir des conneries circuler sur le net au sujet de choses dont j’ai, moi, une expérience réelle.
J’avais envie d’un espace où je pourrais laisser libre-cours à ma folie, et j’éprouvais aussi le besoin de remettre les pendules à l’heure… et de sonner les cloches de quelques baltringues au passage !
Alors, quand mon petit frère Max, vrai touche-à-tout doublé d’un super graphiste et d’un designer déglingo, m’a relancée pour qu’on s’attèle à la création de ce site, j’étais plus que partante. Et après une année d’existence, le résultat dépasse toutes mes espérances…
Le Coin des Desperados en 1 an, c’est 2373 visiteurs uniques, 4256 visites, et 10586 pages vues… Des clopinettes pour certains, une putain de mine d’or pour moi !
Mais au-delà des chiffres et statistiques dont tout le monde se branle éperdument, ce que je veux raconter ici, c’est mon expérience, mon histoire, et ce que je retire de cette incursion dans un univers jusqu’alors inconnu.
Il est donc temps de revenir sur cette aventure (ouais, chez moi, tout est une aventure) et de faire le point sur le parcours de ce blog, depuis ses intentions primaires jusqu’à ce qu’il représente aujourd’hui :
Voici le bilan d’une année d’existence pour Le Coin des Desperados ! [image error] La petite histoire du Coin des Desperados…Quand on démarre un blog, y a des questions qu’on est forcé de se poser : Qui suis-je ? Qu’est-ce que je veux transmettre ?
A ce niveau, j’avais une longueur d’avance. Rodée par l’écriture de Borderline et ma vie d’auteure, j’avais déjà identifié la teneur de ce que je voulais crier au monde depuis mon ordi. De message, j’en ai qu’un seul, le nom de ce blog en est l’expression la plus pure, et il m’est apparu comme une évidence…
Imaginez une sorte de comptoir d’échange ambiance western où se retrouvent tous les pirates de ce bas monde.
Ils rappliquent dans ce rade, après des heures et des heures de route sous le cruel cagnard du désert, poussiéreux, leur cheval à moitié cané, histoire de s’en jeter un derrière la cravate, papoter entre bandits, se vanter de leur dernier larcin et peut-être se taper une pute ou une gamelle de fayots…
Et puis, ils repartent, toujours aussi bourrus et crados, mais au minimum désaltérés, vers un horizon qui ne cessera jamais d’appeler les âmes errantes de leur espèce, un cheval frais et une fiasque de gnôle à portée de main.
Les affiches élimées Wanted Dead or Alive avec leur sale trogne dessus jalonnent leur chemin, mais ces gars-là s’en cognent : ils sont de la race des DESPERADOS, ceux qu’ont plus rien à perdre, ceux qui sont libres de faire ce qui leur chante, parce qu’ils n’obéissent plus qu’à eux-mêmes…
Joli cliché, pas vrai ? Ouais, mais j’adore ça, moi !
Donc, un check-point pour les gredins…
Le truc bizarre, c’est que le frangin et moi, on a pas tellement tâtonné pour trouver son identité, sa charte graphique et sa ligne éditoriale (un affreux hybride mêlant art, voyage et psychédélisme). Pareil pour le logo : un crâne avec une coiffe d’Indien, la question ne se posait même pas !
Après trois semaines de taff ultra-intensives, en mixant le tout tels deux savants fous, on est parvenus à mettre au monde une créature originale, affublée d’une esthétique unique, sans pub, sans gêne visuelle qui te sort de l’immersion, sans fenêtre pop-up à la mords-moi-le-nœud pour t’inciter à t’abonner.
Un blog qui ne ressemblait à aucun autre…
Le Coin des Desperados était né !
Ouais, d’accord, mais pourquoi l’avoir créé, ce truc ?J’ai toujours fui les réseaux sociaux, parce que j’ai jamais éprouvé le besoin d’exposer ma vie à des étrangers, ni de m’intéresser à la leur. Avant de débarquer sur Twitter pour tenter de me faire connaître en tant qu’auteure (mon premier livre était publié depuis quelques mois quand j’ai réalisé qu’une présence en ligne était inévitable si j’espérais vendre Borderline au-delà du cercle de mes connaissances), j’avais une vision très négative des RS, qui s’est un peu améliorée par la suite. J’ai découvert là-bas des personnes avec qui je me suis liée au-delà du simple rapport auteur/lecteur, et des amitiés sont nées.
Mais après un an d’usage intensif et pas mal de déceptions (c’est toujours pareil, au début c’est tout rose, et puis quand tu creuses…), une frustration et une colère grandissantes ont fini par me posséder. J’y suis d’ailleurs de moins en moins présente, parce que ça me débecte d’essayer d’attirer l’attention sur moi en criant plus fort que les autres et en travaillant mon image pour la rendre putaclic.
Ce que je poste là-bas se résume principalement au relayage d’articles et quelques promos pour mes livres, et j’y reste pour suivre le travail des artistes qui m’inspirent.
En bref, donc, j’ai réalisé que d’essayer de dire des choses intéressantes sur cette plate-forme faite pour l’instantanéité, au sein du brouhaha mêlant politique de comptoir, polémiques à deux ronds, étalage égocentrique de ses “avancées artistiques" et spam effréné de Personal Branding, bah ça revenait à gueuler dans le cul d’un poney.
What ? Ouais. Tes mots se perdent au fond d’un trou noir de connerie et ont zéro écho.
J’avais envie de mener plus loin les quelques rares débats intéressants que j’avais pu avoir sur Twitter. Envie de creuser mes idées au-delà de la limite des caractères autorisés pour un tweet. Envie de parler de mon expérience, de mes livres, de philo, d’ayahuasca, de tout ce qui me passionne, sans être contrainte de formater mon message pour qu’il ne choque personne, et sans me taper les rageux qu’essayent de me tester alors qu’ils ont pas la moitié de mon expérience sur le sujet.
Ouais, y se trouve que j’ai l’audace de considérer que j’ai des vrais trucs à dire, et donc, l’option blog semblait la meilleure solution.
Et donc, qu’est-ce que t’as découvert en étant aux commandes de ton propre monde ?Cette zone qui n’appartient qu’à moi, dans laquelle seuls ceux qui sont intéressés par les thèmes que j’aborde et ce que j’ai à dire dessus font l’effort de pénétrer (autant dire que ça écrème direct), m’a offert la latitude dont j’avais besoin pour m’exprimer comme je le sens, sans craindre de provoquer un shitstorm aussi débile que consensuel, comme c’est le cas sur Twitter, dès lors que t’oses ne pas aller exactement dans le sens de la marche (cette putain de marche militaire qui est d’un ennui et d’une “bienveillance” mortels), et aussi sans saouler ceux qu’ont rien demandé avec des trucs très personnels, comme par exemple cette genèse de ma saga (qui au départ était un thread, honte à moi…).
Désormais, au lieu d’aligner des tweets hurlant “Pitié, intéressez-vous à moi !” ou bien “N’est-ce pas que mes idées sont brillantes et que je suis suprêmement intelligente ?”, bah je sors un article.
Si mes intentions premières étaient simplement de développer mes idées et partager mes passions auprès de personnes dont les centres d’intérêt coïncident avec les miens, ce que j’ai découvert, en réalité, c’est que c’est CARRÉMENT DÉMENTIEL de repousser sans cesse ses propres limites en allant de plus en plus loin dans la quête de l’Article Parfait, celui qui fore le thème choisi jusqu’à atteindre l’épicentre d’où jaillit la fascination qu’il provoque chez toi !
Parce que c’est ça que ça fait, de bloguer. Si t’as l’ambition d’offrir aux autres des articles aussi profonds que ceux que toi t’aimerais lire, laisse-moi te dire que c’est avant tout toi-même que tu dois surprendre, toi-même que tu dois convaincre, toi-même que tu dois impressionner ! Et si tu souffres d’un perfectionnisme aussi violent que le mien, bah ça t’amène à créer des post (je hais le terme de “contenu”) qui respire la passion, et ça, mon vieux, ça signifie JACKPOT.
Car si toi tu es passionné, alors tu es passionnant, et donc…
Vas-y, sors-nous ton Top 10 des articles les plus populaires !Globalement, j’ai pas à me plaindre. La majorité de mes articles rencontre un minimum de 50 lecteurs à tous les coups (les aficionados du Coin des Desperados, qui ne manquent aucune publication). Et franchement, ça me va bien comme base. Savoir qu’il existe déjà 50 tordus qui suivent absolument tout ce que je publie, ça me réjouit !
Mais il y a d’autres articles, particulièrement bien référencés sur le net, ou alors qui ont créé le buzz lors de leur première diffusion sur les réseaux, qui ont carrément pété le plafond…
Pour info, ce Top 10 ne prend pas en compte la page de mes livres Borderline (c’est elle qui défonce tous les scores).
C’est pas au vieux singe qu’on apprend à faire la grimace : Profession Romancier, de Haruki Murakami
Tout le monde abrite du chaos au fond de soi. Il existe chez moi, et chez vous aussi. Mais dans la vie ce n’est pas le genre de chose que l’on doit afficher, sous une forme concrète et visible. “Si vous saviez quel prodigieux chaos je porte en moi !”. Non, pas de ce type d’étalage en public. Celui qui par hasard tombe sur son propre chaos doit garder la bouche close et descendre seul au plus profond de sa conscience.
Pourquoi cet article marche ?
Les écrivains sont avides de conseils, c’est un truc que beaucoup d’auteurs et de blogueurs ont capté.
Pourtant, les leçons à l’emporte-pièce, ultra-formatées et complètement dénuées d’instinct ou de magie, qu’ils osent diffuser sur les réseaux ou leurs sites - alors qu’eux-mêmes n’ont publié qu’une moitié de roman - n’ont aucune chance d’aider les jeunes auteurs, et pourraient même avoir l’effet inverse…
En lisant ce livre, j’ai découvert la vision d’un romancier aguerri, dénué de prétention et pourtant très inspirant. J’ai donc décidé d’en faire profiter les autres.
Si cet article a rencontré du succès, c’est parce que les conseils proposés par Haruki Murakami sont bons et efficients sans se montrer intrusifs ou directifs. Et parce que les gens kiffent les recettes en 10 étapes !
Ça va pas plaire à tout le monde : White, de Bret Easton Ellis (âmes sensibles s’abstenir)
Une fois que vous vous mettez à choisir comment les gens peuvent et ne peuvent pas s’exprimer, s’ouvre une porte qui donne sur une pièce très sombre dans la grande entreprise, depuis laquelle il est vraiment impossible de s’échapper. Peuvent-ils en échange policer vos pensées, puis vos sentiments et vos impulsions ? Et à la fin, peuvent-ils policer vos rêves ?
Pourquoi cet article marche ?
Tout simplement parce qu’il tire en plein dans le mille, et ose dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas.
Je dois avouer que c’était pratique de me planquer derrière ce livre pour parler des phénomènes culturels qui me hérissent, tels que la cancel culture, le wokisme, le culte du like, l’intrusion de l’idéologie dans l’art et les putains de trigger warning.
Mais Bret Easton Ellis s’exprime de toute manière mieux que je ne pourrais jamais le faire à ce niveau, et énonce clairement tout ce qu’il y a à dire.
Je redoutais le lynchage lors de sa première diffusion sur les réseaux, mais c’est l’inverse qui s’est produit : il a été partagé un nombre ahurissant de fois, et beaucoup de gens m’ont remerciée de l’avoir écrit.
Autobiographie d’une Auteure Borderline
Je crois que depuis toujours je sentais qu’on pouvait rien faire de vraiment significatif en restant dans les clous. Qu’il fallait aller au-delà des normes et des frontières qu’on nous certifie comme infranchissables, alors que pas grand-monde ose tout simplement tenter de les dépasser. En tout cas, moi c’est là que j’ai décidé d’aller.
Pourquoi cet article marche ?
Parce que les gens sont des gros voyeurs ! Nan, je déconne, et puis ça m’arrange… Faut croire que ma vie intéresse les autres.
Ce post est souvent consulté via mon Linktree, ce qui m’amène à penser que les gens checkent qui je suis avant de s’abonner à moi sur les RS, ou alors qu’ils éprouvent l’envie de connaître mon background après la lecture de Borderline.
A la base, écrire cette autobiographie me semblait d’un narcissisme achevé, mais je me suis dit, Merde, c’est mon blog, ici, si j’ai envie de parler de moi, autant tout cracher là plutôt que sur Twitter. Si ça t’intéresse pas, tu cliques pas, point barre.
Mais les gens continuent à cliquer.
Top 15 des Livres sur le Chamanisme
Quand j’ai commencé à m’intéresser au chamanisme, un nouveau monde s’est ouvert à moi. A l’époque, j’aurais aimé tomber sur un article où les meilleurs livres ayant pour sujet le chamanisme, les plantes de pouvoir et la conscience soient réunis. Aussi, explorateurs des états modifiés de conscience et du royaume végétal, ce guide ultime spécial chamanisme est pour vous !
Pourquoi cet article marche ?
Il marche parce qu’il est très bien référencé sur les moteurs de recherche, et qu’il répond à un besoin, une requête fréquente.
On va pas se mentir, lorsqu’un blogpost fonctionne au-delà du cercle des réseaux ou des abonnés, c’est parce qu’il occupe une vraie place sur le net, tout simplement parce qu’il résout un problème.
Alors bon, trouver des livres sur le chamanisme n’est pas un vrai blème en soi, mais y se trouve que l’offre est pas ouf sur le net à ce niveau, et beaucoup moins creusée que ce top-là.
C’était la première fois que je m’essayais à la création d’un Top, mais c’est un format que j’adore, car il permet la mise en avant de beaucoup d’œuvres d’un coup, autour d’un thème commun, en limitant la taille des reviews, ce qui force à rester concis. Cool comme exercice !
Top 15 des Romans au Style qui Déboite !
Vous en avez marre de lire des bouquins qui vous ennuient ? Ras-la-casquette de faire défiler des pages sans jamais être surpris ou, encore mieux, choqué ? Vous cherchez des lectures qui vous secouent les puces et vous fassent sortir de cette zone de confort littéraire soporifique où les mêmes histoires prévisibles se répètent à l’infini, et où l’absence accablante de style original et audacieux semble devenue une putain de norme ? Alors, vous êtes au bon endroit. Attention les yeux, voici mon Top 15 dédié aux pires DESPERADOS DU STYLE !
Pourquoi cet article marche ?
Celui-là a défoncé le score et tué le game de mon site lors de sa première diffusion !
183 vues en moins de 24h, c’était carrément ouf pour mon petit blog !
Comment expliquer un tel succès ?
Je crois que les gens en ont plein le cul de lire des trucs sans une once d’originalité ! Mais c’est pas évident de trouver des livres hors-norme quand on ignore où chercher, et je suppose que cette liste accompagnée d’extraits et d’analyses stylistiques donne de sérieuses pistes pour s’écarter un peu de la culture mainstream…
Et vous savez quoi ? Ça m’enchante, et ça me rassure que ce genre d’article ait tant de succès. Parce que ça signifie que les gens cherchent des formes d’art qui sortent des sentiers battus.
Tout lâcher, partir sur les routes du monde pour plusieurs mois, n’emporter avec soi que le strict nécessaire, être légère, libre, dire adieu aux verbes avoir et posséder pour les remplacer par être et expérimenter… Se défaire de l’inutile, de tout ce qui encombre le corps et l’esprit pour s’immerger dans le vécu. Ouais, ça fait rêver sur le papier, mais en pratique, c’est pas si facile à organiser, et c’est une grande voyageuse qui te le dit…
Pourquoi cet article marche ?
Parce que c’est le meilleur sur la question, pardi !
Des check-lists pour le voyage minimaliste, y en a pléthore sur le net, et je dois avouer que c’est pas facile de se placer en pole position, mais y se trouve que celui-ci a l’avantage de proposer des produits simples et surtout économiques, ce qui n’est souvent pas le cas des autres, avec leur polaire en laine mérinos à 70 boules l’unité !
Ajouté à ça, les produits de beauté présentés sont réellement zéro déchet, à la différence d’autres listes qui sont carrément à côté de la plaque à ce niveau ! Et puis, je pense que ça se sent que je sais de quoi je parle, aussi…
De plus, le ton de l’article est fun et décomplexé, et selon moi ça contribue pas mal à son succès.
Trickster Warning (You Get What You Fucking Deserve)
[image error]Pire encore qu’une simple légende, on parle ici d’une figure devenue carrément mythique au gré de ses nombreuses incarnations. Le Trickster ne laisse jamais indifférent. Motivations troubles, propos offensants, humour cruel, comportement borderline, cet archétype est un véritable punk aussi scandaleux que fascinant.
Pourquoi cet article marche ?
Alors, pour celui-ci, on m’a fréquemment demandé la version podcast, et c’est vrai qu’il s’y prête !
L’étude d’un archétype comme le Trickster, qui soit dit en passant m’a procuré énormément de plaisir à rédiger (et qui m’a aussi demandé pas mal de travail de recherche), ce serait un truc intéressant à écouter, un peu comme une émission culturelle, quoi. Il faut reconnaitre qu’il est très complet sans être relou, et j’en suis particulièrement fière !
En plus, mon frangin et moi on s’est vraiment éclatés à travailler les images, et ça doit se sentir… Cet article est aussi beau à regarder que cool à lire !
Je pense continuer à explorer d’autres archétypes (j’avais déjà fait l’Anti-Héros, l’un de mes tout premiers articles), et j’ai d’ailleurs créé une catégorie spécialement pour les accueillir…
Ayahuasca Kosmik Journey : Simulation Virtuelle d’une Réalité Visionnaire !
Vous allez VIVRE Ayahuasca Kosmik Journey en même temps que nous, grâce à la vidéo complète du film diffusée ici, en suivant les impressions d’un novice (Ben) pénétrant dans l’univers de l’ayahuasca, accompagné d’une initiée (moi), qui va l’aider à comprendre ses visions et explorer la profondeur de ses impressions… Prenez une grande inspiration et cliquez sur le lien : Bienvenue dans le royaume de l’Ayahuasca !
Pourquoi cet article marche ?
Parce que c’est pas un article, mais une putain de vidéo, ma première, celle qui a inauguré l’ouverture de la chaine YouTube Le Coin des Desperados !
Mon acolyte m’avait parlé d’une cérémonie d’ayahuasca en Réalité Virtuelle qu’il avait eu la chance de tester (oui, ce mec est un lecteur de Borderline, ceci explique cela), et j’ai eu une brutale illumination !
Il fallait qu’on pose un podcast sur cette vidéo, lui le casque sur la tête, en pleine immersion, moi en train d’expliquer la signification des visions !
C’était l’expérience de l’ayahuasca la plus proche de la réalité que je pouvais offrir aux lecteurs de mes livres et de mon blog…
Et ça a marché.
Qu’est-ce que l’art ? A quel moment peut-on parler de véritable création artistique ? Qu’est-ce qui différencie une œuvre qui restera gravée à jamais dans le temps de celle qui ne pourra que divertir puis sombrer dans l’oubli ? Quels sont les mécanismes qui entrent en action dans l’élaboration et l’accueil d’une œuvre d’art ?
Pourquoi cet article marche ?
Alors lui, c’est vraiment le tout premier que j’ai écrit (à la base il se trouvait sur le site d’un ami).
Bien qu’à l’aune de mon évolution en matière de blogging, je le trouve un poil faiblard et nettement trop court, il continue son chemin vaillamment, notamment grâce aux moteurs de recherche (il semblerait que la requête “Art et Conscience” soit plus fréquente que prévue !).
Ça me fait plaisir, même s’il mériterait un petit lifting !
Les idées que j’ai développées dans ce post me tiennent vraiment à cœur, et m’ont d’ailleurs valu plus d’un lynchage sur les réseaux, mais je persiste et signe : ceci est ma vision, et je vous emmerde.
Et puis, faire chier le monde signifie au minimum qu’on défend des idées fortes, et ça, ça me plaît…
Hunter S. Thompson : La Voie du Gonzo
Hunter S. Thompson, c’était un malade. Le journaliste le plus déjanté que la Terre ait jamais porté. Ses articles écrits à la première personne, ultra-subjectifs, ressemblent au délire hallucinatoire d’un chtarbé en phase aiguë de delirium tremens. Et pourtant… Si ce mec est devenu l’icône la plus freestyle de la contre-culture, une véritable idole pour tout misérable journaleux affublé d’une machine à écrire, c’est pas pour rien. Sa plume sauvage et incendiaire, son style légendaire et inimitable, et sa vision sarcastique unique d’une Amérique au moins aussi dépravée que lui ont fait de lui le Freak le plus incontournable de tous les temps…
Pourquoi cet article marche ?
Je me suis lâchée, mais alors comme jamais avec ce post !
Il est d’une longueur effrayante, et les images qu’il recèle sont encore plus gonzo qu’Hunter en personne.
Mais quand on est passionné par un artiste comme moi je le suis par H.S.T., impossible de se brider. Et pas envie, surtout. Et vous savez quoi ? Jamais je n’ai trouvé sur le net d’article aussi complet sur lui… Ce qui explique pourquoi de plus en plus de lecteurs commencent à tomber dessus sur Google.
Ceci n’est que le premier d’une nouvelle catégorie nommée Portrait d’Artiste…
Alors oui, avec ce type de contenu long comme le bras et regorgeant de citations, je m’adresse majoritairement aux fans, mais pas que : des lecteurs sont venus vers Hunter S. Thompson grâce à ce post, et j’ai l’ambition de croire que ce genre d’artiste est un exemple super inspirant pour d’autres jeunes artistes…
C’est génial, tout ça, mais c’est quoi le bilan ? Qu’est-ce que t’as appris ?
Pour commencer, j’ai découvert un plaisir carrément dingue à jouer avec ce truc ! Qu’il s’agisse de mobiliser mes idées les plus fortes pour les partager, faire des recherches pour offrir des informations creusées et détaillées, travailler les images pour qu’elles atteignent cet aspect trash et corrosif, ou encore présenter le boulot d’artistes que j’admire à travers des portraits et des interviews, cet espace qui m’appartient, où je m’exprime comme bon me semble avec un ton qui n’est rien d’autre que moi, moi pur jus, eh bien, c’est devenu une extension de moi-même. Un chez-moi numérique où je me sens terriblement bien.
Il représente tout ce que je suis, tout ce en quoi je crois. Parfois je me dis que si je devais crever, la nature de ma personnalité, l’ensemble de ce qui m’a touchée, forgée, transcendée, seraient livrés ici en ultime témoignage.
Le Coin des Desperados, c’est ma dimension à moi, l’espace intangible au sein de la matrice où mon esprit s’ébat, et où mon âme est parfaitement elle-même.
Ce blog a pris une place dans ma vie que j’aurais jamais envisagée. Et ça m’inquiète un peu, parfois, parce que je veux pas perdre de vue que je suis auteure de fiction avant tout. Pour l’avoir vu opérer chez d’autres, j’ai conscience que le fait de pondre des articles au lieu d’écrire son prochain livre porte préjudice à la création, que ce soit en termes de temps, d’énergie, ou encore d’immersion, trois éléments phares que requiert évidemment l’accouchement d’un ouvrage.
Mais je me dis aussi que ça développe ma créativité, que c’est un autre type de réalisation, finalement beaucoup moins chronophage que ces putains de réseaux-toile-d’araignée dans lesquels on s’est tous fait prendre, moi la première. Ce que j’écris ici est là pour durer. Et puis, ce site est finalement la plus belle porte d’entrée de mon œuvre, et donc ma meilleure pub. Sans compter que mes livres y sont mis en valeur d’une façon unique !
D’autre part, comme je l’ai dit plus haut, quand il s’agit de présenter ses idées au monde, le fait de se contraindre à les mettre en forme organise du même coup ta pensée, et te permet d’aller plus loin que si tu te contentais de réfléchir seul dans ta tête. Ainsi, grâce à l’article sur Nietzsche, mes idées sont prêtes à être incorporées dans Borderline. C’est une autre façon d’affûter mon écriture.
La vérité, c’est que vous apprenez des trucs, mais moi aussi !
Je dois aussi dire que les réactions des lecteurs, qui ont lieu sur les réseaux sociaux - puisque Twitter est à ce jour le canal qui m’apporte le plus de visiteurs (les commentaires ne sont pas en fonction sur ce site. Pourquoi ? Je refuse que des débats aient lieu ici. Cette zone doit rester neutre) - vont souvent bien au-delà de mes espérances, et c’est grâce à leurs partages que Le Coin des Desperados gagne jour après jour en visibilité. J’ai même trouvé de nouveaux lecteurs de Borderline grâce à lui !
Mais le truc, surtout, c’est que ces articles ouvrent sur des sujets que beaucoup d’entre vous ont envie d’explorer, et j’ai reçu pas mal de remerciements pour les infos que je transmets au sujet du chamanisme, notamment.
Le dernier en date, par exemple, la FAQ Ayahuasca, a fait parler de lui lors de sa sortie, certains se montrant très impressionnés, tout en offrant enfin aux personnes intéressées un vrai éclairage sur la question, plutôt difficile à débusquer sur le net.
Ce blog est donc définitivement une super vitrine présentant ce que je suis et mon univers, tout en offrant un avant-goût de ma plume. Il me permet de tester directement auprès des lecteurs la viabilité de mes projets, comme pour le Carnet de Route ; alors que je pensais pas nécessairement transformer ce journal de voyage en livre, l’engouement des personnes qui l’apprécient m’a convaincue de le faire !
Donc désormais, quand il s’agit de parler de mon taff à des inconnus, plutôt que de simplement les envoyer sur Amazon pour y trouver mes livres, je préfère tendre ma carte de visite à l’effigie du Coin des Desperados, tatouée du QR code qui mène directement ici... Et croyez-moi, ça fonctionne. Même les marque-page Borderline que je glisse dans mes livres lors d’une séance de dédicaces ou à l’occasion d’une vente directe sont pourvus de ce fameux QR code !
Ce site est ma fierté, et ça marche dans les deux sens : si vous aimez mes livres, vous kifferez mon blog. Et si vous appréciez mon blog, vous adorerez mes livres…
En bref, en lui donnant naissance, je ne m’attendais pas à tant d’enthousiasme de la part des lecteurs ! Et pour moi, ça veut dire qu’une chose : il existe encore des gens qui rêvent de liberté, et qu’ont pas peur d’approuver les discours parfois virulents ou hors des clous comme le mien. La preuve ultime en est le succès de ma page Tipeee.
Je tiens encore une fois à remercier toutes ces personnes qui m’aident et m’ont aidée, grâce à leurs encouragements, leurs partages, leur fidélité, leur soutien et leur simple présence.
Le seul aspect négatif de ce bilan, c’est le peu de ventes que génèrent mes liens affiliés, en dehors des achats de Borderline (à ce niveau, mes lecteurs ont bien compris que passer par ces liens pour se procurer mes livres m’était bénéfique !). J’aimerais bien que les gens craquent davantage sur les œuvres ou produits que je mets en avant, mais bon, puisque mon objectif n’est pas du tout de vivre de mon blog, mais plutôt d’amener les lecteurs à s’intéresser à mon travail d’auteure de fiction, c’est pas trop grave !
Et y a eu quelques améliorations en chemin ?
J’essaye de prendre en compte les suggestions des lecteurs du Coin des Desperados (ouais, ce site c’est mon joujou, mais j’écris quand même pour que vous me lisiez…).
Donc, vu que le fond noir est désagréable pour les rétines délicates, j’ai mis en place un format AMP pour tous les articles, qui fait qu’ils s’affichent sur fond blanc, d’une manière simplifiée, sur votre ordi ou votre smartphone. Pour que ça marche, il suffit de rajouter “?format=amp” au cul de l’URL, et banco ! Vous voulez voir ce que ça donne ? Testez avec cette page !
Ensuite, j’ai créé une section Archives, accompagnée d’une barre de recherche, afin que vous puissiez retrouver facilement ce qui vous intéresse sans avoir à faire défiler tout le bazar…
[image error]Ajouté à ça, puisque j’ai pas envie de mettre en place une Newsletter, vous pouvez vous abonner au flux RSS pour être notifié chaque fois qu’un nouveau post est publié.
Vous aurez aussi remarqué qu’à la fin de chaque article se trouve désormais un carrousel d’articles liés, chouette moyen de mettre la main sur des posts dont le sujet est pertinent pour vous.
J’ai également créé davantage de catégories en plus des Trois Principales (Freestyle, Chamanisme, Road trip), toujours dans une idée de confort de navigation.
La page Me Myself & I s’est aussi payé une petite mise à jour, avec une explication plus nette de l’intention du blog, ainsi que des liens faciles d’accès vers des interviews que j’ai eu la chance de donner !
Et pour finir, saluons encore une fois la naissance de la page VIP, qui remercie les personnes m’offrant leur soutien sur Tipeee en les présentant, avec un lien vers leur site.
Le seul truc sur lequel j’hésite encore, c’est la création de pages attenantes à celles de chaque livre de Borderline, réunissant toutes les chroniques qu’ils ont reçues, avec un lien vers le site des chroniqueurs qui leur ont fait cet honneur… Mais beaucoup de futurs lecteurs préfèrent ne pas lire les reviews, histoire d’éviter le spoil ou de se laisser influencer, donc je sais pas.
Hey, c’est quoi tes futurs projets ?
L’idée, avant tout, est de continuer à m’éclater avec Le Coin des Desperados ! La passion est communicatrice, et seul celui qui croit profondément en ce qu’il fait a une chance de motiver les autres, donc au feu la modestie, mon but est juste de continuer à enrichir ce site avec ce qui me fait vibrer, et si ça vous enflamme vous aussi, alors bingo, tout le monde est gagnant !
Vu que je vais bientôt repartir sur les routes, je suppose que les prochaines publications seront principalement axées Voyage (tant mieux, la section Road Trip est celle qui a le plus besoin d’être étoffée), notamment avec la naissance d’un Nouveau Carnet de Route Latino, et je l’espère d’autres articles de fond qui causent vagabondage d’une manière cool, pratique, poétique ou philosophique !
J’aimerais aussi beaucoup commencer mon Tour du Monde en 80 Plantes, avec des vidéos YouTube que vous retrouverez évidemment sur ce blog avant tout.
L’idée des podcasts est aussi à creuser, pour ceux qu’ont pas le temps de lire les méga-tartines de texte que je peux pas m’empêcher de pondre ! Mais soyons honnête, y a peu de chance que je m’y astreigne durant mon trip, donc on vise plutôt 2023… Et puis je suis un tantinet trop speed, c’est pas super agréable de m’écouter, faut que j’apprenne à me calmer (tu parles).
Mais en tant qu’auteure de fiction, c’est Borderline 5 qui a la priorité. C’est d’ailleurs à cause (ou grâce) à lui que je me rebarre. Parce que seule l’errance pourra lui offrir le combustible dont il a besoin pour l’explosion finale.
Et pour être tout à fait honnête, il est temps que mes yeux quittent un peu les écrans pour se tourner vers le vrai monde, qui n’est jamais aussi beau qu’en voyage…
Donc on continue sur le mode freestyle qui me convient depuis le commencement, vu qu’ici on est pas sur Instagram et que je m’en cogne de séduire le putain d’algorithme en postant comme une acharnée : pas de calendrier de publication, aucune promesse de “contenu” frais régulier, mais des surprises en pagaille selon les caprices de mon inspiration, avec des articles qui vous secoueront les tripes et les neurones chaque putain de fois, ça je vous le garantis !
Stay tuned, donc, Le Coin des Desperados est loin d’avoir dit son dernier mot !
Cette première année de blogging n’était qu’un échauffement… Comptez sur moi pour vous fourguer de la dinguerie en barre dans les mois à venir, et n’oubliez pas de repasser dans Le Coin pour faire le plein d’essence frelatée, quand vous sentez que votre moteur commence à avoir des ratés ou que votre canasson se met à tirer la langue…
Ici, y a toujours ce qu’y faut pour vous requinquer !
Hasta la vista, Guérilleros !November 23, 2021
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’Ayahuasca (sans jamais oser demander)
L’Ayahuasca fascine. Et elle fait peur aussi. On entend beaucoup de choses à son sujet, et c’est loin d’être évident de démêler le vrai du faux quand soi-même on ne l’a jamais rencontrée. Entre les gros titres scandaleux et putaclic d’internet et les illuminés d’Instagram en mode secte, comment faire la différence entre info et intox ?
Suite à un sondage effectué auprès de mon réseau, et riche de mon expérience personnelle et de mes nombreuses recherches sur le sujet, je te propose ici une Foire aux Questions sur l’Ayahuasca. Juste histoire d’être sûr que je te raconte pas n’importe quoi, sache que j’ai une cinquantaine de cérémonies d’ayahuasca à mon actif.
Voici la liste des questions auxquelles je vais répondre le plus simplement et le plus honnêtement possible dans cet article :
L’ayahuasca, c’est quoi ?
L’ayahuasca est-elle une drogue ?
Des gens sont-ils morts d'en avoir pris ? Est-ce dangereux ? Y a-t-il des séquelles sur le long terme ?
Est-ce que l’ayahuasca est pour moi ? A t-elle le pouvoir de guérir mes maux ?
Quelles sont les contre-indications ?
Comment ça fonctionne ?
Comment trouver un bon chaman ? Vaut-il mieux pratiquer avec un indigène ou avec un occidental ?
Que signifie “poser une intention” ? Qu’est-ce que je dois demander à la plante ?
On dit que la première fois, c’est comme mourir…
L’ayahuasca, ça fait quoi ?
C’est quoi exactement la transe et les visions ?
Que faire si j’ai trop peur et que j’arrive pas à gérer ?
Est-ce que je vais devenir fou ?
Est-ce que je vais gerber et avoir la diarrhée ?
Y a-t'il un risque que je ne revienne pas ?
Comment le chaman guérit-il ?
Pourquoi me souffle t-il dessus ?
Pourquoi aspire t-il sur une partie de mon corps en faisant des bruits dégueux ?
Quel est ce parfum dont-il m’asperge ?
Pourquoi le chaman ne veut pas m’expliquer ce que j’ai vécu ?
Est-ce que la prise risque d’accentuer mon traumatisme ? Les traumatismes trouvent-ils leur solution dans la prise ?
Est-ce que je vais complètement changer ?
Une diète d’ayahuasca, c’est quoi ?
En appendice, j’ai réalisé un lexique qui regroupe tout le vocabulaire autour de l’ayahuasca présent dans cet article. Je t’invite à le consulter régulièrement au fil de ta lecture pour bien saisir les termes employés ici.
Petit Guide de l’ayahuasca à l’usage du débutant
Avant la priseL’ayahuasca, c’est quoi ?
L’idée est de faire très simple, donc je ne vais pas partir dans l’analyse biochimique de l’ayahuasca. Tout ce que tu as besoin de savoir, c’est que c’est un breuvage constitué de lianes d'ayahuasca (qui induisent la transe) et de feuilles de chacuruna (qui provoquent les visions grâce à la DMT). D’autres plantes comme le Toé peuvent entrer dans sa composition, et il est à noter aussi qu’il existe plusieurs variétés d’ayahuasca qui ne provoquent pas exactement les mêmes effets (c’est minime, cela dit, mais par exemple l’ayahuasca cielo est réputée pour favoriser les visions cosmiques). Cependant, la base, c’est ça.
L’ayahuasca est-elle une drogue ?
Définition de drogue : substance dont les effets psychotropes suscitent des sensations apparentées au plaisir, incitant à un usage répétitif qui conduit à instaurer la permanence de cet effet et à prévenir les troubles psychiques (dépendance psychique) voire même physiques (dépendance physique) survenant à l’arrêt de cette consommation, qui, de ce fait, s’est muée en besoin.
Définition de psychotrope : qui agit, qui donne une direction (trope) à l’esprit ou au comportement (psycho). On appelle psychotrope une substance chimique d'origine naturelle ou artificielle, qui a un tropisme psychologique, c’est-à-dire qui est susceptible de modifier l’activité mentale, sans préjuger du type de cette modification.
L’ayahuasca n’est ni toxique ni addictive, et en prendre n’est pas toujours une partie de plaisir, c’est même plus souvent un acte de courage. C’est vrai, c’est un puissant psychotrope. Jan Kounen, dans Carnets de Voyages Intérieurs.
J’ajouterais que l’ayahuasca entre parfaitement dans la définition de thérapie psychédélique, c’est-à-dire une psychothérapie utilisant les psychotropes pour traiter certains troubles mentaux. Et pour couronner le tout, c’est un moyen diablement efficace de se débarrasser des addictions, même les pires, comme celle à l’héroïne. En témoigne le centre Takiwasi basé à Tarapoto au Pérou, qui se dévoue uniquement au traitement des toxicomanes.
Qu’est-ce que tu dis de ça, hein ?
Des gens sont-ils morts d'en avoir pris ? Est-ce dangereux ? Y a-t-il des séquelles sur le long terme ?
Pour commencer, l’ayahuasca ne cause aucun dommage physique, qu’il s’agisse de lésions neurologiques, cérébrales ou artérielles, par exemple. La DMT, principe actif du breuvage ayahuasca, est une molécule naturelle, déjà présente dans le corps humain. Elle est produite par la glande pinéale, minuscule organe en forme de pomme de pin niché en plein cœur du cerveau. Si elle reste étonnement mystérieuse malgré les nombreuses études qu’elle suscite, il est établi que cette glande pourvoyeuse de DMT est à l’origine des rêves et des expériences spirituelles, et qu’elle délivre des doses massives de cette substance au moment de la mort et même plusieurs heures après. Selon certains théoriciens, l’activation de la glande pinéale et la prise de DMT via les substances psychotropes par les premiers peuples seraient à l’origine de la religion et de la croyance généralisée en l’au-delà. A quoi sert vraiment la DMT ? Difficile à dire, mais je pencherais pour l’hypothèse d’une porte vers la transcendance planquée en plein centre de nous-mêmes…
Ensuite, la dose létale d’ayahuasca est évaluée à sept litres d’une décoction normalement dosée. Donc même si t’as pris un breuvage un peu plus concentré, avec la toute petite tasse que t’as bue, y a strictement aucune chance au monde pour que ça te tue. Faut absolument pas croire ce qui est dit sur le net, genre les gros titres racoleurs sur lesquels on tombe malheureusement quand on tape “ayahuasca” dans Google. Ayahuasca, la drogue qui tue chaque années des centaines d'occidentaux ! Putain, ça me fout en rogne ces conneries ! Ma réponse est non, l’ayahuasca n’est pas dangereuse, même pas au niveau psychologique, bien au contraire… J’y reviendrai un peu plus loin.
Pour conclure, le seul bémol que je mettrais à ça, c’est que les morts dont on entend causer ne sont pas décédés en pleine cérémonie, mais après, dans des circonstances extrêmement troubles dont on n’aura jamais le fin mot de l’histoire. Les journalistes se jettent dessus pour torcher leur papier, évidemment. D’autre part, parfois, le touriste, c’est pas de l’ayahuasca qu’il boit. Parce qu’il a mal choisi son chaman, que c’est peut-être même pas un chaman du tout. Et là, ouais, ça craint. Et c’est foutrement dangereux. On va voir plus loin comment trouver un vrai guérisseur.
Est-ce que l’ayahuasca est pour moi ? A t-elle le pouvoir de guérir mes maux ?
Le désir de prendre de l’ayahuasca naît souvent d’un appel instinctif, qui n’a rien de particulièrement rationnel. Étant quelqu’un qui respecte l’intuition et croit aux synchronicités, il est évident que selon moi, c’est l’ayahuasca qui te trouve, et non l’inverse. Sous cette optique, la question ne se pose donc pas.
Cependant, il est tout de même préférable d’essayer d’être honnête envers soi-même et d’analyser un brin son désir. Je vais être claire : si tu penses que l’ayahuasca est le nouveau trip du siècle, une sorte de saut en parachute spirituel qu’il faut absolument avoir testé avant de crever, bah tu sais quoi, va chier. L’ayahuasca, c’est pas une putain de drogue. L’ayahuasca, c’est une médecine qui mérite tout ton respect. Et si t’es dans ce cas-là, dis-toi bien que c’est à cause des gens comme toi que les dérives actuelles liées à cette pratique sont en train de dévorer sur pied l’âme du chamanisme et des indigènes qui vont avec, au point de transformer cet outil thérapeutique millénaire en vulgaire récréation instagramable de gamins pourris gâtés, et les indigènes en morfales assoiffés de pognon qui prennent le risque de planter le cerveau des débiles qu’ont eu le malheur de leur fait confiance. Voilà, c’est dit.
Mais je parie que tu fais pas partie de ces gens-là.
Si tu sens que t’es attiré, mais que tu te dis que ça te fait trop peur, il faut que tu comprennes que c’est justement pour ça que tu devrais y aller. Tu sais pourquoi t’as peur ? Ouais, parce que tu vas perdre le contrôle, mais y s’agit pas que de ça. La vérité, c’est qu’inconsciemment, tu sais qu’il s’agit de te rencontrer toi-même. Et que cette rencontre risque de bouleverser ta vie entière.
Oui, l’ayahuasca a le pouvoir de guérir tes maux. Mais le pire, c’est qu’elle va même guérir ceux dont tu soupçonnais pas l’existence.
Quelles sont les contre-indications ?
Cardiaque ? Oublie. Traitement à base de médicaments psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères) ? Laisse tomber.
Comment ça fonctionne ?
Il faut différencier l’usage traditionnel de l’usage moderne. Traditionnellement, les indigènes consultent le chaman de leur communauté pour un problème d’ordre physique, psychologique ou spirituel, et le chaman est le seul à prendre l’ayahuasca afin de lire son patient, de l'ausculter grâce à ses visions au cours d’une cérémonie. L’ayahuasca est son instrument de diagnostic. Une fois le problème trouvé, le guérisseur donne à son patient une diète de plantes (souvent non psychotropes) à respecter afin de se soigner.
Du côté moderne, c’est-à-dire principalement les occidentaux qui se dirigent vers l’Amazonie pour faire l’expérience de la chose, le but est un peu différent. Il s’agit plutôt ici d’une quête spirituelle. Alors certes, certains ont des traumatismes qu’ils souhaitent régler, mais ce n’est pas la majorité des cas. Les occidentaux consomment eux-mêmes l’ayahuasca, et non plus simplement le chaman, lors des cérémonies, et s’engagent souvent pour diéter la plante durant plusieurs semaines.
Comment trouver un bon chaman ? Vaut-il mieux pratiquer avec un indigène ou avec un occidental ?
Il y a plusieurs manières de trouver un bon chaman. De nos jours, on peut facilement réserver une cérémonie ou une diète d’ayahuasca depuis chez soi, en surfant sur le net, avec la quasi certitude qu’on aura affaire à quelqu’un de sérieux. En cherchant au Pérou par exemple, aux alentours de Pisac, Iquitos ou Pucallpa, il y a pléthore de retraites chamaniques ou de guérisseurs individuels, sans parler des centres spécifiques comme Takiwasi.
Cependant, tu dois rester conscient que ce genre de démarche favorise aussi le risque de se trouver embringué dans un “ayahuasca tour”, qui, s’il ne te met pas en danger, n’est pas forcément l’expérience que tu recherches. A toi de voir comment tu le sens, et ce qui te rassure. Personnellement, c’est pas du tout pour moi. Pour avoir visité ce genre d’endroit où des gringos illuminés vantent à tout va les bienfaits de leur “spiritualité”, et pour avoir goûté à des expériences bien plus authentiques, ce n’est pas la méthode que je préconise.
La mienne est bien plus freestyle, mais aussi plus risquée. Je fais confiance au bouche à oreille, mais j’attends d’être sur place pour ça. Je ne réserve rien à l’avance, et je ne fréquente pas les centres dédiés au chamanisme, où on te propose du yoga et de la méditation en All Inclusive. D’autre part, je considère que le chemin qui mène au chaman avec qui tu vas boire fait entièrement partie d’un voyage plus long, plus significatif. Surtout si c’est une première fois, il me semble assez absurde de ne se rendre au Pérou QUE pour prendre de l’ayahuasca. Mais bon, ça me regarde.
Dans les endroits où le chamanisme est omniprésent comme Pisac ou Iquitos, fais-moi confiance, à un moment ou à un autre, tu vas tomber sur des gens qui reviennent d’une cérémonie d’ayahuasca, et qui vont t’en parler. Sans même que t’aies besoin de chercher. L’idée est d’observer comment ces gens se sentent. Les laisser évoquer leur expérience. Ton instinct sera en éveil. Quelque chose qui te pousse à entrer en contact avec le chaman qui les a guidés, ou au contraire à reculer devant les choses troubles qu’ils mettent en avant. Ensuite, à toi de sauter le pas.
Après, pour ce qui est de choisir entre un chaman indigène et un chaman occidental, ma réponse est stricte : un indigène. Certes, je n’ai connu qu’une seule expérience avec un chaman blanc, un homme très connu et très respecté de surcroît, qui avait le mérite de ne pas se prétendre guérisseur, mais dont le but était de simplement offrir aux gens la possibilité de boire de l’ayahuasca dans un lieu très beau, plein de bonne énergie… Mais voilà. Pour moi, ce n’est pas ça, l’ayahuasca. Peu importe le décor, peu importe la sono canon et les jolies chansons à la guitare dans une maloca ultra clean et super stylée pourvue de chiottes super confortables. Peu importe l’apparat. L’AYAHUASCA, CE N’EST PAS CA.
Avouons que certains chamans occidentaux ont tout de même suivi une vraie initiation, à base de diète dans la jungle et compagnie, mais je refuse d’admettre que leur connaissances puissent égaler celle d’un indigène qui, pardonne-moi l’expression, à ça dans le sang. Sans parler des pseudo-chamans qui ne sont là que pour le fric qu’ils peuvent se faire sur le dos des gringos naïfs et surtout, effrayés de se confronter au vrai truc. Oui, c’est rassurant d’être entre Blancs dans un cadre tout joli et sécurisé, mais soyons cash : je conchie ce délire.
C’est pas que je pense que le truc doit absolument se vivre à la dur pour être authentique. Les malocas dans la jungle sont finalement très accueillantes. Simplement, selon moi, ne pas chercher à s’approprier une tradition en la modifiant suffisamment pour qu’elle rentre dans nos cases d’occidentaux est juste une forme de respect. Et je terminerais en disant qu’en cas de vrai gros bad trip (j’ai assisté à l’un d’entre eux, ça fait extrêmement peur), seul un vrai chaman sera en mesure de te ramener sur Terre.
Bref, un indigène, pas trop jeune si possible, dont les vibes sont bonnes, et qu’on t’aura recommandé.
Que signifie “poser une intention” ? Qu’est-ce que je dois demander à la plante ?
Tu dois te présenter face à l’ayahuasca avec une intention, c’est-à-dire une requête, une question, un souhait, quelque chose que tu aimerais travailler. Avant de boire ton verre, tu fermes les yeux, la coupe entre les mains, et tu te concentres pour t’adresser à l’esprit de la plante et lui exposer l’intention qui gouvernera la cérémonie.
Les premières fois, c’est assez simple d'identifier ce qui te taraude, ce qui te bloque, ce que tu veux voir résolu afin d’avancer dans ta vie. Tu peux aussi poser des questions moins personnelles, au sujet de l’univers, de la conscience, de l’âme ou de la mort par exemple. De mon côté, je trouve que ce sont ces questions-là les plus intéressantes, celles qui ouvrent vers des cérémonies grandioses, plutôt que les petites requêtes égocentriques et souvent stupides (tu t’en apercevras, à la longue, ou après une cérémonie justement, où la plante t’aura montré à quel point tes préoccupations sont stériles).
Ensuite, ça devient plus dur. C’est en effet difficile de trouver des questions à poser encore et encore, surtout durant une diète où tu bois l’ayahuasca une nuit sur deux durant plusieurs semaines. L’idée est de te connecter à toi-même, de chercher à identifier les thèmes qui t’animent en profondeur, à mesure que les cérémonies les dévoilent. Tu peux aussi te servir des synchronicités que tu observes dans ta vie ou encore des rêves que tu fais pour te mettre sur la bonne piste.
Quoi qu’il en soit, ne demande jamais “rien”. Tu dois faire l’effort de te présenter à l’Abuelita avec une intention, même si t’as parfois le sentiment qu’elle répond à côté. Si tu ne demandes rien, la plante part en freestyle et tu vas rien comprendre, et sans doute subir grave.
On dit que la première fois, c’est comme mourir…
Dans le chamanisme comme dans beaucoup de rites ou pratiques spirituelles et concepts psychologiques, la mort symbolique est une étape nécessaire à l'évolution inaugurant une métamorphose qui, plus tard, mènera vers une renaissance. Mais ce n’est pas toi qui meurs. C’est ton égo. Une partie de toi qui fonctionne selon de vieux schémas, voire des traumatismes, que l’ayahuasca t’aide justement à dépasser.
Plusieurs expériences sont possibles pour une première prise, et d’une manière générale, tu passeras par de nombreuses phases, allant de la peur à l’extase, du mal-être à l’amour infini… Tu peux avoir beaucoup de visions, ou pas du tout. Mais cette phrase que tous les “experts” de la plante aiment à sortir aux novices, et qu’ils répètent en boucle comme une légende, comme une épreuve du feu, c’est de la couille en boite. Ça ne veut rien dire, parce que chacun vit le truc à sa façon, et même en supposant qu'exactement la même épreuve se présenterait devant chaque petit nouveau, ce qui est improbable, la manière dont le petit nouveau en question l’appréhendera lui est entièrement personnelle. Ce qui apparaît comme une mort pour certains n’est qu’un passage pour d'autres.
Bref, arrêtez de répéter cette putain de phrase d’un air pénétré alors que, les gars, aucun de vous n’est un expert. Laissez ça aux vrais curanderos, qui eux, ne sortiront jamais de conneries comme ça !
L’ayahuasca, ça fait quoi ?
Assis dans le noir dans la maloca, les yeux clos, tu viens de boire ta coupe et le chaman est silencieux en face de toi. Un brin tendu mais très concentré, attentif à ce qui se passe en toi et aux bruits de la jungle qui t'entourent, tu respires calmement. Puis, le chaman se met à siffloter. Il émet des mélodies étranges, que tu n’as jamais entendues nulle part. Et ces mélodies ont pour effet de te centrer, d’affûter ton esprit.
Tu te tiens droit. Tu es prêt.
Alors, le guérisseur commence à entonner un icaro. Tu es désormais complètement connecté aux sons qui sortent de sa bouche. Au loin, dans le noir de ton esprit, des formes se mettent à apparaître, furtivement, insensiblement. Elles sont pour le moment difficiles à identifier. On dirait qu’elles bougent, qu’elles dansent. Elles sont… lumineuses ! Bon sang, les voilà qui s’approchent de toi, elles croissent, elles prolifèrent, se multiplient, et elles… ELLES ASSIÈGENT TON PUTAIN DE CERVEAU !
Tu es happé, envahi, étranglé par les visions, oh bordel y a plus de retour en arrière possible ! Ça te fait flipper à mort ces conneries ! Un kaléidoscope en folie a pris possession de ta tête, ça tourne, ça brille, les fractales se diffractent, la peur et la folie te saisissent, tu vas…
Non. Redresse-toi. Respire. Connecte-toi aux icaros. Lève la tête…
Oui, c’est elle.
C’est CA, l’ayahuasca. Et elle est… effrayante, d’une force stupéfiante, mais surtout… d’une beauté fabuleuse.
Tu vis en elle désormais, laisse-la vivre et s’exprimer en toi. Regarde comme elle déploie son incroyable pouvoir, son imprenable beauté à l'intérieur de toi…
Tu as cessé de penser, de réfléchir. Tu es prisonnier de la pure contemplation. C’est une extase que t’as jamais connue. C’est bon, c’est si bon… Mais… Oh attend, ça tourne pas rond là-dedans. Tu te sens lourd, d’un coup. Plombé. Les visions te filent le tournis. Ça s'accélère. C’est atroce ! Il faut que s’arrête, mon Dieu, ayez pitié ! Et ce putain de chaman qui débite ses chants comme un forcené ! Tu vas…
Putain, tu chopes ta bassine et déverses des litres et des litres de dégueuli dedans, comme si tu venais de boire un tonneau entier, alors que la coupe était toute petite. Raaah, ça fait du bien, putain, comme ça te soulage, c’est presque avec joie que tu expulses toute cette merde hors de ton corps, et tu râles presque de plaisir…
Les visions sont toujours effroyablement présentes dans ton cerveau, mais… Voilà. T’as tout dégobillé. T’essuies la gerbe sur les bords de ta bouche, souffles un grand coup et relèves la tête. Et tu entends le chaman se marrer au loin. Enfoiré…
Tu passes à une autre phase du voyage. Les visions sont moins organiques, moins furieuses, moins physiques. Un monde éthéré, lumineux s’ouvre désormais en toi. Et tu… tu commences à comprendre des choses. Sans penser, sans les décrire dans ton esprit. Tu les comprends avec ton ventre, avec ton cœur. Avec une partie de toi qui t’étais jusqu’alors inconnue. Un sixième sens ? Une sorte… d'intelligence émotionnelle ou sensitive ? Ta conscience semble avoir atteint un nouveau niveau. Mais tu perds pas de temps à philosopher. Tu profites juste de cette incroyable ouverture.
Et puis sans savoir comment, voilà que ça repart en bad, sa mère. Des pensées sinistres t’envahissent. Un mal-être t’assaille. Tu te sens inconfortable avec toi-même, avec… ton mental, ou alors ton ego, peut-être. Tu te remets à gerber, mais ça sort pas aussi bien que la première fois. Tu luttes. Tu suffoques. Et puis, tandis que t’es la gueule dans ta bassine, agrippé à elle comme un perdu, tu crois sentir le chaman se lever. Venir au-dessus de toi.
Il chante pour toi. Oui, tu le sens, il t’aide à traverser cette horrible phase. Tu te relies aux icaros de toutes tes forces, reconnaissant, éperdu de reconnaissance même, envers le curandero. Tes visions s'apaisent. Et voilà qu’il remue sa chacapa imprégnée de parfum au-dessus de toi, il appuie sur ta tête, souffle dans tes mains, aspire à certains endroits de ton corps comme pour en extraire le mal.
Heureusement qu’il était là…
Tu peux maintenant t’allonger et profiter du reste du voyage, caressé par de jolies visions, promené dans le monde de la plante par les chants. Tu te sens rené. Né à nouveau, quoi. Tu te sens pur.
Et le lendemain, tu brilles d’une incroyable énergie.
Ça décoiffe, pas vrai ? Mais il arrive aussi qu’il n’y ait que la transe et pas de visions. Ou alors pas d’effet du tout. C’est fréquent pour un novice, et dans ce cas, après avoir attendu une heure et demie, on peut dire au chaman qu’on ne sent rien et qu’on désire une autre tasse.
C’est quoi exactement la transe et les visions ?
La transe est un état de conscience modifié assez difficile à décrire... Quelque chose d’hypnotique. Assis sur le sol dans le noir, les yeux fermés, tu es concentré sur ce qui se déroule à l’intérieur de toi, tout en étant connecté aux icaros du chaman. A la fois très réceptif et dans le laisser-aller, cet état favorise l’émergence des visions.
Les visions sont des images souvent fractales en 3D qui prennent place en plein centre de ta tête. Très colorées, lumineuses et en mouvement, elles sont sans cesse en pleine métamorphose. Les chants du chaman les font muter, changer de couleurs. Parfois elles s’approchent de figures animales, anthropomorphiques ou encore architecturales ou célestes. Mais le truc surprenant, c’est que ces figures souvent abstraites instillent en toi un message….
Si tu veux avoir un vrai aperçu d’une cérémonie d’ayahuasca, tu peux regarder cette vidéo sur ma chaîne YouTube.
Il y a différentes sortes de visions, que Jan Kounen classifie ainsi :
Vision de l’imaginaire, qui ressemble au rêve.
Vision de ton propre monde, qui ressemble au souvenir.
Vision pure, c’est-à-dire vision du monde des esprits, de la mythologie et du cosmos.
Il y aussi deux grandes catégories selon lui :
Visions intérieures :
Tu vois les fameux kéné en 3D, c’est l’énergie de la plante que le chant organise en motif. Les visions d’animaux comme le serpent en font aussi partie, tout comme les tunnels et les cathédrales.
Visions anthropomorphiques : tu vois le monde des esprits, qui t’apparaissent sous forme quasi humaine car l’ayahuasca se sert de ton langage pour se faire comprendre.
Les mondes mythiques, les mondes humains des visions spirituelles (voir le christ ou Shiva par exemple), mondes spirituels non terrestres (oui oui, on parle bien d’extraterrestres).
Visions extérieures : tu vois le guérisseur entouré d’esprits, un serpent sortir de sa bouche pour se nicher dans un patient, tu vois ses chants, son visage recouvert de motifs.
Que faire si j’ai trop peur et que j’arrive pas à gérer ?
Respire. Rectifie ta posture. Interrompt le train de tes pensées. Ce sont elles qui te racontent que c’est dur, que ça fait peur, que c’est violent. Mes tu n’es pas tes pensées. Tu n’es pas ton mental.
Sois fier comme un guerrier, décide d’affronter. Et montre-toi humble surtout, ne lutte pas, accepte, épouse ce que la plante te montre. Vomis un bon coup.
Le chaman va venir t’aider, ne t’en fais pas. Il décide souvent de te laisser un peu subir le truc, croupir dans ton jus, pour que tu t’imprègnes de la medicina et apprennes à te renforcer, à faire face, à regarder vraiment ce qui se trame en toi. Mais il finira par venir t’aider.
Accroche-toi à ses icaros. Connecte-toi de toutes tes forces à eux. Sers t'en comme d’une corde qui te tire hors du puits et te guide pour traverser le flot de tes peurs.
Ta peur, c’est toi. C’est pas l’ayahuasca.
Est-ce que je vais devenir fou ?
Nan, tu vas pas devenir fou. Mais l’extrême lucidité dont ton esprit va faire preuve pourra par moment s’apparenter à la folie.
Est-ce que je vais gerber et avoir la diarrhée ?
Oh que oui, et plutôt deux fois qu’une ! Si cette médecine s’appelle aussi la purga, la purge, c’est pas pour rien ! Ce processus d’évacuation fait entièrement partie du traitement. Durant la transe, l’esprit est complètement relié au corps, ce qui fait que lorsque tu traverses quelque chose - émotions, sentiments, souvenirs, souffrance psychique - que tu as besoin d’évacuer, dont il te faut te défaire pour avancer et guérir, évoluer, eh bien, c’est par le corps que ça va se passer. Les indigènes n’ont absolument pas honte de ça, et en rigolent même. Tu verras que toi aussi tu vomiras et t'esquiveras pour aller chier sans vergogne, avec l’habitude.
Le truc, c’est qu’il ne faut pas lutter. Plus tu repousses le moment de vomir, plus tu vas stagner dans ton mal-être.
Y a-t'il un risque que je ne revienne pas ?
Peu importe la difficulté de ce que tu vis, tu dois garder en tête que c’est pour ton bien, que tu dois faire face sans peur, parce que la plante ne fait que te donner ce dont tu as besoin, qu’elle n’est pas sadique, et qu’elle ne te montre que ce que tu es capable de supporter. De plus, le chaman est là pour t’aider. Quand tu te sens prisonnier d’une boucle vicieuse, il le sait et vient auprès de toi, chante pour toi, souffle et aspire et t'inonde de parfum, pour te guider, calmer ta transe, et t’aider à traverser.
Mais il faut impérativement être accompagné d’un bon chaman pour ça.
Comment le chaman guérit-il ?
Le chaman utilise l’énergie des plantes qu’il a diétées, portée par les icaros qu’elles lui ont appris, pour nettoyer le corps et l’esprit du patient.
Grâce à l’ayahuasca, le corps du patient apparaît au curandero un peu comme une cartographie du ciel. La peau devient transparente, avec le squelette, les veines et les organes visibles. Et l’énergie qui circule dedans aussi. En l’occurrence, les constellations représentent des nœuds, des blocages d’énergie qu’il doit s’efforcer de détendre, de démêler, de fluidifier, en se servant de ses icaros et de son tabac, mais aussi de son parfum et de sa chacapa.
En fonction du type de problème, le chaman chante l’icaro de l’esprit de la plante qui convient pour appeler la guérison. Tout son pouvoir est en réalité dans les plantes, celles qu’il a diètées et dont il a incorporé l’esprit. C’est grâce aux chants qu’il peut agir, avant toute chose. Les icaros que les plantes lui ont appris.
Durant son initiation, l’apprenti-guérisseur diète une une plante maîtresse, c’est-à-dire une plante qui enseigne. Ce qu’elle lui apprend, c’est une façon de voir, de guérir. Elle le fait au travers de ses rêves, de ce que nous on appelle des hallucinations, ou bien en lui enseignant des chants de pouvoir, ou encore à travers un certain type de pensée du monde ordinaire.
L’idée, c’est qu’il devienne ami avec elle, pour qu’elle lui apporte son aide dans sa pratique. Pour ça, il doit incorporer son essence. Et son essence, son esprit si tu veux, c’est comme une mélodie, c’est pour ça que ses icaros, il les tient des plantes.
Et plus un chaman a diété de plantes, plus il possède d’esprits qui l’aident, plus il a de pouvoir, et plus il a de chants. Tu comprends ?
Pourquoi me souffle t-il dessus ?
Le souffle du chaman, imprégné de fumée de mapacho, véhicule son intention et son énergie de guérison. Le souffle, c’est tout le pouvoir du chaman. Par ses chants, ses soufflements, ses sifflements, il te transmet son énergie et te permet de réaligner la tienne.
Pourquoi aspire t-il sur une partie de mon corps en faisant des bruits dégueux ?
Ceci est l’opposé de ce qui précède. Quand un chaman pose sa bouche sur une partie de ton corps et aspire, il tire hors de toi des énergies néfastes, maladies, pensées, traumatismes. Il te nettoie. Toute la médecine de l’ayahuasca est une manière de se nettoyer. Si ensuite il recrache ce qu’il a sorti de toi en vomissant à sec, c’est pour ne pas conserver cette chose néfaste en lui. Pourtant, malheureusement, il en garde toujours une partie, et doit régulièrement aller voir ses vieux maestros pour se nettoyer à son tour…
Quel est ce parfum dont-il m’asperge ?
Simple Agua de Florida achetée sur un marché ou eau florale artisanale préparée par ses soins, le parfum est très utile au chaman, qui y a souvent recours. Il s’agit de l’essence des plantes. Puisque toute cette médecine s’articule autour d’elles, il est normal que leur odeur soit utilisée aussi en cérémonie. Le chaman te proposera souvent de t’en asperger avant la cérémonie, puis il t’en glissera dans la paume après un passage particulièrement difficile en pleine cérémonie, en appliquera sur ta tête de sa main, et t’en soufflera même dessus, parfois sans que tu t’y attendes, afin de t’aider à traverser une phase difficile de la session ou bien pour colmater les canaux encore ouverts dont il a retiré tes mauvaises énergies.
Après la prisePourquoi le chaman ne veut pas m’expliquer ce que j’ai vécu ?
Les indigènes ne fonctionnent pas comme les Blancs à ce sujet. Alors que les néo-chamans occidentaux incitent les participants d’une cérémonie à revenir oralement sur ce qu’ils ont vécu pour le partager avec les autres et l’expliciter pour eux-mêmes, les indigènes, et notamment les shipibos, ne croient pas aux vertus de la parole. Pour eux, ça s’apparente à ramener une expérience transcendante, qui se passe de mots donc, dans les filets de l’ego et du rationalisme. Une erreur de paradigme donc, qu’ils se refusent à commettre.
Les chamans indigènes pensent que les cérémonies se suffisent à elles-mêmes. Que si tu veux d’autres réponses, t’as qu’à attendre la cérémonie suivante pour demander directement à la plante. En gros, ils ne font pas de lavage de cerveau, et s'effacent pour que ton rapport avec l’ayahuasca soit le plus pur possible, comme un langage secret qui n’existe qu’entre elle et toi.
Est-ce que la prise risque d’accentuer mon traumatisme ? Les traumatismes trouvent-ils leur solution dans la prise ?
Oui, je crois qu’on peut dire ça. Parce que ça fonctionne comme un catalyseur, et aussi une catharsis. En fait, l’ayahuasca va se saisir de ce qui cloche et te le mettre sous le nez. Tu vas souvent devoir te confronter, encore et encore, aux choses néfastes qui squattent à l’intérieur de toi, et dont t’arrives pas à te débarrasser d’une façon rationnelle, en faisant usage de ton intelligence. Mais accentuer le traumatisme n’est qu’une première phase. L’idée est que tu le vois enfin pour ce qu’il est, que tu t’en rendes conscient plutôt que de le laisser secréter son venin en sourdine, en le refoulant, en le niant, mais en le laissant finalement vivre en toi à ton insu. C’est ainsi que fonctionne la medicina. Elle amplifie les troubles et les amène devant la conscience afin qu’ils apparaissent sous leur jour véritable.
Mais ce n’est qu’une étape. Si ton traumatisme est accentué au début de la cérémonie ou dans les premiers temps de ta diète, tu peux être certain qu’à la fin de la nuit ou de la semaine, il aura trouvé sa solution, ou du moins, une piste très sérieuse pour apprendre à vivre avec, si ce n’est t’en débarrasser.
La véritable guérison s’accompagne fréquemment de beaucoup de souffrances et de sacrifices. Regarder les choses en face, voire même faire resurgir des souvenirs oubliés, s’y confronter, les accepter, pardonner, et puis laisser partir, dire adieu à ce qu’on était, les schémas et habitudes selon lesquels on se définissait, pour changer, grandir, évoluer… Tout ça, c’est du lourd, et c’est loin d’être facile. L’ayahuasca t’impose une remise en question totale de ta personnalité, mais aussi de tous les concepts dont t’as été biberonné depuis ton enfance, qu’il s’agisse de la nature de la conscience ou des “valeurs” qu’on t’a inculquées.
L’idée majeure qui supplante tout ça, en réalité, c’est d’être en mesure d’établir une vraie distinction entre le vrai toi et ton mental. Entre ton identité réelle et ton ego.
Je dirais pas que c’est une solution miracle, car il y a un vrai travail à effectuer après, pour intégrer les enseignements. Mais l’ayahuasca montre la voie.
Est-ce que je vais complètement changer ?
J’aimerais répondre oui. On lit beaucoup de témoignages de personnes qui ont soi-disant découvert le sens de leur vie grâce à l’ayahuasca, après une simple prise, lors d’une première cérémonie isolée. Je dis pas, ça doit exister, mais c’est loin d’être la majorité des cas. J’ai personnellement pris beaucoup d’ayahuasca, et bu avec d’autres, novices ou confirmés, de toute origine.
La vérité, c’est que non, ils n’étaient pas transformés du jour au lendemain.
On aimerait que ce soit plus magique que ça, hein ? Ben non. Comme pour quasiment tout dans la vie, il y a un travail à fournir, des efforts à engager, pour comprendre et mettre en application ce que la plante t’a révélé, pour véritablement l’incorporer et en faire une partie de toi, quelque chose d’opérant, un vrai changement.
De plus, j’ajouterais que le savoir révélé à tendance à se faire flou quand on est de retour dans la réalité ordinaire, comme s’il était enfermé à triple tour dans une zone de ta conscience à laquelle t’as accès qu’en étant en transe. C’est loin d’être facile de retrouver la clé, sans parler de mettre ces enseignements en pratique.
Pour aller plus loin et explorer les bouleversements que l’ayahuasca provoque en toi, tu peux lire cet article : Ayahuasca : La Liane qui libère la conscience !
Une diète d’ayahuasca, c’est quoi ?
Pour faire simple, une diète, c’est prendre l’ayahuasca une nuit sur deux sur une période allant de quelques jours à plusieurs semaines. La diète comporte de nombreuses règles : isolement dans un tumbo, restrictions alimentaires (pas de sel, pas de sucre, pas de graisse, pas de viande, pas de sexe)…
Il existe d’autres sortes de diètes, comme celle de l’apprentissage, si tu souhaites devenir chaman, mais c’est un autre sujet sur lequel je ne vais pas m’égarer.
Si tu souhaites avoir un véritable aperçu de ce que représente une diète, je t’invite à te rendre à cet article qui réunit toutes les sessions d’ayahuasca que j’ai faites au cours d’une diète de trois mois au Pérou.
Bon, je pense qu’on a fait le tour ! J’espère que cet article aura répondu aux questions principales que tu te posais au sujet de l’ayahuasca.
Cependant, si tu souhaites aller plus loin, je t’encourage à consulter la bibliographie du Top 15 Livres Chamanisme, ensemble d’ouvrages fascinants qui t’apporteront encore plus de détails sur des aspects spécifiques du chamanisme, de l’ayahuasca et de la thérapie psychédélique.
C’est quoi un Icaro ? Les termes courants du Chamanisme Ayahuasca expliqués aux débutants
Qu’est-ce qu’un icaro ? Que signifie vraiment le mot chaman ? Qu’est-ce qu’une maloca, qu’est-ce qu’un esprit ? Et bon Dieu, qu’est-ce que c’est que cette histoire de réalité ordinaire et non-ordinaire ?
L’idée m’est venue qu’il serait temps de mettre à votre disposition une sorte de petit glossaire regroupant tous les termes fréquemment employés dans le monde du chamanisme en général, et dans celui de l’ayahuasca et des shipibos en particulier…
Classés par ordre alphabétique, les mots usuels sur lesquels vous ne cessez de tomber au fil de vos incursions mais dont la définition vous échappe toujours, sont ici enfin expliqués d’une façon simple et limpide !
Mais attention, ce ne sont pas des définitions de dictionnaire basiques trouvées sur Wikipédia. Riche de ma propre expérience dans le domaine, c’est en vertu de mes connaissances personnelles que ces termes sont présentés. Le but est de mettre à votre portée des concepts qui peuvent de prime abord sembler obtus, alors qu’il n’en est rien quand on sait les mettre en lumière sans fioritures…
N’hésitez pas à venir fouiner sur cette page de temps à autre, elle sera régulièrement mise à jour en fonction de mes recherches et de vos questions.
Bonus : un glossaire des nombreuses plantes maîtresses devrait bientôt voir le jour en parallèle de cet article !
Petit lexique du monde de l’ayahuasca pour les novices et les curieux
Abuelita : petit nom affectueux pour désigner l’ayahuasca qui signifie Grand-Mère. Très utilisé par les indigènes.
Animal de pouvoir : esprit allié d’un Homme, pourvoyeur de force et de santé, qui peut aussi lui servir de guide. C’est soit le chaman qui va le chercher pour un patient lors d’une cérémonie (dans ce cas, il choisira l’animal en fonction des besoins spécifiques de son patient. En effet, chaque animal possède des qualités propres, qui seront ou non nécessaires pour guérir le patient), soit l’Homme lui-même, durant un voyage chamanique.
Ayahuasca : désigne la liane qui pousse en Amazonie, mais aussi la boisson psychotrope qu’on prépare avec cette liane mélangée aux feuilles de chacuruna. Les lianes d’ayahuasca ont pour effet d’induire la transe.
Ayahuasquero, ayahuasquera : guérisseur qui consomme rituellement l’ayahuasca pour acquérir de la connaissance et soigner sa communauté.
Bain de plantes : infusion à froid de plantes, maîtresses ou non, avec laquelle le patient doit se laver durant sa diète, dans le but de s’imprégner de l’essence de ces plantes.
Brujo, bruja, brujeria : sorcier, sorcière, sorcellerie. Chaman qui utilise ses connaissances et son pouvoir pour nuire à autrui, selon des visées propres ou parce qu’un client lui en a fait la demande.
Chacapa : hochet en feuilles séchées dont le chaman se sert pour soigner son patient.
Chacuruna : buisson à feuilles poussant en Amazonie, contenant la DMT, molécule naturelle qui provoque les visions. Ces feuilles sont mélangées aux lianes d’ayahuasca pour produire la potion nommée Ayahuasca.
Chaman : à la fois sage, guérisseur, thérapeute, conseiller, voyant, le chaman est un médiateur entre les Hommes et les esprits, capable de naviguer dans la réalité non-ordinaire et d’en ramener des informations qu’il partage avec sa communauté. Dans le monde de l’ayahuasca, le chaman est un homme ou une femme qui a incorporé l’esprit ou l’essence des plantes qu’il a diétées lors de son initiation, et qui peut donc utiliser leur pouvoir pour guérir les autres et les guider.
Croiser sa diète, la casser ou la tordre : ne pas respecter les impératifs et les interdictions alimentaires et comportementales dictées par le chaman. Tordre sa diète est extrêmement dangereux.
Curandero : guérisseur traditionnel d’Amérique du Sud (du verbe curar, soigner en espagnol).
Diète : processus de guérison ou d’apprentissage, allant de quelques jours à plusieurs mois. Isolement, diète alimentaire très stricte, interdits comportementaux, prise de plantes maîtresses sous différentes formes, cérémonies à répétition, la diète est un protocole long et fastidieux dans lequel on s’engage pour se soigner ou pour apprendre à soigner. Un article ici pour mieux appréhender ce qu’est une diète d’ayahuasca.
DMT : diméthyltryptamine. Hallucinogène présent naturellement dans de nombreux organismes comme les plantes ou les êtres humains.
Esprit : entité du monde invisible. Il peut s’agir de plantes maîtresses, d’esprits de différentes sphères (comme celle de la medicina), ou encore d’extraterrestres ou d’animaux. Le voyage chamanique, c’est la capacité d’entrer en contact avec le monde des esprits, et des essences. Le mot “esprit” est souvent connoté négativement par les occidentaux, comme l’esprit des revenants qui nous hantent. Ce n’est pas le cas dans le chamanisme. Bien sûr, il existe des entités néfastes, mais bien souvent, il y a plutôt une ambivalence. Par exemple, les plantes maîtresses ont deux mondes, un monde obscur et un monde lumineux. Les autres esprits aussi, comme le Chullachaki, très fameux chez les shipibo.
Icaro : mélodie que chante le chaman durant les cérémonies d’ayahuasca. Outil thérapeutique, ce chant sert à soigner et guider le patient. Ce sont les plantes maîtresses, durant les diètes, qui apprennent les icaros au chaman. Ces mélodies constituent leur essence, leur esprit, leur énergie. Selon le besoin du patient, le chaman va chanter l’icaro de la plante qui lui est nécessaire. Il y a des icaros pour ouvrir les visions, redresser l’ivresse, nettoyer, se connecter à différents mondes… Voici un icaro de Guillermo Arevalo “Kestenbetsa”, maestro de Jan Kounen.
Kéné : motifs géométriques qu’on observe dans les visions d’ayahuasca et dans l’artisanat shipibo, dont les femmes ont le secret. Le langage qui s’articule dans ces motifs serpentants est propre à chaque femme. On dit que c’est l’Anaconda originel Ronin qui le leur a transmis.
Madré : autre nom de l’ayahuasca qui signifie Mère.
Maestro : maître chaman.
Maloca : hutte cérémonielle, souvent de forme circulaire, où se déroulent les cérémonies d’ayahuasca.
Mapacho : tabac noir amazonien, qui se présente sous forme pure, à placer dans une pipe, ou alors dans des grosses cigarettes faites à la main.
Maréacion, être maréado ou maréada : ivresse, transe de l’ayahuasca. Être maréado signifie être sous l’emprise des effets de la plante.
Medicina : désigne l’ayahuasca en elle-même, mais aussi le paradigme qui englobe le monde de l’ayahuasca, les esprits qui lui sont associés, les diètes, les plantes… Tout cela s’appelle le Monde de la Medicina ou la Sphère de la Medicina.
Monde d’en-bas, Monde du milieu, Monde d’en-haut : dans le chamanisme, il y a trois mondes, qui sont des plans spirituels. Celui d’en-bas, où vivent les esprits animaux, les plantes maîtresses et les anciens chamans. Celui du milieu, notre monde ordinaire, animé de luttes de pouvoir incessantes. Et celui d’en-haut, éthéré, lumineux, où se trouvent les esprits avancés, spécialisés, souvent disposés à apporter leur aide.
Perfume : parfum, eau florale artisanale préparée par le chaman ou achetée sur un marché (Agua de Florida).
Plante Maîtresse : plante enseignante, c’est-à-dire qui a un esprit propre, une essence personnelle. A la différence des simples plantes médicinales, qui n’ont pas de “personnalité”, les plantes maîtresses ont la capacité de s’adresser aux diéteurs et aux chamans, de les faire entrer dans leur monde, de leur apprendre leur secret, leur transmettre leur pouvoir, au travers des icaros notamment. Ces plantes ont des mondes à elles. Ce sont des esprits.
Pouvoir : pouvoir des plantes, pouvoir du chaman, pouvoir personnel. Le pouvoir des plantes, c’est leur essence, leur esprit, que le chaman incorpore afin de guérir, notamment grâce aux icaros qu’elles lui apprennent durant sa diète. Le pouvoir du chaman est à double-tranchant : il peut s’en servir pour guérir (dans ce cas il est curandero) ou pour faire le mal (il est alors brujo). Les armes de défense et d’attaque sont les mêmes. Le pouvoir personnel d’un Homme réside tout entier dans sa volonté.
Réalité ordinaire : état de conscience basique de l’être humain, réalité de tous les jours.
Réalité non-ordinaire : dimension du monde et de la conscience uniquement accessible via un état de conscience modifié, que ce soit par l’usage de psychotropes ou encore via le rêve, l’hypnose, la méditation, le son des tambours…
Toé : Plante amazonienne, très proche de la datura, qui entre parfois dans la composition de l’ayahuasca, en très faible dose.
Transe : état de conscience modifié qui permet l’accès à la réalité non-ordinaire.
Tumbo : cabane, le plus souvent avec une structure en bois, un toit en feuilles de palme et des “murs” en moustiquaire, posée directement sur le sol en terre battue. C’est dans ce refuge en pleine jungle que l’on s’isole durant une diète.
Visions : images mentales en 3D provoquées par l’ingestion d’ayahuasca. C’est la DMT contenue dans les feuilles de chacuruna qui en est la cause. Il en existe de toutes sortes : abstraites, fractales, kaléidoscopiques, ou au contraire plus réalistes, comme un rêve. On peut aussi observer des figures anthropomorphiques, animales ou extraterrestres, ou bien encore des formes qui s’apparentent à l’activité biomoléculaire. A noter que ces visions n’ont rien à voir avec la quête de vision des Indiens natifs. Voici une cérémonie d’ayahuasca virtuelle réalisée par Jan Kounen, pour mieux comprendre ce que sont les visions.
Ce lexique vous a intrigué et vous voulez en savoir beaucoup plus sur le chamanisme ?
Alors rendez-vous au Top 15 Livres Chamanisme pour explorer en profondeur ce monde passionnant et insaisissable !
November 9, 2021
La Gardienne de la Plante : Collaboration Artistique entre une Sauvage et un Alchimiste
Bruno et moi, c’est l’histoire de deux cramés de la cervelle qui se croisent sur un réseau et se reconnaissent instantanément en se faisant un petit clin d’œil de connivence, comme deux drogués égarés dans une soirée guindée qui décideraient d’aller s’enfiler une trace de coke dans les chiottes ultra classes de leur hôte, avant de mettre les bouts bras dessus bras dessous pour finir la nuit dans un rade bien pourri où l’un comme l’autre se sentirait beaucoup plus à l’aise...
Quand Bruno Leyval et Zoë Hababou jouent les Mécanos de la Transcendance
Et comme tout junkie éprouvant un certain respect pour le junkie qui se trouve en face de lui, on s’est mis à partager nos plans. A se raconter nos histoires de camés. Nos expériences bonnes et mauvaises avec notre dope à nous, celle qui nous envoie en l’air, nous transcende, nous traîne dans les limbes, nous fait ramper pour obtenir notre dose : l’Art.
C’est pas qu’on exerce exactement sur le même terrain, lui et moi. Bruno suit la Voie de l’Encre (et d’un tas d’autres trucs que je serais bien en peine de décrire), et moi, je trace la route de l’Écriture. Tandis que lui dessine ses visions à grands traits noirs, moi, je me perds dans les labyrinthes cognitifs et les métaphores.
Mais la défonce qu’on recherche en nous livrant à nos différents médiums est la même : La Transcendance.
C’est marrant, mais quand on demande aux gens en général et aux artistes en particulier ce qu’ils espèrent trouver dans l’Art, c’est rarement ce concept qui est désigné. Bruno et moi, qu’est-ce qu’on met derrière ce mot ?
L’idée, ou plutôt la sensation viscérale envahissant le corps et la conscience, d’un franchissement, d’un dépassement, d’un écartèlement qui entraîne celui qui en est victime au-delà du perceptible et de l’intelligible. Quelque chose qui le sort de lui-même, et le largue à portée des rivages inconnus du Sublime. Ouais, tout ça s’apparente bel et bien à une défonce.
Développer de la puissance dans son art n’est pas donné à tout le monde. J’imagine qu’il faut d’abord en avoir été témoin ailleurs pour être foutu d’en engendrer soi-même.
[image error]De la puissance, y en partout dans le monde, sous de multiples formes. Mais encore faut-il avoir les yeux qu’il faut pour la percevoir. Une certaine disposition, une soif qui nous aimante à elle. Je pense pas vraiment qu’il s’agit d’un entraînement. Je pense au contraire que c’est la rencontre avec cette puissance qui nous débouche le regard et transforme à jamais notre appréhension… d’absolument tout.
Après, bien sûr, les camés de la puissance, les accros de la transcendance sont du genre à mettre tout en œuvre pour la faire (re)vivre en eux. Ils éclusent un nombre effarant de produits (dope, voyages, expériences spirituelles, lectures, musiques) pour la retrouver, et font tirer la langue à un tas de dealers (artistes) pour qu’ils arrivent à leur en fourguer. Avant de comprendre que le meilleur moyen de foutre la main dessus et d’en acquérir une réserve inépuisable, c’est de la produire soi-même dans le labo de son âme en mode Breaking Bad pour jamais se retrouver en rade et faire planer le monde avec une nouvelle came bleue cristal.
Mais il s’agit pas que de le faire planer. Ça, c’est bon pour les débutants de la dope qu’ont pas conscience que ce qu’ils se foutent dans le cornet possède un pouvoir bien plus beau que celui de simplement les faire sortir d’eux-mêmes.
Après être sorti, l’idée, c’est de rentrer. De ramener à l’intérieur de soi le Sublime qu’on a contemplé pendant de trop brèves secondes de déconnexion.
L’idée, c’est de reconnecter.
Je visualise une sorte de Mécanicien d’Enfer en mode steampunk, affairé dans la salle des machines, à suer de la gueule derrière son cambouis sous son casque en acier crasseux. Ce Mécano, c’est le Style. C’est lui qui fait la jonction entre l’inconscient et le conscient. Entre l’extérieur et l’intérieur. Entre la puissance cachée, et l’Homme. C’est lui qui provoque la Transe.
Eh ouais, on en arrive au Chamanisme, autre point de ralliement entre Bruno et moi. Que lui et moi ayons connu des expériences de ce genre n’est pas vraiment le problème, en fait. Je crois que n’importe quel artiste, qu’il ait été ou non en contact avec un chaman ou ce qui s’en approche, est en mesure d’atteindre ce niveau de conscience où l’Homme communique avec la Conscience Universelle. Le chamanisme, c’est rien de plus, en réalité. Même si c’est déjà énorme pour le commun des mortels.
Évidemment, c’est carrément plus facile de pénétrer sur cet étrange territoire si on a eu la chance d’être initié par un guide, comme ça a été le cas pour Bruno et moi. Cela dit, ce n’est pas le chamanisme qui crée en l’Homme le pouvoir de transcendance et la capacité de l’engendrer. Il ne fait que révéler ce qu’il porte en lui.
La création artistique est une transe. L’artiste est forcé d’entrer dans un état de conscience non-ordinaire pour capter son œuvre et la transcrire. Comment parler à l’Homme de l’Infini si on n’a pas soi-même la tête dedans ? Comment véritablement mettre au monde une œuvre qui résonnera dans le cœur de l’humanité si soi-même on est déconnecté de ce qui la constitue ? Il faut trouver son plus petit dénominateur commun, les racines les plus ancestrales, les plus primitives qui croissent vers le bas et vers le haut, celles qui nous relient et nous ancrent et celles qui nous élèvent et nous transcendent…
Monde d’en-haut, Monde d’en-bas, c’est des notions qui appartiennent au chamanisme, tout ça, mais aussi à la religion, à la philosophie, à la psychologie. A la totalité entière de l’Homme, psychique et corporelle. Oui, c’est un territoire indigène et sauvage, parce qu’on est tous des indigènes. Carl Jung parle d’Inconscient Collectif.
Et il est aussi le premier à avoir évoqué la réalité de la synchronicité, qui n’a rien d’une stupide notion new-age. Je suis sûre que la majorité d’entre vous a déjà vécu cette sorte d’expérience troublante qui relie passé, présent et futur en un déferlement de sens insensé.
D’ailleurs, c’est peut-être la raison qui fait que vous êtes sur cette page…
Notre collaboration, à Bruno et moi, au-delà de l’affection personnelle et du délire entre drogués intoxiqués par la même came, est une expérience de synchronicité, comme il en existe beaucoup entre artistes. Le truc qui la rend unique, c’est l’inspiration mutuelle qu’elle a provoquée.
Mes histoires de chamans, de jungle et d’ayahuasca, mon côté sauvage et excessif et mes livres au style agressif ont donné à Bruno l’idée du personnage de la Gardienne de la Plante, qui prend place au sein de son œuvre la Rose de Jéricho, au sujet de laquelle je l’ai interviewé dans ici dans Un Passage entre Deux Mondes.
Et ce qu’il a déterré en croquant mon corps et mon âme est un matériau tout simplement stupéfiant.
Écoutez un peu ça :
Quelques semaines après avoir terminé cette collab, je me suis procuré l’ouvrage Femmes qui dansent avec les Loups. Et bordel, j’ai halluciné dès la première page, dont l’introduction a pour titre : Chanter au-dessus des Os (si vous ne comprenez pas ma surprise, remontez deux dessins en arrière). Mais ça ne s’arrête pas là. Dans la suite de l’ouvrage, l’auteure fait référence à La Huesera (Femme aux os), La Trapera (la Ramasseuse) ou encore La Loba (la Louve). La légende d’une femme qui arpente les routes (tiens tiens) à la recherche d’os de loups, pour ensuite reconstituer le squelette dans sa totalité. Puis, assise face aux os, elle réfléchit au chant qu’elle va chanter. Quand elle l’a identifié, elle l’entonne, et le loup revient à la vie.
Très surprenant, quand on sait que c’est précisément de cette manière que je conçois et décris mon processus d’écriture, pas vrai ?
(je déconne pas, la vérité est dans Les Entrailles de Borderline rédigé bien avant toute cette aventure)
Le fait est que poser pour lui m’a aussi ouverte à un aspect de moi-même dont je n’avais pas forcément conscience, que ses dessins m’ont révélé. Mais ce n’est pas là-dessus que j’ai envie de m’étendre. Il était très agréable de sentir en moi l’éveil de la Guerrière, et de réaliser que son essence, son énergie m’imprégnait bien plus que je ne l’imaginais, même quand j’étais franchement down comme à l’époque où j’ai pris la pose. Bruno a eu le regard qu’il faut, celui dont je parlais il y a quelques minutes. Il a perçu la puissance en sommeil. Et il me l’a montrée.
Vous la voyez, vous aussi, pas vrai ?
Le truc important, c’est que ces esquisses m’ont prouvé que j’étais bel et bien reliée à l’Universel. Que l’Archétype de la Femme, de la Guerrière, de la Chamane et de tout ce qui constitue la beauté et la force du Principe Féminin, existait véritablement en moi, peut-être d’une façon aussi criante que dans ces dessins.
Cette révélation a inauguré une sorte de renaissance.
Ce dessin en particulier, que j’appelle personnellement Grand-Mère Feuillage, présente un visage sans âge, presque sans genre. C’est marrant, j’ai à la fois l’impression de contempler mon ancêtre, et la vieille femme que je pourrais devenir si j’arrêtais de fumer plus d’un paquet de clopes par jour.
C’est comme si Bruno était capable de capter l’Universel dans son sujet, et de le dessiner pour que tout le monde, même son inconscient sujet, le voie.
C’est pour ça que je l’appelle l’Alchimiste.
Il a transformé la pauvre fille plombée que j’étais au moment de la séance de pose en or, en Déesse qu’a rien d’une bombasse de base mais qui au contraire présente tous les atours de la sagesse et de la folie qui va avec.
J’espère du fond du cœur que notre collaboration ne va pas s’arrêter là. J’espère trouver lors du voyage qui m’attend cette puissance de jaguar présente dans ses dessins, cette force qui semble m’appartenir en propre, tout en faisant partie du tout bien plus vaste de la condition humaine.
J’espère être en mesure de faire vivre, et de maintenir vivant en moi cette Conscience détachée de l’ego qui est le seul lieu où j’accepte d’exister, la source infinie à laquelle s’abreuve mon inspiration.
Merci encore Bruno pour cette révélation. Et merci à vous d’avoir écouté mon histoire.
November 8, 2021
Carnet d’ayahuasca #Teaser du livre à venir…
Ouais, OK, je suis d’accord avec vous. Le trip s’interrompt brutalement. Et je vous avoue que ça va me manquer de ne plus transcrire ici les cérémonies d’ayahuasca que j’ai vécues durant cette diète de trois mois au Pérou. Lors du dernier Carnet d’ayahuasca, j’en étais à ma seizième cérémonie, et je venais d’apprendre à préparer cette diabolique potion en compagnie de Wish, mon chaman, vous vous souvenez ? Eh ben, des cérémonies, y en a encore un sacré paquet à venir (trois mois à prendre de l’ayahuasca une nuit sur deux, ça fait long !), mais justement…
L’idée est de garder un peu de mystère parce que…
[image error]… mais vous le saviez depuis longtemps, pas vrai ?
Oui, UN PUTAIN DE LIVRE EST EN PRÉPARATION !!!
Et quand je dis ça, je pèse mes mots. L’idée de base était de simplement réaliser une sorte de carnet de bord, publié tel quel, relatant sans fioritures les cérémonies successives d’une diète comme celle que j’ai pratiquée. En gros donc, rédiger une petite intro pour situer le contexte au début de l’ouvrage, et puis mettre juste la date et l’intention émise envers la plante avant de déballer le récit de la cérémonie, exactement comme ça a été fait sur ce blog. Mais j’ai fini par comprendre que ma rencontre avec l’Ayahuasca était bien plus ancienne, et bien plus intéressante que ça…
… et qu’elle méritait une autre sorte de livre, bien plus abouti.
Revenons un peu sur mon expérience de l’AyahuascaPour ceux qui aurait loupé un épisode, voire une saison entière, j’ai rencontré Wish, le chaman auprès de qui j’ai pratiqué, quand j’avais 21 ans, lors de mon premier séjour au Pérou. C’est lui qui m’a ouvert le monde de l’Abuelita. J’ai fait deux cérémonies en sa compagnie, avant de continuer ma route vers Iquitos, haut lieu du chamanisme péruvien et endroit rêvé pour la prise d’ayahuasca. Là-bas, j’ai à nouveau consommé la plante à plusieurs reprises, avec différents chamans, et j’ai même fait ma première diète dans la jungle. Puis, à la fin de mon voyage, je suis retourné à Pisac pour trouver Wish, convaincue que c’était le seul chaman auprès de qui j’avais envie de poursuivre la quête. Mais il s’était absenté pour se rendre en Amazonie, dans son village natal. Par dépit, j’ai tenté l’aventure avec un chaman blanc, première fois que ça m’arrivait, et… bref, au secours ! Dix ans plus tard, j’ai contacté Wish, qui se souvenait parfaitement de moi, et décidé de le retrouver pour une vraie diète, ce coup-ci. Un mois au départ, qui s’est finalement transformé en trois, dont deux dans la jungle. J’ai quitté Wish pour poursuivre mon voyage en Colombie, certaine de le retrouver quelques mois plus tard pour une dernière diète en sa compagnie avant de rentrer en France. Mais entre-temps, il est mort.
Et me voilà, un an et demi après sa disparition, prête à repartir pour l’Amérique du sud. Et certaine que, d’une manière ou d’une autre, mon histoire avec l’Ayahuasca n’est pas finie.
Avouez que ça pourrait faire un très bon livre, n’est-ce pas ? Et ouais, ce coup-ci, je vais vous teaser avec des photos, parce qu’il faut absolument que je les partage !
Mais avant ça, petite récap de toutes les cérémonies du Carnet d’ayahuasca !Carnet d’ayahuasca #1 : Ouverture de Diète : Éclaircis mes intentions
Carnet d’ayahuasca #2 : Dis-moi ce que je cherche, Abuelita, en faisant une diète avec toi
Carnet d’ayahuasca #3 : Fais-moi rencontrer mon Animal de Pouvoir
Carnet d’ayahuasca #4 : Fais-moi visiter le Monde d’en-bas
Carnet d’ayahuasca #5 : Fais-moi découvrir le Monde d’en-haut
Carnet d’ayahuasca #6 : Dis-moi ce que je dois savoir en ce qui concerne mon futur
Carnet d’ayahuasca #7 : Fais-moi voir l’Infini
Carnet d’ayahuasca #8 : Harmonise mes circuits de Conscience
Carnet d’ayahuasca #9 : Fais-moi voir le huitième niveau de la Conscience
Carnet d’ayahuasca #10 : Inspire-moi
Carnet d’ayahuasca #11 : Apaise mon cœur
Carnet d’ayahuasca #12 : Fais de moi une Guerrière
Carnet d’ayahuasca #13 : Fermeture de diète : Inscris en moi l’Énergie de la Diète
Carnet d’ayahuasca #Pause entre deux diètes : De Cuzco à San Francisco
Carnet d’ayahuasca #14 : Ouverture de Diète : Réveille mon Moi Profond, fais-moi aller plus loin dans le Monde de la Medicina
Carnet d’ayahuasca #15 : Montre-moi ce que je veux vraiment, et dis-moi comment l’obtenir
Carnet d’ayahuasca #16 : Préparation de l’Ayahuasca : Montre-moi comment travaille la Numan Rao (plante diétée) avec moi
Et c’est parti pour les photos !
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November 7, 2021
Carnet de Route #Teaser du Livre à venir…
A l’heure où j’écris ces lignes, je m’apprête à partir pour un nouveau voyage. Et ça fait bientôt un an que vous suivez les épisodes de ce Carnet de Route, que j’ai tenu il y a douze ans déjà, lors de mon tout premier road trip.
Les raisons qui me poussent à cesser de le diffuser ici sont multiples.
La première d’entre elles, vous la voyez venir, pas vrai ? Eh ouais les amis, une fois sur les routes d’Amérique Latine (oui j’y retourne, parce que l’appel qui fait résonner mon âme d’un écho sans fin provient de là, et que j’ai pour habitude d’écouter mon instinct), c’est EN LIVE que vous allez suivre mes nouvelles aventures ! Et croyez-moi, ce goût indescriptible de chemin en train de se tracer vaut bien plus que les souvenirs d’un trip vécu il y a plus d’une décennie…
Et la deuxième raison, que vous aurez évidemment devinée avec le titre de cet article, c’est que ce Carnet que vous avez eu tant de plaisir à lire, je vais le publier. En vrai livre. Un truc qu’on tient dans la main, qui nous accompagne comme un fidèle compagnon de route, quelque chose qu’on peut poser pour prendre le temps de s’imprégner, ou au contraire dévorer d’une traite parce que l’histoire est si palpitante qu’il est hors de question de ne pas connaître la fin TOUT DE SUITE !
Et je peux vous dire que du spectaculaire, du ouf, du barré, y en a à la pelle dans la suite de mes aventures ! Le dernier Carnet de Route s’arrêtait à deux mois et huit jours, à l’extrême sud de la Bolivie, presque à la veille de mon passage de la frontière Argentine. En tout, je suis partie un an. Et il m’en est arrivé, des choses…
J’ai sillonné l’Argentine du nord au sud, jusqu’à la Terre de feu, découvert le glacier Perito Moreno, les chutes d’Iguazu. J’ai traversé le Paraguay pour retourner en Bolivie et me perdre dans la beauté du sud-ouest de ce continent, jusqu’au fameux désert de sel d’Uyuni. Je suis partie en pirogue plusieurs jours en pleine jungle, avant de revenir au Pérou pour rencontrer… Wish, mon chaman, et l’Ayahuasca. Et j’ai poursuivi la route, en remontant le fleuve Ucayali depuis Pucallpa jusqu’à Iquitos, sur un cargo, dix jours de traversée, en pleine Amazonie, seule gringa à bord. Là-bas, j’ai repris de l’ayahuasca avec différents chamans et fait ma première diète de dix jours avec la plante, perdue dans un microscopique village dans la jungle. Et puis, je suis passée en Équateur… Avant d’accomplir la dernière boucle qui m’a ramenée au Pérou, où tout avait commencé.
J’avais dans l’idée de conclure cet article en teasant des extraits de ce qui vous attend dans le livre, avec photos à l’appui, mais je pense en définitive que c’est inutile. Toutes les photos sont déjà présentes dans la Galerie. Et les écrits, vous les découvrirez une fois l’ouvrage sorti.
Merci à tous d’avoir montré tant d’engouement pour mes aventures. Et rendez-vous d’ici quelques semaines pour suivre le Nouveau Carnet Latino qui, j’en suis sûre, vous bottera autant que le premier…
Carnet de Route #1 : Arrivée à Lima, Pérou
Carnet de Route #2 : Lima m’emmerde
Carnet de Route #3 : Nuit solitaire dans le désert de Paracas
Carnet de Route #4 : Nazca et le Mexicain
Carnet de Route #5 : Survol des lignes de Nazca, momies de Chauchilla, oasis de Huacachina, Cerro Blanco
Carnet de Route #6 : Vague à l’âme à Arequipa
Carnet de Route #7 : Cabanaconde, le Yamil me les brise
Carnet de Route #8 : Descente de la mort dans le Canyon del Colca
Carnet de Route #9 : Les gamines qui chantent tristement, Puno, Lac Titicaca
Carnet de Route #10 : Soirée coke à Copacabana, Bolivie, Lac Titicaca
Carnet de Route #11 : Paraît que je suis timbrée
Carnet de Route #12 : Première rencontre avec l’Amazonie, Villa Tunari
Carnet de Route #13 : S’occuper d’animaux sauvages, Réserve Inti Wara Yassi
Carnet de Route #14 : Un roman écrit sur la route
Carnet de Route #15 : Mon pote l’Anglais s’en va et moi je taffe avec les singes
Carnet de Route #16 : Départ de la jungle, galère de bus, arrivée à Sucre
Carnet de Route #17 : Un anniversaire à Tupiza, western bolivien
September 22, 2021
Carnet d’ayahuasca #16 : Seizième Cérémonie
Comme beaucoup de chamans, Wish prépare son ayahuasca une fois l’an, ce qui lui permet d’avoir des réserves suffisantes pour tenir dans les montagnes andines où il vit la majorité du temps, sans avoir à revenir dans la jungle. Ce séjour ici à San Francisco avec moi était l’occasion de se mettre à l’ouvrage, il a donc fallu aller chercher du bois pour pouvoir cuisiner (ouais, comme dans Breaking Bad) une semaine durant.
La préparation de l’ayahuasca (mélange de lianes d’ayahuasca et de feuilles de chacuruna) nécessite des tonnes de bois, parce que la marmite doit bouillir des heures et des heures à feu extrêmement vif, et qu’on enchaîne les marmites, évidemment, jour après jour. Vu le nombre de clients qu’a Wish, il lui faut des litres d’ayahuasca pour honorer ses cérémonies toute l’année. Mais du bon bois bien sec et bien résistant, qui donnera de bonnes flammes, ça se trouve pas si facilement dans la jungle, alors on est partis en expédition avec son oncle et son cousin pour aller en acheter dans un autre village, plus bas sur le fleuve.
Son oncle possède une pirogue à moteur, et c’est lui qui nous y a conduits. La pirogue était prisonnière des sortes de marais près des rives du fleuve, et les trois mecs ont miséré leur race pour la sortir de là, poussant dans l’eau des marécages, forçant l’avancée avec des bâtons, nous faisant passer quasiment dans les arbres qui poussaient dans l’eau. C’était une putain d’immersion, et j’ai été impressionnée par les machines de guerre que sont ces types de la jungle !
Une fois parvenus sur le fleuve, on s’est embarqués pour une merveilleuse heure de voyage.
Les trajets en pirogue en pleine Amazonie me rendent carrément dingue. Ça te transforme en quelqu’un d’autre. C’est difficile à expliquer, mais il se passe des choses en toi qui n’ont rien à voir avec tes courants de pensée habituels. T’es pas simplement contemplatif, ça va au-delà de ça. C’est comme… comme si tu rentrais dans la matrice d’où tu viens, que tu renouais avec l’âme primitive qui gronde toujours en toi malgré les années de dressage. Une sorte de soif, et de faim sauvage te possède, pour tout ce qui t’entoure. Tu observes les arbres au-dessus de toi avec l’envie d’y grimper en y plantant tes griffes, l’eau sous la pirogue avec la volonté de t’y plonger jusqu’aux abysses, le courant qui caresse tes doigts de pied comme si ta mère ancestrale jouait avec toi. Le chant de la jungle te nourrit d’un pouvoir régénérateur, un souffle, un lavement. C’est absolument unique, et chaque fois que ça m’arrive, j’ai la sensation de pouvoir mourir en paix, parce que j’ai connu ça.
Arrivés au village, on a discuté le coup avec la famille qui allait nous vendre le bois, posés sur un banc face au fleuve. Quelle chance de parler espagnol et d’être en mesure d’échanger pour de vrai avec ces gens qui ont une vie si différente de la mienne ! Mais à force, je dois dire que je trouve ça presque normal. Je discute comme si j’étais née ici, et rien dans le comportement des gens que je rencontrent n’indique qu’ils me considèrent comme une sale gringa. Ils sont ouverts, rigolards. Mais c’est peut-être l’affection que Wish me porte ouvertement qui force leur respect, le fait qu’il me présente d’emblée comme… autre chose qu’une vague touriste.
Après avoir papoté pendant pas loin d’une heure, on a chargé la pirogue de tronçons de bois, en faisant des aller-retours incessants, jusqu’à ce qu’elle soit pleine à ras de la gueule.
Et c’est le lendemain qu’on a commencé à cuisiner. Pour info, les lianes d’ayahuasca induisent la transe, mais ce sont les feuilles de chacuruna, porteuses de DMT, qui provoquent les visions. Et l’ayahuasca ne se met pas telle quelle dans la marmite, faut d’abord l’écraser à fond pour que son essence s’infuse bien dans l’eau. C’est un taff carrément épuisant de matraquer ces lianes au marteau... et qui ruine les mains ! Sa mère, je me suis récoltée une putain d’ampoule entre le pouce et l’index à force de cogner dessus comme une perdue ! Mais je suis franchement contente de pouvoir boire une medicina que j’ai contribué à créer.
Intention : Montre-moi comment travaille la Numan Rao avec moi
Entre la Numan Rao, la Malva (qu’on a aussi récoltée avec Wish sur son terrain, sorte de feuille qu’on écrase dans de l’eau, qui donne une potion gélatineuse à boire, et qui nettoie les poumons), la Hierba Luisa et la tisane spéciale méditation de la mère de Wish (il lui a demandé de la préparer pour moi), je me sentais très détendue. J'ai le sentiment qu'on peut pressentir comment sera la cérémonie. Ou alors c'est juste toi qui influes sur le truc. Je savais que l'oncle de Wish, que j'avais beaucoup apprécié en allant chercher le bois, viendrait ce soir, et ce mec avait de bonnes ondes. Très rieur, le genre qui te met à l’aise direct, un petit homme avec un bon cœur, qui sait écouter les autres. En plus on allait boire l'ayahuasca qu'on avait préparé nous-mêmes, dont on s'était imprégnés via sa fumée, qu'on avait écrasé à coup de bout de bois et de marteau et qui m'avait valu cette grosse ampoule que Wish avait fait cicatriser avec la sève du Pinon Negro. J'ai d'ailleurs aussi goûté les graines du Pinon Blanco. Bref, le terrain était bon. J’étais littéralement encerclée et pénétrée par le pouvoir des plantes, et j'étais aussi impatiente de connaître les chants du tonton.
J'étais très concentrée, à nous trois on formait un cercle parfait, avec l’oncle à ma gauche et Wish à ma droite. Mes visions se sont ouvertes quand le tonton a rejoint Wish dans les chants. La façon dont il chantait me faisait penser à un truc chinois. Cette voix comme une guimbarde, tremblotante, presque grésillante, mais tellement belle. Très différente de celle de Wish. Au début, on aurait dit qu'ils chantaient chacun de leur côté, suivant leur propre mélodie. Ça faisait quand même un peu penser à du canon, même s'ils chantaient des trucs différents. Et puis leurs voix et leurs mélodies ont fini par se rejoindre, en une fusion grandiose.
Mes visions étaient celles, classiques, de l'ayahuasca, mais vu que ça faisait longtemps que j'en avais pas eu, je les ai appréciées à fond, surtout avec cet icaro si puissant qu'ils entonnaient à deux. Leurs voix m’ouvraient un monde élevé, d’une brillance presque douloureuse. Si les cieux existent, et s’ils doivent ressembler à quelque chose, je jure qu’ils n’auraient pas d’autre visage !
Je me suis mise à me balancer, et puis j'ai posé les mains à plat sur le plancher, les jambes toujours en tailleur, et je me suis balancée encore plus, en suivant le mouvement avec ma tête. C'était tellement bon, tellement fort ! Et puis je sais pas trop comment, je crois que c'est l’oncle qui a commencé à taper sur sa cuisse, et moi aussi je me suis mise à chantonner, timidement au début, et puis de plus en plus. Rama kaya kaya ka, kaya kaya ka... Je connaissais bien ces chants, même s'ils étaient trop complexes pour que je puisse les mémoriser en entier, mais leur côté répétitif aidait, surtout les dernières phrases des strophes qui sont répétées trois-quatre fois.
Alors, je me suis mise à taper sur le plancher de la maloca du bout des doigts, d'abord doucement, et puis carrément, jusqu'à m'en faire mal. Le rythme était très rapide, mais il fallait que je le fasse, et c'était tellement bon, de sentir cette puissance, d'y participer, de l'éprouver dans mon corps ! Il me semblait que les visions se calmaient quand je faisais ça, et je me suis dit que ça devait être ça, de diriger le truc, d'apprendre à manier l'énergie de la plante. Ensuite j'ai tapé sur ma cuisse, mais ce n'était pas assez puissant alors j'ai tapé sur ma poitrine, au niveau du plexus, fort, encore et encore, comme pour faire entrer l'énergie du chant à l'intérieur de moi. Et puis juste avant la fin de la chanson, comme si je pressentais le truc, j'ai croisé les mains sur mon cœur, et Wish a dit une sorte de bénédiction, en espagnol, toujours dans son chant. Et je me suis véritablement sentie bénie…
J'étais redescendue, il m'était à nouveau possible de pouvoir fumer un mapacho. C'était le fait de m’être enflammée comme ça qui avait contrôlé le pouvoir de la plante, j’en étais sûre. De chanter, ou du moins d'essayer, de suivre le rythme. C'est vraiment différent de juste subir les visions allongé comme une merde. Je savais que le plus gros de la cérémonie était passé. Wish a joué de la guitare et son oncle a suivi au chant. Ils me faisaient penser à un duo de blues, des mecs super rodés, du genre de ceux qui se parlent et déconnent avec le public en même temps qu'ils jouent, se renvoyant la balle, se congratulant mutuellement, se faisant des blagues. Trop cool, et on a rigolé comme des malades à plusieurs reprises !
Pour finir Wish a entonné cette chanson que j’aime tellement, qui parle d’un jeune homme qui a perdu son amour et s’en va sur un bateau pour ne jamais revenir… Le tonton semblait ému, même s’il rigolait encore face à l’ingénuité de la jeunesse que symbolise ce morceau. C’était extrêmement touchant, d’être leur témoin.
Peu de temps après, on a rejoint la maison pour fumer encore quelques mapachos avant d’aller dormir, et ma mareacion (transe, ou ivresse comme on appelle l’effet de l’ayahuasca) est revenue. Wish avait mis de la musique classique, très délicate, et tandis qu'il me parlait je voyais des fleurs et des plantes croître… Je les voyais sur son visage…
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September 14, 2021
Carnet de Route #17 : Deux Mois Et Huit Jours
Les jours qui viennent de passer n’ont pas été faciles et par la force des choses, j’ai été obligée de m’adapter. Et je me rends compte que c’est exactement ce que je cherche, en fait. Être capable de réagir à l’instinct et de jongler avec des situations nouvelles, dans un environnement sans cesse changeant où j’ai aucun repère, et ainsi réveiller des forces, des capacités que j’avais pas besoin de mettre en œuvre dans la sphère sécurisée où je vivais avant. C’est pas si simple de se transformer au sein de la routine, quand on a pour seule arme un esprit ramolli par des années de jeux à répétition avec des gens qui s’y complaisent et s’y enlisent. Pas étonnant que j’étais en train de péter un câble.
Ici, les choses sont ce qu’elles sont mais y a que moi pour décider de ce que je vais en faire. Et la peur est en train de disparaître. Au final, c’est plutôt jouissif de se laisser aller dans le courant du hasard et de faire des choix en un clin d'œil. C’est un jeu qui se joue rapidement. L’esprit y possède sans doute un petit rôle, mais je pense qu’on a davantage affaire à l’instinct, à l’intuition, et encore une fois au hasard d’un choix pris sur un coup de tête parce que c’est précisément ce que requiert la situation. Une personne passe, tu vas lui causer ou non, et le futur en dépend, sans que tu saches à quoi t’attendre, ce que t’y gagnes ou ce que t’y perds. Une fois les dés lancés, le truc suit sa route et t’as plus qu’à courir derrière sans même avoir le temps de te demander si t’as pris ou non la bonne décision. Tout s’enchaîne, sans cesse t’es confronté à de nouveaux choix à prendre très vite, et quand enfin te voilà, plusieurs jours plus tard, seul et en mesure de t'interroger sur le cours des événements, tu ne peux que constater avec fascination l’imbrication inextricable du destin, et te dire que tout est à sa juste place (alors qu’au fond t’en sais rien, pas vrai ? Mais c’est l’impression que ça donne).
C’est un jeu que j’aime beaucoup. Impossible de savoir si j’y joue bien ou pas, mais je dois pas m’en tirer trop mal puisque j’adore ça. Et désormais, je refuse de juger ce que je suis en train de vivre. Je me contente de jouer avec les cartes qu’on me donne, et au fond c’était sans doute pareil dans l’autre vie. On croit avoir un pouvoir, mais on se contente de réagir tant bien que mal.
On dirait que je commence à apprendre la patience et l’acceptation. Moi ! Franchement, c’est un comble.
J’ai quitté Sucre avec mon linge tout propre et mes boutons et autres piqûres de moustique en train de cicatriser. Après deux nuits dans cet hôtel, j’avais déjà une forte envie de me tirer pour aller voir ailleurs. Je savais précisément où je voulais aller, mais avant ça je devais obligatoirement passer par une autre ville qui me disait rien, mais j’allais devoir faire avec, et plus que je l’imaginais. D’emblée, le chauffeur de taxi m’avait mise en garde : le lendemain, inutile de chercher à prendre un bus, c’était les élections, toute la ville serait enfermée chez elle à je ne sais quoi foutre (regarder la téloche ? Picoler pour le vainqueur ou le vaincu ?). OK, prends ça dans les dents. Rien que d'envisager les deux putains de journées que j’allais me taper là-bas me foutait les boules. Arrivée à Potosi, je me suis dégoté une sorte de cellule monacale de un mètre sur deux, avec du plancher et un vieux matelas mou qui donnait sur une cour à l’allure sinistre. J’ai été faire un tour en ville et je me suis acheté à bouffer, du pain, des bananes, du yaourt à boire, puis je me suis cloitrée, résignée.
J’ai lu en boucle mes guides de voyage, seules merdes que j’avais à lire, et la première journée est passée. Le soir j’ai été dans un resto végétarien et j’ai maté un bout des Monthy Python avec le patron. La deuxième journée a été encore plus hardcore, une véritable épreuve de patience pour les nerfs, mais l’idée de me barrer le jour d’après m’a aidée à tenir. Et le lendemain, enfin, je me suis levée tôt et je me suis tirée. Mais je suis quand même arrivée trop tard au terminal, les bus pour Tupiza partaient encore plus tôt. Je vous dis pas la rage. J’ai failli prendre un bus pour une autre destination qui m’arrangeait pas du tout vu les connexions, de dépit, quoi, mais Dieu soit loué c’était trop tard pour celui-là aussi. Pleine d’amertume, je me suis traînée vers un hôtel juste en face du terminal. L’idée de retourner dans cette putain de cellule de prisonnier me révoltait, mais cet hôtel-là était trop cher, j’avais pas le choix, c’est donc la mort dans l’âme que j’ai hélé un taxi et suis retournée dans mon cloître la queue entre les jambes. La patronne m’a dit que je pouvais récupérer la même piaule, qu’elle avait pas encore été nettoyée (génial…). Retour à la case départ.
Alors fuck off. Pou compenser, je me suis payé un putain de petit dej et deux bouquins, histoire de tenir le coup. Ça n’avait rien de raisonnable au vu de mon budget super ric-rac, mais parfois dans la vie faut savoir se faire plaisir, merde ! En plus j’ai découvert que je savais lire l’espagnol. J’avais fait exprès de prendre deux livres que j’avais déjà lus (L’Alchimiste et un autre de Paulo Coelho) histoire de pas être trop paumée, de pouvoir deviner les mots que je comprenais pas, et en fait j’adore lire dans cette langue ! Et j’ignore comment mais cette saloperie de journée est passée. Le lendemain j’étais tellement flippée que je me suis réveillée super en avance. La porte de la cour était fermée. J’ai dû faire tout un foin pour que la patronne se lève m’ouvrir. J’ai pris un taxi. Il était 6h du mat. J’étais toujours aussi fébrile en attendant le bus qu’avait évidemment une heure de retard, l’enculé, à fumer clope sur clope. C’était mon anif et je voulais à tout prix atteindre Tupiza le jour même, cet endroit qui me faisait rêver depuis les quelques photos que j’avais vues dans mon guide, où la terre est rouge feu et pleine de cactus.
Dans le bus, il faisait une chaleur à crever, et au début j’étais contente car la zic n’était pas trop merdique, mais je sais pas comment une autre musique a été mise par au-dessus, et c’était une abomination tonitruante, cumulé avec la chaleur, j’ai bien failli tuer quelqu’un.
Lors de la pause, j’ai entendu deux nanas parler français, alors je leur ai glissé au milieu des klaxons et des gens qui gueulaient dans la rue : Ils aiment le bruit, ici, pas vrai ? L’une d’entre elle m’a répondu : On est d’accord, c’est pas nous qui hallucinons ! Je pensais pas que ça irait plus loin, mais va savoir pourquoi quand on a débarqué je les ai collées en leur demandant où elles allaient et on a choisi un hôtel ensemble, un hôtel cher (10 euros la nuit, une dinguerie pour moi, puisque c’est mon budget journalier normalement) avec une piscine et un buffet petit dej, mais je leur ai dit que c’était mon anniversaire et que fuck.
On a papoté un peu dans la chambre en prenant nos quartiers. Les filles se sont montrées étonnées que j’aie pas profité de mon séjour à Potosi pour visiter les mines (seule attraction touristique de ce bled de merde, no comment). Elles m’ont raconté ce qu’elles avaient vu : des mecs qui triment leur race jour après jour, se défoncent à l’aguardiente après le boulot, et meurent à 40 ans des suites de toutes les saloperies qu’ils inhalent à la mine, et bien souvent à moitié aveugles à cause de cette fameuse eau-de-vie qu’ils s’envoient pour tenir. J’étais révoltée qu’on puisse envisager de considérer ça comme une “étape à ne pas manquer d’un voyage en Bolivie”, mais elles semblaient penser que leur démarche n’avaient rien de voyeuriste, que c’était au contraire une façon de soutenir ces hommes… Ces hommes qui sont heureux de mourir jeunes parce que leur famille, veuve et enfants, toucheront une pension à vie pour leur sacrifice. Je crois que je préfère ne rien dire à ce sujet.
C’est à la piscine qu’on a croisé l’Allemand. De loin, je l’ai pris pour un sportif prétentiard avec son ventre musclé et ses lunettes de soleil. Il s’est aperçu qu’on causait français et s’est approché pour faire connaissance. Il vit en France, en fait, vraiment pas loin de chez moi, et il a un tel débit de paroles que très vite on a été au courant de toute sa life. Ce mec a débuté son trip au Canada. Il fait tout à vélo. Il a taffé un moment en Floride, à Key West, à réparer des bateaux, histoire de refaire du fric pour poursuivre le voyage jusqu’ici, et il projette d’aller jusqu'en Terre de Feu, à l’extrême sud de l’Argentine. Il était cool alors on s’est mis d’accord pour tous se retrouver le soir au resto. Ça a été une putain de soirée. Pizzas, bières, clip de Michael Jackson à la télé (trop de la chance, je suis fan !), et une putain d’ambiance. Une soirée d’anniversaire dont je me souviendrai toute ma vie !
Et vous savez quoi ? Aujourd’hui, à l’aube d’un nouveau jour, avec cette terre rouge splendide incendiée par le soleil que j’observe depuis la fenêtre, je me dis que tous ces contre-temps n’avaient en réalité pas d’autre but que de me faire arriver ici au moment parfait. C’est ça, que moi j’appelle le destin.
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© Zoë Hababou 2021 - Tous droits réservés
June 23, 2021
Carnet d’ayahuasca #15 : Quinzième Cérémonie
Je pensais à mon livre avec cette intention, et j'espérais que l’ayahuasca allait me montrer comment appliquer pour de vrai la loi de l'attraction dans ma vie, qu'elle m’aiderait à me visualiser ayant déjà atteint mon but, vivant de ma plume, le cœur apaisé. Tu parles. Même si je me dis maintenant qu'elle a quand même répondu à mon intention, à sa manière à elle, et que ce qu’elle m’a montré est un aspect du désir qui s’agite en sourdine dans les tripes de tout artiste avide de gloire, quelque chose qui rampe et gronde à l’intérieur, animé de mouvements animaux, voraces et saccadés… Quelque chose qui n’a rien de joli.
Je me suis à moitié renversé la tasse dessus en buvant, c’est malin, mais je craignais qu’il y ait encore des morceaux dégueulasses dedans, comme pour la cérémonie d’avant. Mais y en avait pas en fait. Rapidement, la transe m’a prise en assaut et je me suis allongée pour partir dans un trip très étrange. Est-ce qu’il s’agissait d'un rêve, ou de visions ? Difficile à dire... Ces visions-là n’avaient rien de commun avec celles auxquelles j’étais habituée. Elles n’étaient ni abstraites, ni en 3D, mais au contraire d’une réalité… monstrueuse.
C'était pourtant comme une sorte de voyage, comme de survoler des mondes par la pensée, se rendre en esprit dans plein de lieux différents pour visiter des communautés humaines de toutes sortes. Je voyais beaucoup de gens provenant vraisemblablement de cultures diverses, des tribus ou des villageois, toujours réunis en petits groupes. Ils me regardaient eux aussi, me faisant souvent face, comme s’ils pouvaient percevoir ma présence spirituelle. Le problème, c'est qu'à chaque fois, dans chaque groupe, il y avait un intrus. Un être qui se démarquait des autres. Une sorte d'avorton avec des proportions étranges, un visage mongoloïde, ou alors à moitié atrophié à certains endroits du corps. Je percevais direct qu'y avait un truc pas net chez lui, et ça me mettait grave mal à l’aise. Mais le pire, c'est quand il se mettait à sourire, toutes dents dehors. Avec une lueur franchement diabolique dans les yeux, et quelque chose de carnassier dans le rictus. Dans toutes les communautés, invariablement, les intrus étaient là, et ils étaient effrayants, et révulsants aussi. Infiniment perturbants. Pourtant, ils semblaient tout à fait légitimes, puisque chaque groupe avait le sien, et que les gens qui les entouraient ne manifestaient aucune peur ou révulsion à leur égard. Je peux pas vraiment dire que j’avais peur, cela dit. Parce que mes visions allaient trop vite pour ça, sans doute. J’arrêtais pas de découvrir de nouveaux villages, de nouvelles tribus, et chaque fois que je réalisais que l’intrus était encore là, et qu’il dévoilait ses dents pour me sourire, hop, ça passait à un autre groupe. Mais je dois quand même avouer que cette transe-là, et cette espèce de rêve visionnaire entièrement nouveau pour moi, m’étaient très inconfortables.
Mais le pire, c’est quand je suis sortie pisser dans la jungle, après être un peu redescendue mais encore mareada, et qu’en fermant les yeux, accroupie près du sol, je me suis vue ramper en m’accrochant aux herbes, grattant la terre, les doigts tordus, les cheveux dans la gueule, à la manière de Samara dans The Ring. Mais avec quelque chose du jaguar aussi, dans ce déplacement félin. Ça a été très bref, mais suffisant pour me plonger dans un trouble sans nom. Qu’est-ce que ça voulait dire, putain ?
En me repositionnant près de Wish sur ma couverture, j’ai vomi tout ça presque immédiatement, avant de repartir pour… autre chose. Toujours incapable de rester assise, je me suis rallongée et la plante m’a immergée dans des sables mouvants, au sein de visions (classiques cette fois-ci) très très organiques, d’un vert terreux, tel un berceau de lianes et de serpents. C'était très fort, et je respirais profondément pour essayer de contrôler l’effet de cette transe totalement physique, que je sentais dans mon ventre comme si ces lianes et ces serpents se trouvaient à l’intérieur de lui. C’était une connexion surprenante, et qui au fond n’était pas si désagréable. J’étais entièrement reliée dans mon corps aux visions qui prenaient place dans ma tête, et j’avais la sensation que tout ça, c’était l’ayahuasca. Que j’avais fusionnée avec la plante, au point de me transformer en végétal à mon tour, avec l’énergie de la jungle exsudant de moi, par ma peau, par mon esprit, et que c’était aussi elle qui faisait battre mon cœur…
Wish a fini par intervenir, en apposant ses mains sur mon estomac et mon plexus, tout en continuant à chanter ses icaros, et ça a complètement modifié ce que j’étais en train de vivre. Allongée, les yeux toujours clos, j’ai vu de l’or sortir de sa bouche, de ses chants, et de ses mains. J’ai vu son énergie se déverser en moi. J’ai réalisé le taff qu’il effectuait en cérémonie, la façon dont il chassait les ombres de mes souterrains, avec ses paroles répétitives et précipitées, puis comment il remplaçait ces ombres par de l’or, comme s’il engendrait une armure de bijoux et la rentrait dans mon corps pour me rendre plus forte et me protéger de l’intérieur.
Je me suis alors mise à comprendre des choses. Ces intrus. Ces freaks au sein des groupes. Cette vision de moi, rampant au sol, mélange de sorcière et de jaguar. Ces lianes et ces serpents qui m’étranglaient avec délice tout en croissant à l’intérieur de moi. Tout ça, c’était l’avidité de l’artiste. Ce mélange d’unicité, cette place à part au sein de l’humanité, de pouvoir sorcier couplé à un désir latent de puissance, enfiévré et maladif, qui le faisait se tordre de désir, l’asservissant parfois jusqu’à le faire ramper au sol, tout en produisant dans ses tripes un plaisir orgiaque et malsain, telle la strangulation censée rendre la jouissance plus profonde… Je me disais que c’était probablement le risque encouru à vouloir réussir comme écrivain. Ce sombre désir de gloire, cette soif amère de reconnaissance… Elle était là, la leçon de cette nuit-là. Et ça n’avait rien d’agréable.
Vers la fin, je suis tombée dans un étrange état de vide, le bide en vrac, à être mal. J’aurais certainement dû me rendre direct aux chiottes pour évacuer par une bonne diarrhée cette triste descente en flammes que l’enseignement de l’ayahuasca avait infligé à mes ambitions artistiques, mais j’étais encore trop mareada pour envisager cette virée. Je sais pas si j'avais vraiment des visions, mais je pouvais pas sortir de la transe. Et même après m’être décidée à franchir le pas, au retour j'étais toujours mal, et surtout vide. Ce vide étrange, sans fond, que je connaissais malheureusement trop bien, et qui a perduré longtemps après la cérémonie.
J’ai quand même trouvé la force de demander à Wish qui étaient ces intrus que j’avais vus. Il m’a répondu qu’il s’agissait de sorciers, et que c’était pour ça que chaque tribu en avait un. Il semblait plutôt satisfait que je les ai rencontrés par moi-même…
Plus tard dans la nuit, toujours dans la maloca, alors qu’on disait plus rien depuis un moment, on a entendu des cris et des hurlements très puissants dans la selva. Un brin alarmée, quand même, j'ai demandé à Wish si c'était des singes qui gueulaient. Il m’a répondu que non (évidemment, j’aurais dû m’en douter, et en réalité je le savais au fond de moi. Je savais ce que c’était). Il m’a dit que c’était les esprits des sorciers. Transformés en loups.
Envie d’assister à la préparation de l’ayahuasca, avec des tas de photos qui te montrent comment ça se passe ? Alors c’est parti pour le Carnet d’ayahuasca #16 !
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June 15, 2021
Carnet de Route #16 : Deux Mois et Quatre Jours
Ça a été la misère pour quitter cette putain de jungle. Et Dieu sait qu’il était temps de se tailler. Y avait plus d’eau à Vegas depuis une semaine, à cause de la pluie torrentielle qu’avait fait péter une canalisation, et les moyens qu’on trouvait pour se laver étaient de plus en plus désespérés.
J’ai d’abord fait comme pas mal des villageois qui ne doivent pas disposer de douche, et je suis partie avec mon maillot de bain et ma serviette à la cascade où un torrent d’eau plus ou moins propre te décape le scalp gratos, en compagnie d’une demi-douzaine de locaux lavant leur gosses et leur linge et se foutant pas mal que l’eau pleine d’Omo aille direct dans la rivière (dans laquelle nous on balançait la merde des singes et la javel, d’ailleurs. Vive la contamination !).
Un soir il flottait tellement fort que j’avais pas la moindre envie de me traîner à la cascade, alors j’ai carrément pris une douche sous la pluie, postée sous une gouttière (ou plutôt un trou du toit) de Vegas. Et le dernier jour, il pleuvait pas mais j’avais la flemme alors j’ai pris un seau qui traînait dans la cours, plein d’eau de pluie, et me le suis vidé sur la tronche. Ouais, j’en étais là. C’était mieux que rien, et même franchement indispensable après le genre de journée que je me tapais, à charrier des seaux de fruits à travers la jungle, nettoyer la merde et me faire pisser dessus à longueur de temps par Danielito, en transpirant toute la journée.
En plus, impossible de faire sa lessive (pas d’eau) et à force c’était hardcore de remettre constamment la même chemise imbibée de pisse et imprégnée de merde, encore humide de la veille et de la pluie de la nuit. Ma peau commençait à présenter des signes de réactions épidermiques bizarres, à me démanger, à boutonner, mais la cause pourrait être n’importe quoi, de toute façon l’environnement entier dans lequel j’étais plongée était une aberration totale à l'hygiène de soi. Des tas de volontaires avaient chopé des parasites intestinaux super coriaces et se gavaient d’antibios, et à vrai dire je m’en tirais pas trop mal avec mes piqûres de moustiques et de sand-flies et mon espèce d’eczéma.
Ça sentait la fin, et j’étais heureuse de repartir. J’ai été dire au revoir aux singes et aux tejones avec une drôle de boule dans la gorge, triste à l’idée que la majorité de ces petits gars allaient poursuivre leur vie dans une cage à cause de la connerie des Hommes…
Certes, au départ, mon projet était de partir vers l’est et de continuer dans la jungle, vers un bled qui me tentait énormément, mais j’ai attendu trois plombes un bus qu’est jamais venu pour aller dans cette direction (plus tard j’ai compris qu’il était bloqué en amont). J’étais en nage, pour changer, plantée comme un navet au bord de cette route, et la pluie recommençait à tomber, alors je me suis dit : Eh merde, j’en ai plein le cul ! et j’ai traversé la route. En moins de deux, j’étais dans un minibus partant pour l’endroit opposé, d'où j’étais arrivée un mois plus tôt et où je voulais à priori pas refoutre les pieds (je déteste revenir sur mes pas, ça me donne le sentiment de ne pas avancer), mais fallait s'adapter et fallait surtout que je me tire. C’est vrai, quand j’ai décidé de me barrer, faut juste que je me barre, je peux pas attendre trois heures qu’un putain de bus daigne ramener ses fesses. En plus tous les gens à qui je demandais m’ont filé des réponses différentes, donc c’était hors de question que je poireaute en attendant un bus hypothétique.
Donc OK, je prends le minibus et arrivée au terminal de Cochabamba illico je décide d’enchaîner direction Sucre. Un premier bus, et ensuite un deuxième, de nuit. On roulait pas depuis une demi-heure qu’on a été forcés de s'arrêter. Et là je me suis rappelée que cette satanée route était tout le temps inondée, effondrée ou je ne sais quoi (j’avais entendu des mecs du refuge raconter qu’ils avaient galéré 5 à 10 heures, sans déconner, le temps que ça se débloque, et arriver en pleine jungle à 4h du mat, sympa comme délire), et je me suis dit : Eh remeeeeeeerde, je vais jamais arriver à quitter cette foutue jungle !
Le premier arrêt a duré une trentaine minutes, et les deux ou trois fois d’après un peu moins, et putain on y est arrivés. Je crois que j’ai eu du bol encore une fois. Débarquée au terminal, je me suis fait agrafer par un mec qui voulait de toutes forces me vendre un billet. Moi je demandais : C’est combien ? et il me répondait pas et était déjà en train d’écrire sur le papelard, et moi je répète : Combien c’est ? (ho, ça va de se faire entuber). Il finit par me dire le prix, alors je me casse. Faudrait voir à arrêter de me prendre pour un con. Deux secondes après, j'ai trouvé une autre compagnie qui vendait des billets bien moins chers. Merde à la fin.
J’avais rien bouffé de la journée, mais dans mon larfeuille j’avais qu’un billet de cinquante et une pièce de un, et je savais d’expérience qu’il était inutile de tenter d’acheter un petit truc avec le bifton parce qu’ils ont jamais de monnaie dans ce pays, et d’un autre côté je crevais d'envie de pisser et ça coûtait précisément un sol. Dilemme. J’ai acheté un petit pain avec cette pièce mais en fait j’avais toujours autant envie de pisser, et dix heures de transports, ça allait être rude, jamais je tiendrais toute la nuit. J’allais pas pouvoir dormir. Dehors y avait des gens partout, impossible de s’isoler derrière un bus ou quoi. Alors j’ai accosté un vieux et je lui ai dit : C’est stupide mais tu sais pas où je pourrais trouver un coin pour pisser ? J’ai plus de pièces et à l’intérieur ils veulent absolument pas que je paie avec mon billet.
Il m’a regardée avec un air mi-consterné mi-compréhensif (je sais c’est dur de se représenter mais c’est bien ça) et il m’a filé une pièce. Cool. Je l’ai balancée à la dame pipi qui m’avait jetée deux minutes plus tôt et au vu des litres que j’ai évacués c’était pas du luxe. Je suis ressortie de là, j’ai fumé deux clopes à la chaîne histoire de tenir les dix heures du trajet, et j’ai grimpé dans le bus, heureuse et soulagée avec ma vessie vide, ma nicotine dans le sang et mon bout de pain dans l’estomac.
La route était super cahoteuse et c’était franchement dur de pioncer. Je me retournais d’un côté et de l’autre. A un moment j’ai eu conscience que le bus était arrêté et je me suis vaguement demandé si c’était normal ou si c’était encore un blocage mais en fait c’était mieux pour tenter de dormir alors je suis repartie en somnolence, mais quand j’ai rouvert les yeux le bus était toujours à l’arrêt. J’ai regardé ma montre, il était 6h du mat, heure à laquelle on était censés arriver. Quoique ça m’arrangeait, ça me faisait chier d’arriver trop tôt dans une ville endormie avec ma gueule de gringa. Quand je me suis à nouveau réveillée, il était 8h. Toujours pas bougé. Ils nous ont fait descendre le temps que le bus et les autres qui étaient devant empruntent un détour moins boueux, et on est remontés. Enfin.
C’est ma deuxième nuit dans cette ville, qui est très mignonne, dans un hôtel à mille lieux de Vegas. Tout est sec, propre et douillet. Même mon vieux linge ramené de la jungle, encore plein de pisse et de merde, que j’ai fourgué à la laverie du coin (j’ai eu peur que la meuf refuse mon sac. Avant de l’amener, je me suis rendue compte qu’il était était gavé de fourmis) sent maintenant si bon que j’arrive pas à le croire.
Merde, que demander de plus ? Et je regarde en arrière, ce mois de dingue que je viens de vivre en Amazonie en pleine saison des pluies, à m’occuper d’animaux sauvages comme dans mes rêves de gosse, et tout ce qui m’est arrivé depuis seulement deux mois que je suis partie, et je me demande pourquoi j’ai tant de chance, est-ce qu’il y a quelqu’un là-haut, une force quelconque qui se démène pour que ma vie coïncide enfin avec ce que j’ai toujours voulu qu’elle soit ? Cette liberté, cette indépendance à faire pâlir d’envie tous les jeunes de cette foutue planète, cette audace folle avec laquelle je tiens les rênes de mon destin, je peux les sentir dans mon corps et dans mon esprit, comme une puissance qui n’appartient qu’à moi, dont je peux disposer selon tous mes caprices…
Et pourtant, il y a quelque chose, en sourdine, qui ne cesse de me rappeler que tout ce que je fais, tout ce que je pense, n’est en réalité que la transformation en acte et en pensée d’un chemin tracé pour moi, qui me préexiste, auquel je me livre tout entière parce que je sais que je suis au bon endroit, au bon moment.
Poursuis le trip avec le Carnet de Route #17 !
Retrouver le Carnet de Route #1.
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